CA Pau, 2e ch. sect. 1, 16 décembre 2010, n° 09-03594
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Tahiti (SA)
Défendeur :
Pascasev (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bertrand
Conseillers :
Mme Claret, M. Scotet
Avoués :
SCP Longin Longin-Dupeyron Mariol, SCP de Ginestet-Duale-Ligney
Avocats :
Me Cohen-Boulakia, Leclair
Rappel des faits et de la procédure
Le 1er août 2006 la SARL Pascasev, représentée par Mme Truteau, a conclu avec la SA Tahiti un contrat intitulé contrat de commission-partenariat pour une durée de 5 ans, lequel a été modifié par un avenant du même jour modifiant certaines dispositions contractuelles, notamment l'article 5-2 relatif à la commission supplémentaire, l'article 25 au titre des sanctions et l'article 30 relatif à la juridiction compétente, compétence étant accordée au Tribunal de commerce de Bayonne au lieu et place du Tribunal de commerce de Lyon.
Le même jour également Mme Pascale Truteau, gérante de la société PS, a signé un engagement personnel pour se porter caution solidaire de la société pour un montant de 14 000 euro.
La SARL Pascasev estimant que la SA Tahiti ne respectait par les engagements contractuels souscrits a, par lettre recommandée de son conseil du 13 octobre 2008, alerté la société Tahiti sur les manquements prétendus, indiquant qu'elle les considérait comme de nature à constituer une cause de résiliation du contrat à ses torts exclusifs, tout en cherchant à privilégier une solution amiable.
Faute de solution amiable trouvée, la société Pascasev a, par acte du 6 mars 2009, assigné la société Tahiti par devant le Tribunal de commerce de Bayonne aux fins de solliciter la nullité du contrat conclu le 1er août 2006 et à titre subsidiaire la résiliation dudit contrat.
Par le jugement entrepris le Tribunal de commerce de Bayonne a :
- reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions,
- s'est déclaré compétent pour régler ce litige,
- débouté Pascasev sa demande de nullité du contrat,
- débouté Pascasev en sa demande de requalification du contrat,
- prononcé la résolution du contrat au vu de l'article 1184 du Code civil aux torts exclusifs de Tahiti pour le non-respect des clauses contractuelles,
- condamné Tahiti à payer à Pascasev la somme de 50 000 euro avec intérêt légaux à titre de dommages et intérêts et ce à compter de la date du prononcé du présent jugement,
- condamné Tahiti à payer à la somme de 735,12 euro portant 1,30 % d'intérêts mensuels à compter du 5 novembre 2008,
- condamné Tahiti à payer à Pascasev la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté comme inutiles non fondées toutes autres demandes contraires des parties,
- condamné Tahiti aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 80,85 euro TVA 19,60 % incluse en ce compris le coût de l'expédition du présent jugement.
Moyens et prétentions des parties
La SA Tahiti, aux termes de ses dernières écritures, demande à la cour de :
- vu le jugement du Tribunal de commerce de Lyon le 5 octobre 1009,
- vu l'appel interjeté par la société Tahiti à l'encontre dudit jugement,
- vu la signature du contrat de commission-partenariat du 1er août 2006,
- vu l'article 48 du Code de procédure civile,
- vu l'article 20-5 du contrat de commission-partenariat,
- déclarer pour les causes sus-énoncées le Tribunal de commerce de Bayonne territorialement incompétent,
- dire et juger que le Tribunal de commerce de Lyon était compétent,
- renvoyer pour les causes sus-énoncées la cause et les parties devant la Cour d'appel de Lyon,
A titre subsidiaire si le jugement était confirmé du chef de la compétence,
- déclarer recevable et bien-fondé l'appel présenté par la société Tahiti,
- réformer partiellement le jugement entrepris,
Quoi faisant,
- débouter pour les causes sus-énoncées la société Pascasev de l'intégralité de ses demandes,
- en tout état de cause condamner pour les causes sus-énoncées la société Pascasev à payer à la société Tahiti la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.
