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Décisions

CCE, 17 juin 2009, n° 2009-972

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Concernant l'aide d'État C 41-06 (ex N 318/A/04) que le Danemark entend mettre à exécution en vue du remboursement de la taxe sur les émissions de CO2 applicable à la consommation de combustibles soumise à des quotas dans l'industrie

CCE n° 2009-972

17 juin 2009

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations en application de l'article 88, paragraphe 2, premier alinéa (1), et vu ces observations, considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 20 juillet 2004, enregistrée par la Commission le 22 juillet 2004 (SG/A/7988), les autorités danoises ont notifié à la Commission l'aide décrite ci-dessous.

(2) Par lettres du 13 septembre 2004 et du 14 décembre 2004, la Commission a demandé des renseignements complémentaires, qui lui ont été transmis par lettres datées du 14 octobre 2004 et du 15 mars 2005, enregistrées respectivement le 18 octobre 2004 (A/37970) et le 15 mars 2005 (SG/A/2724).

(3) Après une réunion avec la direction générale de la concurrence et la direction générale de la fiscalité et de l'union douanière le 27 avril 2005, les autorités danoises ont sollicité, par lettre du 12 mai 2005, enregistrée le 17 mai 2005 (A/33975), un délai supplémentaire afin de compléter leur notification.

(4) Après l'apport de quelques modifications à la mesure, le dossier a été réexaminé à des réunions entre les représentants de la Commission et les autorités danoises les 12 octobre 2005, 15 décembre 2005 et 21 février 2006.

(5) Par lettre du 10 juillet 2006, enregistrée le 11 juillet 2006 (A/35577), les autorités danoises ont indiqué à la Commission qu'elles considéraient la notification comme complète et lui ont demandé de poursuivre l'examen préliminaire de la mesure telle qu'elle avait été présentée à la réunion du 12 octobre 2005.

(6) Par lettre du 26 septembre 2006, la Commission a informé le Danemark de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'égard de cette mesure.

(7) La décision de la Commission d'ouvrir ladite procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur la mesure proposée.

(8) Par lettre du 24 novembre 2006, enregistrée le 27 novembre 2006 (A/39579), le Gouvernement danois a présenté ses observations sur l'ouverture de la procédure.

(9) La Commission a reçu les observations des parties intéressées suivantes: le Gouvernement suédois (le 8 décembre 2006, A/40067), Novo Nordisk (le 8 décembre 2006, A/40027), Novozymes (le 11 décembre 2006, A/40089) et Dansk Industri (le 12 décembre 2006, A/40147). Elle a transmis ces observations aux autorités danoises, qui ont eu la possibilité de répondre. Les observations du Gouvernement danois sont parvenues par lettre du 5 février 2007, enregistrée le même jour (A/31115).

(10) Le 12 septembre 2007, une réunion s'est tenue entre le cabinet de Neelie Kroes et le ministre danois des contributions, Kristian Jensen. À cette réunion, il a été convenu d'attendre l'adoption des nouvelles lignes directrices communautaires concernant les aides d'État à la protection de l'environnement avant d'arrêter une décision sur la réduction de taxe proposée.

(11) Par lettre du 14 mai 2008, en référence aux nouvelles lignes directrices communautaires concernant les aides d'État à la protection de l'environnement (3), la Commission a demandé des renseignements sur les règles relatives aux exonérations de taxes environnementales. Le Danemark a répondu par lettre du 22 juillet 2008 (A/15183) accompagnée d'une annexe (A/15244).

(12) La demande de renseignements et la réponse y afférente ont été transmises aux parties intéressées qui avaient présenté des observations concernant l'ouverture de la procédure formelle d'examen. À la suite de cette communication aux parties intéressées, des observations ont été présentées par Dansk Industri (le 6 octobre 2008, A/20427), Novo Nordisk (le 7 octobre 2008, A/20550), Novozymes (le 8 octobre 2008, A/20739) et le Gouvernement suédois (le 15 octobre 2008, A/21433).

