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Décisions

CCE, 16 décembre 2003, n° 2005-145

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aides d'État accordées par la France à EDF et au secteur des industries électriques et gazières

CCE n° 2005-145

16 décembre 2003

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles [1], et vu ces observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre en date du 10 juillet 2001, la Commission a invité les autorités françaises à lui fournir des informations concernant certaines mesures en faveur d'Électricité de France (EDF) qui pouvaient contenir des éléments d'aide d'État.

(2) Entre juillet 2001 et juin 2002, de nombreux échanges de correspondance ont eu lieu entre la Commission et les autorités françaises [2]. Une réunion technique a été organisée le 3 septembre 2002.

(3) Par lettre en date du 16 octobre 2002, la Commission a notifié aux autorités françaises trois décisions conjointes sur EDF [3]. D'une part, la Commission a proposé aux autorités françaises, conformément à l'article 88, paragraphe 1, du traité, la suppression, au titre de mesure utile, de la garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF sur tous ses engagements en vertu de son statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), qui exclut toute application de la législation relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises en difficulté. D'autre part, conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité, la Commission a ouvert la procédure formelle d'examen sur l'avantage résultant du non-paiement par EDF de l'impôt sur les sociétés dû, lors de la restructuration de son bilan en 1997, sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du réseau d'alimentation général (RAG). La Commission a enfin enjoint aux autorités françaises de fournir certaines informations nécessaires à l'examen de cet avantage fiscal dans le cadre de la procédure formelle d'examen.

(4) Dans leurs observations transmises à la Commission par lettre en date du 11 décembre 2002, les autorités françaises ont contesté la présence de tout élément d'aide d'État dans le statut d'EPIC et ont refusé de mettre en œuvre la mesure utile proposée. Les autorités françaises ont également contesté qu'EDF ait bénéficié d'un avantage fiscal en 1997. Une réunion technique s'est tenue le 12 février 2003 entre la Commission et les autorités françaises pour examiner cette question de l'avantage fiscal.

(5) Le 2 avril 2003, suite au refus des autorités françaises de mettre en œuvre la mesure utile proposée et conformément à l'article 19, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE [4], la Commission a décidé d'ouvrir la procédure formelle d'examen, prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité, sur la garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF en vertu du fait qu'elle ne peut pas faire faillite [5]. Par lettre en date du 12 juin 2003, les autorités françaises ont transmis à la Commission leurs observations dans le cadre de cette procédure formelle d'examen.

(6) Par lettre en date du 11 novembre 2003, complétée par lettres en date du 21 novembre et du 11 décembre 2003, les autorités françaises ont notifié à la Commission une réforme du système de retraite des industries électriques et gazières (IEG) et lui ont transmis la disposition législative prévoyant la transformation d'EDF en société commerciale de droit commun. Elles indiquent que ces deux réformes seront incluses dans le même projet de loi. Par lettre en date du 16 décembre 2003, le gouvernement français a confirmé qu'il proposera au Parlement les dispositions relatives à la transformation de la forme juridique d'EDF, actuellement établissement public, en une forme juridique de droit commun, afin d'en permettre l'application avant le 1er janvier 2005.

(7) Le 17 novembre 2003, une nouvelle réunion technique a été organisée entre la Commission, les autorités françaises et des représentants d'EDF sur la question de l'avantage fiscal dont bénéficie EDF. Les autorités françaises ont également adressé des informations complémentaires sur cette question par lettre en date du 20 novembre 2003.

II. DESCRIPTION DES MESURES EN CAUSE

A) La garantie illimitée de l'État

(8) EDF produit, transporte et distribue de l'électricité sur tout le territoire français. EDF est un des groupes les plus importants sur le marché européen de l'énergie et des marchés connexes. Le groupe est également présent en Chine, en Égypte, en Argentine, au Brésil, au Mexique et aux États-Unis d'Amérique.

(9) En 2002, EDF a réalisé un chiffre d'affaires de 48,4 milliards d'euro; le groupe compte actuellement 32,5 millions de sites clients en France et 8,9 millions dans le reste de l'Europe. Ses filiales européennes les plus importantes dans le domaine de l'énergie sont EDF Energy (Grande-Bretagne) et EnBW (Allemagne), mais EDF détient également des participations dans de nombreuses autres sociétés européennes.

(10) EDF a été créée par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sous forme d'EPIC. En France, les personnes morales de droit public, dont les EPIC font partie, ne sont pas soumises au droit commun relatif au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises en difficulté.

(11) L'inapplicabilité des procédures d'insolvabilité et de faillite aux personnes morales de droit public découle du principe général d'insaisissabilité des biens des personnes publiques reconnu par la jurisprudence française depuis la fin du XIXe siècle [6].

B) La réforme du système de retraite de la branche des IEG

(12) Les autorités françaises ont notifié à la Commission une réforme du système de retraite des IEG.

(13) Le système actuel de retraite de la branche des IEG constitue un régime spécial, distinct du régime général de la sécurité sociale. Il s'agit d'un système de retraite par répartition, financé par les cotisations des salariés et par une contribution des entreprises de la branche ("contribution d'équilibre"), déterminée au prorata de leur masse salariale, qui a pour objet d'équilibrer chaque année les charges de retraite du régime. Bien que couvrant toute la branche, ce régime de retraite est géré par un service commun rattaché à EDF et à Gaz de France (GDF).

(14) La réforme notifiée par les autorités françaises prévoit la création d'un organisme paritaire de sécurité sociale à compétence nationale, la Caisse nationale des industries électriques et gazières, indépendant d'EDF et de GDF, doté d'une personnalité morale de droit privé et relevant du code de la sécurité sociale. L'ensemble des salariés et des employeurs de la branche des IEG sera obligatoirement affilié à cette caisse.

(15) La réforme distingue, au plan économique, deux types de droits:

- les droits dits "de base" correspondant aux droits qui seraient servis par les régimes de retraite de droit commun (régime général de la sécurité sociale et régimes complémentaires obligatoires) en contrepartie d'une cotisation libératoire de droit commun,

- les droits spécifiques au régime de la branche des IEG qui vont au-delà des droits normalement servis par le régime général et les régimes complémentaires obligatoires. Ces droits spécifiques correspondent donc à la différence entre les droits servis par le régime spécial des IEG et les droits de base.

a) Les droits de base

(16) Pour ce qui concerne les droits de base [7], la réforme prévoit l'adossement du régime spécial des IEG au régime général [la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV)] et aux régimes complémentaires obligatoires [Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et Association des régimes de retraite complémentaires (ARRCO)]. Ces régimes verseront aux travailleurs de la branche les droits de base en contrepartie du paiement par les entreprises de la branche d'une contribution libératoire de droit commun.

(17) Les organismes de sécurité sociale définissent les modalités techniques de cet adossement dans une perspective de neutralité financière pour les régimes d'accueil [8]. Cet adossement peut se faire notamment suivant la méthode des indicateurs de charge ou celle des rapports de charge, déjà utilisées par les organismes français de sécurité sociale lors d'adossements précédents [9].

(18) Dans leur lettre en date du 11 décembre 2003, les autorités françaises déclarent:

"Les autorités françaises s'engagent à assurer que les conventions qui seront conclues entre la branche des industries électriques et gazières et les régimes de droit commun (régimes d'accueil) ainsi que toute autre mesure prise à cet égard seront financièrement neutres pour toutes les parties et pour l'État".

b) Les droits spécifiques

(19) En ce qui concerne les droits spécifiques [10], la réforme distingue les droits spécifiques futurs des droits spécifiques passés.

(20) Les droits spécifiques futurs, constitués par les salariés de la branche postérieurement à la réforme, demeureront totalement à la charge des entreprises dans des conditions inchangées, quelle que soit l'augmentation de leur montant liée à l'évolution de la masse salariale.

(21) Les droits spécifiques passés des salariés affectés aux activités de transport et de distribution de l'électricité et du gaz, acquis à la date de la réforme, ne seront plus financés par les entreprises de la branche, mais par une contribution tarifaire. Celle-ci est assise, pour chaque consommateur final, sur la part du tarif d'utilisation des réseaux d'électricité ou de gaz qui lui est directement imputable et qui est indépendante de l'énergie effectivement consommée. Elle sera collectée par l'entité facturant la prestation d'acheminement de l'électricité ou du gaz au consommateur final et elle sera directement et intégralement affectée à la nouvelle caisse de retraite de la branche des IEG.

(22) Les droits spécifiques passés des salariés affectés aux activités autres que celles du transport et de la distribution, acquis à la date de la réforme, resteront financés par les entreprises de la branche. À la date de la réforme, le financement de ces droits spécifiques de retraite est définitivement réparti entre toutes les entreprises de la branche en fonction de deux critères: la masse salariale et la durée d'emploi par les entreprises de personnel relevant du statut des IEG.

(23) Par ailleurs, la réforme notifiée prévoit que l'État garantit le versement des pensions correspondant à l'ensemble des droits spécifiques passés. Cette garantie de dernier ressort sera accordée à la Caisse nationale des industries électriques et gazières, et non aux entreprises. Elle ne pourra être mise en œuvre qu'après constat de la défaillance d'une entreprise et mise en jeu préalable d'un mécanisme de solidarité interentreprises soumis à un certain plafond.

C) L'avantage résultant du non-paiement par EDF, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG

(24) En 1987, au motif que le réseau d'alimentation générale (RAG) lui avait été confié en 1956 par un contrat de concession, EDF a modifié sa pratique comptable et classé les actifs affectés au RAG au poste du bilan "Biens mis en concession". EDF a donc appliqué à ces actifs les règles comptables spéciales établies en France pour les biens mis en concession qui doivent être retournés à l'État à la fin de celle-ci, et a créé en franchise d'impôt des provisions pour le renouvellement du RAG.

(25) La loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 a cependant établi qu'EDF était réputée propriétaire du RAG depuis 1956. Les provisions comptables créées de 1987 à 1996 en vertu du régime des biens mis en concession sont alors devenues sans objet.

(26) En 1997, EDF avait dans ses comptes deux types de provisions créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG: les provisions non encore utilisées pour un montant de 38,5 milliards de francs français (FRF) et les droits du concédant, correspondant aux opérations de renouvellement déjà réalisées, pour un montant de 18,345 milliards de FRF.

(27) Ces provisions étant devenues sans objet, les autorités françaises ont réorganisé le bilan d'EDF à travers une loi et une décision ministérielle.

(28) En premier lieu, la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 dispose qu'au " 1er janvier 1997, la contre-valeur des biens en nature mis en concession du RAG figurant au passif du bilan d'EDF est inscrite, nette des écarts de réévaluation correspondants, au poste "Dotations en capital". Elle prévoit donc que la partie des provisions correspondant aux droits du concédant est reclassée en dotations du capital sans être soumise à l'impôt sur les sociétés.

(29) En second lieu, une lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du secrétaire d'État au budget et du secrétaire d'État à l'industrie, adressée à EDF le 22 décembre 1997 (ci-après dénommée "la lettre du ministre de l'Économie"), explique dans son annexe 1 la restructuration du haut du bilan d'EDF, conformément à l'article 4 de la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997:

"- Reclassement des "droits du concédant" (18 345 563 605 F):

- consolidation en dotations en capital de la contre-valeur des biens en nature du RAG mis dans la concession à hauteur de 14 119 065 335 F,

- regroupement des écarts de réévaluation du RAG de 1959 (2 425 MF) et de 1976 (immobilisations non amortissables: 97 MF) avec le poste "Écarts de réévaluation RAG", dont le montant passe ainsi de 1 720 MF à 4 145 MF,

- regroupement des provisions réglementées relatives à la réévaluation des immobilisations amortissables de 1976 (1 704 MF), le poste passant de 877 MF à 2 581 MF.