En premier lieu, elle soutient que le Tribunal de commerce de Bayonne était incompétent pour statuer sur le présent litige en vertu de la clause attributive de compétence au Tribunal de commerce de Lyon figurant à l'article 20-5 du contrat de commission-affiliation, clause répondant aux dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile, à savoir qu'elle a été convenue entre deux commerçants et qu'elle est spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée, la clause attributive de compétence au Tribunal de commerce de Bayonne insérée à l'article 30 de l'avenant étant d'interprétation stricte et n'étant applicable qu'aux contestations relatives à cet avenant.
Sur le fond, elle fait valoir que :
- Mme Truteau, représentante de la société Pascasev, s'est vue remettre de la part de la société Tahiti un document d'information précontractuel le 12 juillet 2006 en vue de la signature d'un contrat de commission-partenariat, qu'après s'être renseignée sur le réseau Ludivine Passion et la société Tahiti elle a conclu le contrat de commission-affiliation le 1er août 2006, que dans ledit contrat il est précisé que la société Pascasev a reçu une information complète relative notamment à l'expérience commerciale de Ludivine Passion par un document conforme au décret du 4 avril 1991 et à l'article L. 330-3 du Code de commerce.
- Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de commission-partenariat et sa requalification en contrat d'agence commerciale,
° il n'y a aucune erreur sur un élément substantiel du contrat, la société Tahiti ne s'étant jamais présentée comme un créateur de produits, le document précontractuel faisant référence à des fournisseurs et à des collections,
° en tout état de cause la société Pascasev ne démontre pas le caractère excusable et déterminant de l'erreur prétendue susceptible d'emporter application de l'article 1110 du Code civil, toute personne souhaitant exercer une activité dans le domaine de la maroquinerie ou du textile connaissant la différence entre "produits" et "collections" ; il ne peut donc s'agir d'une subtilité de la part de la société Tahiti,
° il incombait à la société une obligation de renseignements, de recherche et d'analyse qu'elle ne peut reporter sur la société Tahiti.
- Le jugement doit être également confirmé en ce qu'il a rejeté la requalification en contrat d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce dès lors que le contrat dont s'agit est dans sa qualification, sa rédaction et son régime conforme à la commission telle que définie à l'article L. 132-1 du même Code, dont la spécificité est que le commissionnaire agit en son nom mais pour le compte du commettant, comme spécifié à l'article 1 du contrat.
La Cour de cassation a affirmé que les sociétés propriétaires de leur fonds de commerce (ce qui est le cas de la société Pascasev) relèvent du régime des commissionnaires au sens de l'article L. 132-1 du Code de commerce et non de l'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du même Code.
- Le jugement doit être infirmé sur la demande de résolution du contrat et l'allocation de dommages et intérêts, dans la mesure où la société Tahiti n'a pas commis de manquements à ses obligations dans les différents cas allégués par la société Pascasev à savoir que la société Tahiti aurait :
° livré la société Pascasev avec des produits d'anciennes collections,
° livré à la société Pascasev des produits de déstockage à solder,
° manqué à son devoir d'assistance et d'organisation,
° commis des irrégularités de nature à engager la responsabilité de la société Pascasev,
° commis une violation de l'obligation de non-concurrence,
° commis des retards de paiement,
et en tout état de cause la société Pascasev ne justifie pas d'un préjudice tel que retenu par le tribunal à hauteur de 50 000 euro.
