CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 10 décembre 2010, n° 08-02598
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Admea (SA)
Défendeur :
Carrefour France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacomet
Conseillers :
MM. Laurent-Atthalin, Schneider
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Pamart
Avocats :
Mes Schrimpf, Nader, Cledat
LA COUR est saisie de l'appel, déclaré le 05/02/2008, d'un jugement rendu le 16/01/2008 par le Tribunal de commerce d'Evry.
La SAS Admea a pour activité l'import-export et la fourniture en gros d'équipements et produits de toute nature à des centrales d'achat, grandes surfaces et autres distributeurs de biens de consommation.
Elle justifie avoir livré diverses sociétés du groupe Carrefour à compter de l'année 2000 dans les secteurs de l'électronique, de l'électroménager, du bricolage, du ménage, du bazar et du multimédia pour des quantités variables.
L'évolution des fournitures s'établit comme suit :
- pour l'année 2000 : un montant de l'ordre de 180 000 euro se répartissant en 21 000 euro (électronique), 20 000 euro (électroménager), 138 000 euro (ménage),
- pour l'année 2001 : un montant de l'ordre de 6 570 000 euro se répartissant en 3 : 700 000 euro (électronique), 580 000 euro (bricolage), 2 280 000 euro (ménage),
- pour l'année 2002 : un montant de l'ordre de 33 000 000 euro se répartissant en 30 000 000 euro (électronique), 1 158 000 euro (bricolage), 1 200 000 euro (ménage) et 44 000 euro (jardin),
- pour l'année 2003 : un montant de l'ordre de 3 447 872 000 euro se répartissant en 1 583 000 euro (électronique), 204 000 euro (électroménager), 18 875 euro (bricolage), 1 632 000 euro (bazar),
- pour l'année 2004 : un montant de l'ordre de 1 718 000 euro se répartissant en 1 358 000 euro (électronique), 286 582 euro (électroménager), 24 237 euro (bazar), 51 981 euro (multimédia).
Partie des produits électroniques étaient distribués notamment sous marque propre Carrefour Blue sky soit un montant de 2 345 000 euro pour l'année 2001 représentant 63 % du chiffre d'affaires du département électronique et 34 % du total du chiffre d'affaires réalisé par cette société avec les sociétés du groupe Carrefour, ces valeurs atteignant, en 2002, 28 644 674,07 euro et 86 %.
Alors qu'il n'est pas utilement contredit que le courant d'affaires jusqu'en 2002 était réalisé avec des sociétés françaises du groupe Carrefour, il résulte d'une attestation du 26/02/2010 de l'expert-compatible de la SAS Admea que celui-ci pour les années 2002 et 2003 était respectivement effectué avec les sociétés françaises à concurrence de 64 % et 80 % ce que confirmait le 01/03/2010 le commissaire aux comptes de cette même société.
En mars 2002, la SAS Admea avait conclu avec la SA Carrefour World Trade un accord de coopération internationale dont s'évince que :
- cette dernière société coordonnait la commercialisation des produits achetés par les sociétés du groupe Carrefour ;
- il concernait les lecteurs DVD, avait une durée de un an,
- était annexées les fiches de marque propre Blue sky DVD DS 8315,
- en contrepartie de la promotion de ces produits par le groupe Carrefour dans chaque pays concerné, la SAS Admea versait une redevance forfaitaire de 0,5 % du chiffre d'affaires HT.
En exécution de cet accord, la SAS Admea transmettait les informations sur le courant d'affaires réalisé avec les différentes sociétés du groupe Carrefour et la société Carrefour Word Trade facturait le 21/03/2003 la redevance due pour un montant de 141 102 euro au titre de l'année 2002.
Il n'est pas utilement contredit que l'important volume réalisé avec les seules sociétés du groupe Carrefour a conduit la SAS Admea à recourir à la société d'affacturage de ce groupe.