- Reclassement des provisions pour renouvellement devenues injustifiées (38 520 943 408 F) au report à nouveau, en application de l'avis du conseil national de la comptabilité n° 97-06 du 18 juin 1997 relatif aux changement comptables".

(30) L'annexe 3 de la lettre du ministre de l'Économie établit également les conséquences fiscales de la réorganisation du bilan d'EDF. Une variation d'actif net est constatée avec le reclassement des provisions pour renouvellement non utilisées, d'un montant de 38,5 milliards de FRF, au report à nouveau, et soumise à l'impôt sur les sociétés au taux de 41,66 % applicable en 1997.

(31) Ainsi, les provisions non encore utilisées pour un montant de 38,5 milliards de FRF ont été imposées normalement par les autorités françaises, alors que la partie des provisions correspondant aux droits du concédant n'a pas été imposée.

(32) Conformément à la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 et à la lettre du ministre de l'Économie, les écarts de réévaluation ont été transférés à la rubrique "Capitaux propres" sans incidence fiscale, car ils correspondaient à des plus-values de réévaluation réalisées en franchise d'impôt ou sous un régime de neutralité fiscale suite aux lois de réévaluation de 1959 et de 1976.

(33) Dans le cadre de la réorganisation du bilan d'EDF, les autorités françaises ont suivi l'avis n° 97.06 du 18 juin 1997 du conseil national de la comptabilité, relatif aux changements de méthodes comptables, changements d'estimation, changements d'options fiscales et corrections d'erreurs (ci-après dénommé "l'avis du conseil national de la comptabilité"), qui établit que les corrections d'erreurs comptables, qui, par leur nature même, portent sur la comptabilisation des opérations passées, "sont comptabilisées dans le résultat de l'exercice au cours duquel elles sont constatées".

(34) Dans son injonction du 15 octobre 2002, la Commission avait demandé aux autorités françaises la communication de tous les documents, informations et données nécessaires pour apprécier la compatibilité de cette mesure d'aide, et notamment les copies complètes des rapports confidentiels de la Cour des comptes française sur EDF. Les autorités françaises se sont limitées à communiquer des extraits de ces rapports, au motif que seuls ces extraits étaient en rapport avec l'investigation de la Commission et que les "rapports particuliers de la Cour des comptes sur EDF comportent des éléments nominatifs ou qui relèvent du secret commercial".

(35) La Commission constate que les documents transmis ont été largement expurgés. Elle rappelle qu'il n'appartient pas à l'État membre mais à la Commission d'apprécier la pertinence de ces documents dans le cadre de son investigation. Par ailleurs, l'existence de secrets d'affaires ne constitue pas un motif valable pour refuser de transmettre un document à la Commission, puisque celle-ci est tenue de traiter de façon confidentielle toute information constitutive de secrets d'affaires. Le refus par un État membre de communiquer un document demandé par la Commission permet à la Commission de décider exclusivement sur la base des informations disponibles conformément à l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999.

III. OBSERVATIONS D'UN TIERS INTÉRESSÉ

(36) Par lettre en date du 6 janvier 2003, le Syndicat national des producteurs indépendants d'électricité thermique (SNPIET) a adressé des observations à la Commission dans le cadre de la procédure formelle d'examen ouverte sur le non-paiement par EDF, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG. Selon ces observations, EDF ne s'est pas conformée dans le cadre de ses activités aux règles en usage dans les sociétés industrielles et commerciales, contrairement à ce que dispose la loi n° 46-628 du 8 avril 1946.

IV. LES OBSERVATIONS DES AUTORITÉS FRANÇAISES DANS LE CADRE DES PROCÉDURES FORMELLES D'EXAMEN

(37) Les autorités françaises ont communiqué à la Commission leurs observations dans le cadre des deux procédures formelles d'examen.

A) La garantie illimitée de l'État

(38) Les autorités françaises ont communiqué leurs observations à la Commission par lettre en date du 12 juin 2003, dans laquelle elles réitèrent, avant de les compléter, les arguments exposés dans leur lettre du 11 décembre 2002.

(39) Dans leur lettre en date du 11 décembre 2002, les autorités françaises avaient longuement réfuté la qualification d'aide en s'appuyant sur les arguments suivants:

a) aux termes de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, un EPIC est responsable de ses dettes sur son propre patrimoine. En cas d'insuffisance de crédits, il incombe à l'EPIC de créer les ressources nécessaires, soit en réduisant les crédits affectés à d'autres dépenses, soit en augmentant ses ressources. En cas de carence, l'autorité de tutelle adresse à l'EPIC une mise en demeure d'agir. Si celle-ci reste sans effet, l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office de la dépense après avoir, le cas échéant, dégagé les ressources nécessaires. Selon les autorités françaises, l'État ne se substitue donc pas à l'EPIC pour rembourser ses dettes; il ne fait qu'ordonner la dépense en cas de carence;

b) ce n'est pas le statut d'EPIC qui constitue une aide, mais les conditions de crédit plus favorables qu'il permettrait d'obtenir. Or la Commission n'a pas démontré en quoi le régime dérogatoire du statut d'EPIC a effectivement permis à EDF d'obtenir des avantages effectifs liés à un prêt déterminé ou à une autre obligation financière contractée par l'entreprise;

c) la Commission aurait dû procéder à une appréciation globale des prérogatives et des sujétions des EPIC, et non se contenter de mettre en valeur certains privilèges. Les EPIC sont en effet soumis à certaines contraintes statutaires, telles que le principe de spécialité et l'interdiction des clauses compromissoires, qui les désavantagent par rapport aux sociétés commerciales. En outre, la Commission ne tient pas compte des obligations de service public qui pèsent sur EDF;

d) si une garantie implicite de l'État devait être constatée, elle serait en tout état de cause nécessaire afin d'assurer la continuité du service public;

e) la décision de la Commission retire à l'article 295 du traité son effet utile et contredit le principe d'égalité de traitement, dans la mesure où elle assimile entreprises publiques et entreprises commerciales, alors même qu'elles ne se trouvent pas dans des situations comparables.

(40) Dans leur lettre en date du 12 juin 2003, les autorités françaises ajoutent d'autres éléments développés ci-dessous.

(41) En ce qui concerne les ressources étatiques, les autorités françaises estiment erronée l'interprétation faite par la Commission de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980. Elles rappellent qu'aucun texte juridique ni aucune décision juridictionnelle ne prévoit ni ne consacre l'existence d'une garantie automatique au profit d'EDF, et plus généralement des EPIC. Elles réaffirment que la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 n'a ni pour objet ni pour effet de transférer à l'État la charge d'une dette et rappellent que, même lorsque des personnes publiques se sont trouvées en France en très grande difficulté financière, des solutions financières ont été trouvées sans intervention de l'État. En outre, elles considèrent que le fait pour une autorité publique de tutelle d'avoir la possibilité d'accroître les ressources d'une personne publique en difficulté financière ne suffit à démontrer ni l'existence d'une garantie en dernier ressort de l'État ni l'existence de ressources d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(42) En ce qui concerne l'avantage sélectif, les autorités françaises indiquent que l'élément de sélectivité de la mesure d'aide en cause n'est pas caractérisé. Elles font valoir, d'une part, que le régime instauré par la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 s'inscrit dans l'économie générale du système qui découle du principe général du droit français selon lequel les biens des personnes publiques sont insaisissables. Elles estiment, d'autre part, que la Commission ne démontre pas que les autorités françaises disposeraient d'un quelconque pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'opportunité de procéder au mandatement d'office d'une somme d'argent, devenue exigible suite à une décision juridictionnelle, pour le compte d'une personne publique.

(43) Les autorités françaises contestent ainsi de nouveau l'affirmation de la Commission selon laquelle EDF bénéficierait, en vertu de son statut d'EPIC, d'une garantie illimitée de l'État constitutive d'une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

B) Le non-paiement par EDF de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG

(44) Les autorités françaises ont communiqué leurs observations à la Commission par lettre en date du 11 décembre 2002. Elles contestent le caractère d'aide d'État du non-paiement, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG.

(45) À titre préliminaire, les autorités françaises contestent le montant des provisions pour renouvellement du RAG avancé par la Commission. Les autorités françaises soutiennent ensuite que, même en l'absence de dotations en provisions pour le renouvellement du RAG, EDF n'aurait pas été en mesure de payer l'impôt sur les sociétés de 1987 à 1996 du fait de reports fiscaux fortement déficitaires. De plus, l'État étant à la fois propriétaire d'EDF et autorité concédante du RAG, elles ont considéré que les droits du concédant ne constituaient pas pour lui une dette réellement exigible. Par conséquent, lors de la restructuration du bilan en 1997, elles ont affecté ces droits du concédant aux capitaux propres d'EDF afin de corriger sa sous-capitalisation, mais sans les soumettre à l'impôt sur les sociétés. Les autorités françaises considèrent que la restructuration comptable opérée en 1997 peut être interprétée comme une dotation complémentaire en capital d'un montant équivalent à l'exonération partielle d'impôt.

(46) Les autorités françaises contestent également que la rémunération de l'État ait été indûment diminuée de 1987 à 1996 suite à la création des provisions en question. Elles indiquent que, même si le résultat net avait été supérieur, la rémunération de l'État n'aurait pas été plus élevée car, pendant cette période, le niveau de la rémunération ne correspondait pas à un pourcentage prédéfini du résultat net de l'entreprise. Ce niveau était déterminé librement par l'État en valeur absolue et pouvait ne pas être fixé en fonction de la situation financière de l'entreprise. De plus, cette rémunération n'était pas obligatoirement prélevée sur les bénéfices nets de chaque exercice. Dans cette perspective et compte tenu des reports déficitaires d'EDF, les autorités françaises soulignent que l'État a finalement prélevé de 1987 à 1996 un dividende dont le niveau a dépassé de façon considérable les limites du droit commun des sociétés commerciales.

(47) Les autorités françaises estiment, en outre, que même si la constitution des provisions pour le renouvellement du RAG s'était traduite par un avantage, celui-ci devrait être considéré comme annulé par l'augmentation de l'impôt sur les sociétés payé en 1997. Elles estiment également que sur la période 1987-1996, EDF a globalement versé à l'État une somme supérieure à l'impôt sur les sociétés qu'aurait payé une société de droit commercial, qui n'aurait pas constitué de provisions pour renouvellement du RAG et qui aurait versé à son actionnaire un dividende égal à 37,5 % du résultat net après impôt.

(48) Par ailleurs, les autorités françaises considèrent que si un avantage indu devait être établi, il s'agirait d'une aide existante, et non d'une aide nouvelle en raison de la prescription décennale, prévue à l'article 15 du règlement (CE) n° 659-1999, qui court à partir de l'octroi des premiers éléments d'aide. Compte tenu que la première demande de renseignements de la Commission date du 10 juillet 2001, les éventuels éléments d'aide accordés avant 1991 seraient prescrits. Les autorités françaises estiment que l'intervention du législateur en 1997 n'a pas eu pour effet d'interrompre cette prescription, puisque seules des mesures de la Commission peuvent avoir cet effet. Les autorités françaises estiment enfin qu'il s'agirait de toute façon d'une aide existante, dans la mesure où elle a été octroyée avant la libéralisation du marché électrique.