La SARL Pascasev demande en réponse à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit irrecevable et mal fondée l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Tahiti,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Tahiti à payer à la société Pascasev le montant de la prime supplémentaire de 8 % majorée des intérêts conventionnels de retard à compter du 5 novembre 2008,
- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité du contrat du 1er août 2006,
- en conséquence condamner la société Tahiti à payer à la société Pascasev la somme de 29 000 euro outre celle de 86 191,80 euro au titre de la perte de chance des fruits perdus,
A défaut
- prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Tahiti,
A défaut
- dire et juger que le contrat doit être qualifié de contrat d'agent commercial ou à défaut de mandat d'intérêt commun,
- prononcer la résiliation du contrat du 1er août 2006 aux torts exclusifs de la société Tahiti,
- condamner la société Tahiti à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 49 000 euro outre celle de 86 191,80 euro au titre des fruits perdus,
- condamner la société Tahiti à payer une indemnité de 58 000 euro en vertu de l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Tahiti à payer une somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts,
Y ajoutant,
- la condamner à une somme supplémentaire de 20 000 euro au titre du préjudice né de la reprise du stock,
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Y ajoutant, la condamner au paiement d'une somme supplémentaire de 3 000 euro ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que la gérante a très rapidement constaté que la société Tahiti ne respectait pas les engagements souscrits par elle dans le cadre du contrat de commission-partenariat, ces manquements trouvant leur point d'orgue dans les offres diffusées par télécopie à des magasins de chaussures proches du local Pascasev afin qu'ils vendent des produits de maroquinerie Ludivine Passion, que par lettre recommandée du 13 octobre 2008 le conseil de la société Pascasev alertait la société Tahiti sur ses manquements en faisant savoir qu'elle les considérait comme de nature à constituer une cause de résiliation du contrat à ses torts exclusifs et qu'elle souhaitait privilégier une solution amiable concernant la rupture du contrat et les modalités d'indemnisation de son préjudice, qu'aucun rapprochement n'a pu avoir lieu, la société Tahiti contestant avoir violé la clause lui interdisant de s'implanter ou de favoriser l'implantation d'un point de vente sous enseigne Ludivine Passion et prétendant s'être contentée d'effectuer des démarches pré-commerciales d'analyse du marché par prospection sans suivi d'effet.
L'intimée soutient en premier lieu qu'aux termes de l'article 30 de l'avenant au contrat "article 20-5 juridiction compétente" la volonté des parties était clairement manifestée de modifier les termes de l'article 20-5 du contrat principal et d'attribuer compétence territoriale au Tribunal de commerce de Bayonne.
Sur le fond, elle conclut à la résiliation du contrat aux torts de la société Tahiti tant au regard de ses manquements contractuels antérieurs au jugement entrepris qu'au regard de ses manquements postérieurs au jugement querellé, exposant que le jour même de l'audience de sursis à exécution provisoire devant le Premier Président le 10 novembre 2009, la société Tahiti a procédé à la reprise de son stock, ce que le conseil de la société Pascasev et M. le Premier Président ignoraient, que ce faisant elle a fait preuve d'un manquement à la bonne foi inqualifiable en faisant perdre à la société Pascasev le bénéfice de la condamnation financière prononcée en première instance et susceptible de lui permettre de financer un nouveau stock, tout en la privant du stock de marchandises nécessaires à la poursuite de son activité.
L'intimée conclut également à la nullité du contrat et à la réformation du jugement sur ce point, soutenant que la société Tahiti n'a pas respecté ses obligations d'information précontractuelles précises de sorte que la société Pascasev a commis une erreur sur un élément substantiel du contrat entraînant la nullité de celui-ci,
° notamment la société Tahiti s'est présentée comme un créateur de produits alors qu'elle s'est contentée de griffer des produits achetés auprès de ses fournisseurs, que c'est par une explication subtile que la société Tahiti a indiqué se présenter comme "créateur de collection" et pas de produits,
° la société Tahiti n'a pas donné de liste exhaustive, a pris soin de sélectionner les boutiques listées afin de présenter une image idyllique du partenariat proposé, a également donné des chiffres qui sont ceux des succursales qui toutes affichent un niveau de réussite bien meilleur que celui des affiliés et n'a pas donné d'informations sincères, ce qui caractérise un dol entraînant la nullité du contrat pour vice du consentement et la restitution des sommes investies par la société Pascasev soit 29 000 euro.
