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Décisions

CCE, 26 avril 2006, n° 2010-768

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Concernant le régime d'aide d'État C 39/03 (ex NN 119/02) que la Grèce a mis à exécution en faveur des transporteurs aériens suite aux préjudices subis du 11 au 14 septembre 2001

CCE n° 2010-768

26 avril 2006

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dits articles (1), considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Dans le cadre de l'application de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, le ministère grec des transports a, par lettre du 24 septembre 2002, enregistrée le 26 septembre 2002 sous le numéro TREN (2002) A/66844, notifié à la Commission un régime de compensation des pertes subies par les transporteurs aériens suite aux attentats du 11 septembre 2001.

(2) Ayant été mis en œuvre avant son approbation formelle par la Commission, ce régime a été enregistré comme aide non notifiée sous le numéro NN 119/2002. Ce point a fait l'objet d'un accusé de réception envoyé par les services de la Commission le 28 octobre 2002 (TREN (2002) D/17401).

(3) Par lettre du 27 mai 2003, la Commission a informé la Grèce de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre de cette aide.

(4) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.

(5) La Commission n'a pas reçu d'observations à ce sujet de la part des intéressés.

(6) La Commission a reçu des premiers commentaires de la Grèce sur l'ouverture de la procédure par une lettre datée du 3 décembre 2003 et enregistrée le 10 décembre sous le numéro SG (2003) A/12211.

(7) L'envoi d'autres informations y était annoncé par la Grèce. Ces dernières n'ayant pas été communiquées, les services de la Commission ont donné, par un courrier du 15 mars 2004 (TREN D (2004) 4128), une ultime possibilité aux autorités grecques de les fournir sous un délai de quinze jours; il leur était signalé qu'à défaut la Commission prendrait sa décision sur la base des informations en sa possession. Aucune suite n'a été donnée par les autorités grecques à ce courrier.

2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE NOTIFIÉE

Contexte

(8) Du fait des attaques terroristes perpétrées aux États-Unis le 11 septembre 2001, certaines parties de l'espace aérien ont été fermées pendant plusieurs jours. Ceci a été particulièrement le cas de l'espace aérien des États-Unis, totalement interdit du 11 au 14 septembre 2001, et qui n'a été rouvert progressivement à la navigation qu'à compter du 15 septembre 2001. D'autres pays ont été amenés à prendre des mesures similaires sur tout ou partie de leur territoire.

(9) De ce fait et durant cette période initiale, les compagnies aériennes ont dû annuler les vols utilisant l'espace aérien concerné. De la même façon, elles ont subi des pertes du fait des perturbations enregistrées par le reste du trafic ou de l'impossibilité de réaliser l'acheminement complet de certains passagers.

(10) Du fait de l'ampleur et de la soudaineté de ces événements et des coûts qu'ils ont engendrés pour les compagnies aériennes, les États membres ont été amenés à envisager des dispositifs exceptionnels de compensation.

Régime mis en œuvre par la Grèce

(11) Le régime, objet de la présente décision, prévoit une indemnisation des pertes subies par les compagnies aériennes pour la période du 11 au 15 septembre 2001; de fait le régime notifié prévoit également une compensation au titre de coûts survenus au-delà de cette période.

(12) Les autorités grecques considèrent, à l'appui du régime notifié, que la fermeture de l'espace aérien des États-Unis a eu des conséquences directes sur les compagnies aériennes au-delà du 14 septembre 2001, puisqu'un vol d'Olympic Airways à destination de New York le 16 septembre aurait été annulé préventivement en l'absence d'information disponible quant à la possibilité d'y atterrir. De même des coûts ont été indemnisés pour la journée du 15 septembre 2001.

(13) Les compagnies aériennes éligibles sont les transporteurs aériens détenant une licence d'exploitation de transporteur aérien délivrée par les autorités grecques au titre du règlement (CEE) n° 2407-92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant les licences des transporteurs aériens (3).

