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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 14 décembre 2010, n° 09-02042

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Baron Philippe de Rothschild France Distribution (SAS)

Défendeur :

Etablissements Gabriel Boudier (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vieillard

Conseillers :

M. Theurey, Mme Trapet

Avoués :

SCP Andre-Gillis, Me Gerbay

Avocats :

Mes Mouchot, Bernard

T. com. Dijon, du 26 nov. 2009

26 novembre 2009

Exposé des faits

La société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier (SAEGB) et la SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution (RFD) sont entrées en relation au cours du premier trimestre de l'année 2004 en vue de la distribution par la seconde des produits, liqueurs et crèmes de cassis fabriqués par la première à la fois dans le circuit prescripteur (CP ou CHR : cafés, hôtels, restaurants) et dans le circuit grande distribution (GD) pour l'ensemble du territoire français.

La distribution par RFD a commencé entre le 1er septembre 2004 et le 1er janvier 2005 sans qu'aucun contrat ne soit signé, ni dans le secteur CHR ni dans le secteur GD.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 novembre 2006 la SAEGB a mis fin aux relations contractuelles entre les deux sociétés avec un préavis de deux mois expirant le 31 décembre 2006 en invoquant d'une part l'insécurité de leurs rapports et d'autre part des résultats insatisfaisants et une perte de cliente.

Par acte d'huissier de justice en date du 29 avril 2008, soutenant avoir agi en vertu d'un contrat de distribution au regard des CHR et d'un contrat d'agent commercial au regard de la GD, la SAS RFD a assigné la SAEGB afin d'obtenir un rappel de commissions et des dommages et intérêts au titre de la rupture des contrats.

La SAEGB a formé une demande reconventionnelle en indemnisation.

Par jugement du 26 novembre 2009, le Tribunal de commerce de Dijon a débouté la société RFD de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, a condamné la SAEGB à lui verser les sommes de 36 977,92 euro et 34 283,71 euro au titre de commissions non versées outre intérêts au taux légal à compter du 13 février 2007, a ordonné la capitalisation des intérêts, a débouté la société RFD de sa demande en paiement de la somme de 12 753,10 euro pour restitution de stocks et la SAEGB de ses demandes en paiement de 50 000 euro et de 25 832,05 euro au titre de ses préjudices, a condamné la société RFD au paiement de la somme de 9 396,34 euro au titre de factures impayées, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes, a fait masse des dépens et a dit qu'ils seraient supportés par moitié par chacune des parties.

La SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution a interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 14 décembre 2009.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 5 octobre 2010, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du Code de procédure civile, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAEGB à lui payer les sommes de 36 977,92 euro et 34 283,71 euro outre intérêts dont elle a ordonné la capitalisation, sous déduction de la somme de 9 396,34 euro TTC

- y ajoutant, dire que le taux d'intérêt à appliquer sera de deux fois et demi le taux de l'intérêt légal à compter du 5 août 2008 et ordonner la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 décembre 2009

- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, condamner la SAEGB à lui payer la somme de 12 753,10 euro au titre de la restitution des stocks, la somme de 30 000 euro au titre de la rupture fautive du contrat de distribution exclusive et la somme de 120 000 euro au titre de la rupture fautive du contrat d'agent commercial

- débouter la SAEGB de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la SAEGB à lui payer la somme de 5 000 euro sur le même fondement

- la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que s'agissant du circuit prescripteur, elle a agi en qualité de distributeur exclusif dès lors qu'elle prenait des commandes en son nom, livrait et facturait elle-même les CHR sauf pour la région Bourgogne, qualification reconnue par la SAEGB.

S'agissant du circuit grande distribution, elle indique que les positions des parties divergent, elle-même soutenant avoir agi en qualité d'agent commercial de SAEGB (visites dans les magasins, organisation de réunions de négociation au niveau national qui donnaient lieu à des compte-rendus de visite, commandes adressées directement à SAEGB, animations en grande distribution) et la société intimée affirmant lui avoir proposé un contrat d'apporteur d'affaires, ce qui n'est pas possible puisque d'une part la profession de courtiers en vins et spiritueux dits "courtiers de campagne" est réglementée et que d'autre part le courtier agit en toute indépendance et en son nom personnel et qu'il ne conclut pas d'opération pour le compte d'autrui.