(49) Dans leur lettre en date du 20 novembre 2003, les autorités françaises rappellent leurs arguments quant aux écarts de réévaluation inclus dans le montant des droits du concédant figurant dans les comptes sociaux et quant à l'application de la règle de prescription. De plus, elles affirment que le taux de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être appliqué à la restructuration du bilan d'EDF est celui de 1996 (taux de 36,67 %) et non de 1997 (taux de 41,66 %). En effet, elles considèrent que cette restructuration a été réalisée sur une déclaration fiscale déposée le 23 décembre 1997, après la clôture de l'exercice 1996 mais avant celle de l'exercice 1997.

(50) Les autorités françaises contestent ainsi l'affirmation de la Commission selon laquelle EDF aurait bénéficié d'un avantage en 1997 en raison du non-paiement de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG.

C) Commentaires des autorités françaises sur les observations du tiers intéressé

(51) Par lettre en date du 21 janvier 2003, les observations du SNPIET ont été transmises aux autorités françaises. Dans une lettre en date du 21 février 2003, les autorités françaises ont commenté ces observations indiquant, d'une part, que l'essentiel des remarques du SNPIET doivent être déclarées irrecevables parce qu'elles ne concernent pas la procédure formelle d'examen ouverte, et, d'autre part, que le SNPIET n'apporte aucun élément nouveau à la Commission en ce qui concerne la procédure ouverte, si bien qu'elles n'ont pas de commentaire à y apporter.

V. APPRÉCIATION DE L'EXISTENCE D'AIDES D'ÉTAT

(52) L'article 87, paragraphe 1, du traité [11] dispose que "sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions". Pour déterminer si une mesure constitue une aide d'État aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité, la Commission doit procéder à l'évaluation des critères suivants: origine étatique de la mesure et utilisation de ressources publiques, octroi d'un avantage à certaines entreprises ou certains secteurs créant une distorsion de la concurrence et affectation des échanges entre les États membres.

(53) La Commission rappelle ici des éléments déjà exposés dans les décisions de proposition de mesure utile et d'ouverture de procédures formelles d'examen [12].

(54) La présente décision ne préjuge pas de l'application et du respect des règles du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique.

1. La garantie illimitée de l'État à EDF

a) Ressources étatiques

(55) EDF est dotée du statut d'EPIC depuis sa création par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 relative à la nationalisation de l'électricité et du gaz. Comme toutes les personnes publiques, EDF n'est pas soumise au droit commun des procédures collectives.

(56) La communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties [13] (ci-après dénommée "la communication sur les aides d'État sous forme de garanties") dispose au point 2.1.3 que "constituent [...] une aide sous forme de garantie les conditions de crédit plus favorables obtenues par les entreprises dont le statut légal exclut la possibilité d'une procédure de faillite ou d'insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie de l'État ou une couverture des pertes par l'État". L'existence d'une aide d'État est ainsi établie, dès lors qu'on est en présence de l'une de ces hypothèses.

(57) La Commission considère que l'impossibilité pour EDF d'être soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, et par conséquent de faire faillite, équivaut à une garantie générale portant sur l'ensemble des engagements de l'entreprise. Une telle garantie ne peut faire l'objet d'aucune rémunération selon les règles du marché. Cette garantie, qui est illimitée dans sa couverture, dans le temps et dans son montant, constitue une aide d'État.

(58) En vertu de la communication sur les aides d'État sous forme de garanties, il y a aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, même si l'État n'est pas amené à faire de paiement au titre de la garantie accordée. L'aide est accordée au moment où la garantie est offerte, c'est-à-dire dans l'acte de création d'EDF sous la forme juridique d'EPIC, qui exclut l'application des procédures d'insolvabilité et de faillite. La garantie illimitée de l'État octroyée à EDF résulte ainsi d'une loi.

(59) Dans sa décision de proposition de mesure utile et sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission a déjà qualifié la garantie illimitée dont bénéficie EDF d'aide existante. En effet, en vertu de l'article 1er du règlement (CE) n° 659-1999, constitue une aide existante toute aide antérieure à l'entrée en vigueur du traité dans l'État membre concerné. Or, le principe général d'insaisissabilité des biens des personnes publiques a été posé par la jurisprudence française à la fin du XIXe siècle et le statut d'EDF date de 1946.

(60) Contrairement à ce qu'affirment les autorités françaises, la procédure spéciale de recouvrement des créances prévue par la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 [14] n'est pas comparable à la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. Aux termes de cette dernière loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, lorsqu'une société commerciale n'est plus en mesure d'honorer ses dettes et qu'elle ne peut pas faire l'objet d'une mesure de redressement, elle doit être placée en liquidation judiciaire. Ses actifs sont alors saisis et vendus, le produit de leur vente servant en principe à désintéresser tous les créanciers. Toutefois, en pratique, l'actif étant souvent très inférieur au passif, il s'avère que le produit de cette vente est rarement suffisant pour rembourser l'ensemble des créances. Être créancier d'une société commerciale de droit commun présente donc un double risque: non seulement celle-ci peut être placée en liquidation judiciaire en cas de cessation de paiement, mais, en outre, cette procédure ne garantit pas aux créanciers le recouvrement de leurs créances.

(61) En revanche, les EPIC ne peuvent pas être placés en liquidation judiciaire et leurs actifs sont insaisissables; ils ne peuvent donc pas être vendus pour rembourser les créanciers. Le remboursement des dettes des personnes publiques obéit à une procédure spéciale qui a été établie par la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, selon laquelle il leur incombe, en cas d'insuffisance de crédits, de créer les ressources nécessaires. En cas de carence, l'autorité de tutelle adresse à l'EPIC une mise en demeure d'agir. Si celle-ci reste sans effet, l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office de la dépense. La loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 et son décret d'application n'excluent pas une garantie de l'État en dernier ressort, puisque ce dernier dispose que l'autorité de tutelle "dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires, soit en réduisant des crédits affectés à d'autres dépenses et encore libres d'emploi, soit en augmentant les ressources" [15]. Ce texte n'exclut pas que cette augmentation des ressources, suite à l'intervention de l'État, puisse provenir de ressources externes à l'entreprise, au moins s'il n'y a pas d'autre solution envisageable à partir des ressources propres de l'entreprise.

(62) Être créancier d'un EPIC ne comporte donc aucun risque de non-remboursement des créances: non seulement l'EPIC ne peut pas faire faillite, mais, en outre, la loi garantit le remboursement de ses créances à travers des procédures administratives spéciales. La procédure applicable aux EPIC n'est donc pas comparable à la procédure de liquidation judiciaire applicable aux sociétés commerciales de droit commun. Au contraire, la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 renforce l'effet de la garantie illimitée de l'État dont EDF bénéficie en vertu du fait qu'elle ne peut pas faire faillite.

(63) La doctrine juridique française considère que les personnes publiques bénéficient bien en droit français d'une garantie en dernier ressort de l'État. En effet, dès lors que ces personnes publiques gèrent une activité stratégique, essentielle à l'économie ou à la solidarité nationale, l'État ne pourrait se désintéresser de leur sort si elles devaient être confrontées à une situation financière difficile. L'engagement de l'État serait d'autant plus certain qu'il aurait exercé un contrôle déterminant sur l'activité de l'entreprise, en fixant par exemple les tarifs de sa production [16].

(64) De même, dans un avis non publié, le Conseil d'État a considéré à propos d'un établissement public "que la garantie de l'État [...] découlera, sans disposition législative explicite, de la nature même d'établissement public de l'organisme" [17].

(65) En d'autres termes, si l'inapplicabilité de la procédure de faillite ou d'insolvabilité aux personnes publiques est un corollaire du principe d'insaisissabilité de leurs biens, l'obligation de l'État de répondre de leurs dettes en cas de défaillance découle du même principe.

(66) Contrairement à ce que les autorités françaises prétendent, la loi du 16 juillet 1980 est sélective, dans la mesure où elle s'applique seulement aux entreprises commerciales dotées d'un statut de personne publique. Elle ne constitue donc pas une mesure générale.

b) Avantage sélectif et distorsion de la concurrence

(67) Une mesure constitue une aide d'État si elle procure un avantage à certains bénéficiaires spécifiques. Toutes les mesures susceptibles de favoriser directement ou indirectement des secteurs, des entreprises ou des produits sont comprises dans la notion d'avantage économique. Les interventions de l'État en faveur des entreprises publiques peuvent ainsi comprendre un élément d'aide d'État, si elles sont opérées dans des circonstances anormales et procurent un avantage à l'entreprise concernée.

(68) Dès lors qu'en raison de son statut, EDF ne peut pas faire faillite, ses engagements ne présentent aucun risque d'insolvabilité. EDF peut donc emprunter à un taux inférieur à celui normalement proposé à une société commerciale de droit commun pouvant faire l'objet d'une procédure de redressement et de liquidation judiciaires. En effet, les conditions de crédit obtenues par une entreprise varient en fonction de son risque d'insolvabilité. Plus celui-ci est fort, plus les conditions de crédit offertes à cette entreprise seront onéreuses. Les entreprises qui, comme EDF, ont recours au financement obligataire, demandent à des agences de notation indépendantes d'évaluer régulièrement leur risque d'insolvabilité. Les notes ainsi attribuées à une entreprise déterminent le montant de la rémunération exigée par un investisseur pour souscrire à ses emprunts obligataires. Si la notation d'une entreprise baisse en raison d'un risque d'insolvabilité accru, les investisseurs exigeront une rémunération plus importante et le coût de l'émission obligataire augmentera pour l'entreprise. A contrario, une entreprise qui n'est pas soumise au droit commun de la faillite, et donc bénéficie d'une garantie illimitée de l'État, ne présente aucun risque d'insolvabilité, ce qui lui permet d'emprunter dans des conditions plus favorables.

(69) Les principales agences de notation considèrent toutes la garantie illimitée de l'État comme un élément déterminant de l'appréciation du risque d'insolvabilité d'EDF. Depuis juin 2001, l'agence Fitch Ratings attribue ainsi à EDF la note à long terme AAA et la note à court terme F1+. Dans un communiqué, elle a souligné que ces notes reflétaient la garantie implicite de l'État sur la dette d'EDF ainsi que son statut juridique actuel et a ajouté qu'en l'absence de cette garantie, la note à long terme d'EDF serait de AA+ [18]. En mai 2002, l'agence Fitch a confirmé ces notes à long et à court termes; en revanche, elle a attribué à la qualité de crédit intrinsèque du groupe la note AA [19]. La garantie illimitée de l'État permet ainsi à EDF d'obtenir une meilleure évaluation de son risque d'insolvabilité que celle qui découlerait d'une simple analyse de sa qualité de crédit intrinsèque. De son côté, en janvier 2002, l'agence Moody's a abaissé la perspective attachée à la note à long terme AAA d'EDF de "stable" à "négative". Dans un communiqué, l'agence a expliqué cette révision de la note par la probabilité de plus en plus forte que le statut et la structure de contrôle d'EDF soient appelés à changer à moyen terme et a indiqué que si EDF perdait son statut actuel, qui la fait échapper au droit commun de la faillite, sa note à long terme pourrait être abaissée d'un ou deux crans [20]. La garantie illimitée de l'État permet bien à EDF d'obtenir des conditions de crédit plus favorables que celles auxquelles aurait accès une société commerciale sans garantie de l'État.