(14) Les autorités grecques ont précisé avoir consulté l'ensemble des compagnies aériennes éligibles; seules trois compagnies ont déposé une demande de compensation après que toutes les compagnies aériennes grecques y aient été invitées par des lettres du 24 octobre et du 5 décembre 2001 des autorités locales. L'une d'entre elles, Axon Airlines, a cessé ses activités le 3 décembre 2001, soit avant que les paiements ne soient effectués, en juillet 2002; la Grèce a donc décidé de ne pas verser de compensation en faveur de cette compagnie puisque son objectif était de permettre aux compagnies de poursuivre leur activité sans que les coûts subis suite aux attentats ne les affectent exagérément. Les autres compagnies, auxquelles des paiements ont effectivement été faits, sont Olympic Airways, ci-après dénommée OA, et Aegean Cronus, ci-après dénommée AC.

(15) Dans la notification, les autorités grecques ont indiqué que les sommes payées à ces compagnies se sont élevées respectivement à 4 827 586 euro pour OA et à 140 572 euro pour AC, soit une somme totale notifiée le 24 septembre 2002 de 4 968 158 euro. Ces sommes ont été prélevées, conformément à la loi grecque adoptée en la matière, sur les fonds "TASS" et "TAEA" destinés au développement et à la modernisation aéroportuaire.

(16) Les autorités grecques ont indiqué que les compagnies avaient reçu une copie de la lettre de la Commission du 14 novembre 2001 et que ceci constituait la base pour les demandes d'indemnisation.

(17) La Grèce a défini comme indemnisables les pertes subies par les transporteurs aériens et directement liées aux événements; elles comprennent les pertes de recettes de passagers, les pertes de recettes du transport du fret, les pertes dues à la destruction des expéditions de produits n'ayant pas atteint leur destination, les coûts occasionnés par les détournements et le temps passé sur un autre aéroport par des appareils à cause de la fermeture de l'espace aérien, les coûts d'hébergement des passagers ou des équipages.

(18) Dans la notification, les pertes indemnisables n'étaient pas limitées aux itinéraires directement touchés par la décision prise à la suite des événements par certains États de clôturer une partie de l'espace aérien; elles portaient de fait sur le réseau entier des opérateurs, et la compensation a été versée pour les pertes totales subies sur l'ensemble de leur réseau.

(19) La Grèce a communiqué à la Commission des informations plus ou moins détaillées par bénéficiaire.

S'agissant d'Olympic Airways

(20) La Grèce a indiqué à la Commission dans la notification que la compensation totale était inférieure aux 4/365 e du chiffre d'affaires de l'entreprise. Elle a concerné non seulement les vols vers les États-Unis, le Canada et Israël, mais l'ensemble du réseau de la compagnie.

(21) La répartition des coûts indemnisés, soit 1 645 000 000 GRD (4 827 586 euro) a été la suivante:

1. Recettes non perçues liées aux pertes de passagers

Elles s'élèvent à une somme arrondie à 1 390 000 000 GRD (soit 4 079 237 euro) dont approximativement 1 234 500 000 GRD (3 622 894 euro) concernent la période du 11 au 15 septembre 2001; elles correspondent à hauteur d'approximativement 821 000 000 GRD (2 409 393 euro) à des pertes subies dans l'espace aérien nord atlantique. Le solde, soit approximativement 413 000 000 GRD (1 212 203 euro), correspond aux pertes subies sur le reste du réseau de la compagnie, soit essentiellement le réseau domestique et européen, mais aussi le Moyen-Orient, l'Afrique, l'Australie et l'Asie.

Par ailleurs, une somme d'environ 150 000 000 GRD (440 206 euro) correspond à des pertes subies le 16 septembre 2001 sur le réseau nord atlantique.

Il a été précisé que le montant de la compensation a été calculé en comparant le trafic enregistré par la compagnie au cours de la période spécifiée avec celui enregistré par la même compagnie au cours des jours correspondants de la semaine précédente, corrigé par l'évolution constatée au cours de la période correspondante de l'année 2000. La perte a été calculée sur la base du prix moyen pour cette période pour chaque catégorie de destination.

