Cass. com., 7 décembre 2010, n° 09-71.611
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ambulances du mantois (SARL)
Défendeur :
ABC ambulances (SARL), Lemaire (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Richard
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er octobre 2009), que les époux Lemaire ont cédé à la société Ambulances du mantois un fonds de commerce de transport sanitaire situé à Meulan ; que soutenant qu'elle avait constaté la perte d'un certain nombre de patients mentionnés dans les fichiers comme des clients réguliers, que de plus, en violation de la clause de non-concurrence précisée au contrat, Mme Lemaire était associée de la société ABC ambulances, société exerçant une activité similaire à la sienne et, enfin, que chacun des époux exerçaient des activités dans cette société, la société Ambulances du mantois les a assignés, afin qu'il soit ordonné, d'une part, aux époux Lemaire de cesser immédiatement toute activité au sein de la société ABC ambulances, d'autre part, à Mme Lemaire de céder ses parts dans cette société, et enfin qu'ils soient condamnés à lui verser plusieurs sommes, dont l'une au titre de la clause pénale, les autres à titre de dommages-intérêts ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que la société Ambulances du mantois fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement déféré en ce qu'il a constaté la concurrence déloyale de la société ABC ambulances et prononcé une condamnation contre celle-ci, et d'avoir rejeté ses demandes en dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la société qui bénéficie des services de son associé principal et de son conjoint ne peut ignorer l'existence d'une clause de non-concurrence liant ces derniers ; qu'en considérant que la société ABC ambulances n'était pas informée de ce que les époux Lemaire étaient tenus par une clause de non-concurrence à l'égard de la société Ambulances du mantois, tout en constatant que le capital de cette société était détenu à hauteur de 50 % par Mme Lemaire et que cette société était exploitée par la fille des époux Lemaire, les juges d'appel ont violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les détournements de clientèle allégués ne sont nullement démontrés et qu'il n'est pas justifié que la société ABC ambulances aurait été informée de ce que les époux Lemaire étaient liés à la société Ambulances du mantois par une clause de non-concurrence ; que la cour d'appel a ainsi souverainement apprécié la portée des éléments de preuve présentés devant elle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les troisième et cinquième moyens, réunis : - Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande tendant à ce qu'il soit ordonné à Mme Lemaire de céder les parts détenues par elle dans la société ABC ambulances, l'arrêt rappelle que la clause intitulée "Interdiction de se rétablir" prévoit que "le cédant s'interdit expressément la faculté de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou partie à celui présentement cédé, de s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social, salarié ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou en partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé, et que cette interdiction s'exerce à compter du jour de l'entrée en jouissance" ; qu'il précise que constitutive d'un obstacle au principe fondamental de liberté du commerce et de l'industrie, cette clause ne peut recevoir qu'une interprétation restrictive et en déduit que seule une clause expresse pouvait prohiber la conservation par Mme Lemaire des intérêts qu'elle détenait antérieurement à la cession dans une société dont le siège social se situait à proximité et exerçant des activités concurrentes de celles du fonds cédé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la convention des parties et violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour condamner les époux Lemaire à payer à la société Ambulances du mantois la somme de 500 euro au titre de la clause pénale, l'arrêt retient que ceux-ci ont à cinq reprises accompli des actes au bénéfice de la société ABC ambulances, parmi lesquels l'embauche de M. Lemaire en tant que salarié de celle-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la clause pénale insérée à l'acte de cession prévoyait qu'en cas d'infraction, le cédant serait de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de cent euro par jour de contravention, et non par infraction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à ordonner la cession des parts de Mme Lemaire au sein de la société ABC ambulances et condamné solidairement les époux Lemaire à payer à la société Ambulances du mantois la somme de 500 euro au titre de la clause pénale, l'arrêt rendu le 1er octobre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.