Elle demande en tout état de cause la résiliation du contrat aux torts de la société Tahiti au titre des manquements commis par celle-ci avant la date du 10 novembre 2010, date de reprise du stock, rappelant que la véritable qualification du contrat doit lui être donnée par le juge en vertu de l'article 12 du Code de procédure civile, soutenant qu'en l'espèce s'il s'agit d'un contrat d'agence commerciale soumis aux dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce dès lors que les stipulations contractuelles démontrent que non seulement la société Pascasev agit pour le compte de la société Tahiti mais dans les faits agit aussi au nom de la société Tahiti et que la clause stipulant que la société Pascasev est un commerçant indépendant est artificielle, qu'à tout le moins il s'agit d'un mandat d'intérêt commun.
Elle fonde sa demande de résiliation du contrat aux torts de la société Tahiti sur un ensemble de manquements commis par cette dernière à savoir des retards de paiement, en l'espèce 735,12 euro, motif pour lequel le tribunal a prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société Tahiti, des difficultés liées aux marchandises, un manque d'assistance et d'organisation, un défaut d'information, portant entre autres sur certaines promotions, l'évolution des chiffres d'affaires des membres du réseau, entre autres.
Elle relève que les manquements de la société Tahiti sont établis non seulement par les nombreuses réclamations de Mme Truteau mais également par la simple comparaison entre les chiffres de ventes réalisés sous l'enseigne Ludivine Passion et les chiffres réalisés par la société Pascasev sans enseigne, assistance ou partenariat alors même que la société Tahiti avait repris son stock.
Enfin elle considère que la réparation de son préjudice doit également prendre en compte la perte de fruits espérés de l'activité jusqu'à son terme soit les trois ans restant à courir, ce qui représente une somme de 86 191,80 euro.
Motivation de la décision
I - Sur la compétence territoriale
L'article 20-5 du contrat de commission-partenariat signé le 1er août 2006 stipule que "toutes contestations éventuelles entre les parties, relatives à la conclusion du présent contrat, à son exécution, à son interprétation ou à sa rupture pour quelque cause que ce soit, sont de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Lyon".
L'avenant au contrat signé le jour même, 1er août 2006, prévoit en son article 30 :
"Article 30 - Article 20-5 Juridiction compétente :
A titre exceptionnel il est accordé que le tribunal compétent en cas de litige est le Tribunal de commerce de Bayonne."
En premier lieu il convient de se référer aux dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile qui stipule que toute clause qui directement ou indirectement déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite n'ait été spécifié de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.
Il n'est pas contesté ni contestable qu'en l'espèce les deux parties ont la qualité de commerçant et dès lors la validité de la clause telle que définie à l'article 30 de l'avenant au contrat en date du 1er août 2006 est acquise.
S'agissant de sa portée, c'est à juste titre que le Tribunal de commerce de Bayonne s'est déclaré compétent par une exacte interprétation littérale de la numérotation tant du contrat principal que de l'avenant, relevant que les articles de l'avenant modifiant le contrat portent tous le numéro de l'article du contrat principal, qu'en l'espèce l'article 20-5 du contrat est accolé à l'article 30 de l'avenant, ce qui doit nécessairement s'interpréter comme une modification de la compétence territoriale pour toutes contestations relatives à la conclusion, l'exécution et la rupture du contrat.
De plus il doit être relevé que l'article 31 de l'avenant est ainsi rédigé : "Les autres clauses du contrat de commission-partenariat sont inchangées", ce qui confirme si besoin était que la commune intention des parties était de modifier par l'avenant du même jour certains articles du contrat principal dont l'article 20-5 relatif à la compétence territoriale.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce que le Tribunal de commerce de Bayonne s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige opposant la société Tahiti et la société PS.
II - Au fond
II - 1 - Sur la qualification du contrat signé le 1er août 2006.