2. Autres recettes perdues et coûts subis

Il s'agit essentiellement:

a) de pertes de recettes de fret: 95 000 000 GRD soit 278 797 euro,

b) de coûts liés à la destruction de produits: 6 000 000 GRD soit 17 608 euro,

c) de divers coûts liés à des contrôles de sûreté complémentaires: au total 19 000 000 GRD soit 55 759 euro,

d) de coûts liés à l'annulation de vols en cours, au détournement et au maintien au sol à l'étranger d'appareils: 17 384 737 GRD soit 51 019 euro,

e) des coûts extraordinaires des vols de convoyage ou "ferry flights (4)": 163 000 000 GRD soit 478 357 euro,

f) des coûts d'hébergement ou d'heures supplémentaires: 50 000 000 GRD soit 146 735 euro.

3. Déductions effectuées

Elles concernent du carburant économisé à hauteur de 95 000 000 GRD soit 278 797 euro.

S'agissant d'Aegean Cronus

(22) La Grèce a indiqué à la Commission que la compensation totale avait été établie sur des bases comparables mais était nettement inférieure, la compagnie n'ayant pas de vols transatlantiques. Elle s'élève à 47 900 000 GRD soit 140 572 euro.

(23) La Commission a décidé d'ouvrir la procédure formelle d'examen du fait de ses doutes quant à la conformité d'un tel régime d'aides avec le traité, eu égard non seulement au dépassement de la période prévue au point 35 de la communication du 10 octobre 2001 de la Commission au Parlement européen et au Conseil "Conséquences pour l'industrie du transport aérien après les attentats aux États-Unis" (5) (ci-après: "la communication du 10 octobre 2001") mais également et surtout à l'absence d'événement extraordinaire et au changement de nature des pertes indemnisables au-delà du 14 septembre 2001.

3. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(24) Aucun tiers intéressé n'a fait parvenir d'observations à la Commission dans le délai d'un mois.

4. COMMENTAIRES DE LA GRÈCE

(25) Les autorités grecques n'avaient fait parvenir aucun commentaire complémentaire à la Commission dans le délai d'un mois prévu dans la communication concernant l'ouverture de la procédure. Leur courrier du 23 juillet 2003, enregistré le 28 juillet par la Commission sous le numéro TREN (2003) A/26329, comportait une réponse à la décision du 27 mai 2003 mais son contenu ne portait que sur les suppressions de données confidentielles pour la publication. Cependant, à la suite de la préparation par la Commission d'un premier projet de décision, la Grèce a finalement fait parvenir un commentaire le 3 décembre 2003. Une autre contribution était annoncée dans ce même courrier mais, malgré une nouvelle invitation à compléter leurs commentaires, envoyée par les services de la Commission à la Grèce le 15 mars 2004, celle-ci n'a jamais fourni le complément annoncé.

(26) Dans leur lettre du 3 décembre 2003, les autorités grecques ont détaillé, et ce d'une manière différente par rapport à la notification, une partie des montants notifiés pour OA; elles ont entre autres précisé ceux qui concernent la période du 11 au 14 septembre 2001 inclus et ceux qui concernent la période postérieure au 14 septembre. Elles n'ont rien précisé quant au montant notifié pour AC.

1. Dommages subis par OA pour la période du 11 au 14 septembre 2001 inclus

(27) La Grèce a précisé que des pertes ont été subies par OA du 11 au 14 septembre 2001 du fait de la fermeture des espaces aériens des États-Unis, du Canada et d'Israël. À ce titre, 6 vols transatlantiques et un vol vers Israël, tous aller-retour, ont été annulés; sur la base des passagers confirmés sur ces vols et du revenu moyen par passager, la Grèce déclare qu'un dommage de 654 650 000 GRD, soit environ 1 921 203 euro, a été subi par OA et a été jugé éligible à la compensation.

(28) Par ailleurs, les autorités grecques font état de deux autres coûts subis par OA durant cette période. Le premier concerne le stationnement prolongé d'un avion au Canada durant toute la période considérée; ces coûts s'élèvent à 12 967 457 GRD soit environ 38 056 euro. Le second concerne le retour d'un vol au départ d'Athènes et à destination des États-Unis le 11 septembre et qui a généré des coûts additionnels de 1 165 600 GRD soit 3 421 euro.

(29) Au total, les coûts présentés par la Grèce pour OA et concernant cette période du 11 au 14 septembre 2001 s'élèvent donc à 668 783 057 GRD, soit environ 1 962 680 euro.