Le 21/11/2002, était proposé par la SA Hypermarchés Carrefour France divers actes signés par elle :
- un contrat de fourniture de produits à marque propre avec la SA Carrefour Hypermarchés France agissant pour toute enseigne exploitée par le groupe Carrefour en France et Dom Tom pour tout produit spécifié à l'annexe mais cette mention de l'annexe était biffée pour une durée de un an à compter de la signature et renouvelable à la date anniversaire pour une durée indéterminée, stipulant un préavis pour mettre fin au contrat renouvelé de six mois,
- les conditions générales d'approvisionnement et cahier des charges logistiques pour les activités non alimentaires,
- un protocole d'accord sur la mise en conformité aux conditions générales d'approvisionnement,
- un contrat de prestation de services CRF Centre de règlements de fournisseurs entrant en vigueur le 01/01/2003 d'une durée d'un an mais continuant à s'appliquer à compter du 31/12/2003 jusqu'à ce qu'un nouvel accord soit conclu.
Le 03/12/2002, la SAS Admea, à la demande de Carrefour, lui retournait un état prévisionnel de son courant d'affaires avec les sociétés de ce groupe pour 2003 pour 30 000 000 euro correspondant à 320 000 pièces ces valeurs étant celles annoncées comme réalisées en 2002.
Conformément à ses obligations contractuelles, la SAS Admea devait supporter le coût du service après-vente ce qui a généré des avoirs émis par la société Carrefour pour les montants de l'ordre de 517 000 euro en 2003 et 68 000 en 2004 et la SAS Admea justifie avoir été facturée à cette fin pour les années 2002 à 2006 par deux sociétés sous-traitantes pour un montant de 2 229 187 euro ce que confirme une attestation du 05/05/2009 de son expert-comptable ;
Courant juillet 2003, la SAS Admea envisageait de s'introduire sur le marché libre en se prévalant notamment de la clientèle de Carrefour pour les lecteurs DVD ce que reprenait le document prévu à cet effet de la COB. Elle sera de fait introduite à ce marché le 31/07/2003.
Un protocole d'accord transactionnel, qui ne sera pas en définitive conclu, était envisagé au début juillet 2004 dont s'évince que :
- les parties ont réalisé un courant d'affaires pour les lecteurs DVD sous marque propre Blue sky de 5,2 millions d'euro en 2001, de 19,4 millions d'euro en 2002 et de 2 000 000 en 2003,
- de nombreux problèmes de qualité ont été rencontrés sur la principale référence DVD Blue sky 8 315 dont 200 000 exemplaires ont été vendus au Groupe Carrefour, le taux de retour et de réparations étant de l'ordre de 20 %
- conformément à ses obligations contractuelles, la société Admea devait prendre en charge ces réparations mais que cette dernière a estimé que lui avait été facturé à tort 22 500 euro,
- les parties s'étant rencontrés en février 2004 après examen contradictoire, il est apparu que la société Carrefour devrait 167 000 euro,
- moyennant renonciation irrévocable par la SAS Admea à toute plainte ou action de quelque nature que ce soit contre Carrefour ou toute filiale de Carrefour, ayant pour cause, objet ou occasion les relations commerciales entretenues avec Carrefour antérieurement à la date de signature du présent protocole, la SA Carrefour Hypermarchés France lui verserait la somme de 167 000 euro.
Par acte du 30/12/2005, la SAS Admea, sur le fondement notamment de l'article L. 442-6-I du Code de commerce a délivré l'assignation à l'origine du jugement déféré, en indemnisation du préjudice résultant d'une rupture abusive des relations contractuelles.
Le tribunal a débouté la SAS Admea de toutes ses demandes, l'a condamnée à payer à la SAS Carrefour Hypermarchés France une somme de 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les dépens, les parties étant déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par dernières conclusions du 02/03/2010, la SAS Admea, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que la SAS Carrefour Hypermarchés France, aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Carrefour France, a rompu brutalement les relations commerciales établies avec elle depuis l'année 2000, de condamner cette dernière à lui payer, à ce titre, les sommes de 3 981 274,50 euro - et subsidiairement 1 939 297,40 euro et 617 583,46 euro soit ensemble le montant de 4 598 857,96 euro - et subsidiairement 2 556 881 euro à titre de dommages et intérêts et, en tout état de cause, la somme de 2 000 000 euro au titre de son comportement déloyal, outre celle de 40 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 25.02.2010, la SAS Carrefour France, venant aux droits de la SAS Carrefour Hypermarchés France, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la SAS Admea de toutes ses demandes, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens.