(70) Dans la mesure où EDF est la seule entreprise active sur le marché de l'électricité qui bénéficie d'une garantie illimitée de l'État en raison de son statut, cet avantage a un caractère sélectif.

(71) EDF est en concurrence avec d'autres opérateurs communautaires sur les marchés de la production, de la distribution d'électricité et des services énergétiques ainsi qu'avec d'autres opérateurs actifs sur des marchés énergétiques concurrents de l'électricité. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes [21], toute aide d'État qui renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires crée une distorsion de concurrence.

(72) La garantie illimitée de l'État crée ainsi en faveur d'EDF un avantage qui renforce nécessairement sa position par rapport à celle de ses concurrents. Elle crée donc une distorsion de concurrence au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

2. La réforme du régime de retraite du secteur des IEG

a) Avantage sélectif et distorsion de la concurrence

(73) L'adossement du régime de retraite de la branche des IEG aux régimes de droit commun ne constitue pas un avantage, dans la mesure où la possibilité d'un tel adossement est ouverte à tout régime spécial de retraite qui le souhaite et où ses modalités financières, d'évaluation et de calendrier sont neutres financièrement pour les régimes d'accueil et pour l'État.

(74) Dans le cas d'espèce, les modalités techniques de l'adossement restent à déterminer dans le cadre des négociations actuelles entre la branche et les régimes d'accueil. Les autorités françaises se sont néanmoins engagées formellement par lettre du 11 décembre 2003 "à assurer que les conventions qui seront conclues entre la branche des industries électriques et gazières et les régimes de droit commun (régimes d'accueil) ainsi que toute autre mesure prise à cet égard seront financièrement neutres pour toutes les parties et pour l'État".

(75) La Commission estime que, dans la mesure où cet engagement est effectivement respecté, l'adossement du régime de retraite de la branche des IEG aux régimes de droit commun ne constitue pas un avantage. Si tel n'était pas le cas, l'opération devrait bien entendu être examinée à nouveau. La Commission souligne à cet égard que les autorités françaises devront notifier formellement à la Commission l'opération, dès lors que ses modalités définitives ne seraient pas conformes à ce principe de neutralité financière.

(76) À la lumière de cet engagement des autorités françaises, la Commission considère que l'adossement du régime de retraite de la branche des IEG aux régimes de droit commun ne contient pas d'élément d'aide d'État, pour autant que cet adossement est neutre financièrement pour les entreprises, pour les régimes d'accueil et pour l'État.

(77) En revanche, la réforme notifiée décharge les entreprises de la branche des IEG du paiement d'une partie des obligations de retraite correspondant aux droits déjà acquis à la date de la réforme par les travailleurs affectés au transport et à la distribution de l'électricité et du gaz. Ces droits seront en effet financés au moyen de la contribution tarifaire déjà mentionnée. Les entreprises de la branche des IEG se trouvent ainsi déchargées du paiement d'une partie des droits de retraite du passé, ce qui constitue un avantage pour le secteur des IEG.

(78) Le secteur de l'électricité et du gaz bénéficie ainsi d'un avantage qui n'a été octroyé à aucun autre secteur de l'économie française, et en particulier aux secteurs directement en concurrence (comme les secteurs du pétrole et du charbon). Il s'agit donc d'un avantage sectoriel sélectif.

(79) Le secteur français de l'électricité et du gaz est en concurrence avec les secteurs identiques des autres États membres. Toute aide d'État qui renforce la position d'un secteur par rapport aux secteurs concurrents dans les échanges intracommunautaires crée une distorsion de concurrence. Le non-paiement par les entreprises de la branche d'une partie des charges de retraite du passé constitue un avantage pour le secteur français des IEG qui renforce nécessairement sa position par rapport à celle des secteurs concurrents des autres États membres. Cet avantage crée donc une distorsion de concurrence au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(80) La garantie de l'État octroyée à la Caisse nationale des industries électriques et gazières, qui porte sur le versement des pensions correspondant à l'ensemble des droits spécifiques passés, constitue une garantie en dernier ressort accordée au régime de retraite de la branche des IEG, et non aux entreprises. La garantie de l'État bénéficie donc à un organisme de sécurité sociale, qui fonctionne selon le principe de la répartition et qui est financé par des cotisations obligatoires. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice [22], un tel organisme n'exerce pas une activité économique au sens du traité. La garantie dont il bénéficie ne constitue donc pas un avantage visé par l'article 87, paragraphe 1, du traité.

b) Ressources étatiques

(81) La réforme du système de retraite de la branche des IEG, notifiée par les autorités françaises, implique des ressources étatiques.

(82) Le coût des obligations correspondant aux droits de retraite spécifiques déjà acquis à la date de la réforme par les travailleurs affectés au transport et à la distribution de l'électricité ou du gaz sera transféré à la Caisse nationale des IEG et sera financé par la contribution tarifaire instituée par les autorités françaises. Le fait générateur de cette contribution tarifaire est l'existence d'un raccordement à un réseau de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz.

(83) Le paiement de cette contribution est obligatoire. Elle est instituée par une loi, qui détermine son fait générateur, ses modalités de recouvrement et l'affectation de son produit. Les différents taux de cette contribution sont fixés par arrêté conjoint des ministres en charge du budget et de l'énergie, après avis de la Commission de régulation de l'énergie. En l'occurrence, même si l'État n'intervient pas directement dans la gestion de la contribution, puisqu'elle est collectée par les entités facturant la prestation d'acheminement de l'électricité ou du gaz et versée directement à la nouvelle caisse de retraite de la branche, il détermine néanmoins ses conditions de recouvrement et l'affectation de son produit. Pour ces raisons, les ressources collectées au moyen de la contribution tarifaire constituent des ressources d'État.

3. Le non-paiement par EDF, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG

a) Avantage sélectif et distorsion de la concurrence

(84) La loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 ayant établi qu'EDF était réputée propriétaire du RAG depuis 1956, il convient de vérifier si cette loi n'implique pas un transfert de propriété du RAG.

(85) Selon les informations soumises par les autorités françaises, EDF peut raisonnablement être considérée comme propriétaire du RAG depuis le premier cahier des charges de 1956. Cette conclusion est fondée sur les éléments suivants: les caractéristiques des différents types de contrats de concession en droit français, les caractéristiques particulières de la concession originale à EDF, qui ne comportait pas de clause précise de rétrocession, la procédure d'acquisition des actifs concernés, pour lesquels EDF a dû acquitter un droit similaire à une indemnité d'expropriation, et les conditions de financement de l'entretien et du développement du RAG aux frais d'EDF. Par conséquent, la Commission considère que la "clarification" sur la propriété du RAG, effectuée par la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997, ne contient pas en soi d'élément d'aide d'État.

(86) Il faut désormais examiner si la loi n° 97-1026 a tiré toutes les conséquences fiscales de cette "clarification" et si, dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas, il n'y a pas eu d'avantage de nature fiscale en faveur d'EDF.

(87) Pendant la période 1987-1996, EDF a créé des provisions en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG. Suite à la loi de 1997 réputant EDF propriétaire du RAG depuis 1956, ces provisions sont devenues sans objet et ont dû par conséquent être reclassées à d'autres postes du bilan.

(88) La lettre du ministre de l'économie, établissant les conséquences fiscales de la restructuration du bilan d'EDF, montre que les provisions pour renouvellement du RAG non utilisées ont été soumises par les autorités françaises à l'impôt sur les sociétés au taux de 41,66 %, taux applicable en 1997.

(89) En revanche, conformément à l'article 4 de la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997, une partie de ces provisions, les droits du concédant, correspondant aux opérations de renouvellement déjà réalisées, a été reclassée en dotations en capital à hauteur de 14,119 milliards de FRF sans être soumise à l'impôt sur les sociétés. Les autorités françaises reconnaissent elles-mêmes le caractère illégal de cette opération. Dans une note de la direction générale des impôts en date du 9 avril 2002, adressée à la Commission, les autorités françaises indiquent que "les droits du concédant afférents au RAG représentent une dette indue que l'incorporation au capital a libérée d'impôt de manière injustifiée" et que "cette réserve aurait dû, préalablement à son incorporation au capital, être transférée du passif de l'établissement où elle figurait à tort vers un compte de situation nette entraînant ainsi une variation positive d'actif net imposable en application de l'article 38-2" du code général des impôts. Elles constatent que "l'avantage en impôts ainsi obtenu [en 1997 par EDF] peut être évalué à 5,88 milliards de francs (14,119 × 41,66 %)", soit 888,89 millions d'euro [23].

(90) La Commission constate, d'une part, que, conformément à l'avis du conseil national de la comptabilité, les corrections d'erreur doivent être comptabilisées dans le résultat de l'exercice au cours duquel elles sont constatées. D'autre part, si les provisions non utilisées qui avaient été créées en franchise d'impôt pour un montant de 38,5 milliards de FRF ont été soumises à l'impôt sur les sociétés au taux de 41,66 % en 1997, la Commission considère qu'il n'existe aucune raison objective de ne pas avoir imposé l'autre partie des provisions créées en franchise d'impôt au même taux.

(91) La Commission considère que les droits du concédant auraient dû être imposés en même temps et au même taux que les autres provisions comptables créées en franchise d'impôt. Cela signifie que les 14,119 milliards de FRF de droits du concédant auraient dû être additionnés aux 38,5 milliards de FRF de provisions non utilisées pour être imposés au taux de 41,66 % appliqué à la restructuration du bilan d'EDF par les autorités françaises. En ne payant pas la totalité de l'impôt sur les sociétés dû lors de la restructuration de son bilan, EDF a économisé 888,89 millions d'euro.

(92) La Commission considère que l'aide est bien versée en 1997, car le montant de 14,119 milliards de FRF était à cette date une dette envers l'État, enregistrée au bilan comme droits du concédant, que l'État a abandonnée par la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997.

(93) Les autorités françaises affirment que, même en l'absence de dotations en provisions pour le renouvellement du RAG, EDF n'aurait pas été en mesure de payer l'impôt sur les sociétés de 1987 à 1996 du fait des reports fiscaux déficitaires. La Commission considère que cet argument n'est pas pertinent, dès lors que l'avantage fiscal date de 1997 et non des années antérieures. En outre, la Commission note qu'en l'absence de ces dotations en provisions, les reports fiscaux déficitaires auraient progressivement disparu de 1987 à 1996 et donc qu'en 1997, le montant de l'impôt dû par EDF aurait été nettement supérieur.

(94) Les autorités françaises estiment également que si la constitution des provisions pour le renouvellement du RAG s'était traduite par un avantage, celui-ci devrait être considéré comme annulé par l'augmentation de l'impôt sur les sociétés payé en 1997. La Commission ne peut que rejeter cet argument. Comme elle vient de le démontrer et comme les autorités françaises l'indiquent elles-mêmes dans leur note en date du 9 avril 2002, si les provisions pour renouvellement non utilisées ont été imposées normalement, les droits du concédant ont été reclassés en dotations en capital sans être soumis à l'impôt sur les sociétés. L'impôt payé par EDF en 1997 est donc inférieur à l'impôt normalement dû.

(95) Les autorités françaises prétendent par ailleurs que la réforme comptable de 1997 équivaut à une dotation complémentaire en capital d'un montant égal à l'exonération partielle d'impôt. Il s'agirait donc de leur part d'un investissement, et non d'une aide. Elles affirment également que sur la période 1987-1996, EDF a globalement versé à l'État une somme supérieure à l'impôt sur les sociétés qu'aurait payé une société de droit commercial, qui n'aurait pas constitué de provisions pour renouvellement du RAG et qui aurait versé à son actionnaire un dividende égal à 37,5 % du résultat net après impôt.