2. Dommages subis par OA après le 14 septembre 2001

(30) La Grèce fait état de coûts subis par OA après le 14 septembre 2001 pour 3 vols transatlantiques aller- retour les 15 et 16 septembre, un vers les États-Unis et deux vers le Canada. Sur la base des passagers confirmés sur ces vols et du revenu moyen par passager, la Grèce déclare qu'un dommage de 333 000 000 GRD a été subi par OA et est éligible à la compensation. La Grèce déclare une contre-valeur de 1 270 726 euro pour ce montant; il faut cependant noter qu'il s'agit sans doute d'une erreur de calcul puisque l'application du taux d'entrée de la drachme dans la zone Euro, soit 1 euro = 340,75 GRD, donne en fait un montant d'environ 977 257 euro.

(31) Le vol vers New York le 15 septembre 2001 aurait été annulé du fait d'un manque de créneau; même si l'aéroport JFK de New York a été rouvert le 14 septembre à 23 heures, heure d'Athènes, la forte demande de créneaux n'avait pas permis à OA d'en obtenir un. La Grèce précisait avoir demandé à OA des confirmations de cette situation, lesquelles devaient être transmises à la Commission. En l'absence de tout autre courrier, ceci n'a pas été le cas.

(32) Les vols vers le Canada des 15 et 16 septembre auraient été annulés du fait du retour tardif de l'avion bloqué dans ce pays. La Grèce précise qu'OA n'avait pas d'autre avion long-courrier disponible pour le 15 septembre du fait des autres vols planifiés. Pour le vol du 16 septembre, le retour tardif de l'avion en question n'a pas permis de faire les vérifications techniques et d'acquérir les créneaux d'atterrissage pour le nouveau vol vers le Canada, ce qui a conduit OA à annuler le vol.

(33) Le second type de coûts subis par OA et allégué concerne les ferry flights assurés par OA; il s'agit de 3 vols, l'un à destination des États-Unis le 18 septembre 2001 et deux autres à destination du Canada les 20 et 26 septembre 2001, et qui auraient été assurés, d'après les autorités grecques, à la suite de la pression exercée par les Gouvernements des États-Unis et du Canada sur OA pour rapatrier des passagers d'Athènes en Amérique du Nord. Les passagers en question auraient payé leur passage normal mais les avions seraient revenus à vide vers Athènes. Le coût des vols retour, calculé sur la base des "block hours", c'est-à-dire du temps de vol des avions, serait au total de 166 051 680 GRD, soit environ 487 312 euro.

(34) Au total, les coûts présentés par la Grèce pour OA et concernant la période postérieure au 14 septembre 2001 s'élèvent donc à 499 051 680 GRD, soit environ 1 464 569 euro. L'ensemble des précisions apportées par la Grèce dans son courrier du 3 décembre 2003 vise donc à justifier une compensation, pour toutes les périodes concernées, de 1 167 834 737 GRD, soit environ 3 427 249 euro.

5. APPRÉCIATION DE L'AIDE

Existence d'une aide

(35) En vertu de l'article 87, paragraphe 1, du traité, sauf dérogations contraires, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(36) Les subventions aux compagnies aériennes constituent une allocation de ressources d'État en leur faveur et représentent donc pour elles un avantage économique certain.

(37) Cette mesure visant le transport aérien est sélective par nature. De plus, les compagnies aériennes destinataires des aides du régime ont été explicitement identifiées.

(38) Dans le cadre d'un marché aérien libéralisé depuis le 1 er janvier 1993, date d'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 2407-92, du règlement (CEE) n° 2408-92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (6) et du règlement (CEE) n° 2409-92 du Conseil, du 23 juillet 1992, sur les tarifs des passagers et de fret des services aériens (7), les compagnies aériennes d'un État membre se trouvent en situation de concurrence avec d'autres compagnies relevant d'autres États membres. En particulier, les compagnies aériennes éligibles d'après la notification opèrent activement sur le marché communautaire. Les subventions prévues en leur faveur, et l'avantage qu'elles en retirent, affectent les échanges entre les États membres et sont susceptibles d'affecter la concurrence.