Sur ce
Considérant que pour critiquer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et au soutien des dommages et intérêts qu'elle réclame, la SAS Admea prétend que :
- le déréférencement abusif est sanctionné par l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
- la relation commerciale établie au sens de ce texte s'entend dans une acceptation économique déterminant un courant d'affaires continu indépendante de tout cadre juridique,
- en l'espèce, il est incontestable que ces relations commerciales établies depuis l'année 2000 ont été brutalement rompues sans aucun préavis en 2003,
- vainement, la SAS Carrefour France dénie l'existence d'un tel référencement et que ce dernier constituerait une relation commerciale établie au sens du texte précité alors que ce rôle de référencement lui a été imputé de façon constante par les juridictions, qu'elle l'a admis en l'espèce en première instance et dans ses premières écritures devant la cour, qu'un tel référencement s'évince du contrat de fournitures sous marques propres conclu le 21/11/2002 et d'une gestion centralisée pour l'ensemble des entités du groupe des négociations et ventes sans que cette SAS Carrefour France puisse utilement exciper dans ses conclusions du 27/01/10 de ce que le référencement international serait assuré par Carrefour World Trade, société de droit suisse et alors que le chiffre d'affaires qu'elle réalise avec la SAS Carrefour France l'a été avec les seules sociétés françaises,
- le point de départ de ces relations commerciales établies qui doit prendre l'intégralité du courant d'affaires et non la seule activité des lecteurs DVD se situe en mars 2010 [sic] date à partir de laquelle s'est développé un courant d'affaires pérenne en constante progression que confirment l'accord de coopération internationale de mars 2002 d'une durée d'un an pour les lecteurs DVD, les 4 contrats du 21/11/2002 et le projet de protocole d'accord soumis en 2004 et que ne contredit pas la mise en compétition de divers fournisseurs dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres laquelle n'est au demeurant pas démontrée,
- le caractère brutal de la rupture s'évince de l'absence de tout préavis et de la baisse brutale du chiffre d'affaires auquel s'ajoute un comportement déloyal tiré de la signature de contrats en novembre 2002 destinés à s'exécuter en 2003, de demandes formées en décembre 2002 relatives aux prévisions pour l'année 2003, qui la conduira à émettre des avoirs et à être exposée aux factures de ces sous-traitants dans le cadre du service après-vente des produits électroniques,
- le comportement déloyal du groupe Carrefour est d'autant plus grave qu'il a affecté sa notoriété au moment où elle procédait à son introduction en bourse, ce qui a affecté tant son chiffre d'affaire, que ses besoins de financement, alors que son volume d'affaires avec la société Carrefour France, l'avait contrainte de recourir aux services d'une société d'affacturage recommandée par cette dernière, ce qui a généré un préjudice de 2 000 000,
- le préjudice découlant de la rupture brutale, eu égard à la durée de la relation, de la durée du préavis de six mois stipulé au contrat de fourniture de produits sous marque, du doublement du préavis minimal lorsque le produit est fourni sous marque de distributeur, doit être calculé sur la base d'un préavis de un an, en sorte que sa marge pour l'année 2002 étant de 4 280 179,19 euro et de 298 904,69 euro en 2003, il s'établit à la différence entre de ces deux montants soit la somme de 3 981 274,50 euro sauf à le calculer sur la marge moyennes des trois années 2001 2002 2003 en retenant pour chaque activité le taux de marge 2002 pour l'année 2001 soit pour le secteur ménage (32,76 %), le secteur bricolage (15,83 %), le secteur électronique (11,97 %) ce qui ramènerait ce préjudice au montant de 1 939 297,90 euro,
