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Décisions

Cass. com., 14 décembre 2010, n° 09-17.226

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Chervet

Défendeur :

Chervet (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Laporte

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

Me Carbonnier, SCP Tiffreau, Corlay

TGI Chalon-sur-Saône, du 26 août 2008

26 août 2008

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 septembre 2009), que Paul Chervet était propriétaire d'un fonds de commerce de meunerie qu'il exploitait dans un moulin lui appartenant ; qu'il a donné ce fonds en location-gérance et le moulin à bail commercial à la Société d'exploitation du moulin de Loisy (la SEML) dont l'un de ses fils, M. Philippe Chervet, est le gérant ; qu'à la suite du décès de Paul Chervet et de son épouse, il a été ordonné judiciairement l'ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de l'indivision, comprenant le fonds de commerce, qui existait entre leurs enfants, Mme Anne-Marie Chervet, épouse Verpault et MM. Philippe, Dominique et Jean-Louis Chervet ; qu'une expertise a été ordonnée pour évaluer le fonds de commerce en vue de sa licitation ; qu'un litige est né entre les consorts Chervet quant à la propriété des contingents et droits de mouture acquis par la SEML alors qu'elle était locataire-gérante du fonds ;

Attendu que M. Philippe Chervet fait grief à l'arrêt de dire que l'ensemble des 83 050 quintaux de contingents et droits de mouture constitue un des éléments du fonds de commerce de meunerie dévolu à l'indivision successorale, d'ordonner la poursuite des opérations tendant à la licitation du fonds de commerce et à la vente de ceux-ci au prix de 5,14 euro le quintal et de le condamner à verser des dommages-intérêts à Mme Chervet et à MM. Jean-Louis et Dominique Chervet, alors, selon le moyen : 1°) qu'ayant constaté que la SEML avait contracté un bail commercial avec le propriétaire du moulin de Loisy, parallèlement à la prise en location-gérance du fonds de commerce de meunerie déjà existant dans les murs, et que cette société avait acquis, en son nom propre, des contingents et droits de mouture permettant d'accroître le droit d'écrasement du moulin, élément indispensable à la création et à la conservation d'une clientèle nouvelle et distincte de celle attachée au fonds déjà existant, la cour d'appel, en refusant de reconnaître l'existence d'une clientèle propre à la SEML de nature à établir la présence d'un fonds de commerce appartenant à cette société et incorporant les contingents et droits de mouture litigieux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 145-1 du Code de commerce ; 2°) que l'universalité du fonds de commerce ne fait pas obstacle à la présence de deux fonds de commerce identiques au sein des même locaux; qu'en excluant qu'un fonds de commerce appartenant à la SEML ait pu coexister, dans les mêmes locaux et avec une activité identique, avec le fonds de commerce qui lui avait été donné en location-gérance, la cour d'appel a violé l'article L. 145-1 du Code de commerce ; 3°) que les éléments que le locataire-gérant a acquis en son nom propre avant de les incorporer au fonds n'accèdent à la propriété du bailleur que si leur séparation du fonds est de nature à porter atteinte à l'intégrité de ce dernier ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le fonds de meunerie disposait déjà d'une capacité d'écrasement permettant son exploitation lorsque le locataire-gérant a acquis, en son nom, des contingents et droits de mouture supplémentaires ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que les éléments acquis par le locataire-gérant pouvaient être séparés du fonds sans qu'il soit porté atteinte à son intégrité, la cour d'appel, en retenant que ces éléments étaient inséparables du fonds au point de devenir la propriété du bailleur et de devoir être restitués à ce dernier, a violé les articles 2 de l'arrêté du 4 septembre 1953 relatif à la transformation en droits de mouture de contingents attribués aux moulins, 546 du Code civil et L. 144-9 du Code de commerce (ancien article 10 de la loi n° 56-277 du 20 mars 1956) ; 4°) que la circonstance que les éléments nouveaux aient été acquis par le locataire-gérant en sa seule qualité d'exploitant du fonds ne rend pas ces éléments inséparables dudit fonds ; qu'en déduisant le caractère inséparable du fonds des contingents et droits de mouture de la circonstance que ces contingents et droits de mouture ne peuvent être attribués qu'à un exploitant d'un moulin et que la SEML ne les aurait pas acquis si elle n'avait pas eu la qualité de locataire-gérant du fonds, la cour d'appel a violé les articles 2 de l'arrêté du 4 septembre 1953 relatif à la transformation en droits de mouture de contingents attribués aux moulins, 546 du Code civil et L. 144-9 du Code de commerce (ancien article 10 de la loi n°56-277 du 20 mars 1956) ; 5°) qu'en se bornant à constater que le contrat de location-gérance ne comporte aucune clause particulière au sujet des éléments incorporels, contrairement au matériel, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si les parties n'avaient eu l'intention de viser au titre du matériel tous les biens meubles, qu'ils soient corporels ou incorporels et d'y inclure les contingents et droits de mouture acquis au cours de la location-gérance, la cour d'appel a privé sa décision au regard de l'article L. 144-9 du Code de commerce (ancien article 10 de la loi n° 56-277 du 20 mars 1956) ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que le fonds de commerce de meunerie, dont l'activité était soumise à l'octroi d'une licence d'exploitation des moulins et à des contingents d'écrasement et de mouture, disposait déjà de ces derniers à hauteur de 44 406 quintaux lorsqu'il avait été donné en location-gérance à la SEML et que son exploitation n'avait jamais connu auparavant d'interruption, la cour d'appel a souverainement retenu que la SEML ayant seulement continué à exploiter l'activité exercée dans le moulin par le loueur, M. Philippe Chervet ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un fonds de commerce indépendant de celui donné en location-gérance, ni que cette société, nonobstant le bail commercial dont elle se prévalait, ait développé une activité propre, génératrice d'une clientèle différente de celle précédemment attirée par le moulin de Loisy ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que les acquisitions de contingents et de droits de mouture effectuées par la SEML postérieurement au contrat de location-gérance, l'avaient été en sa seule qualité d'exploitante du fonds de commerce de meunerie du moulin de Loisy afin d'accroître sa production et d'obtenir une meilleure rentabilité de ce dernier puisque la réglementation alors en vigueur subordonnait l'achat de tels droits à l'existence préalable d'un moulin, la cour d'appel en a exactement déduit que ces contingents et droits de mouture qui étaient inséparables de l'exploitation du fonds de commerce donné en location-gérance, se trouvaient donc attachés à celui-ci ;

Et attendu, en dernier lieu, que c'est par une appréciation souveraine de la volonté des parties, que la cour d'appel a retenu que le contrat de location-gérance ne comprenait pas de clause particulière concernant les éléments incorporels du fonds de commerce ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.