(39) Ces mesures, constitutives d'aide d'État, ne sont compatibles avec le traité que si elles sont réputées couvertes par l'une des dérogations prévues.

Base légale pour l'appréciation de l'aide

(40) Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, points a) et c), du traité, ne sont pas d'application puisqu'il ne s'agit pas, dans le cas présent, d'une aide à caractère social octroyée à des consommateurs individuels, ni d'une aide octroyée à certaines régions de la République fédérale d'Allemagne.

(41) Comme il ne s'agit pas non plus d'une aide destinée à faciliter le développement de certaines régions, ni d'une aide destinée à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ou enfin d'une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités ou régions économiques, les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), du traité ne pourront être prises en considération.

(42) Enfin, les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), du traité, qui visent respectivement à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, et à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine ne sont pas pertinentes dans le cas présent.

(43) En vertu de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité, sont compatibles avec le marché commun: "les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires". Dans sa communication du 10 octobre 2001, la Commission considère que les événements du 11 septembre 2001 peuvent être qualifiés d'événements extraordinaires au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(44) Au point 35 de la communication du 10 octobre 2001, la Commission explique les conditions qu'elle estime nécessaires pour considérer que les compensations liées à ces événements respectent les conditions de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité:

La Commission est d'avis que le coût découlant directement de la fermeture de l'espace aérien américain du 11 au 14 septembre 2001, est une conséquence directe des événements du 11 septembre 2001. Il peut en conséquence faire l'objet, de la part des États membres, d'une compensation au titre des dispositions de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité dans la mesure où les conditions suivantes sont respectées:

- la compensation est versée de manière non discriminatoire à toutes les compagnies aériennes d'un même État membre;

- elle concerne les seuls coûts constatés au cours des journées des 11 au 14 septembre 2001 à la suite de l'interruption du trafic aérien décidée par les autorités américaines;

- le montant de la compensation est calculé de manière précise et objective en comparant le trafic enregistré par chaque compagnie aérienne au cours des quatre journées en cause avec celui enregistré par la même compagnie au cours de la semaine précédente corrigé par l'évolution constatée lors de la période correspondante de l'année 2000. Le montant maximum de la compensation, qui doit en particulier tenir compte à la fois des coûts supportés et des coûts évités, est égal à la perte de recettes dûment constatée durant ces quatre jours. Il ne peut être bien entendu qu'inférieur au quatre-trois cent soixante cinquième du chiffre d'affaires de la compagnie.

Compatibilité au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité

(45) La Commission note que, même si seules trois compagnies aériennes ont formellement demandé une compensation pour les coûts subis, tous les transporteurs aériens, titulaires d'une licence de transport public délivrée par l'État membre concerné, sont éligibles à ce dispositif. L'exclusion de l'un d'entre eux, Axon Airlines, au motif qu'il n'opérait plus lors de l'envoi des lettres de notification de ce régime aux compagnies et, a fortiori, lors du versement de l'aide, n'est pas de nature à rendre le régime discriminatoire. La mesure est donc clairement établie de manière non discriminatoire. La Commission note cependant que la Grèce s'est bornée dans sa réponse à fournir des éléments sur les coûts subis et les compensations reçues par OA, sans rien fournir pour AC.

Pour Olympic Airways

(46) Les compensations exposées ci-dessus concernent largement la période du 11 au 14 septembre mentionnée par la Commission dans sa communication du 10 octobre 2001 et prise en compte lors de ses précédentes décisions en la matière (8); elles concernent cependant aussi la journée du 15 septembre 2001 voire la période au-delà.

S'agissant de la période du 11 au 14 septembre 2001:

(47) Dans sa communication du 10 octobre 2001, la Commission a approuvé le principe d'une indemnisation des conséquences directes de la fermeture de l'espace aérien décidée par les autorités américaines. Les modalités pratiques d'application de la communication de la Commission ont été précisées par une lettre des services de la Commission adressée le 14 novembre 2001 aux États membres; cette lettre fait référence, en particulier, au lien direct devant être établi entre "l'interruption de tout trafic dans l'espace aérien américain et les perturbations qui en ont découlé dans le ciel européen"; à ce titre, cette mesure, telle que précisée par les autorités grecques dans leur réponse à l'ouverture de procédure, prévoit une indemnisation limitée aux lignes ou réseaux ayant été affectés par des fermetures de l'espace aérien comme l'espace aérien Nord-américain, États-Unis et Canada, et celui d'Israël. Ce principe a été mis en œuvre concrètement dans de précédentes décisions (9) prises par la Commission à ce titre.

