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Décisions

CA Amiens, 1re ch. sect. 2, 16 novembre 2010, n° 08-05546

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Assistance internationale scolaire (SAS), Acadomia Groupe (SA)

Défendeur :

Orcea (SARL), Jédéon (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Lageneste

Conseillers :

Mmes Lorphelin, Dubaele

Avoués :

SCP Le Roy, SCP Lemal-Guyot

Avocats :

Me Jarnouen de Villartay, CMS Bureau Francis Lefebvre

TGI Amiens, du 19 nov. 2008

19 novembre 2008

Décision :

Exorde

En ce qui concerne l'exposé des faits, la procédure antérieure et les prétentions des parties, la cour se référera à l'analyse du premier juge qui sera tenue pour ici reproduite.

L'AIS devenue Acadomia est une agence spécialisée dans le soutien scolaire, mettant en relation des professeurs et des parents d'élèves. Ayant développé un "concept" pour ce type d'activité, elle procède à des franchisages avec des sociétés exerçant le même objet sur le territoire national. C'est ainsi que le 10 décembre 1999 elle a franchisé la société Orcad, constituée à cet effet pour exercer cette activité sur l'aire urbaine d'Amiens. Cette société était constituée et dirigée par M. Rochelle.

Le 24 juin 2003 elle mettait fin à cette franchise, la rupture des relations des parties ne devenant effective que le 4 mars 2005 à raison de l'instance judiciaire à laquelle cette rupture avait donné lieu. La société Orcad était soumise à une clause de non-concurrence lui interdisant de poursuivre la même activité sur le même territoire pendant une durée d'un an après la cessation de la franchise. Cette clause de non-concurrence prenait donc fin le 4 mars 2006.

Le 2 mars 2004 les époux Rochelle constituaient une SARL Orcea ayant pour objet l'audit, le conseil, la formation professionnelle et des cours collectifs de soutien scolaire. Cette société était dirigée par Mme Rochelle.

En mars 2005 la société Orcad cédait ses actifs à une SARL Jédéon, créée dans le même temps par M. Laporte, société ayant pour objet la formation professionnelle et le soutien scolaire à domicile.

Par acte du 21 août 2006, la SA AIS et la SA Acadomia assignaient les deux sociétés Orcea et Jédéon en contrefaçon de la marque "Acadomia", concurrence déloyale et parasitisme et demandaient la condamnation des deux sociétés à des dommages-intérêts (100 000 euro "sauf à parfaire") et la cessation sous astreinte de leur activité.

Déboutées par le premier juge elles réitèrent leurs demandes devant la cour, les sociétés défenderesses concluant à confirmation.

Contrefaçon

1) La société demanderesse invoque que la SARL Orcea aurait utilisé la marque Acadomia dans une publicité réalisée en mai 2004 dans le "Courrier Picard".

La cour observe qu'à l'époque les parties étaient toujours dans les liens de leur franchise, cette dernière ayant été prorogée judiciairement jusqu'au 4 mars 2005. Aussi cette utilisation, au demeurant involontaire comme il a été relevé par le premier juge, étant autorisée par le contrat de franchise, elle ne saurait être constitutive d'une contrefaçon.

2) La SA Acadomia invoque que la société Jédéon détenait un logiciel de son invention ainsi qu'elle l'a fait constater le 16 août 2006 dans les locaux de cette société.

Comme l'a observé le premier juge, la cour relève que ce logiciel lui avait été régulièrement remis dans le cadre de leur franchise et qu'il était demeuré dans l'ordinateur de la société Jédéon, ce qui n'établit nullement qu'il était utilisé par la société détentrice, d'autant plus qu'il résulte des pièces versées aux débats que ce logiciel était incomplet et qu'il ne fonctionnait pas.

3) La SA Acadomia invoque que les sociétés défenderesses utilisent "un cahier de suivi", "des coupons", "une enseigne", "un savoir-faire" et le "réseau" Acadomia.

Pareillement la cour observe que la présence de ce matériel Acadomia (cahier de suivi, coupons, et autres "documents pédagogiques") retrouvé dans les locaux des sociétés défenderesses à l'occasion d'une visite domiciliaire effectuée par un huissier mandaté par elle le 12 octobre 2005, reste de leur collaboration dans le cadre de leur franchise, n'implique pas qu'il ait été utilisé par ces sociétés dans leurs relations avec leurs clients. De la sorte on ne saurait davantage considérer que leur seule détention constitue une contrefaçon.

La SA Acadomia n'évoque pas en quoi l'enseigne "Centre pédagogique" utilisée par ces deux sociétés serait sa propriété intellectuelle. L'utilisation de cette enseigne ne saurait donc constituer une contrefaçon.

