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Décisions

Cass. soc., 9 décembre 2010, n° 09-40.550

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Richard (SAS), Hommes et châteaux (SARL)

Défendeur :

Masures

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Linden (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Rovinski

Avocat général :

M. Aldigé

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano

Cons. prud'h. Nanterre, sect. encadr., d…

14 janvier 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 décembre 2008), que M. Masures a été engagé le 28 août 1989 par la société Les Tours, aux droits de laquelle vient la société Hommes et châteaux, en qualité de VRP exclusif ; qu'après avoir informé l'employeur le 20 février 2005 de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2005, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de celui-ci le 25 mai 2005 en raison du non-paiement intégral de ses commissions et a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation des sociétés Hommes et châteaux et Richard à lui payer des sommes à titre de rappel de commissions et congés payés afférents et d'indemnités de rupture ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Hommes et châteaux et la société Richard font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à verser à M. Masures certaines sommes à titre de rappel de commissions et des congés payés afférents, à titre d'indemnité conventionnelle de rupture, à titre de commissions sur échantillonnage et des congés payés afférents, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de VRP exclusif statutaire de salarié précisait que le taux de commission de 8 % n'était applicable que "pour toutes les affaires réalisées dans les conditions normales et aux tarifs habituels" ; que l'avenant du 1er octobre 2004 énumérait quant à lui les taux de commissions du VRP, à savoir 8 % pour les vins, 6 % pour les champagnes, 6 % pour les eaux, jus de fruits, sodas, bières et sirops et forfait de la chambre syndicale pour les spiritueux, avec la précision expresse d'une réduction du taux de commissions en cas de remise ou participation au bénéfice du client (notamment, application d'un taux de 75 % du taux de commissions en cas de remise ou participation de 5 % et application d'un taux de 50 % du taux de commissions en cas de remise ou participation supérieure à 5 %) ; que la cour d'appel a expressément constaté que le salarié avait "approuvé par écrit" cet avenant du 1er octobre 2004, lequel avait donc vocation à faire la loi des parties ; qu'en faisant pourtant droit à l'intégralité des demandes de M. Masures, lequel sollicitait un rappel de commissions calculé sur la base d'un taux unique de 8 %, toutes familles de produits confondues, pour la période 1999-2005, et en les condamnant à lui payer à ce titre la somme de 313 838,08 euro, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1221-1 et 1134 du Code civil ; 2°) que lorsque le paiement de la rémunération variable du salarié résulte du contrat de travail et qu'aucun accord avec le salarié n'a pu avoir lieu sur le montant de cette rémunération, il appartient au juge de déterminer celle-ci en fonction des critères visés au contrat et des éléments de la cause ; que le contrat de VRP exclusif statutaire du salarié précisait que les taux de commissions fixés étaient applicables "pour toutes les affaires réalisées dans les conditions normales et aux tarifs habituels" ; que dans leur rapport du 11 mars 2005 dans la présente affaire, les conseillers rapporteurs ont constaté que les conditions générales de vente et les barèmes étaient établis hors taxes, comme il est d'usage et de pratique constante dans cette catégorie de métiers, et que, compte tenu des usages et des modalités de gestion les plus courantes dans ce type de métier, la base de commissionnement la plus conforme était "le chiffre d'affaires toutes taxes comprises auquel il convient de déduire la TVA, la vignette sécurité sociale et les RRR (rabais, remises et ristournes)" ; que méconnaît son office et viole les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil la cour d'appel qui refuse de déterminer à partir des éléments de la cause le taux de commissionnement applicable pour les ventes réalisées en fonction d'un tarif minoré par rapport au tarif catalogue et prétend retenir le taux unique de 8 % applicable aux ventes effectuées sans réduction ; 3°) que l'avenant du 1er décembre 2004 relatif à l'activité "café" indiquait expressément que le taux antérieurement pratiqué à cette date susvisée était de 3 % sur le chiffre d'affaires hors taxes toutes familles confondues (sucre, café, autres produits) ; que la cour d'appel a expressément reconnu la validité de cet avenant, lequel faisait donc la loi des parties, et constatait l'existence d'un accord de ces dernières sur un taux de commissionnement de 3 % pour l'activité "café" avant le 1er décembre 2004 ; qu'en déterminant les droits de M. Masures pour toutes les familles de produits, y compris ceux relevant de l'activité "café" pour la période 1999-2005 sans tenir compte de la volonté des parties clairement exprimée dans l'avenant du 1er décembre 2004 ci-dessus évoqué, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 et 1134 du Code civil ; 4°) que le contrat de VRP exclusif statutaire stipulait expressément le paiement des commissions "sur le prix HT" ; que le salarié ayant opéré ses calculs de rappels de commissions sur le prix TTC, viole les articles L. 1221-1 du Code du travail, 1134 et 1376 du Code civil l'arrêt attaqué qui fait intégralement droit à la prétention de l'intéressé et lui accorde ainsi une commission calculée sur la TVA ; 5°) que la condamnation au paiement de la somme de 313 838,08 euro retenue par la cour d'appel inclut une somme de 85 949,47 euro au titre d'un prétendu "chiffre d'affaires à réintégrer" ; qu'en faisant droit à cette demande et en les condamnant au paiement de cette somme sans aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°) que c'est au salarié qui invoque l'existence d' "irrégularités" dans le décompte de ses commissions d'en rapporter la preuve ; qu'en leur reprochant de "ne pas justifier de ce que le salarié n'était pas fondé à obtenir le paiement de commissions au titre des ventes de café Ritazza et de la reprise de commissions aux taux de 8 % ou de 8,38 %", la cour d'appel a fait peser sur elles la charge d'établir que la prétention salariale du salarié n'était pas fondée ; qu'en se prononçant de la sorte et en les condamnant de ce chef à payer à M. Masures une somme supplémentaire de 20 000 euro, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 7°) que méconnaît son office et viole l'article 455 du Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui fixe de manière globale et forfaitaire à 20 000 euro la demande de rappel de salaires présentée au titre de prétendues "irrégularités" sans déterminer exactement les sommes auxquelles le salarié pouvait réellement prétendre au titre de ce rappel de salaire ;