(48) Pour la période du 11 au 14 septembre 2001 et les pertes, directement liées à la fermeture de l'espace aérien, subies durant cette période, la mesure répond donc aux limitations fixées à ce titre par la Commission et particulièrement au lien direct devant exister entre coût indemnisable et fermeture de l'espace aérien.

(49) Le mode de calcul des pertes d'exploitation pouvant faire l'objet d'une indemnisation s'inspire de celui établi par la Commission dans sa communication, et dont les modalités techniques de calcul ont été précisées dans la lettre des services de la Commission adressée le 14 novembre 2001 aux États membres; la perte de revenu subie sur les quatre jours considérés a en effet été déterminée en fonction des passagers ayant réservé les vols annulés. S'agissant de la valeur unitaire de la perte subie par passager, les autorités grecques ont précisé dans leur réponse qu'elle correspondait à la perte effective subie par OA soit un dommage de 654 650 000 GRD, environ 1 921 203 euro.

De même, les coûts additionnels indemnisables concernant le stationnement prolongé d'un avion au Canada durant la période considérée, soit 12 967 457 GRD (environ 38 056 euro) et les frais de renvoi d'un vol vers Athènes initialement à destination des États-Unis le 11 septembre générant ainsi des coûts additionnels de 1 165 600 GRD soit 3 421 euro, s'inscrivent dans cette démarche.

Enfin, le plafond des 4/365 e du chiffre d'affaires retenu par l'État membre correspond à celui défini par la Commission.

La Commission considère donc que ce calcul s'inscrit dans le cadre du montant maximum, égal à la perte nette de recettes constatée durant ces 4 jours, qu'elle avait fixé dans sa communication.

(50) En conséquence, la Commission conclut que les mesures établies par la Grèce en faveur d'OA au titre des fermetures de l'espace aérien du 11 au 14 septembre 2001, et s'élevant à 668 783 057 GRD, soit environ 1 962 680 euro, respectent les règles fixées dans sa communication du 10 octobre 2001; elles sont donc jugées compatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

S'agissant de la période postérieure au 14 septembre 2001:

(51) Si la Commission a déjà reconnu au paragraphe 35 de sa communication du 10 octobre 2001 le caractère d'"événement extraordinaire" de la fermeture de l'espace aérien des États-Unis du 11 au 14 septembre 2001 et la compatibilité avec le traité des compensations des pertes découlant de cette fermeture, elle n'a par contre pas accepté de considérer comme tels d'autres dommages ayant des liens indirects avec ladite fermeture. C'est notamment le cas des pertes subies par les compagnies aériennes après la réouverture de l'espace aérien le 15 septembre.

(52) La Commission a expliqué dans sa communication du 10 octobre 2001 que les pertes indemnisables devaient être "constatées ... à la suite de l'interruption du trafic aérien décidée par ...".

(53) La Commission constate cependant que la situation, après le 14 septembre, n'était plus caractérisée par une interruption du trafic mais bien par une exploitation plus contraignante des lignes aériennes par les compagnies concernées.

(54) C'est le cas pour les mesures présentées par la Grèce en faveur d'OA et qui concernent en premier lieu 3 vols transatlantiques aller-retour non opérés les 15 et 16 septembre, l'un vers les États-Unis et deux vers le Canada, soit un dommage pour OA qui se serait élevé à 333 000 000 GRD, soit environ 977 257 euro.

(55) En effet, concernant tout d'abord le manque de créneaux à New York, la Grèce confirme que l'aéroport JFK y avait bien été rouvert le 14 septembre à 23 heures, heure d'Athènes, seule la forte demande de créneaux n'ayant pas permis à OA d'en obtenir un. La Commission n'a pas reçu d'autres informations quant à la raison de cette non-obtention alors que d'autres compagnies en ont obtenu. En tout état de cause, l'impossibilité générale de voler vers les États-Unis n'était alors plus constituée.