Par ailleurs, l'expérience acquise par M. Rochelle à l'occasion de sa brève collaboration avec Acadomia, si elle est de nature à avoir enrichi son savoir-faire, ne saurait pour autant être considérée comme la propriété d'Acadomia pouvant être revendiquée au titre d'une "contrefaçon".

Quant au "réseau", la SA Acadomia n'invoque aucun exemple, tant en ce qui concerne les professeurs que les parents d'élèves, d'un détournement manifeste de "fournisseurs" ou de "clientèle" susceptible d'être reprochable aux sociétés défenderesses.

Concurrence déloyale et/ou parasitisme

La cour observe également que les griefs invoqués à ce titre ne peuvent être retenus que pour la période courant après le 4 mars 2005, les parties étant jusque-là retenues dans leur contrat de franchise. Ainsi des griefs de concurrence déloyale "remontant à 2002", comme invoqué, ne sauraient être pris en considération.

1) La société demanderesse invoque une identité d'activité et de clientèle.

La cour observe, que ce grief n'est pas fondé en ce qui concerne la SARL Orcea, cette société exerçant un soutien scolaire sous forme de cours collectifs, alors qu'Acadomia l'exerce sous forme de cours à domicile, activité différente, donc non visée par la clause de non-concurrence qui n'interdit qu'une "activité commerciale similaire", comme l'a relevé le premier juge.

Pour ce qui est de la société Jédéon, créée en mars 2005 par M. Laporte pour effectuer du soutien scolaire à domicile, concurremment avec de la formation professionnelle, il est affirmé par la SA Acadomia qu'il n'était qu'un "prête-nom" de M. Rochelle pendant la période couverte par la clause de non-concurrence, soit entre le 4 mars 2005 et le 4 mars 2006. A l'appui de son affirmation, la SA Acadomia invoque que "dès la fin de la période de non-concurrence" (p. 10) M. Laporte a cédé la place à M. Rochelle.

La cour observe, à l'instar du premier juge, que la constitution de cette société s'est effectuée par la transmission régulière des actifs cessibles (c'est-à-dire non couverts par une quelconque propriété intellectuelle du franchiseur), actifs constituant la propriété exclusive de l'ancienne société Orcad, tels que le bail commercial, l'adresse, la raison sociale ou l'enseigne "Centre pédagogique".

Ainsi la preuve d'une constitution frauduleuse visant à contourner la clause de non-concurrence n'est pas rapportée.

Pour la période ultérieure au 4 mars 2006, la cour observe que la SA Acadomia n'a aucun droit à prétendre au monopole du soutien scolaire sur la ville d'Amiens. Ainsi les activités des sociétés défenderesses après cette date ne sauraient être tenues pour illicites.

2) La SA Acadomia invoque que les sociétés défenderesses entretiennent la confusion par des dénominations très proches, et une adresse susceptibles de créer la confusion avec sa propre activité, ce qui constituerait une concurrence déloyale.

La cour ne voit pas en quoi les appellations Orcea et Jédéon pourraient prêter confusion avec l'appellation Acadomia, ou avec Orcad, la société franchisée, pas davantage que l'enseigne "Centre pédagogique", assez banale et pouvant convenir à toute activité de soutien scolaire. Le fait même que cette appellation était utilisée par la société Orcad franchisée, n'est pas davantage de nature à créer un doute, faute de la démonstration par les sociétés demanderesses d'une quelconque notoriété, même locale, attachée à cette enseigne.

De même, ni la présence des nouvelles sociétés dans les locaux précédemment utilisés par la société franchisée Orcad, ni l'utilisation du même numéro de téléphone, ne sont davantage susceptibles de créer une confusion quelconque avec les attributs publicitaires de la SA Acadomia.

Divers ; demandes accessoires

Pour le surplus des demandes et des moyens des parties, ceux-ci ayant été justement exposés et pertinemment appréciés par le premier juge, la cour adoptera ses motifs et les conséquences qu'il en a déduites dans son dispositif, sauf à en tenir pour retranchés ceux qui seraient contraires aux motifs ou dispositif du présent arrêt.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés intimées les frais irrépétibles dont elles se réclament à hauteur de 10 000 euro.

Succombant en sa demande principale la SA Acadomia ne sera pas reçue en ses demandes accessoires concernant les dommages-intérêts, les frais irrépétibles ou les dépens et sera condamnée aux dépens.

Par ces motifs, Statuant par décision contradictoire, Confirme dans toutes ses dispositions appelées le jugement entrepris ; Y ajoutant, au titre de la procédure d'appel : Condamne la SA Acadomia à payer aux SARL Orcea et Jédéon ensemble, la somme de dix mille euros (10 000 euro) au titre des frais irrépétibles. Déboute la SA Acadomia de ses demandes accessoires, la condamne aux dépens de la procédure d'appel et donne aux avoués des autres parties en cause le droit de recouvrer ceux dont ils auraient fait l'avance sans en avoir reçu provision.