- découle en outre de cette rupture brutale et de l'absence d'un plan de dégagement progressif réglant notamment la question du service après-vente, un préjudice d'un montant de 617 583, 46 euro correspondant à la moitié des factures émises par ses deux sociétés sous-traitantes ;
Considérant que la SAS Carrefour France réplique que :
- les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ne sont pas en l'espèce applicables dès lors que :
* il n'existait pas une relation d'affaires globale, aucun acheteur ayant une compétence transversale pour les différents secteurs sur lesquels la société Admea proposait ses produits,
* la notion de fournisseur référencé manque à la fois de pertinence et de réalité puisqu'il s'en suivrait, à suivre la société Admea dans son interprétation, que tout fournisseur devrait être référencé
* la signature des contrats évoqués ne peut être interprétée comme une garantie quelconque de renouvellement des commandes de DVD passées en 2002 alors qu'ils ne comportaient aucune obligation de commande ou d'objectif de volume ni de justifier du choix ou du refus des produits et que le contrat de fourniture sous marque ne bénéficiait d'aucune exclusivité de vente pour la société Admea,
* l'importance des commandes pour l'année 2002 sur les lecteurs DVD est insuffisante à établir une relation commerciale établie justifiant un préavis particulier et le maintien de la commande à un niveau similaire pendant la durée du préavis, étant observé que ceux-ci n'ont été vendus sous marque qu'à compter de 2001, qu'en 2002, elle ne portait que sur un seul modèle Blue sky 8315 ce qui a permis à la société Admea de percevoir une somme de 11 267 706,32 tandis qu'en 2003, elle n'a été retenue que pour un autre lecteur DVD, autre que celui précité, pour un montant de 1 025 000 euro, que la société Admea, spécialiste de l'import-export ne faisait que répondre à des commandes ponctuelles exclusives de toute pérennité dans un marché soumis à une forte concurrence, que c'est précisément l'absence de toute relation avec les distributeurs et de toute obligation à leur égard qui permet à la SAS Admea d'être très réactive à l'évolution du marché, que la jurisprudence admet une précarité certaine et l'absence de garantie d'un chiffre d'affaires ou d'exclusivité dans des marchés très compétitifs, que si une telle relation commerciale s'était établie, la société Admea n'aurait pas attendu trois ans pour délivrer l'assignation à l'origine du jugement déféré, que la mise en concurrence dont s'agit ne s'assimile nullement à une pratique d'enchères inversées,
- il s'ensuit que le grief de rupture brutale d'une relation commerciale établie faute de démonstration de l'existence d'une telle relation n'est pas fondé,
- le préjudice allégué au titre d'un comportement déloyal n'est pas allégué, ce comportement déloyal ne s'évinçant ni des contrats signés en 2002 nullement trompeurs ni des avoirs émis au titre du service après-vente qui ne sont que l'application des conditions stipulées dans l'un des contrats conclus le 21/11/2002,
- le préjudice au titre de la rupture brutale n'est pas plus établi dès lors que :
* la société Admea se fournit auprès de fabricants pour les besoins de ses propres clients sans avoir aucune activité de production, sans être contrainte à aucune reconversion, et qu'elle conservait de nombreuses opportunités de clientèle de marché,
* ce préjudice ne peut être calculé par rapport à la marge de la seule année 2002 qui est une année extraordinaire mais sur la marge moyenne des trois années 2001, 2002, 2003 étant observé que ne peut être pris en compte pour 2001 le taux de marge 2002, la marge moyenne est celle réalisée avec Carrefour France et non l'ensemble des sociétés du groupe Carrefour,
* le préjudice au titre de l'activité du service après-vente n'est pas plus caractérisé s'agissant d'obligations que contractuellement la SAS Admea s'était engagée à prendre en charge.