(56) De même, l'annulation des vols vers le Canada les 15 et 16 septembre provient de choix effectués par OA, soit que la compagnie n'avait pas d'autre avion long-courrier disponible et a préféré assurer d'autres autres vols planifiés, soit que les actions en termes de vérifications techniques et d'acquisition de créneaux d'atterrissage n'ont pu être réalisées à temps par OA, la conduisant ainsi à annuler le vol.

(57) De même, s'agissant des "ferry flights" assurés par OA à destination des États-Unis le 18 septembre 2001 et à destination du Canada les 20 et 26 septembre 2001, pour un coût de 166 051 680 GRD, soit environ 487 312 euro, les autorités grecques annoncent elles- mêmes que ceux-ci auraient été effectués à la suite de la pression exercée par les gouvernements des États-Unis et du Canada sur OA pour rapatrier des passagers d'Athènes en Amérique du Nord. Il s'agit donc là d'une décision d'OA, pour des vols effectués bien après la période de clôture de l'espace aérien. Cette démarche exclut d'office tout financement de la part d'un État membre. Si, le cas échéant, ces vols ont été effectivement commandités par des États tiers, il revient à OA, si elle se juge en mesure de le faire, d'en obtenir le remboursement de leur part.

(58) Comme elle l'a fait de manière constante dans d'autres décisions (10), la Commission ne peut considérer que les conséquences indirectes des attentats du 11 septembre, telles que des difficultés pour l'exploitation de lignes aériennes à compter du 15 septembre, soient placées sur le même plan que leurs conséquences directes, c'est-à-dire la fermeture complète de certaines parties de l'espace aérien jusqu'au 14 septembre, et donc l'impossibilité d'exploiter les lignes aériennes les utilisant. Les conséquences indirectes des attentats se sont longtemps fait sentir dans de nombreux secteurs de l'économie mondiale, et ce de manière plus ou moins prolongée, mais, à l'image de toute autre crise économique ou politique, ces difficultés, pour pénalisantes qu'elles soient, ne sauraient revêtir le caractère d'événements extraordinaires et donc permettre la mise en application de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(59) La Commission conclut donc à la non-conformité du régime avec le traité, pour sa partie concernant les dates postérieures au 14 septembre 2001, et particulièrement pour les coûts présentés par la Grèce pour OA et concernant la période postérieure au 14 septembre 2001 s'élevant à 491 051 680 GRD, soit environ 1 464 569 euro, eu égard non seulement au dépassement de la période prévue au point 35 de la communication du 10 octobre 2001, mais également et surtout à l'absence d'événement extraordinaire et au changement de nature de la perte indemnisable que cette extension de durée génère. Ces aides au fonctionnement ne peuvent non plus être autorisées sur la base d'autres dispositions du traité. Les aides correspondant à la période postérieure au 14 septembre 2001 sont donc incompatibles avec le traité. La Commission note à ce titre que le montant total détaillé par la Grèce dans sa réponse du 3 décembre 2003 est différent et inférieur à celui initialement notifié et probablement versé. Elle rappelle donc que toute aide accordée à OA et dépassant le montant cité plus haut de 668 783 057 GRD, soit environ 1 962 680 euro, est incompatible avec le traité et doit être récupérée.

(60) En ce qui concerne les conclusions du Conseil "Transports" du 16 octobre 2001 auxquelles la Grèce se réfère à l'appui de sa notification, la Commission rappelle que ces conclusions n'ont qu'une valeur d'indication politique et qu'elles ne sont pas juridiquement contraignantes dans le cadre de l'examen de la compatibilité des aides. De plus, si le Conseil invite la Commission, au point 7 desdites conclusions, pour la période postérieure au 14 septembre à examiner "au cas par cas la compensation qui pourrait être accordée sur la base de critères objectifs pour contrebalancer les restrictions imposées aux compagnies aériennes européennes par le pays de destination", il indique aussi qu'"aucune aide ou compensation ne doit entraîner de distorsions de la concurrence entre les opérateurs". Dans le cadre de son appréciation de l'égalité de traitement entre opérateurs à laquelle elle doit veiller, la Commission note ainsi qu'aucune autre proposition portant sur les jours suivants le 14 septembre n'a été acceptée pour les opérateurs aériens des autres États membres.