(96) La Commission ne peut que rejeter ces arguments en rappelant que le principe de l'investisseur privé ne peut jouer que dans le cadre de l'exercice d'activités économiques, et non dans le cadre de l'exercice de pouvoirs de régulation. Une autorité publique ne peut pas utiliser l'argument des éventuels bénéfices économiques qu'elle pourrait retirer en tant que propriétaire d'une entreprise pour justifier une aide octroyée de manière discrétionnaire à travers les prérogatives dont elle dispose en tant qu'autorité fiscale vis-à-vis de cette même entreprise.

(97) En effet, si un État membre peut, en plus de l'exercice de sa fonction de puissance publique, agir comme un actionnaire, il ne peut pas mélanger ses fonctions d'État exerçant la puissance publique et d'État actionnaire. Autoriser les États membres à utiliser leurs prérogatives de puissance publique au service de leurs investissements dans des entreprises actives sur des marchés ouverts à la concurrence priverait de tout effet utile les règles communautaires en matière d'aides d'État. En outre, si, en vertu de son article 295, le traité est neutre à l'égard de la propriété du capital, il n'en reste pas moins que les entreprises publiques doivent être soumises aux mêmes règles que les entreprises privées. Or, il n'y aurait plus d'égalité de traitement entre les entreprises publiques et les entreprises privées si l'État utilisait au profit des entreprises dont il est actionnaire ses prérogatives de puissance publique.

(98) Les autorités françaises affirment que le taux de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être appliqué à la restructuration du bilan d'EDF est celui de 1996, et non de 1997. Comme indiqué précédemment, la Commission remarque, d'une part, que le conseil national de la comptabilité considère que les erreurs comptables doivent être corrigées au cours de l'exercice comptable au cours duquel elles ont été constatées. Les provisions pour renouvellement du RAG étant devenues sans objet suite à la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997, c'est bien au cours de l'exercice comptable 1997 qu'elles devaient être reclassées, et donc imposées au taux de l'impôt sur les sociétés applicables au cours de cet exercice. D'autre part, la Commission constate que les autorités françaises elles-mêmes ont appliqué le taux de l'impôt sur les sociétés de 1997 à la partie des provisions qui a été imposée.

(99) Le non-paiement par EDF, en 1997, de 888,89 millions d'euro d'impôt constitue donc un avantage pour le groupe. EDF a pu employer la somme équivalente au non-paiement de l'impôt pour renforcer ses capitaux propres sans faire appel à des ressources financières extérieures. L'avantage est nécessairement sélectif, puisque le non-paiement de l'impôt sur les sociétés sur une partie de ces provisions comptables constitue une exception au traitement fiscal normalement applicable à une telle opération. Le fait que l'avantage ait été concédé à EDF par un acte législatif spécifique, la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997, atteste son caractère unique et exorbitant.

(100) Comme la garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF, cet avantage en sa faveur renforce nécessairement sa position par rapport à celle de ses concurrents. Il crée donc une distorsion de concurrence au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

b) Ressources étatiques

(101) La notion d'aide recouvre non seulement des prestations positives telles que les subventions, mais également toutes les interventions des autorités publiques qui allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui ont des effets identiques aux subventions [24]. Conformément à une jurisprudence constante [25], la non-perception par l'État d'un impôt qui aurait dû être perçu équivaut à la consommation d'une ressource d'État.

(102) Cette non-perception de la totalité de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 1997 découle directement d'un acte étatique, la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997.

(103) Ainsi, en 1997, EDF a bénéficié d'une aide d'État de 888,89 millions d'euro sous la forme d'un avantage fiscal.

4. Affectation des échanges entre les États membres

(104) Depuis sa création en 1946 et jusqu'à l'entrée en vigueur de la directive 96-92-CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité [26], EDF a joui sur le marché français d'une situation de monopole avec des droits exclusifs pour le transport, la distribution ainsi que l'importation et l'exportation d'électricité. Toutefois, EDF était déjà en concurrence avec les producteurs d'électricité des autres États membres avant même l'entrée en vigueur de la directive 96-92-CE. De surcroît, une libre concurrence existait sur les marchés connexes sur lesquels EDF avait déjà diversifié ses activités au-delà de ses droits exclusifs (que ce soit d'un point de vue géographique ou sectoriel). Des effets sur les échanges existaient donc bien avant la libéralisation prévue par la directive 96-92-CE.

(105) L'électricité faisait l'objet entre les État membres d'échanges importants et croissants auxquels EDF participait activement. Ces échanges, renforcés par l'adoption de la directive 90-547-CEE du Conseil du 29 octobre 1990 relative au transit d'électricité sur les grands réseaux [27], s'effectuaient sur la base d'accords commerciaux entre les différents opérateurs des réseaux d'électricité de haute tension dans les États membres. Dans les pays européens de l'OCDE, les importations d'électricité ont augmenté à un taux annuel moyen de plus de 7 % entre 1980 et 1990. De 1981 à 1989, EDF a multiplié l'excédent de sa balance commerciale d'électricité par 9, atteignant des exportations nettes de 42 TWh représentant 10 % de sa production totale. En 1985, EDF exportait déjà 19 TWh vers les autres États membres.

(106) Dans son rapport annuel 1997, EDF indique se situer "parmi les tous premiers opérateurs internationaux du secteur électrique, avec, hors de France, plus de 13 milliards de FRF engagés, un parc de production dont la puissance installée représente près de 11 % de celle du parc français et plus de 8 millions de clients". Le rapport souligne également qu'en 1997, EDF a "multiplié et renforcé ses investissements en Europe en étendant sa présence à l'Autriche et à la Pologne" et qu'elle a "exporté plus de 70 TWh en Europe".

(107) Le contrat d'entreprise 1997-2000, signé le 8 avril 1997 entre l'État et EDF, prévoit qu'EDF consacrera environ 14 milliards de FRF à ses investissements internationaux, les régions de l'Europe figurant parmi les priorités. Entre 2000 et 2002, EDF a acquis un tiers du capital de l'entreprise allemande EnBW, a accru les capacités de production et de distribution de sa filiale britannique London Electricity, a pris le contrôle direct de l'entreprise italienne Fenice et a mis en place un partenariat avec Fiat pour l'achat de Montedison (devenu Edison). EDF occupe ainsi une place importante dans les échanges d'électricité entre les États membres. En 2001, les exportations d'électricité d'EDF ont augmenté à une valeur record de 83,9 TWh, contribuant pour 2,3 milliards d'euro aux ventes annuelles.

(108) À présent, le marché de l'électricité en France est ouvert à hauteur de 34,5 %, avec un seuil d'éligibilité des consommateurs fixé à 7 GWh. Ce marché ouvert à la concurrence est constitué d'environ 3100 sites représentant une demande de plus de 150 TWh. Selon les dernières estimations, la part de marché des concurrents d'EDF sur ce marché est de 18,5 %. 31 fournisseurs européens sont présents sur le marché français et les importations d'électricité en France ont représenté environ 26 TWh en 2001. En outre, en ce qui concerne la production d'électricité en France, EDF est désormais en concurrence avec la Compagnie nationale du Rhône, filiale d'Électrabel, et la Société nationale d'électricité et de thermique, dont une partie du capital est détenue par la société espagnole Endesa. EDF est donc désormais en concurrence avec d'autres opérateurs sur le marché français.

(109) Avant même l'entrée en vigueur de la directive 96-92-CE en février 1999, certains États membres avaient déjà adopté unilatéralement des mesures visant à ouvrir leur marché de l'électricité. En particulier, le Royaume-Uni a ouvert son marché à 100 % pour les gros clients industriels en 1990. La Suède a ouvert le sien à 100 % en 1996, la Finlande a commencé à l'ouvrir en 1995 pour atteindre 100 % en 1997, l'Allemagne l'a ouvert à 100 % en 1998 et les Pays-Bas l'ont ouvert totalement pour les clients industriels en 1998. Dans ces conditions, avant même la date fixée par la directive pour l'ouverture à la concurrence, les aides d'État accordées aux entreprises disposant d'un monopole dans un État membre participant activement aux échanges intracommunautaires, comme c'est le cas d'EDF, faussaient la concurrence sur le marché de l'électricité au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(110) EDF participait et continue de participer à la concurrence tant en France que dans d'autres États membres dans des domaines autres que celui de son activité principale de production et de distribution d'électricité, car elle a diversifié ses activités sur les marchés des services liés à l'énergie, qui sont entièrement libéralisés. En 1997, SDS, filiale détenue à 100 % par EDF, réunissait ses activités liées à la fourniture de services pour les clients individuels, les entreprises et les autorités locales. SDS exerçait son activité dans le traitement des déchets, l'éclairage de rue et d'autres services liés à l'énergie avec une contribution aux ventes équivalente à 685 millions d'euro en 1998 contre 650 millions d'euro en 1997. En 2000, EDF a mis au point un partenariat avec Veolia Environnement à travers la société Dalkia, qui est le leader européen des services énergétiques aux entreprises et aux collectivités. Elle propose des services d'ingénierie et de maintenance énergétiques, gère des installations thermiques et des services techniques liés au fonctionnement des bâtiments et assure l'exploitation des réseaux de chaleur, de cogénération, d'ensembles de production d'énergie et de fluides industriels.

(111) EDF a également développé ses activités sur le marché des énergies renouvelables. En 1997, la société holding CHART, une filiale détenue à 100 % par EDF, réunissait ses activités dans le domaine des énergies renouvelables, telles que la géothermie et l'éolien. Sa contribution au chiffre d'affaires consolidé était alors de 70 millions d'euro.

(112) Enfin, en tant que producteur et distributeur d'électricité, EDF a été et est encore en concurrence avec des fournisseurs d'autres sources d'énergie de substitution comme le charbon, le pétrole et le gaz, tant sur son marché national que sur les marchés internationaux. En France, par exemple, EDF a lancé avec succès une campagne pour encourager l'utilisation d'électricité pour le chauffage. Elle a ainsi accru sa part de marché par rapport à ses concurrents qui fournissent des sources d'énergie de substitution comme le pétrole ou le gaz. Dans le secteur de l'acier, les fours électriques sont en concurrence avec les fours à gaz et à pétrole.

(113) En ce qui concerne l'affectation des échanges entre États membres pour le gaz, il convient de noter que la France n'ayant que de faibles réserves de gaz, celui-ci a toujours été, dans une large mesure, importé. Le marché du gaz a aussi fait l'objet d'une directive de libéralisation, la directive 98-30-CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, adoptée en juin 1998 et qui devait être transposée dans chaque État membre avant août 2000. Les États membres devaient définir les clients éligibles ayant la possibilité de choisir leur fournisseur. La définition de ces clients éligibles devait aboutir à une ouverture immédiate du marché du gaz d'au moins 20 % de la consommation nationale annuelle de gaz, puis de 28 % en 2003.

(114) Un rapport parlementaire français [28] indique que, selon les informations gouvernementales, la consommation des clients éligibles ayant changé de fournisseur représentait au début de l'année 2002 environ 25 % de la consommation totale des clients éligibles et 5 % du marché total, et que quatre nouveaux opérateurs étaient apparus sur le marché français.

(115) Il apparaît ainsi qu'en 1997, EDF était déjà bien implantée sur certains marchés d'autres États membres, et que l'aide résultant du non-paiement par EDF de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG ne pouvait qu'affecter les échanges entre États membres.