Elle allègue que la SAEGB, comme cela ressort de sa lettre du 23 mai 2005, a tenté de tourner les dispositions d'ordre public de l'article L. 134-12 du Code de commerce, qu'elle a proposé plusieurs qualifications contractuelles successives, mais que celle de commissionnaire ne saurait être retenue dans la mesure où elle n'agissait pas en son nom propre, la SAEGB livrant et facturant elle-même les clients ; que d'ailleurs dans son courrier électronique du 9 décembre 2004, la SAEGB parle bien de "commissions", d' "agent" et d' "indemnité de fin de contrat", ce qui ne traduit pas l'essence d'un contrat de commission, mais celle d'un contrat d'agent commercial.

Elle indique que même si aucun contrat n'a été signé, les objectifs quantitatifs de vente ont été reconnus par les deux parties et qu'ils ont été atteints, la SAEGB comparant pour prétendre le contraire d'une part un nombre de bouteilles, dont des mignonnettes de 4 cl, d'autre part des EQB 70 cl (équivalent bouteille 70 cl), ce qui n'a aucun sens.

Elle en conclut que la rupture des relations commerciales par la SAEGB, le 2 novembre 2006, avec un préavis de deux mois, est fautive et qu'elle est fondée à solliciter, outre les commissions dues au titre de la GD et le paiement des stocks qu'elle détient, dont elle rapporte la preuve devant la cour, des indemnités de rupture s'élevant, pour le circuit CHR, à la somme de 30 000 euro qui correspond à la perte de revenus qu'elle a subie du fait de l'absence de préavis d'un an, prévu au projet de contrat, ou en tout cas conforme aux usages, en application de l'article L. 442-6 5° Code de commerce, et pour le circuit GD, la somme de 40 000 euro au titre du préavis d'un an non respecté et la somme de 80 000 euro correspondant à deux ans de commissions au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Par conclusions déposées le 15 octobre 2010, auxquelles il est pareillement fait référence, la société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier (SAEGB) sollicite la réformation partielle du jugement, le débouté de la société RFD et sa condamnation à lui verser les sommes de 101 268,42 euro au titre du préjudice commercial, 25 832,05 euro au titre du préjudice distinct, 9 396,34 euro TTC au titre des factures impayées et 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que les pourparlers entre elle et la société RFD ont débuté au premier semestre 2004 ; que dès le 12 juillet 2004 il a été évoqué un contrat de concession commerciale pour le secteur CHR et un contrat de commissionnement pour le secteur GD ; que le 29 juillet 2004 un exemplaire de chacun des deux contrats a été adressé à RFD, contrat de concession exclusive d'une durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2007 puis renouvelable par tacite reconduction avec préavis d'un an et objectif minimum de 40 000 cols ramené à 20 000 dans le projet de décembre 2004 pour le secteur CHR, contrat de commission avec clause ducroire d'une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction par période d'un an, sauf préavis d'au moins six mois, objectif minimum annuel de vente de 100 000 cols pour le secteur GD ; que ces contrats n'ont appelé aucune réserve de la part de RFD ; que par courriel du 18 octobre 2004 Monsieur Gouin, directeur marketing de RFD, a confirmé à SAEGB son statut de commissionnaire sur le secteur GD ; que RFD n'a certes pas renvoyé les contrats adressés le 14 décembre 2004 mais qu'elle n'a pas protesté ; que ce n'est que le 4 mars 2005 qu'elle a émis pour la première fois le souhait de bénéficier d'un statut d'agent commercial ; qu'il lui a alors été proposé un contrat de courtage qu'elle a refusé ; qu'à l'issue d'une réunion organisée en mai 2005, par courriel du 23 mai, la société concluante a mis l'accent sur le caractère d'apporteur d'affaires et non d'agent commercial et que RFD n'a pas protesté ; que ce n'est que par un courrier du 29 novembre 2006 qu'elle a revendiqué la qualification d'agent commercial que SAEGB a contestée, sans protestation de RFD.

