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Décisions

Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-15.796

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Reyes-Gomes (Epoux), Edem (Selarl)

Défendeur :

Banque populaire de la Côte d'Azur, Banque populaire Loire et Lyonnais, Locquais (ès qual.), Ordis (SARL), Adamande (SARL), Leminor (Epoux), Droal, Mardirossian, Banque populaire Atlantique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Riffault-Silk

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Célice, Blancpain, Soltner

Cass. com. n° 09-15.796

14 décembre 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 avril 2009), que la société Blue Spirit France devenue B & B Blue Spirit, qui anime un réseau de franchise dans le secteur de la bijouterie et que dirigeait M. Gumbau, a conclu un contrat de franchise, le 20 mars 2001, avec M. et Mme Reyes-Gomes agissant en leur nom et pour la société Edem ; que le 5 octobre 2001, la Banque populaire Côte d'Azur (la BPCA) a consenti à la société Edem un prêt de 1 280 000 francs (195 134,74 euro) dont M. et Mme Reyes-Gomes se sont rendus cautions dans la limite de 234 161,69 euro chacun, puis un second prêt de 4 800 euro dont Mme Reyes-Gomes s'est rendue caution à concurrence de 5 800 euro ; qu'enfin, la BPCA a ouvert dans ses livres un compte-courant à la société Edem ; que par jugements des 6 décembre 2002 et 10 octobre 2003, le Tribunal de commerce d'Antibes a annulé les contrats de franchise ; que la société Edem ainsi que M. et Mme Reyes-Gomes ont assigné la banque en annulation des prêts et des engagements de caution et subsidiairement en responsabilité ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. et Mme Reyes-Gomes et la société Edem reprochent à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir nullité du prêt consenti à la société Edem, d'avoir en conséquence rejeté leurs demandes et de les avoir condamnés au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen, que la nullité d'un contrat de franchise entraîne nécessairement celle du contrat de prêt conclu afin de permettre sa mise en œuvre, en raison de l'interdépendance existant entre les deux contrats au regard de l'économie générale de l'opération ; qu'en constatant que le contrat de franchise signé par la société Edem avec la société Blue Spirit France et les contrats de prêt consentis par la BPCA, participaient d'une même opération économique, ce qui suffisait à démontrer que la nullité du premier devait entraîner la nullité des seconds, quand bien même les conventions n'auraient pas mutuellement fait référence l'une à l'autre, la cour, qui a refusé de prononcer la nullité des contrats de prêt au motif inopérant que les conventions comportaient des obligations distinctes pouvant être exécutées indépendamment les unes des autres, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la partie qui invoque l'indissociabilité de deux contrats doit démontrer l'existence d'une indivisibilité entre les conventions, et que le fait que celles-ci participent d'une même opération économique ne suffit pas à lui seul à caractériser l'indivisibilité des contrats, l'arrêt constate dans l'exercice de son pouvoir souverain que les contrats de franchise et de prêt n'ont pas été conclus entre les mêmes parties, que les contrats de prêt ne comportent aucune référence aux contrats de franchise, de même que ces derniers ne contiennent aucune mention relative à des demandes de prêt, ni aucune condition suspensive d'obtention de prêts, que chacune des conventions comporte des obligations distinctes pouvant être exécutées indépendamment les unes des autres, enfin qu'aucun élément ne permet de constater que les parties ont voulu lier le sort des contrats de prêt à celui des contrats de franchise ; qu'en l'état de ces appréciations et constatations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Edem, M. et Mme Reyes-Gomes reprochent à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la BPCA et statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées, de les avoir déboutés de toutes leurs demandes et d'avoir condamné M. et Mme Reyes-Gomes à payer diverses sommes à la BPCA, alors, selon le moyen : 1°) que le banquier sollicité de prêter son concours à une opération de franchise est tenu, lors de la conclusion du contrat, de mettre l'emprunteur non averti en garde au regard de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'il doit justifier avoir satisfait à cette obligation de mise en garde ; qu'en énonçant, pour écarter la responsabilité de la BPCA pour manquement à son devoir de mise en garde, que M. et Mme Reyes-Gomes ne démontraient pas en quoi il existait un risque d'endettement lors de l'octroi du prêt, quand c'était à la banque de justifier avoir satisfait à son obligation de mise en garde à l'égard d'emprunteurs dont elle a constaté qu'ils étaient non avertis, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1147 et 1315 du Code civil ; 2°) que le devoir de mise en garde auquel le banquier est tenu à l'égard d'emprunteurs non avertis, qui sollicitent son concours pour une opération commerciale, l'oblige, lors de la conclusion du contrat de prêt professionnel, à se renseigner sur la nature de l'opération à laquelle il apporte son concours pour en étudier les perspectives de rentabilité, déterminantes des capacités de remboursement des emprunteurs ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait être fait grief à la BPCA de ne pas avoir averti M. et Mme Reyes-Gomes de la situation de M. Gumbau, responsable de la société Blue Spirit, mis en faillite, dans la mesure où la preuve n'était pas rapportée que la banque connaissait cette situation et que M. Gumbau n'était pas son client, quand il appartenait à la banque de prendre l'initiative de s'enquérir et d'informer en retour la société Edem et M. et Mme Reyes-Gomes sur la réalité de l'expérience et du savoir-faire du franchiseur, sur la personne de son dirigeant et sur sa cotation au fichier Fiben de la Banque de France, auquel seuls ont accès les établissements bancaires, démarche qui lui aurait révélé les risques graves pesant sur l'opération et, partant, les risques nés de l'octroi du prêt sollicité, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'emprunteur ou la caution qui invoque le manquement d'une banque à son obligation de mise en garde, doit apporter la preuve d'un risque d'endettement qui serait né de l'octroi du crédit, l'arrêt retient, d'abord, que M. et Mme Reyes-Gomes ne démontrent pas en quoi un risque existait lors de l'octroi des prêts, l'un destiné au financement de travaux d'aménagement et l'autre à l'acquisition d'un droit au bail; qu'il relève, ensuite, que le compte bancaire de la société Blue Spirit, créée en 2000, fonctionnait normalement lors de l'octroi des prêts sans incident particulier, et qu'il ne peut être fait grief à celle-ci de n'avoir pas attiré l'attention de ses clients sur la situation personnelle de M. Gumbau quand ce dernier n'était pas son client et que la preuve n'était pas rapportée qu'elle connaissait sa situation de failli; qu'il constate, enfin, que M. Reyes-Gomes ne justifie pas de sa situation financière au jour de son engagement de caution et que la disproportion alléguée ne résulte pas des pièces produites ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations faisant ressortir que la banque n'avait pas commis de faute, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.