Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 09-40.478
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Nai-Im
Défendeur :
SEHPLC (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mazars (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Goasguen
Avocat général :
M. Lacan
Avocats :
SCP Masse-Dessen, Thouvenin, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2008), que M. Nai-Im a constitué en juillet 1996 une société dénommée SGHMN, dont il était gérant, qui a conclu le 27 septembre 1996 avec la Société d'exploitation hôtelière Paris-La Courneuve exploitant en franchise un hôtel sous l'enseigne ETAP Hôtel, un contrat de gérance-mandat lui confiant la gestion de cet hôtel ; que M. Nai-Im a démissionné le 22 avril 2000 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 3 mai 2001, pour voir constater l'existence d'un contrat de travail le liant à la Société d'exploitation hôtelière Paris-La Courneuve, réclamer des heures supplémentaires et repos compensateurs, des dommages-intérêts, voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités liées à la rupture ;
Sur le pourvoi incident de la Société d'exploitation hôtelière Paris-La Courneuve : - Sur le moyen unique : - Attendu que la Société d'exploitation hôtelière Paris-La Courneuve fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un contrat de travail la liant à M. Nai-Im et de la condamner à payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que le pouvoir du gérant-mandataire de recruter et de licencier le personnel de l'établissement qu'il gère, à ses frais et sous sa responsabilité, sans en référer au mandant, est incompatible avec l'exécution d'un rapport de subordination ; que la société SEHPLC faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la mandataire gérante disposait contractuellement de la faculté de procéder seule à l'embauche, au licenciement ainsi qu'à la fixation des conditions de travail du personnel qu'elle croirait devoir recruter ce qui excluait tout lien de subordination entre M. Nai-Im et elle-même ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 120-3, L. 121-1 du Code du travail et les articles 1984 et suivants du Code civil ; 2°) que si l'intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination, c'est uniquement lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le prétendu employeur ; que la société SEHPLC faisait valoir dans ses conclusions d'appel que M. Nai-Im disposait de la faculté de fixer lui-même ses horaires de travail, ce qui excluait tout lien de subordination de ce dernier à son égard ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le pouvoir de M. Nai-Im de fixer lui-même ses propres conditions de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail ; 3°) que le contrat de travail se définit comme l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en retenant l'existence d'un contrat de travail entre M. Nai-Im et la société SEHPLC, sans caractériser un quelconque pouvoir disciplinaire de cette dernière de sanctionner d'éventuels manquements de M. Nai-Im à exécuter des ordres et directives susceptibles d'être donnés par elle, la seule faculté reconnue au mandant de résilier le contrat de mandat en cas d'inexécution de ses obligations par le mandataire étant le fait de tout contrat et n'étant pas propre au contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que M. Nai-Im, après une formation imposée, n'avait pas le choix du mobilier ni du matériel d'exploitation, qu'il ne pouvait modifier les prix des chambres et petits déjeuners, que sa liberté d'engager du personnel était, de fait, limitée par cette politique de prix, que les instructions relatives à l'entretien et la maintenance de l'hôtel ne lui laissaient pas de liberté d'organisation, qu'il ne pouvait contracter pour une somme supérieure à 3 049 euro et que les conditions d'engagement étaient strictement définies, que les horaires d'ouverture et de présence étaient imposés, que la société mandante, qui avait le contrôle de la comptabilité et des données informatisées, avait un pouvoir de sanction pécuniaire et de résiliation de plein droit du contrat, la cour d'appel a pu en déduire que les relations contractuelles caractérisaient un contrat de travail ;
Sur le pourvoi principal de M. Nai-Im : - Sur le premier moyen et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche : - Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que M. Nai-Im fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°) que le refus de l'employeur de reconnaître à son salarié le bénéfice d'un contrat de travail et de l'application des dispositions protectrices du Code du travail constitue un manquement grave justifiant que lui soit imputée la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié ; qu'en déboutant M. Nai-Im de ses demandes de ce chef après avoir constaté que la société SEHPLC avait détourné les dispositions protectrices du Code du travail en lui imposant la création d'une société destinée à dissimuler son statut de salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 324-10 du Code du travail alors en vigueur, actuellement articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du Code du travail ; 2°) qu'en disant que la demande de requalification de la rupture n'était liée qu'au non-paiement des heures supplémentaires quand il résulte de ses écritures que sa demande était liée à l'inexécution par la SEHPLC de ses obligations contractuelles, lesquelles comprennent la qualification de contrat de travail et les conséquences qui s'en déduisent, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) que la cassation à intervenir sur le rappel d'heures supplémentaires, l'indemnité pour travail dissimulé et l'indemnité pour repos compensateur sollicités à bon droit par le salarié, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué par le présent moyen en application des dispositions des articles 624 et 625 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'aucun des manquements reprochés à l'employeur n'étaient établis, la cour d'appel, devant laquelle M. Nai-Im ne s'est pas prévalu du refus de lui reconnaître le bénéfice d'un contrat de travail et des dispositions protectrices du Code du travail, a légalement justifié sa décision ;
Sur le quatrième moyen : - Attendu que la cour d'appel n'a pas statué sur la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés ;
Que l'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du Code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité pour travail dissimulé la cour d'appel énonce que la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires n'est pas fondée ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Nai-Im qui invoquaient également le recours à un contrat fictif dissimulant le contrat de travail, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 2 décembre 2008, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.