La société Pascasev soutient qu'il s'agit en réalité d'un contrat d'agent commercial relevant des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce ou à défaut d'un mandat d'intérêt commun conformément à ce que retient l'article 1er de la loi Doubin du 31 décembre 1989.
Il est constant que le 1er août 2006, la société Tahiti qui commercialise des produits de maroquinerie cuir et synthétique a passé avec la SARL Pascasev en cours de constitution, représentée par sa gérante Mme Truteau, un contrat dénommé contrat de commission-partenariat, étant préalablement exposé que la société Tahiti est titulaire des droits d'exploitation de la marque "Ludivine Passion" déposée auprès de l'INPI le 5 août 1998, qu'elle exploite, au moyen d'établissements secondaires et de concessions des unités de vente de maroquinerie, en France et principalement dans la région Rhône-Alpes et les régions limitrophes, qu'elle a acquis une expérience qui l'a amenée à développer son activité en favorisant l'ouverture, par des commerçants indépendants, de points de vente garnis de marchandises qui restent la propriété, jusqu'à leur vente aux consommateurs, de la société Tahiti, qu'il s'agit d'un contrat de distribution sous forme de "commission-affiliation".
Le tribunal a relevé que la marchandise que propose la société Pascasev est la propriété de la société Tahiti, que les tickets de caisse rendus contre paiement sont au nom de cette société, que les règlements des achats sont versés sur un compte spécial, que la société Pascasev reçoit un règlement mensuel de la société Tahiti qui est un pourcentage des ventes qu'elle a effectuées, que par rapport à sa clientèle il est spécifié contractuellement que la société Pascasev se doit d'apposer sur sa vitrine la marque Ludivine Passion, mais également sa dénomination sociale, qu'en cas de recherche téléphonique le nom de la société Pascasev est précisé sur les pages jaunes, qu'en cas de recherche par Internet il est précisé que le point de vente de Bayonne est un magasin indépendant.
L'article L. 132-1 du Code de commerce qui définit le contrat de commission dispose :"le commissionnaire est celui qui agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d'un commettant."
L'examen du contrat litigieux fait ressortir les points suivants :
- Le commissionnaire-partenaire (la société Pascasev) est propriétaire de son fonds de commerce.
- L'article 1 prévoit que le contrat a pour objet de définir les conditions dans lesquelles Ludivine Passion s'engage à confier au commissionnaire-partenaire, pour être vendu au détail, en son nom, et pour le compte de Ludivine Passion, un stock de marchandises ; ledit stock sera renouvelé au fur et à mesure des ventes et des saisons compte tenu de l'état et de l'évolution du marché considéré, par Ludivine Passion et suivant les critères qu'elle a retenus après avis du commissionnaire-partenaire.
- L'article 6.1 précise que le local dans lequel le commissionnaire-partenaire exercera son activité a été choisi par ses soins et n'a pas à être agréé par Ludivine Passion.
- L'article 9-1 du contrat prévoit que le commissionnaire-partenaire est un commerçant indépendant, qu'il devra apposer sur sa vitrine son nom patronymique ou sa dénomination sociale selon le cas conformant à l'arrêté ministériel du 21 février 1991 relatif à l'information des consommateurs.
Il apparaît ainsi que la société Pascasev est propriétaire de son fonds de commerce, ce qui est incompatible avec la qualité de mandataire, et qu'il s'agit bien d'un contrat de commission-affiliation relevant des dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de commerce, comme l'a justement jugé le tribunal de commerce qui a relevé que la principale différence entre les commissionnaires et les agents commerciaux est que les agents commerciaux ne sont pas propriétaires de leur clientèle ni de leur fonds de commerce.
II - 2 - Sur la nullité du contrat
La société Pascasev soutient que la société Tahiti n'a pas respecté ses obligations d'information précontractuelle précises de sorte que la société Pascasev a commis une erreur sur un élément substantiel du contrat entraînant la nullité de celui-ci, notamment que la société Tahiti s'est présentée comme un créateur de produits alors qu'elle s'est contentée de griffer des produits achetés auprès de ses fournisseurs.