La société intimée indique que le contrat de concession n'est pas discuté pour le secteur CHR mais que s'agissant du secteur GD, la qualification d'agent commercial ne peut être retenue ; qu'en effet :

- les commandes étaient passées directement par le client auprès d'elle soit par fax, soit par le système EDI

- RFD n'intervenait pas dans les rapports entre elle et ses clients notamment dans la négociation des accords annuels de référencement, de coopération commerciale ou de services distincts ; que la société RFD n'a donc jamais assumé un rôle d'agent commercial mais une simple mission, au demeurant mal exécutée, de mise en contact entre elle et la clientèle.

Aux arguments développés par RFD elle répond :

* que cette société ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat d'agent commercial et que la qualification de courtier n'est pas illégale, le régime spécial prévu par la loi du 31 décembre 1949 ne concernant que les relations entre les producteurs de vins ou spiritueux et les négociants en vins ou spiritueux

* qu'elle conteste la réalité des animations dont se prévaut la société RFD

* que l'opération Carrefour est une opération particulière de fin d'année

* que le courriel du 26 août 2004 doit être resitué dans son contexte

* que ses écrits des 23 mai 2005 et 9 décembre 2004 sont détournés de leur signification réelle.

Elle conclut que l'absence de signature d'un contrat est exclusivement imputable à RFD qui n'a jamais retourné les contrats signés et que la revendication du statut d'agent commercial ne correspond nullement :

* à ce qui était convenu entre les parties, cette revendication ne survenant qu'en mars 2005, avant d'être abandonnée et de ressurgir pour les besoins de la cause en novembre 2006

* à la réalité puisque RFD n'agit pas au nom et pour le compte de la concluante comme le ferait un agent commercial, mais se contente de tenter de rapprocher vendeur et acheteur, elle-même livrant et facturant directement le client.

La SAEGB reproche à RFD ses mauvaises performances commerciales :

* dans le secteur CP (ou CHR) : le total de cols vendus est de 38 387 sur vingt-huit mois, ce qui est loin d'une moyenne annuelle de 20 000 cols ; peu de nouveaux clients ont été apportés par RFD

* dans le secteur GD : les chiffres réalisés depuis l'intervention de RFD sont inférieurs aux objectifs contractuels et sans rapport avec les ventes qu'elle a réalisées seule les années précédentes.

Elle allègue que les deux factures de commissions 2006/018 et 2005/089 n'ont pas été réglées car leur montant était erroné.

S'agissant de la rupture elle observe :

- qu'en l'absence de signature des deux conventions, les relations contractuelles ont nécessairement été conclues pour une durée indéterminée ; qu'elles pouvaient donc être rompues à tout moment sous réserve d'un préavis suffisant sans qu'il soit besoin de motiver la rupture ; que néanmoins dans un contrat de distribution, le fournisseur n'est pas même tenu de respecter un délai de préavis quant la rupture est justifiée par une faute grave du distributeur

- qu'en l'espèce la faute grave imputée à la société RFD est de nature à empêcher la poursuite du contrat et d'en justifier la rupture immédiate ; que la cour déboutera donc la société appelante de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture de la relation de distributeur dans le secteur CHR et de la relation de courtier dans le secteur GD

- qu'en tout état de cause il convient de tenir compte de la durée des relations, qui est en l'espèce de deux ans, et du degré de dépendance de RFD, qui est nul

- que le préavis ne pouvait donc excéder la durée concédée de deux mois.

