CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 décembre 2010, n° 08-08663
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
World Animation (SARL)
Défendeur :
Disfel (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Le Fèvre
Conseillers :
MM. Roche, Vert
Avoués :
Me Huyghe, SCP Duboscq-Pellerin
Avocats :
Mes Weisz, Cabeli
LA COUR,
Vu le jugement du 18 mars 2008 du Tribunal de commerce de Créteil qui, dans un litige entre la SAS Disfel ayant pour activité la distribution de produits alimentaires, et la SARL World Animation avec laquelle elle avait conclu un contrat d'agence commerciale ainsi que pour des prestations d'animation, a condamné la société Disfel à payer à la société World Animation la somme de 13 651,21 euro avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2006, date de la mise en demeure, et débouté les parties de leurs autres demandes, notamment World Animation de ses demandes de commission d'agent commercial et d'indemnité de rupture, et Disfel de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale;
Vu l'appel de la société World Animation et ses conclusions du 7 septembre 2010 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Disfel de sa demande reconventionnelle ; dire le contrat d'agence commerciale signé le 1er avril 2005 résilié aux torts et griefs de la société Disfel ; condamner cette dernière à lui payer les sommes de 58 140,05 euro avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2006 au titre de commissions, 140 000 euro d'indemnité de rupture et 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu la mise en cause devant la cour, d'une SARL Sap Conseil par assignation en intervention forcée à la demande de la société Disfel et les conclusions de cette dernière en date du 21 septembre 2010 par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles, débouter la société World Animation de l'ensemble de ses demandes ; la condamner à lui payer 40 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive ; 8 400 euro de dommages et intérêts pour " préjudice subi " ; lui faire injonction de justifier de ses prestations de service d'avril à juin 2006, à défaut la condamner à lui rembourser la somme de 8 293,59 euro ; condamner solidairement les sociétés Sap Conseil et World Animation à lui payer 10 000 euro de dommages et intérêts pour " comportement dilatoire " sur le fondement de l'article 123 du Code de procédure civile, 140 000 euro de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et 9 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions du 7 septembre 2010 de la société Sap Conseil qui demande à la cour de déclarer l'assignation forcée irrecevable, sur le fondement de l'article 555 du Code de procédure civile ; débouter la société Disfel de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale; la condamner à lui payer 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant sur l'application de l'article 123 du Code de procédure civile que la société Sap Conseil a opposé la fin de non-recevoir tirée de l'article 555 du Code de procédure civile le 7 septembre 2010 ; que l'ordonnance de clôture ayant été ajournée au 12 octobre 2010, la société Disfel a eu le temps d'y répondre, ce qu'elle a fait par les conclusions précitées du 21 septembre 2010 ; qu'elle n'a subi aucun préjudice ; que la demande de dommages et intérêts de ce chef n'est pas fondée;
Considérant sur la recevabilité de la mise en cause, pour la première fois en appel de la société Sap Conseil que pour combattre la fin de non-recevoir qui lui est opposée, la société Disfel déclare que " le caractère contradictoire de l'attestation de M. Barolo, produite devront les premiers juges par la société World Animation, et des statuts de la société Sap Conseil " justifie cette mise en cause ; que M. Barolo serait coassocié avec M. Pointier, lui-même gérant et associé de World Animation, de la société Sap Conseil " dont l'objet était l'activité d'agent commercial, de commerce et la distribution ";
Mais considérant que Sap Conseil fait valoir que Disfel connaissait M. Barolo depuis octobre 2005 lors de la procédure de première instance et évoquait la société Sap Conseil dans ses écritures de première instance ; que dans le jugement entrepris, le tribunal, rappelant les demandes et moyens des parties, mentionne que (selon la société Disfel) " la société World Animation s'est rendue coupable de concurrence déloyale en permettant à M. Barolo, qu'elle savait associé-gérant d'une société concurrente de détourner la clientèle amenée à la société Disfel "; que ladite société concurrente était Sap Conseil ; que Disfel avait tous les éléments pour mettre en cause Sap Conseil en première instance ; qu'aucune évolution du litige ne justifie qu'elle l'a fait pour la première fois en appel ; que l'assignation de la société Sap Conseil en intervention forcée devant la cour est irrecevable;
Considérant sur la demande de paiement de commissions que la société World Animation se réfère à un état d'impayé sur ses livres comptables et un état mensuel des clients du 1er mai 2005 au 31 mai 2006 ; qu'elle calcule son prétendu droit de commission en se référant à la clause d'exclusivité et à la règle jurisprudentielle selon laquelle l'exclusivité implique que les commissions sont dues à l'agent commercial sur toutes les opérations conclues dans son secteur, qu'elles aient été ou non réalisées grâce à son intervention;