Considérant que par application de l'article L. 442-6-I-5°, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui sera applicable, si le produit n'était pas distribué sous marque de distributeur (...) ; les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;
Considérant que ce texte par la généralité de ses termes s'applique à toute relation commerc[iale] établie quel qu'en soit le statut juridique, dès lors que la partie victime de la rupture pouvait légitimement espérer la poursuite de la relation établie sur les mêmes bases ;
Considérant que la société Admea revendique la proposition de ses produits auprès notamment des grandes surfaces alimentaires telles celles à l'enseigne de Carrefour essentiellement dans le cadre d'opérations promotionnelles et une politique commerciale fondée sur l'absence de stocks et l'acheminement direct des produits principalement en provenance d'Asie de telle sorte qu'elle ne passait commande à un fournisseur que pour autant que lui était passée une commande par un client, que par un telle politique commerciale cette société d'import-export en gros entendait privilégier sa liberté de choix des différents distributeurs avec laquelle elle était en relations tant au niveau de produits que des prix que des volumes, ce que confirment les autres enseignes dont elle prétend être le fournisseur : Auchan, Casino, Cora, Intermarché, Système U ;
Considérant que la société Carrefour France souligne sans être utilement contredite que le groupe Carrefour procédait à la sélection de ses fournisseurs dans le cadre d'appel d'offres ce qui conduisait à un référencement international par une société spécialisée Carrefour Word Trade, chaque société du groupe et notamment pour la France Carrefour France décidant du volume de commande à passer au fournisseur, les différents rayons selon le type d'activité (électroménager, bricolage, ménage, jardin, bazar et multimédia) passant commande de façon autonome ce que confirment différents documents par lesquels, au moins pour les DVD, la société Admea entre novembre 2002 et janvier 2004 répondait aux offres de Carrefour quant au prix et aux délais et diverses réponses de même nature de ses concurrents comme le caractère hétérogène des commandes pour les différents départements, hors électronique, puisque par exemple pour l'électroménager, après des commandes pour un montant de l'ordre de 20 000 euro en 2000, il n'a été justifié d'aucun courant d'affaires pour les deux années suivantes, pour le département bricolage ce courant d'affaires n'a existé qu'à partir de 2001 pour un montant de l'ordre de 560 000 euro qui sera pratiquement doublé l'année suivante, que pour le département ménage ce courant d'affaires est passé de l'ordre de 130 000 euro en 2000 à plus de 2 200 000 euro l'année suivante pour diminuer de moitié en 2002, que pour l'activité jardin un chiffre d'affaires n'a été réalisé qu'en 2002, et que pour ces trois années de référence aucune activité n'ait été réalisée dans les départements bazar et multimédia ;
Considérant que pour ces divers départements hors électronique, il n'a été justifié par la SAS Admea - qui ne précise pas ni les sociétés du groupe Carrefour auxquelles les commandes se rapportent, ni de manière précise les produits concernés - d'aucun engagement de commande ni d'un quelconque référencement en sorte que les commandes étaient ponctuelles, exemptes de toute stabilité ;
Considérant que pour le département électronique, la société Admea justifie d'un contrat de coopération conclu avec Carrefour Word Trade à effet du 01/01/2002 dont il ressort qu'elle était retenue notamment pour fournir les sociétés Carrefour françaises pour les lecteurs DVD distribués sous marque propre Carrefour Blue sky, pour cette année 2002, que cette année a vu le chiffre d'affaires du département électronique réalisé par Admea en progression considérable, que cet accord n'a pas été renouvelé l'année suivante, mais que les différents actes proposés à Admea en novembre 200 mais non signés par cette dernière sans les limiter à un produit déterminé comme la demande de chiffre d'affaires prévisionnel pour 2003 formée en décembre 2003 attestent une intention de Carrefour France de pérenniser leurs relations ;
Considérant qu'il s'évince du projet de protocole d'accord envisagé en juillet 2004 comme des écritures de la SAS Admea qui souligne les importantes dépenses de service après-vente qu'elle a dû assumer sur les lecteurs DVD Blue sky en payant ses sous-traitants, qu'un litige a opposé les parties sur la qualité même de ces lecteurs ;
Considérant qu'il est manifeste que la volatilité du marché des lecteurs DVD excluait que le référencement admis pour une année soit automatiquement renouvelé l'année suivante ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites que pour l'année suivante les chiffres d'affaires réalisés ont été de l'ordre de 1 600 000 euro (électronique), 204 000 euro (électroménager), 16 900 euro (bricolage), 1 630 000 euro (bazar) et pour l'année 2004, 1 350 000 euro (électronique), 286 500 euro (électroménager), 24 230 euro (bazar) et 51 900 euro (multimédia), que ces chiffres ainsi réalisés, attestent l'intention de Carrefour France de poursuivre ses relations dans le domaine électronique sur des produits compétitifs et les commandes ponctuelles dans les autres secteurs d'activité ;