Elle ajoute :

- que la reprise des stocks, qui auraient dû être écoulés dans le délai de deux mois, n'est pas justifiée

- qu'elle est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice commercial causé par l'inertie de la société RFD, du préjudice résultant des indemnités versées à ses deux agents commerciaux en septembre 2004 lorsqu'il a été décidé de concéder le secteur à RFD ainsi que le paiement des factures impayées, soit la somme de 9 396,34 euro TTC.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification juridique des contrats

Attendu que les parties s'accordent à qualifier de concession commerciale le contrat portant sur le secteur CP ou CHR ;

Que s'agissant du secteur GD, il est constant que le projet adressé le 29 juillet 2004 par la société SAEGB à la société RFD visait un contrat de "commission ducroire" ; que la société RFD a retourné les deux projets, CP et GD, à la société SAEGB le 29 septembre 2004 après avoir apporté quelques modifications au second en supprimant notamment l'article 8 ou "clause de ducroire" ;

Que par courriel du 18 octobre 2004 Monsieur Gouin, directeur marketing de RFD, a effectivement écrit : "Procédure GD : RFD est commissionnaire" mais en précisant : "RFD créée et envoie une proforma à Boudier pour toutes les commandes GD qui sont livrées et facturées par Boudier" ;

Que le 4 mars 2005 la société RFD a indiqué à la société SAEGB :

"J'ai bien noté votre décision de ne pas modifier votre taux de commission... Il convient que nous reparlions du contrat de commissionnaire. En effet, après nouvelle relecture du contrat, il serait juridiquement plus correct de définir notre relation sur le circuit de la Grande Distribution comme étant une relation d'agent et non de commissionnaire. En effet comme vous le savez, le commissionnaire est celui qui agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d'un commettant. Cette définition met l'accent sur la caractéristique essentielle de cette activité à savoir que le commettant n'intervient à aucun titre dans les ventes et demeure sans lien de droit avec les acheteurs. A partir du moment où SAEGB livre et facture directement les clients (article 10), le lien juridique entre SAEGB et le client est incontestablement existant" ;

Qu'il apparaît ainsi que les parties n'étaient pas en désaccord sur le contenu même du contrat, mais sur sa qualification juridique, la société RFD s'étant aperçue que celle proposée par la société SAEGB était inadaptée en l'espèce puisqu'elle ne correspondait pas aux relations entre les parties telles que définies par les dispositions contractuelles ;

Que la société SAEGB ne soutient d'ailleurs plus que celles-ci devaient recevoir la qualification envisagée initialement ; qu'elle n'a certes pas accepté de reconnaître l'existence de relations d'agent commercial, telles que suggérées par la société RFD, et qu'elle a proposé le 7 avril 2005 la conclusion d'un contrat de courtage, expressément refusée par son partenaire ; qu'aucun contrat n'a en définitive été signé mais qu'en tout état de cause il appartient au juge de restituer à l'acte juridique sa véritable qualification sans s'arrêter à la dénomination proposée par les parties ;

Que selon l'article L. 132-1 alinéa 1 du Code de commerce "le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant" ; qu'il doit accomplir tous les actes nécessaires à la réalisation de l'opération de vente ou d'achat qui lui a été confiée : recherche d'un acquéreur ou d'un vendeur, paiement ou encaissement du prix et qu'il est parti au contrat conclu pour le compte du commettant ; qu'or il n'est pas contesté qu'en l'espèce la société RFD n'a pas agi en son nom propre et que notamment elle ne procédait pas au paiement ou à l'encaissement du prix ; que la qualification juridique de contrat de commission ne saurait donc être retenue ;

Que l'agent commercial, selon la définition légale, est un mandataire qui traite avec la clientèle au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels ou de commerçants ; qu'il se différencie par là du commissionnaire qui agit en son nom propre comme du courtier qui se contente de rapprocher des parties pour qu'elles concluent entre elles une opération en apportant leur consentement ; qu'en principe le courtier n'est pas mandataire puisqu'il ne passe pas d'acte juridique au nom et pour le compte d'autrui ;

Que l'agent commercial recherche et visite des clients auxquels il propose les produits fabriqués ou négociés par son mandant ; que cette prospection se traduit soit par des "prises d'ordre" ou des "prises de commandes" au nom et pour le compte du mandant, soit par la conclusion de contrats de vente, d'achat ou de prestation de services toujours au nom et pour le compte du mandant ; que l'intermédiaire qui reçoit les commandes des clients et perçoit une commission sur les ventes réalisées est un agent commercial ;