Mais considérant que cette règle n'est pas d'ordre public ; que les parties peuvent y déroger; que les dispositions spéciales priment sur les dispositions générales, y compris en matière contractuelle ; que Disfel invoque les articles 1156, 1161 et 1162, du Code civil; que l'article 7 du contrat stipule clairement que la commission est perçue sur le chiffre d'affaires "apporté" ou, selon l'avenant, "amené" - terme équivalent quoiqu'inexact - par l'agent ; que ceci est en cohérence avec la mission de l'agent qui était de prospecter dans les grandes surfaces de l'Ile-de-France et du Nord de la France et de développer de nouveaux clients ; que le mandant se réservait sa propre clientèle ; que les droits de l'agent ne concernaient donc ni la clientèle réservée ni la clientèle existante ; que la clause d'exclusivité conservait un sens dans la mesure où elle interdisait l'emploi d'un autre agent commercial que la société World Animation dans le secteur attribué à celle-ci;
Considérant qu'il s'ensuit que c'est de manière erronée que l'appelante calcule sa prétendue créance sur le "total des ventes réalisées" dans son secteur ; qu'elle ne fait pas de demandes subsidiaires en considération de l'application de l'article 7 du contrat ; que Disfel analyse très précisément en considération de cette application les factures et les paiements effectués et en déduit qu'aucune somme ne reste due au titre des commissions; que l'appelante ne conteste pas de manière précise et circonstanciée dans le cadre contractuel ci-dessus défini les calculs de l'intimée ; qu'elle ne fait aucune preuve de sa prétendue créance au titre des commissions ;
Considérant sur la rémunération au titre de prestations d'animation que, contrairement à ce que prétend l'intimée, ces prestations étaient les mêmes quel que soit le client, apporté par l'agent commercial, préexistant, ou client réservé ; que le tribunal a justement prononcé une condamnation de ce chef; que l'intimée invoque toutefois une erreur de calcul qui n'est pas contestée, le montant de la condamnation devant être ramené à 12 472,17 euro en principal;
Considérant sur l'imputabilité de la rupture du contrat que le retard de paiement de la somme précitée ne justifiait pas qu'il soit mis fin à la relation contractuelle ; que la société World Animation n'établit pas qu'il y ait eu emploi d'un autre agent commercial sur son secteur et donc violation de la clause d'exclusivité ou commission d'une autre faute par la société Disfel ; que cette dernière fait valoir que le chiffre d'affaires généré par les clients apportés par World Animation est passé de 49 540,28 euro en avril 2006 à 22 304 59 euro en mai à 12 880,69 euro en juin pour disparaître totalement à partir de juillet 2006; qu'il n'apparaît pas qu'il y ait eu de nouveaux clients apportés à compter de cette date;
Considérant que c'est donc World Animation qui, en s'abstenant de toute prestation à compter de juillet 2006, a pris l'initiative de mettre fin au contrat, sans qu'il y ait un motif susceptible de lui conserver un droit à indemnité de rupture ; qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef;
Considérant sur la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale de la société Disfel que celle-ci déclare que la clientèle (apportée par World Animation) a été " récupérée " par la société Sap Conseil créé par M. Pointier, associé et dirigeant de World Animation, et une autre personne, M. Barolo, et invoque les articles 8 et 11 du contrat ; mais que la clause de non-concurrence stipulée à l'article 8 n'est applicable que pendant la durée du contrat ; que l'article 11 n'a pour objet qu'un préavis, de deux mois pour la deuxième année d'exécution du contrat ; que ces clauses, notamment celle de non-concurrence, ne concernent que la société World Animation; que le contrat ne contient aucune notion d'interdiction indirecte de concurrence par une autre société créée totalement ou partiellement par les associés de World Animation, qu'en outre la société Disfel n'établit ni que des faits de concurrence de la part de World Animation aient eu lieu pendant la durée d'exécution du contrat ou au cours du préavis qui aurait dû être accordé, soit les deux mois, juillet et août 2006, ayant suivi sa cessation de fait, ou qu'il y ait eu au cours de ces périodes ou ultérieurement, des manœuvres déloyales de la part de World Animation pour que Sap Conseil puisse se livrer à une captation de clientèle; qu'au surplus la société Disfel ne fait aucune démonstration de son préjudice ; qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant sur les autres demandes que les frais engagés pendant la durée du contrat pour l'exécution de celui-ci ne sauraient être remboursés, même pour la période au cours de laquelle le chiffre d'affaires réalisé a diminué ; qu'en réglant des factures au titre des prestations d'animation d'avril, mai et juin 2006, la société Disfel a reconnu implicitement la réalité de celles-ci ; qu'il n'y a lieu à aucun remboursement ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la procédure soit abusive ni qu'elle ait causé à la société Disfel un préjudice distinct de l'engagement de frais irrépétibles ; qu'il est équitable de lui accorder 3 000 euro à ce dernier titre pour la procédure d'appel ; de laisser aux autres parties, y compris la société Sap Conseil, la charge des frais irrépétibles qu'elles ont engagés ; que la cour se réfère pour le surplus aux motifs non contraires du tribunal;
Par ces motifs, Dit irrecevable la mise en cause de la société Sap Conseil. Confirme le jugement entrepris. Ramène toutefois à 12 472,17 euro le montant de la condamnation en principal. Condamne la SARL World Animation à payer à la SAS Disfel la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Met à la charge de l'appelante les dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.