(116) La garantie illimitée de l'État a également créé en faveur d'EDF un avantage qui renforce nécessairement sa position par rapport à celle de ses concurrents. À la lumière des observations précédentes, elle affecte nécessairement les échanges entre États membres au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(117) La réforme du système de retraite de la branche des IEG réduit les charges supportées par les entreprises du secteur et constitue donc un avantage sectoriel. Compte tenu de l'existence de marchés européens de l'électricité et du gaz, l'octroi d'un avantage en France aux entreprises du secteur a nécessairement pour effet d'affecter les échanges entre États membres.

(118) Ainsi, dans la mesure où ils remplissent les quatre critères fixés à l'article 87, paragraphe 1, du traité, la garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF, le non-paiement par les entreprises de la branche des IEG d'une partie des retraites du passé et le non-paiement par EDF de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG, constituent des aides d'État. Il convient désormais d'examiner leur compatibilité au regard des règles du traité.

5. Évaluation de la compatibilité des aides d'État en cause au regard du traité

a) La garantie illimitée de l'État

(119) La garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF constitue une aide d'État qui permet au groupe d'emprunter dans des conditions plus favorables sur les marchés financiers internationaux.

(120) L'article 87, paragraphe 1, du traité dispose que les aides correspondant aux critères qu'il définit sont en principe incompatibles avec le marché commun. Les exceptions à cette incompatibilité prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité ne sont pas applicables en l'espèce en raison de la nature de l'aide qui n'est pas destinée à atteindre les objectifs énumérés audit paragraphe.

(121) La mesure d'aide concernée ne remplit pas non plus les conditions prévues à l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), pour les aides destinées à favoriser le développement économique de certaines régions, d'autant plus qu'elle correspond à une aide au fonctionnement. En effet, elle n'est pas subordonnée à des investissements ou à la création d'emplois comme le prévoient les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale [29].

(122) L'article 87, paragraphe 3, point c), du traité prévoit également une exception pour les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En l'espèce, la mesure d'aide examinée n'entre pas dans le cadre de cette exception.

(123) En ce qui concerne les exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), du traité, la mesure d'aide concernée en l'espèce n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet d'intérêt commun ni à remédier à une perturbation grave de l'économie française, ni à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

(124) Ainsi, les critères de compatibilité énoncés à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité ne sont pas remplis.

(125) Les autorités françaises considèrent que la Commission n'a pas tenu compte dans son appréciation du statut d'EDF des contraintes qui lui sont liées, telles que le principe de spécialité et l'interdiction des clauses compromissoires. Il s'agit de dispositions du droit administratif français qui sont totalement indépendantes de la question des aides d'État. Ce sont les autorités françaises qui ont décidé d'accorder à EDF ce statut. Il résulte d'une loi adoptée par le Parlement; il peut donc être modifié à tout moment par la même voie. La Commission constate néanmoins que ce principe de spécialité n'a pas fait obstacle à une certaine diversification des activités d'EDF.

(126) Aux termes de l'article 86, paragraphe 2, du traité, les entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général sont soumises aux règles du traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.

(127) La Commission ne conteste pas que des obligations de service public incombent à EDF. À ce titre et en vertu de l'article 86 du traité, EDF pourrait recevoir une compensation financière ou jouir de certaines prérogatives exorbitantes du droit commun. Cependant, ces mesures financières ou ces prérogatives doivent être proportionnées à ce qui est nécessaire pour la compensation des coûts supplémentaires que ces missions de service public font peser sur EDF. Or, la garantie de l'État dont bénéficie EDF, dans la mesure où elle couvre toutes les activités d'EDF et est illimitée dans le temps, paraît disproportionnée. La Commission considère donc qu'elle crée une distorsion de concurrence indue.

(128) Les autorités françaises n'ont pas invoqué l'application de l'article 86, paragraphe 2, du traité, mais elles ont souligné le fait qu'EDF exerce des missions de service public. Les autorités françaises n'ont cependant pas indiqué de manière détaillée les obligations spécifiques de service public d'EDF ni leur coût. Il est donc impossible de vérifier si l'étendue de l'engagement de l'État envers EDF correspond ou non au coût de ses missions de service public. À cet égard, la Commission rappelle la difficulté d'estimer correctement la valeur d'une garantie générale, qui est indéterminée dans son montant et illimitée dans le temps.

(129) Compte tenu des informations dont elle dispose, la Commission considère que l'examen du respect des conditions formulées dans l'arrêt Altmark [30] et des critères d'application de l'article 86, paragraphe 2, du traité n'est pas possible en l'espèce.

(130) Les autorités françaises considèrent que l'action de la Commission retire à l'article 295 du traité son effet utile. À l'appui de leur démonstration, elles citent les conclusions de l'avocat général dans les affaires C-367-98, C-483-99 et C-503-99 relatives aux "actions spécifiques" (golden shares). Néanmoins, la Cour de justice n'a pas suivi dans ses arrêts cette interprétation de l'article 295 du traité [31]. Aux termes de cet article, la Communauté est neutre quant au régime de la propriété dans les États membres. Aucune disposition du traité ne fait obstacle à ce que l'État détienne entièrement ou partiellement des entreprises. Mais, parallèlement, les règles de concurrence doivent s'appliquer de la même manière aux entreprises privées et aux entreprises publiques. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, l'article 295 n'a pas pour effet de faire échapper les régimes de propriété existant dans les États membres aux règles fondamentales du traité [32].

(131) Cette jurisprudence a été confirmée par l'arrêt West LB du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 6 mars 2003 [33]. Aux termes de cet arrêt, il ne saurait être considéré que l'article 295 du traité limite la portée de la notion d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. L'application des règles de concurrence aux entreprises, indépendamment du régime de propriété auquel elles sont soumises, n'a pas pour effet de restreindre le domaine de protection de l'article 295 du traité et de faire que les États membres ne disposent pratiquement plus d'aucune latitude dans leur gestion des entreprises publiques, dans la conservation des participations qu'ils possèdent dans ces dernières, ou encore dans la prise en compte de considérations autres que des critères purement lucratifs. En effet, à supposer que les intérêts visés par cette argumentation puissent s'opposer à l'application des règles de concurrence, ils sont pris en compte par l'article 86, paragraphe 2, du traité dans la mesure où cette disposition prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général peuvent échapper à l'application des règles de la concurrence, si ces dernières font échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui a été impartie à ces entreprises.

(132) Dans le cas présent, la détention du capital d'EDF par l'État n'est absolument pas mise en cause: en effet, la garantie illimitée de l'État n'est pas liée au régime de propriété d'EDF, mais à son statut juridique. Si à ce statut sont intrinsèquement associés des éléments créant une distorsion de concurrence, ce statut lui-même doit être soumis à l'examen des règles d'aides d'État. Les États membres sont libres de choisir le statut juridique des entreprises, mais doivent, dans leur choix, respecter les règles du traité. En ce sens, l'action de la Commission est conforme au principe d'égalité de traitement.

(133) La Commission ne remet en aucune façon en cause le caractère public du capital d'EDF, ni ne conteste le statut d'EPIC en tant que tel. La Commission examine seulement l'effet de la dérogation à la procédure de redressement et de liquidation judiciaires, ainsi que le rôle de l'État en qualité de garant en dernier ressort de toutes les dettes d'EDF, y compris celles qui sont liées aux activités ne relevant pas de ses obligations de service public.

(134) La garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF constitue ainsi une aide d'État incompatible avec les règles du traité. La Commission a déjà demandé sa suppression dans sa décision de proposition de mesure utile adoptée en octobre 2002.

(135) Dans leur lettre en date du 11 novembre 2003, les autorités françaises ont communiqué à la Commission le projet de disposition législative suivant: "Les établissements publics nationaux Électricité de France et Gaz de France sont transformés [...] en société anonyme régie [...] par les dispositions applicables aux sociétés commerciales". Les autorités françaises précisent que la transformation d'EDF en société anonyme aura pour effet de la soumettre au droit commun applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires. La Commission considère que la soumission d'EDF au droit commun de la faillite aura pour effet de supprimer la garantie illimitée de l'État dont elle bénéficiait.

(136) Dans une lettre en date du 16 décembre 2003, le Gouvernement français a confirmé qu'il "proposera au Parlement les dispositions relatives à la transformation de la forme juridique d'EDF, actuellement établissement public, en une forme juridique de droit commun, afin d'en permettre l'application avant le 1er janvier 2005". Sur la base de cette information, la Commission considère que la garantie illimitée de l'État dont EDF bénéficie doit être supprimée de manière effective avant le 1er janvier 2005. Un tel délai est suffisant et raisonnable compte tenu des modifications législatives et réglementaires nécessaires.

b) La réforme du système de retraite du secteur des IEG

(137) La Commission constate que le système actuel de retraite de la branche des IEG constitue en fait une barrière à l'entrée des marchés français de l'électricité et du gaz. En effet, selon les règles du système actuellement applicable à tout nouvel entrant, les entreprises ne versent pas une contribution libératoire, mais participent chaque année au paiement des retraites de l'ensemble de la branche au prorata de leur masse salariale. Dès lors, le niveau de contribution d'un nouvel entrant ne dépend pas d'un taux fixe préalablement défini, mais est déterminé chaque année en fonction des besoins d'équilibre du système de retraite de la branche. Or, ce niveau d'équilibre répond à des paramètres, tels que la masse salariale de la branche et sa structure démographique, établis antérieurement à son entrée sur le marché et sans aucun lien avec ses propres engagements de retraite.

(138) Ensuite, les industries électriques et gazières étant fortement capitalistiques, il est probable que tout nouvel entrant sur le marché est soit coté en bourse, soit fait appel à l'épargne publique. Or, à partir de l'entrée en vigueur des normes comptables IAS, ces entreprises devront provisionner dans leurs comptes les engagements de retraite de la branche, antérieurs à leur entrée sur le marché, mais qui leur sont imputables au prorata de leur masse salariale actuelle. Ce provisionnement des charges de retraite du passé constitue une charge additionnelle par rapport à celles supportées par les entreprises soumises au droit commun de la sécurité sociale, qui financent les systèmes de retraite au moyen de contributions libératoires, et ne doivent donc pas provisionner ces engagements. L'entrée sur un marché fortement capitalistique, avec des coûts fixes importants, représente un tel investissement que toute charge supplémentaire peut apparaître comme un obstacle majeur.

(139) Enfin, la suppression de la garantie illimitée de l'État dont EDF et GDF bénéficient et donc leur assujettissement au droit commun des faillites, sans réforme parallèle du système de retraite de la branche, feraient peser sur l'ensemble des entreprises du secteur, y inclus les nouveaux entrants, l'obligation de reprendre les engagements de retraite des deux opérateurs historiques, s'ils font faillite. Compte tenu des sommes en jeu, ce risque n'est pas supportable pour les autres entreprises du secteur. Le transfert d'un tel risque sur les entreprises du secteur constitue ainsi une entrave à l'entrée des concurrents sur les marchés français.