Que la société intimée soutient qu'en l'espèce la société RFD n'a ni visité la clientèle, ni négocié et que les commandes étaient passées directement auprès d'elle soit par fax, soit via le système EDI, ce dont elle rapporte effectivement la preuve ; qu'elle ajoute que la négociation des accords annuels de référencement, des accords de coopération commerciale ou de services distincts a toujours été conduite par elle, en prise directe avec les acheteurs pour discuter les marchés, les prix, les remises sur facture et les marges arrières et que la société RFD n'a été d'aucune aide à cet égard, n'ayant tout au plus participé qu'à quelques réunions avec les acheteurs en compagnie de ses propres représentants ;

Mais qu'à supposer que la pièce n° 28 "synthèse des visites de magasins" ne puisse être retenue à titre de preuve, s'agissant d'un document émanant de la société appelante elle-même, cette dernière produit également aux débats des compte-rendus de visite dont il résulte qu'elle a conduit ou participé à des réunions de négociation des prix avec les clients de la Grande Distribution, même si ces négociations étaient très encadrées et surveillées par la société SAEGB ; qu'elle prouve également que la société intimée l'a chargée d'organiser des animations afin de promouvoir la vente des produits Gabriel Boudier ; qu'ainsi, dans un courriel du 23 mai 2006, celle-ci lui a-t-elle donné son accord pour organiser de telles manifestations, avec dégustation des produits ;

Que les enseignes de la grande distribution adressaient certes leurs commandes par procédés informatiques, directement à l'intimée, mais qu'il résulte des propres correspondances de la société SAEGB qu'il s'agissait de répondre à des impératifs pratiques de gestion de la logistique GD ; qu'en revanche la société RFD facturait directement la société Carrefour, preuve que son rôle n'était pas celui d'un simple courtier ;

Que le contrat proposé le 29 juillet 2004 par la société SAEGB prévoit d'ailleurs que "le commissionnaire" passera les commandes des clients au prix fixé dans le tarif et qu'il percevra une commission sur toutes les transactions passées "pour le compte du commettant" ;

Qu'il est d'ailleurs intéressant de noter que la société SAEGB prétend que son adversaire a accepté le contrat de commissionnaire qu'elle lui proposait, qui est en totale contradiction avec un simple contrat de courtage ; qu'il apparaît que comme l'affirme la société appelante elle a surtout fait en sorte d'éviter la qualification d'agent commercial pour échapper aux obligations qui en résulteraient pour elle ;

Que dans son courriel du 18 octobre 2004 Monsieur Hervé Gouin indique que "RFD créée et envoie une "proforma" à Boudier pour toutes les commandes GD qui sont livrées et facturées par Boudier" ; que cette précision est en accord avec la conception qu'avait chacune des parties du rôle et de la mission de la société RFD,

Que de même, dans la lettre de rupture du 2 novembre 2006, la société SAEGB mentionne que "depuis le 1er janvier 2005, nous vous avons accordé, d'une part, un mandat exclusif afin de rechercher pour nos produits des clients dans le secteur de la grande distribution, nous mettre en relation avec eux et nous assister dans la négociation..." ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société RFD assumait bien pour le compte de la société SAEGB une mission d'agent commercial ;

Sur la rupture des relations entre les parties

Attendu que la société appelante ne saurait se prévaloir d'un délai de préavis prévu par un contrat qu'elle a refusé de signer ;

Que l'article L. 442-6 I du Code de commerce dispose : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers... 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels... Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure..." ;

Que la société SAEGB reproche à la société RFD ses mauvaises performances commerciales ;

Que les parties s'entendent pour reconnaître les objectifs de vente prévus à chacun des deux projets de contrat, soit 20 000 cols pour le secteur CHR et 100 000 cols pour le secteur GD ;

Que s'agissant du secteur CHR la société SAEGB prétend que 38 387 cols ont été vendus sur 28 mois, du 1er septembre 2004 au 31 décembre 2006, soit une moyenne annuelle de 16 451 cols, inférieure aux exigences contractuelles et que par ailleurs l'apport de clientèle est insignifiant, 16 nouveaux clients ayant été ajoutés aux 70 transmis ;