Considérant qu'il résulte de cet ensemble de circonstances que pour les secteurs hors électronique, la société Admea n'était assurée d'aucune permanence ou stabilité d'activité et qu'on ne saurait déduire non plus une telle permanence et stabilité de chiffre d'affaires pour le département électronique, au regard du montant exceptionnel réalisé pour 2002 sur la base d'un référencement qui lui avait été accordé pour une seule année sur un produit déterminé vendu sous marque propre Carrefour ;
Considérant qu'il s'ensuit que le courant d'affaires réalisé entre les parties, par leur volonté même, comme eu égard aux conditions d'évolution du marché, étaient exclusives de toute volonté d'établir une relation durable sur un volume déterminé d'un ou plusieurs produits identifiés, ou un volume d'ensemble et par suite d'une relation établie au sens de l'article L. 446-6-I-5° du Code de commerce dont les dispositions ne sont donc pas applicables ;
Considérant que vainement la SAS Admea excipe d'une attitude trompeuse de la société Carrefour France tendant à lui faire croire à la pérennité de leurs relations pour lui avoir transmis divers actes en novembre 2002 puis en décembre 2002 lui avoir demandé une estimation de chiffre prévisionnel, et n'avoir fait aucune réserve lorsqu'elle lui a répondu en lui adressant une estimation correspondant au chiffre d'affaires réalisé en 2002 dès lors, d'une part, que les différents actes n'ont pas été signés par elle, d'autre part, que ces actes ne portaient sur aucun produits spécifiés, de troisième part, que compte tenu des relations antérieures et de ce qui a été dit quant à l'absence de relations établies et de sa propre politique commerciale, comme de celle de la société Carrefour France, la SAS Admea, ne pouvait se méprendre sur la volonté de la SAS Carrefour France de se déterminer dans le cadre d'appel d'offres tenant compte de la volatilité du marché, spécialement dans le domaine électronique qui était le département dans lequel sur un seul produit distribué sous marque Carrefour Blue sky elle avait réalisé un chiffre exceptionnel en 2002, de quatrième part, que de l'estimation de la société Admea de son chiffre d'affaires pour 2003 qui n'est ventilé par rapport aucune précis [sic] ne peut se déduire aucun engagement précis de l'une ou l'autre partie ;
Considérant qu'est tout autant dénuée de portée, quant à cette attitude trompeuse alléguée par la SAS Admea, la circonstance que les avoirs émis au titre de ses propres obligations sur les produits retournés ou affectés de défauts a représenté un montant de l'ordre de 15 % du chiffre d'affaires réalisé en 2003 et que les factures réclamées par ces sous-traitants a représenté pour 2003 et 2004 un montant global de l'ordre de 2 200 000 euro correspondant selon elle à 42,66 % puis 49 % du chiffre d'affaires réalisé sur le département électronique, puisque ces avoirs qui n'expriment que l'importance des retours et des défauts par rapport à une année exceptionnelle ne sont que la conséquence, ce qu'admet la SAS Admea des engagements qu'elle avait souscrits dans le cadre de l'accord de coopération commerciale de mars 2002, et qu'on ne saurait déduire une quelconque obligation de la société Carrefour France de perpétuer une relation compte tenu de l'ampleur de la charge de la SAS Admea au titre de son service après-vente, et encore moins une faute à l'encontre de cette société pour n'avoir pérennisé cette relation ;
Considérant que ne peut pas plus prospérer l'argumentation de la SA Admea tirée que ces prétendus annonces d'une relation ayant vocation à être pérennisée, sont intervenues alors qu'elle organisait son introduction en bourse au marché libre, d'une part, compte tenu de ce qui a été déjà dit quant à cette absence de pérennisation, d'autre part, car, le risque évoqué ne s'est pas réalisé, l'introduction en bourse s'étant réalisée dans des conditions en définitive satisfaisantes, sans que le caractère inactuel des informations données a été reproché, ou qu'il en soit résulté une altération des capacités de financement sur les marchés ;
Considérant que le surplus de l'argumentation des parties est dénué de portée ;
Considérant que, par ces motifs, s'ajoutant à ceux non contraires des premiers juges, le jugement est confirmé ;
Considérant que l'équité commande de condamner la SAS Admea à payer à la SAS Carrefour France une somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile , le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;
Considérant que la SAS Admea est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;
Par ces motifs, Confirme le jugement ; Y ajoutant, Condamne la SAS Admea à payer à la SAS Carrefour France une somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Admea aux dépens d'appel ; Admet Me Rémi Pamart au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.