(140) Le système actuel de retraite de la branche des IEG crée ainsi des barrières à l'entrée sur les marchés français de l'électricité et du gaz. La réforme notifiée par les autorités françaises permet de supprimer ces barrières à l'entrée. D'une part, elle substitue à la contribution d'équilibre payée par les entreprises du secteur des contributions libératoires aux régimes de droit commun (régime de base et régimes complémentaires obligatoires). D'autre part, elle diminue le montant des droits spécifiques de retraite acquis avant la réforme, qui va au-delà du montant des prestations de droit commun et qui doit être financé par toutes les entreprises du secteur. À la date de la réforme, les droits spécifiques de retraite qui restent à la charge des entreprises sont répartis de manière définitive entre elles en fonction de deux critères: la masse salariale et la durée d'emploi par les entreprises de personnel relevant du statut des IEG. La contribution des entreprises est ainsi proportionnelle à l'ancienneté de leur présence sur les marchés électriques et gaziers. Enfin, en cas de faillite des opérateurs historiques, les entreprises de la branche ne reprendront à leur charge que les droits spécifiques, et dans la limite d'un plafond tenant compte de leurs propres engagements de retraite afin de ne pas menacer leur viabilité.

(141) Le système actuel étant sur le point d'être abrogé, la Commission n'estime pas nécessaire d'examiner sa compatibilité avec les dispositions du traité. La présente décision se limite exclusivement à examiner la compatibilité du nouveau système avec les règles communautaires concernant les aides d'État.

(142) En ce qui concerne la contribution tarifaire établie en faveur de la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour le financement d'une partie des droits de retraite acquis avant la réforme par les travailleurs affectés au transport et la distribution de l'électricité et du gaz, il convient de noter que son fait générateur est constitué par le raccordement des consommateurs aux réseaux de transport et de distribution de l'électricité ou du gaz. La contribution tarifaire est assise, pour chaque consommateur final, sur une part dite "fixe" du tarif d'utilisation des réseaux qui est indépendante de l'énergie effectivement consommée. Ainsi, elle est payée par le consommateur final, quand bien même il ne consommerait effectivement aucune énergie. Le paiement de la contribution n'est donc pas lié au volume de consommation de l'électricité ou du gaz. Il en résulte que la Caisse nationale des industries électriques et gazières n'est pas financée, à travers cette contribution, par de l'électricité ou du gaz importés d'autres États membres. Le mécanisme de financement de cette contribution ne renforce donc pas les effets de l'aide sur la concurrence et les échanges entre États membres, car il ne pèse pas sur les produits importés. Ainsi, il ne crée pas de barrière à l'entrée sur les marchés français de l'électricité et du gaz.

(143) Il convient de noter par ailleurs que les droits spécifiques de retraite acquis avant la réforme constituent des coûts du passé liés à l'ancienne situation de monopole. En effet, le paiement par les entreprises de la branche des IEG des droits spécifiques de retraite ne soulevait pas de difficulté, tant que ces entreprises évoluaient dans un cadre monopolistique. Certes, par rapport aux entreprises des autres secteurs, elles supportaient des charges de retraite supérieures, mais elles étaient protégées de toute concurrence intrabranche. En outre, les normes comptables ne leur imposaient pas de provisionner dans leurs comptes le montant des droits spécifiques qu'elles devaient payer à leurs travailleurs. Quant aux travailleurs, ils étaient assurés d'obtenir le paiement de leurs droits de retraite spécifiques, dans la mesure où ces droits étaient gérés par le service de retraite d'EDF-GDF, qui bénéficiaient de la garantie illimitée de l'État. Depuis l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz, ces droits spécifiques sont devenus une charge pour les entreprises électriques et gazières qui affecte leur compétitivité. D'une part, ces droits spécifiques représentent pour ces entreprises des charges sociales supplémentaires qui ne pèsent pas sur leurs concurrents. D'autre part, à compter de l'entrée en vigueur des normes IAS, les entreprises devront provisionner dans leurs comptes le montant des droits spécifiques acquis par leurs travailleurs. Au 1er janvier 2003, ces droits de retraite spécifiques représentaient [...]*. Le paiement des droits spécifiques de retraite, qui ne constituait pas une charge insurmontable tant que les entreprises étaient protégées de toute concurrence intrabranche, constitue aujourd'hui une difficulté majeure pour ces entreprises désormais en concurrence avec d'autres entreprises électriques ou gazières.

(144) Ces droits spécifiques de retraite des travailleurs des IEG découlent de l'article 24 du statut national du personnel des industries électriques et gazières et de son annexe n° 3, relative aux prestations invalidité, vieillesse et décès, qui datent de 1946. Ces textes n'ont pas été modifiés depuis 1997.

(145) La réforme notifiée prévoit que les entreprises de la branche ne paieront pas les droits spécifiques acquis à la date de la réforme par les travailleurs affectés au transport et à la distribution de l'électricité et du gaz. Elle est proportionnée à ce qui est strictement nécessaire, puisque les entreprises ne sont déchargées que d'une partie du paiement des droits spécifiques de retraite du passé. En effet, si le montant de tous les droits spécifiques du passé s'élève à [...]* pour la branche, les entreprises ne sont déchargées que du paiement des droits de retraite spécifiques acquis avant la réforme par les travailleurs affectés au transport et à la distribution de l'électricité et du gaz, ce qui représente la somme de [...]* au 1er janvier 2003. [...]* restent donc à la charge des entreprises de la branche. La réforme du régime de retraite, telle que notifiée par les autorités françaises, ne décharge donc pas les entreprises de la branche du paiement de la totalité des droits spécifiques de retraite du passé, mais d'une partie seulement.

(146) Tout marché fonctionnant dans un cadre monopolistique s'organise d'une manière spécifique et n'est donc pas immédiatement adapté à un fonctionnement concurrentiel lors de son ouverture. Par conséquent, la libéralisation d'un tel secteur nécessite sa réorganisation pour lui permettre d'atteindre le fonctionnement concurrentiel recherché. L'aide accordée par l'État en vue de cette réorganisation sectorielle est nécessaire et proportionnée. En effet, seules les activités de transport et de distribution de l'électricité et du gaz, exercées traditionnellement en monopole, bénéficieront d'une aide, les autres aspects de la réforme ne comportant pas d'éléments d'aide d'État. L'aide peut donc être considérée comme compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, car elle permet le développement de l'activité en question et n'altère pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(147) La Commission estime que la situation dans le cas concret n'est pas très différente par sa nature de celle des "coûts échoués" dans le domaine de l'énergie. Il s'agit en effet d'aides visant à faciliter la transition vers un secteur de l'énergie concurrentiel. Certes, la méthodologie que la Commission a adoptée pour examiner ce type d'aides ne permet pas d'appréhender cette réforme du système de retraite. Toutefois, dans le cas d'espèce, la Commission estime approprié d'assimiler ces aides à la compensation de coûts échoués et suivra cette approche dans son analyse des cas semblables.

(148) La réforme du système de retraite de la branche des IEG, en abolissant des barrières à l'entrée des marchés français de l'électricité et du gaz, permet d'accroître la concurrence sur ces marchés. Cette réforme d'un régime spécial s'inscrit, en outre, dans le cadre général de la réforme des systèmes de retraite des États membres, souhaitée à la fois par le Conseil et la Commission [34].

c) L'avantage résultant du non-paiement par EDF, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur une partie des provisions comptables créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG

(149) L'article 87, paragraphe 1, du traité dispose que les aides correspondant aux critères qu'il définit sont en principe incompatibles avec le marché commun. Les exceptions à cette incompatibilité prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité ne sont pas applicables en l'espèce en raison de la nature de l'aide qui n'est pas destinée à atteindre les objectifs énumérés audit paragraphe.

(150) La mesure d'aide concernée ne remplit pas non plus les conditions prévues à l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), pour les aides destinées à favoriser le développement économique de certaines régions, d'autant plus qu'elle correspond à une aide au fonctionnement. En effet, elle n'est pas subordonnée à des investissements ou à la création d'emplois comme envisagé dans les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale.

(151) L'article 87, paragraphe 3, point c), du traité prévoit également une exception pour les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En l'espèce, la mesure d'aide examinée n'entre pas dans le cadre de cette dérogation. Cette exception au droit fiscal applicable, qui ne bénéficie qu'à une seule entreprise, ne peut être considérée comme destinée à faciliter le développement d'une activité. Son seul objet est en effet d'aider une entreprise en réduisant ses coûts opérationnels.

(152) En ce qui concerne les exceptions prévues à l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), du traité, la mesure d'aide concernée en l'espèce n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet d'intérêt commun, ni à remédier à une perturbation grave de l'économie française, ni à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

(153) Ainsi, les critères de compatibilité énoncés à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité ne sont pas remplis. Par ailleurs, en ce qui concerne la compensation des coûts de service public, la même remarque que pour la garantie illimitée de l'État dont bénéficie EDF s'impose: les autorités françaises n'ont pas invoqué à l'égard de l'avantage fiscal l'application de l'article 86, paragraphe 2, du traité, mais elles ont souligné le fait qu'EDF exerce des missions de service public. Les autorités françaises n'ont cependant fourni aucune évaluation du coût occasionné à EDF par ces missions. La Commission ne peut donc pas établir si l'avantage fiscal en question compense ou non l'éventuel surcoût lié à ces missions de service public qui lui sont imposées [35].

(154) Sur la base des considérations précédentes, la Commission considère donc que l'aide examinée constitue une aide au fonctionnement, qui a eu pour effet de renforcer la position concurrentielle d'EDF vis-à-vis de ses concurrents. Elle est donc incompatible avec le marché commun.

(155) La Commission considère enfin que, contrairement à l'affirmation des autorités françaises, la règle de prescription ne s'applique pas en l'espèce. Certes, EDF a créé les provisions comptables en franchise d'impôt de 1987 à 1996. Cependant, il convient de remarquer, d'une part, que d'après le conseil national de la comptabilité, les corrections d'erreur, qui, par leur nature même, portent sur la comptabilisation des opérations passées, doivent être comptabilisées dans le résultat de l'exercice au cours duquel elles sont constatées et, d'autre part, que la loi qui dispose que les droits du concédant sont reclassés en dotations en capital sans être soumis à l'impôt sur les sociétés date du 10 novembre 1997. L'avantage fiscal date donc de 1997 et la prescription ne s'applique pas à une aide nouvelle versée à cette date.

VI. CONCLUSIONS

(156) La présente décision a été établie sur la base des informations soumises par les autorités françaises. Il convient de remarquer que, malgré l'injonction de fournir des informations adressée en octobre 2002, les autorités françaises ont persisté dans leur refus de transmettre à la Commission l'intégralité de certains documents demandés. Elles n'ont notamment communiqué que des extraits des rapports de la Cour des comptes visés par l'injonction.

(157) La Commission constate d'abord que la garantie illimitée de l'État dont EDF bénéficiait doit être supprimée avec comme conséquence la soumission de l'entreprise au droit commun des procédures collectives.

(158) La Commission prend note de l'engagement des autorités françaises d'assurer l'adossement du régime de retraite de la branche des IEG aux régimes de droit commun en toute neutralité financière pour les régimes d'accueil et pour l'État. La Commission considère que l'adossement en question ne contient pas d'élément d'aide d'État, dans la mesure où cet engagement sera respecté.

(159) La Commission constate ensuite que les droits de retraite spécifiques des travailleurs affectés au transport et à la distribution d'électricité et du gaz acquis à la date de la réforme ne seront plus financés par les entreprises de la branche, mais par une contribution tarifaire. Le non-paiement par les entreprises de la branche d'une partie des droits spécifiques du passé constitue une aide d'État compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

(160) La Commission constate enfin que le non-paiement par EDF, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur une partie de provisions créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun. Cette aide fiscale s'élève à un montant de 888,89 millions d'euro,

A arrêté la présente décision:

Article premier

La garantie illimitée octroyée par la France à Électricité de France (EDF) constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun et doit être supprimée avant le 1er janvier 2005.