C'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu que le document précontractuel ne précise pas que la société Tahiti crée ses propres produits, qu'il y est stipulé la notion de "création de collections", ce qui en matière textile et de maroquinerie ne signifie pas que les produits qui constituent ces collections sont des dessins originaux mais simplement un assemblage de différents produits.
De même il convient de confirmer le jugement entrepris qui a estimé que les informations précontractuelles fournies en date du 12 juillet 2006 sont conformes à la loi Doubin puisqu'il y est mentionné notamment la liste des magasins à l'enseigne, la liste des magasins ayant résilié le contrat, l'organisation de la société et ses résultats et qu'il suffisait à Mme Truteau de prendre des informations complémentaires nécessaires à sa décision auprès des magasins succursalistes, concessionnaires ou commissionnaires dont elle avait la liste et l'adresse, que d'ailleurs Mme Truteau déclare avoir pu visiter des points de vente et que dans ces conditions elle était seule juge de l'opportunité de son investissement.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Pascasev de sa demande de nullité du contrat.
II - 3 - Sur la résiliation du contrat pour inexécution des obligations
La société Pascasev reproche principalement à la société Tahiti les manquements suivants :
° des retards de paiement,
° des difficultés liées aux marchandises, notamment l'absence de livraison de nouveautés pourtant diffusées auprès d'autres affiliés du réseau, des gammes dépareillées ou des modèles aux couleurs démodées, des articles provenant de déstockage de certains magasins ou ayant été soldés antérieurement, des défaillances dans la gestion des stocks,
° un manque d'assistance et d'organisation,
° un défaut d'information, portant entre autres sur certaines promotions, l'évolution des chiffres d'affaires des membres du réseau...,
° des irrégularités de nature à engager la responsabilité de Pascasev à l'égard des consommateurs, tels que commercialisation de plagiats de produits de marques concurrentes,
° une violation de l'obligation de non-concurrence.
S'agissant de l'obligation de non-concurrence, il convient de se reporter à l'article 3 du contrat, relatif au territoire concédé, qui précise que Ludivine Passion garantit au commissionnaire-partenaire une exclusivité d'implantation d'un point de vente Ludivine Passion sur la ville de Bayonne et dans un rayon de 20 kms autour de Bayonne, que Ludivine Passion s'interdit en conséquence pendant toute la durée du contrat d'implanter ou de favoriser l'implantation d'un point de vente sous enseigne Ludivine Passion dans le territoire concédé.
La société Pascasev soutient que des sacs à main de la marque Ludivine Passion ont été vendus chez un chausseur se trouvant à 10 m de sa boutique et que des produits Ludivine Passion ont été également vendus chez un chausseur de Saint-Vincent de Tyrosse.
Cette clause doit s'analyser comme un engagement de non-implantation d'un point de vente Ludivine Passion dans un rayon de 20 km autour de Bayonne et il y a lieu de noter que la société Pascasev ne démontre pas qu'un point de vente Ludivine Passion ait été implanté dans ce rayon, la commune de Saint-Vincent de Tyrosse étant éloignée d'au moins 22 kms.
En revanche le tribunal de commerce qui a examiné de façon exhaustive les différents griefs invoqués par la société Pascasev au soutien de sa demande de résiliation du contrat pour inexécution par la société Tahiti de ses obligations contractuelles a retenu comme justifiés et fondés les manquements suivants :
- Le manque d'assistance et d'organisation : en particulier un non-respect des visites mensuelles prévues au contrat puisqu'entre juin et novembre 2008 la société Pascasev n'aurait reçu que trois visites sur les cinq qui auraient dû être effectuées, la société Tahiti répondant que pour le mois de novembre la société Pascasev aurait refusé le rendez-vous au motif qu'elle n'aurait été prévenue que 24 heures à l'avance ; or il est prévu au contrat un délai de 48 heures minimum et ce refus paraît donc fondé (cf : mail du 13 novembre 2008).