Mais attendu que constatant que, pour la période antérieure au 1er octobre 2004, aucune preuve n'était rapportée par l'employeur que des remises avaient été accordées par le VRP à la clientèle et qu'aucun accord n'était intervenu entre les parties sur l'application d'un tarif différent dans l'hypothèse de telles remises, et que, pour la période postérieure au 1er octobre 2004, il n'était pas démontré l'existence de remises accordées par le VRP lui-même à la clientèle, seules susceptibles de donner lieu à l'application des taux de commissionnement réduits prévus par le barème du 1er octobre 2004, la cour d'appel, qui a motivé sa décision sans inverser la charge de la preuve, n'a fait que tirer les conséquences légales de ses constatations pour décider que le décompte du salarié, établi sur la base du taux uniforme de 8 %, à l'exception des "cafés", avant le 1er octobre 2004 et, après cette date, sur la base de taux différenciés selon les familles de produits, devait être approuvé et fixer le montant du rappel des commissions dû au VRP ; que le moyen, qui manque en fait en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Hommes et châteaux et la société Richard font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen : 1°) que seule une impossibilité absolue à agir permet de suspendre la prescription ; qu'en se bornant en l'espèce à constater que le salarié n'avait pas été mis en possession des éléments lui permettant de chiffrer ou de connaître le montant de ses commissions pour justifier la suspension de la prescription quinquennale des salaires, sans constater aucune impossibilité absolue du salarié à agir en justice, la cour d'appel a violé l'article L. 143-14 (devenu L. 3245-1) du Code du travail ; 2°) que, selon l'article L. 143-14 (devenu L. 3245-1) du Code du travail, l'action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2277 du Code civil ; que, comme elles le faisaient valoir dans leurs conclusions, dans son attestation du 1er mars 2005, le commissaire aux comptes de la société Richard avait expressément constaté que les documents qui lui avaient été remis correspondaient bien à la comptabilité de la société ainsi qu'aux documents servant de base à l'établissement des bulletins de paie et qu'il n'y avait aucun écart en comptabilité entre les encaissements constatés par l'entreprise et les commissions décomptées ; qu'il s'ensuit que, faute d'avoir pris en considération cette attestation du commissaire aux comptes, prive sa décision de base légale au regard du texte susvisé l'arrêt attaqué qui retient que la prescription quinquennale des salaires ne pouvait être opposée au salarié au motif que celui-ci n'avait pas été mis en possession des éléments lui permettant de chiffrer ou de connaître le montant de ses commissions ;

Mais attendu que la prescription quinquennale ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier, en particulier lorsque ces éléments résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire ; qu'en relevant que le salarié n'avait pas été mis en possession par l'employeur des éléments lui permettant de chiffrer ou de connaître le montant de ses commissions pour en déduire exactement que la prescription quinquennale des salaires ne pouvait pas lui être opposée et en déniant souverainement toute valeur probante à l'attestation litigieuse, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.