Article 2

L'adossement du régime français de retraite de la branche des industries électriques et gazières aux régimes de retraite de droit commun ne constitue pas une aide relevant de l'article 87, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où cet adossement est neutre financièrement pour les entreprises, les régimes d'accueil et pour l'État.

Le non-paiement par les entreprises de la branche des industries électriques et gazières des droits spécifiques acquis à la date de la réforme par les travailleurs affectés au transport et à la distribution d'électricité et du gaz, et leur financement par une contribution tarifaire constituent une aide compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

La garantie octroyée par la France à la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour lesdits droits spécifiques acquis ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Article 3

Le non-paiement par EDF, en 1997, de l'impôt sur les sociétés sur la partie des provisions créées en franchise d'impôt pour le renouvellement du RAG, correspondant aux 14,119 milliards de francs de droits du concédant reclassés en dotations en capital, constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun.

L'élément d'aide impliqué dans le non-paiement de l'impôt sur les sociétés s'élève à 888,89 millions d'euro.

Article 4

La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès d'EDF l'aide visée à l'article 3 et déjà illégalement mise à sa disposition.

La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. L'aide à récupérer inclut des intérêts à partir de la date à laquelle elle a été mise à la disposition d'EDF, jusqu'à la date de sa récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale et sur une base composée conformément à la communication de la Commission sur les taux d'intérêt applicables en cas de récupération d'aides illégales [36].

Article 5

La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Cette information est communiquée à la Commission au moyen du formulaire figurant à l'annexe.

Article 6

La République française est destinataire de la présente décision.

Notes :

[1] JO C 280 du 16.11.2002, p. 8 et JO C 164 du 15.7.2003, p. 7.

[2] Voir JO C 280 du 16.11.2002, p. 8.

[3] JO C 280 du 16.11.2002, p. 8.

[4] JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.

[5] JO C 164 du 15.7.2003, p. 7.

[6] Tribunal des conflits, Association syndicale du canal de Gignac, 9 décembre 1899, Rec. p. 731; Cour de cassation, Civ 1re, Bureau de recherches géologiques et minières "BRGM Société Lloyd Continental", 21 décembre 1987, Bull. civ. I, n° 348; Cour d'appel de Paris, Sté PDG et B., 15 février 1991, n° 9021744, DA 1991, n° 184.

[7] La masse actuelle des droits de base à financer s'élève, pour la branche des IEG, à un montant de [...] (Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque). La masse des engagements de retraite à financer correspond à la somme actualisée, au taux réel de 3 %, des montants de droits acquis à la date de la réforme. Les montants indiqués correspondent à la situation au 1er janvier 2003; ils seront donc ajustés à la marge en fonction des droits acquis et des prestations versées jusqu'à la date de mise en œuvre de la réforme.

[8] Le conseil national de la comptabilité a adopté le 1er avril 2003 la recommandation n° 2003-R.01, relative aux règles de comptabilisation et d'évaluation des engagements de retraite et avantages assimilés, qui précise notamment les modalités d'évaluation en la matière. S'agissant du taux d'actualisation à appliquer, il doit être déterminé par référence à un taux de marché à la date de clôture fondé sur des obligations d'entreprises de première catégorie pour des durées de long terme, cohérentes avec la durée des engagements, et à défaut, par référence au taux de long terme des obligations d'État. L'utilisation en l'espèce d'un taux d'actualisation réel de 3 % se situe ainsi dans la fourchette basse des valeurs possibles.

[9] La méthodologie actuellement en vigueur à la CNAV est de comparer, à la date d'évaluation, le rapport entre la valeur actuelle probable des droits déjà acquis et la capacité contributive sur une année, modulée par l'âge moyen des cotisants, du régime intégré et du régime d'accueil. Dans l'hypothèse où le rapport de charge des IEG est supérieur à celui du régime de base, il est calculé un droit d'entrée qui est égal au montant qui, venant en déduction de la valeur actuelle des charges du régime des IEG, permet d'égaliser l'indicateur de charge du régime de la CNAV avant l'opération avec l'indicateur de charge de l'ensemble CNAV + IEG après l'opération. La méthodologie actuellement en vigueur pour les organismes AGIRC et ARRCO est de comparer les rapports de charge prestations/cotisations projetés sur 25 ans des régimes complémentaires, d'une part, et des IEG, d'autre part. La reprise de droits peut être minimale ou maximale. Dans le cas d'une reprise minimale, si le rapport de charge du régime intégré est plus défavorable que celui du régime d'accueil, un abattement sur les prestations attachées aux droits de base passés transférés est réalisé. Un tel abattement augmente mécaniquement les droits passés conservés par l'entreprise. Les entreprises resteront donc responsables du financement de la part des prestations attachées aux droits de base passés non transférés aux régimes de droit commun. Dans le cas d'une reprise maximale, même si le rapport de charge du régime intégré est plus défavorable que celui du régime d'accueil, l'ensemble des droits de base est repris, mais le régime intégré doit alors verser une soulte pour permettre la neutralité financière de l'adossement. En l'espèce, si la reprise de droits s'effectue selon le modèle "maximal", l'estimation du montant de cette soulte aux régimes de droit commun se situe dans une fourchette de [...]*.

[10] La masse actuelle des droits spécifiques à financer s'élève, pour la branche des IEG, à un montant de [...]*.

[11] La référence à l'article 87, paragraphe 1, du traité, doit être comprise comme faisant également référence à l'article 61 de l'accord sur l'Espace économique européen.

[12] Voir note 1 de bas de page.

[13] JO C 71 du 11.3.2000, p. 14.

[14] Loi du 16 juillet 1980, article 1.II.

[15] Décret d'application n° 81-501 du 12 mai 1981, article 3-1, quatrième alinéa.

[16] Voir, par exemple, J. RIVERO, "Régime des entreprises nationalisées", in Encyclopédie Juridique Dalloz, Droit administratif, 1959: "§ 78. [...] Dernière particularité, qui n'est pas inscrite dans les textes, mais découle de la pratique: en cas de nécessité, l'entreprise peut compter, comme ressource ultime, sur les avances de l'État, qui ne peut se désintéresser d'éléments essentiels de l'économie nationale et du patrimoine collectif, ces avances étant, en principe, remboursables. [...] § 81. Les textes n'ont pas prévu l'éventualité du déficit. Mais il paraît certain, a priori, qu'il ne saurait aboutir à la mise en faillite de l'entreprise: sur ce point la dérogation au droit commun est inévitable; en pratique, l'État, souvent responsable du déficit dans la mesure où il demeure maître des prix et des salaires, est amené, on l'a vu, à le couvrir par des avances".

[17] Voir rapport annuel du Conseil d'État pour 1995, p. 219.

[18] Source: Reuters News Service, Reuters French Language News, 22.6.2001.

[19] Source: Reuters News Service, Reuters French Language News, 27.5.2002.

[20] Sources: Moody's Investors Service Press Release, 30.1.2002; Reuters News Service, Reuters French Language News, 30.1.2002.

[21] Arrêts de la Cour de justice du 17 septembre 1980, affaire 730-79, Philip Morris, Rec. 1980, p. 2671, et du 11 novembre 1987, affaire 259-85, République française contre Commission, Rec. 1987, p. 4393.

[22] Arrêt de la Cour de justice du 17 février 1993, affaires C-159-91 et C-160-91, Poucet et Pistre, Rec. 1993, p. I-637.

[23] Conversion réalisée sur la base du taux de change franc/euro en date du 22 décembre 1997.

[24] Arrêts de la Cour de justice du 23 février 1961, affaire 30-59, Gezamenlijke Steenkolenmijnen contre Haute Autorité, Rec. 1961, p. 3; du 15 mars 1994, affaire C-387-92, Banco de Credito Industrial, Rec. 1992, p. I-877; du 11 juillet 1996, affaire C-39-94, SFEI, Rec. 1996, p. I-3547; du 26 septembre 1996, affaire C-241-94, France contre Commission, Rec. 1994, p. I-4551. Arrêt du Tribunal de première instance du 20 février 1997, affaire T-106-95, FFSA contre Commission, Rec. 1997, p. I-911.

[25] Voir notamment l'arrêt du Tribunal de première instance du 27 janvier 1998, affaire T-67-94, Ladbroke contre Commission, Rec. 1998, p. II-1, point 109.

[26] JO L 27 du 30.1.1997, p. 20.

[27] JO L 313 du 13.11.1990, p. 30. Directive modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de 2003.

[28] Rapport de M. Poniatowski, fait en 2002 au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi relatif aux marchés énergétiques.

[29] JO C 74 du 10.3.1998, p. 9 (modification au JO C 258 du 9.9.2000, p. 5).

[30] Arrêt de la Cour de justice du 24 juillet 2003, affaire C-280-00, Altmark Trans GmbH e.a., non encore publié au Recueil.

[31] Arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2002, affaire C-367-98, Commission contre République portugaise, Rec. 2002, p. I-4731; du 4 juin 2002, affaire C-483-99, Commission contre République française, Rec. 2002, p. I-4781; du 4 juin 2002, affaire C-503-99, Commission contre Royaume de Belgique, Rec. 2002, p. I-4809.

[32] Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2002, affaire C-483-99, Commission contre République française, Rec. 2002, p. I-4781, point 44. Voir également les arrêts de la Cour de justice du 6 novembre 1984, affaire 182-83, Fearon, Rec. 1984, p. 3677; du 21 mars 1991, affaire C-305-89, République italienne contre Commission, Rec. 1991, p. I-1603; du 1er juin 1999, affaire C-302-97, Konle, Rec. 1999, p. I-3099.

[33] Arrêt du Tribunal de première instance du 6 mars 2003, affaires T-228-99 et 233-99, Westdeutsche Landesbank Girozentrale and Land Nordrhein-Westfalen contre Commission, non encore publié au Recueil.

[34] Voir notamment le rapport conjoint de la Commission et du Conseil sur des pensions viables et adéquates, 18 mars 2003.

[35] L'examen du respect des conditions formulées dans l'arrêt Altmark, qui permettent d'échapper au champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité, ainsi que l'examen des critères d'application de l'article 86, paragraphe 2, du traité ne sont donc pas possible en l'espèce.

[36] JO C 110 du 8.5.2003, p. 21.

ANNEXE

FICHE D'INFORMATION

Concernant l'exécution de la décision 2005-145-CE de la Commission concernant EDF

En ce qui concerne l'article 1er de la décision:

Veuillez indiquer à quelle date le changement du statut d'EDF est intervenu, et ajouter une copie des documents prouvant le changement de statut.

En ce qui concerne l'article 3 de la décision:

1. De quelle façon les intérêts sur le montant de l'aide à récupérer seront-ils calculés [1]?

2. Quelles sont les mesures prévues pour obtenir un remboursement immédiat et effectif de l'aide, conformément à l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999?

3. Quelles sont les mesures qui ont déjà été prises afin d'obtenir un remboursement immédiat et effectif de l'aide, conformément à l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999?

4. Quel est le délai prévu pour obtenir le remboursement total de l'aide?

5. Autres commentaires?

[1] Conformément à la communication de la Commission sur les taux d'intérêt applicables en cas de récupération d'aides illégales (JO C 110 du 8.5.2003, p. 21), le taux de référence sera appliqué de façon composée. Le calcul d'intérêts composés sur une base annuelle obéit à la formule suivante, intérêts = [capital (1 + taux d'intérêt) nombre d'années] - capital.