- Le non-respect des délais contractuels de paiement qui doivent être réalisés le 5 de chaque mois : il a été relevé que la société Tahiti doit une somme de 735,12 euro correspondant à l'accroissement de chiffre d'affaires 2007/2008 par rapport à l'année précédente, que la société Tahiti se défend seulement en mettant en avant la faiblesse de la somme, qu'il faut toutefois comparer ce montant avec les très faibles résultats de la société Pascasev pour laquelle cette somme n'est pas négligeable alors que par ailleurs il s'agit d'un principe de toute relation contractuelle de respecter l'ensemble des clauses d'un contrat sans porter un jugement personnel sur leur niveau d'importance.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que la société Tahiti n'avait pas respecté certaines clauses du contrat et a prononcé la rupture du contrat à ses torts exclusifs sur le fondement de l'article 1184 du Code civil à compter du prononcé du jugement.
II - 4 - Sur le préjudice
La société demande une indemnisation constituée par le remboursement de ses droits d'entrée pour une somme de 15 000 euro, des frais d'acquisition de mobilier auprès des fournisseurs choisis par la société Tahiti pour 14 000 euro, la perte de fruits espérés de l'activité jusqu'au terme du contrat soit les trois ans restant à courir soit 86 191,80 euro sur la base d'un chiffre d'affaires de 32 649 euro réalisé en 2009 avec une augmentation prévisible de 20 % par an, ainsi qu'une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de fruits du fait de la concurrence déloyale de la société Tahiti, de ses manquements aux obligations de collaboration, de loyauté et d'assistance ayant diminué le nombre de ventes susceptibles d'être réalisées.
Elle sollicite également le paiement de la somme de 735,12 euro représentant la prime supplémentaire de 8 % majorés des intérêts de retard à compter du 5 novembre 2008.
Elle ajoute une demande en paiement d'une somme de 20 000 euro au titre du préjudice né de la reprise du stock postérieurement au jugement dont appel.
La cour reprend à son compte les éléments retenus par le Tribunal de commerce, à savoir que la perte de fruits espérés de l'activité jusqu'au terme du contrat n'est qu'une projection basée sur un chiffre d'affaires supposé et espéré, que la perte ne peut être que d'une marge bénéficiaire dégagée et non du chiffre d'affaires, que le chiffre d'affaires réalisé en 2008 a été de l'ordre de 66 000 euro, que la marge brute correspond pour cette année à 50 % de cette somme, que la société Pascasev exploite la marque depuis trois ans, amortissant d'autant les droits d'entrée de mobilier, que ce dernier est spécifique à la marque, et en définitive a indemnisé la société Pascasev par une somme de 50 000 euro en compensation de la valeur des investissements réalisés et de la perte de résultats d'une année, outre la somme de 735,12 euro restant due avec intérêts à 1,30 % par mois à compter du 5 novembre 2008.
Il apparaît que depuis le jugement du 5 octobre 2009, la société Tahiti a obtenu du Premier Président de la Cour d'appel de Pau l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement suivant ordonnance de référé du 1er décembre 2009.
La société Pascasev prétend que la société Tahiti a repris le stock le jour même de l'audience de référé, 10 novembre 2009, rendant impossible de ce fait la poursuite du contrat, sans toutefois en rapporter la preuve, aucune pièce n'étant produite à ce sujet.
En conséquence il ne peut être fait droit à la demande complémentaire de dommages et intérêts de 20 000 euro.
L'équité commande de ne pas laisser supporter par la société Pascasev les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel pour faire valoir ses droits et il lui sera alloué une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Tahiti qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit l'appel de la société Tahiti comme régulier en la forme. Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Bayonne du 5 octobre 2009 en toutes ses dispositions. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Y ajoutant, Condamne la société Tahiti à payer à la société Pascasev une somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Tahiti aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SCP de Ginestet-Duale-Ligney, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.