Pour Aegean Cronus

(61) S'agissant d'AC, la Commission note que la Grèce n'a jamais essayé de fournir le moindre élément en justifiant le versement. La Commission ne dispose donc, malgré ses demandes, d'aucun élément lui permettant d'étayer la compatibilité de l'aide avec le traité. De plus, elle note que les autorités grecques avaient précisé dans la notification que la compagnie n'effectuait pas de vols transatlantiques; il paraît donc peu probable à la Commission que le lien direct évoqué plus haut et devant exister, selon la communication du 10 octobre 2001, entre coût indemnisable et fermeture de l'espace aérien soit établi dans le cas d'AC. La Commission est donc conduite à juger cette aide incompatible avec le traité et à en demander le remboursement.

6. CONCLUSIONS

(62) La Commission, en conséquence de tout ce qui précède, constate que la Grèce a illégalement mis à exécution l'aide en question en violation de l'article 88, paragraphe 3, et conclut à l'incompatibilité partielle de la mesure avec le traité, et particulièrement avec son article 87, paragraphe 2, point b), tel qu'interprété dans la communication du 10 octobre 2001.

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État mise à exécution par la Grèce en faveur d'Olympic Airways pour les pertes subies par cette compagnie aérienne du fait de la fermeture partielle de l'espace aérien consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 est compatible avec le marché commun au titre des compensations versées pour les journées du 11 au 14 septembre 2001, et ce pour un montant maximum de 668 783 057 GRD, soit environ 1 962 680 euro.

Article 2

L'aide d'État mise à exécution par la Grèce en faveur d'Olympic Airways pour les pertes subies par cette compagnie aérienne du fait de la fermeture partielle de l'espace aérien consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 est incompatible avec le marché commun au titre des compensations versées pour la période postérieure au 14 septembre 2001. Selon la notification faite par la Grèce, ce montant s'élève à 976 216 943 GRD, soit environ 2 864 907 euro.

Article 3

L'aide d'État mise à exécution par la Grèce en faveur d'Aegean Cronus pour les pertes subies par cette compagnie aérienne du fait de la fermeture partielle de l'espace aérien consécutive aux attentats du 11 septembre 2001 est incompatible avec le marché commun. Selon la notification faite par la Grèce, ce montant s'élève à 47 900 000 GRD, soit environ 140 572 euro.

Article 4

1. La Grèce prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de leurs bénéficiaires, les aides visées aux articles 2 et 3 et déjà illégalement mises à leur disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du/des bénéficiaire(s), jusqu'à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 5

La Grèce informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 6

La République hellénique est destinataire de la présente décision.

Notes :

(1) JO C 199 du 23.8.2003, p. 3.

(2) Voir note n o 1.

(3) JO L 240 du 24.8.1992, p. 1.

(4) En anglais dans la notification.

(5) COM(2001) 574.

(6) JO L 240 du 24.8.1992, p. 8.

(7) JO L 240 du 24.8.1992, p. 15.

(8) Voir notes 9 et 10.

(9) Voir décisions similaires France (N 806/2001) du 30 janvier 2002, Royaume-Uni (N 854/2001) du 12 mars 2002 et Allemagne (N 269/2002) du 2 juillet 2002 consultables à l'adresse Internet suivante: http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/ state_aids/transports.htm.

(10) Voir la décision négative 2003-196-CE de la Commission du 11 décembre 2002 concernant le régime d'aide d'État C 42-02 (ex N 286/02) que la France envisage de mettre à exécution en faveur des compagnies aériennes françaises et visant la prolongation au-delà du 14 septembre 2001 des compensations de coûts autorisées initialement par la décision N 806/2001 (JO L 77 du 24.3.2003, p. 61). Voir également la décision partiellement négative 2003-637-CE du 31 avril 2003 concernant le régime d'aide d'État C 65-02 (ex N 262/02) que l'Autriche a envisagé de mettre à exécution en faveur des compagnies aériennes autrichiennes (JO L 222 du 5.9.2003, p. 33).