Mais que la société appelante fait observer à bon droit, d'une part que les seuls objectifs reconnus par les parties portent sur le nombre de cols, d'autre part que l'année 2004 ne peut être prise en considération, la société SAEGB ne rapportant pas la preuve de la date exacte du début d'activité de son concédant ;

Qu'ainsi l'objectif fixé, sans même prendre en compte les ventes Metro dont la société intimée soutient qu'elles relèvent du secteur GD, a été quasiment atteint ; qu'en tout cas l'écart en moins est tel qu'il ne saurait caractériser l'inexécution par la société RFD de ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis suffisant ;

Que la durée de ces relations ainsi que l'absence de dépendance économique du distributeur imposent que la durée du préavis soit fixée à quatre mois ; que la société appelante ayant déjà bénéficié d'un préavis de deux mois, son indemnisation sera limitée au sixième de la somme de 30 000 euro correspondant à ses revenus annuels, qui n'est pas contestée, soit 5 000 euro ;

Que pour le secteur GD, la société SAEGB ne produit aucun élément permettant de contester les chiffres avancés par l'appelante, soit 110 361 EQB 70 cl pour 2005 et 95 964 EQB 70 cl pour 2006, soit une moyenne sur les deux années supérieure à celle exigée ;

Que là encore la preuve d'un défaut d'exécution des obligations contractuelles n'étant pas rapportée, le préavis de deux mois accordé doit être considéré comme insuffisant et fixé à quatre mois, soit un préjudice de 40 000 euro : 6 = 6 666 euro ;

Qu'en outre l'article L 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que l'indemnité de cessation du contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties et qu'il doit être tenu compte de tous les éléments de la rémunération de l'agent pendant l'exécution du contrat sans qu'il y ait lieu de distinguer si elle provient de clients préexistants au contrat ou au contraire apportés par l'agent ;

Que selon l'article L. 134-13 du Code de commerce, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial dont la preuve, en l'espèce, n'est pas rapportée ;

Que compte tenu des éléments du dossier la cour estime toutefois devoir limiter l'indemnisation accordée à une année de commissions, soit la somme de 40 000 euro ;

Sur les autres demandes

Attendu que les sommes réclamées au titre des commissions non versées ne sont pas contestées, pas plus que le paiement à la société SAEGB de la somme de 9 396,34 euro TTC au titre de factures impayées ;

Qu'il n'y a pas lieu à majorations du taux d'intérêt à appliquer, autres que celles éventuellement prévues par la loi ; qu'enfin la capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

Que la somme sollicitée au titre de la reprise des stocks, soit 12 753,10 euro, est également justifiée, aucune faute à la charge de la société appelante n'étant démontrée ;

Qu'en revanche la société intimée, qui n'établit à la charge de la société RFD aucune inexécution de ses obligations contractuelles, sera déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

Attendu enfin qu'il convient d'allouer à la société appelante la somme de 3 000 euro au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a : - condamné la société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier à payer la SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution la somme de 36 977,92 euro outre intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2006 et la somme de 34 283,71 euro outre intérêts au taux légal à compter du 13 février 2007 ; - ordonné la capitalisation des intérêts ; - débouté la société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts au titre d'un préjudice commercial et d'un préjudice distinct ; - condamné la SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution à payer à la société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier la somme de 9 396,34 euro au titre de factures impayées ; Réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier à payer à la SAS Baron Philippe de Rothschild France Distribution la somme de 12 753,10 euro au titre de la reprise des stocks, la somme de 5 000 euro au titre de la rupture sans préavis suffisant du contrat de distribution exclusive, la somme de 6 666 euro au titre de la rupture sans préavis suffisant du contrat d'agent commercial, la somme de 40 000 euro au titre de l'indemnité compensatrice pour rupture du contrat d'agent commercial et la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société anonyme des Etablissements Gabriel Boudier aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par la SCP André Gillis conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.