2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA MESURE

2.1. Historique

(13) Depuis 1992, une taxe sur les émissions de CO2 est prélevée au Danemark sur les produits énergétiques et l'électricité. Il s'agit d'un droit d'accise qui représente actuellement 90 DKK par tonne d'émissions de CO2. Cette taxe vise principalement à limiter les émissions de CO2. Le niveau de la taxe est lié à la teneur en carbone de chaque produit énergétique (4). Par ailleurs, une taxe sur l'énergie est perçue depuis 1977.

(14) La taxe sur l'énergie est acquittée au taux plein par les ménages et certaines parties du secteur tertiaire, tandis que toutes les autres entreprises assujetties à la TVA en sont intégralement exonérées. La taxe sur les émissions de CO2 est quant à elle acquittée au taux plein par les ménages et certaines parties du secteur tertiaire, tandis que les autres entreprises assujetties à la TVA sont soumises à un taux spécifique aux entreprises. Ce taux spécifique aux entreprises a été autorisé par la Commission en novembre 2005 (5). En ce qui concerne l'énergie utilisée dans certaines "processus lourds" (6), les entreprises bénéficient d'une réduction supplémentaire du taux général applicable aux entreprises. Cette réduction de taux pour lesdits processus a été autorisée par la Commission en dernier lieu en septembre 2005 (7). L'autorisation était fondée sur la circonstance que les bénéficiaires continuaient d'acquitter la taxe sur les émissions de CO2 afin de respecter les niveaux minimaux communautaires fixés dans la directive 2003-96-CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (8) (ci-après dénommée la "directive sur la taxation de l'énergie"). En outre, un certain nombre d'entreprises grandes consommatrices d'énergie ont conclu des accords volontaires d'économies d'énergie avec le Gouvernement danois. Si elles atteignent les objectifs définis dans ces accords, ces entreprises bénéficient, à titre de compensation, d'une réduction supplémentaire de la taxe sur les émissions de CO2, qui a été autorisée par la Commission en dernier lieu en avril 2003 (9).

(15) En vertu de la directive 2003-87-CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96-61-CE du Conseil (10) (ci-après dénommée la "directive sur le système d'échange de quotas"), le système communautaire d'échange de quotas d'émission (ci-après dénommé le "système communautaire d'échange de quotas") est entré en vigueur le 1er janvier 2005. Conformément à ce système, l'exploitant d'une installation couverte par cette directive doit détenir des quotas pour ses émissions de gaz à effet de serre. Ces quotas sont accordés à l'exploitant à titre gratuit au début de chaque période d'échange ou sont achetés par ce dernier sur le marché ou lors de ventes aux enchères. Au cours de la première période d'échange (du 1.1.2005 au 31.12.2007), les États membres étaient tenus d'octroyer gratuitement au moins 95 % des quotas. Le Danemark a choisi de vendre les 5 % restants lors d'enchères publiques. Au cours de la deuxième période d'échange (du 1.1.2008 au 31.12.2012), les États membres ont la possibilité de vendre aux enchères 10 % des quotas. Le Danemark a choisi d'octroyer gratuitement tous les quotas (11).

2.2. Le régime notifié

(16) Par le régime notifié, les autorités danoises proposent que les entreprises grandes consommatrices d'énergie (12) qui sont couvertes par le système communautaire d'échange de quotas soient totalement exonérées de la taxe sur les émissions de CO2 (via un remboursement). D'autres entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas paieraient une taxe sur les émissions de CO2 correspondant à 50 % des niveaux minimaux de taxation. Selon les autorités danoises, toutes les entreprises actuellement couvertes par le système communautaire d'échange de quotas sont des entreprises grandes consommatrices d'énergie au sens de la définition de la directive sur la taxation de l'énergie. En conséquence, la consommation de combustibles de l'ensemble des processus couverts par le système communautaire d'échange de quotas pourra donner lieu à un remboursement total de la taxe sur les émissions de CO2 si la mesure notifiée est autorisée.

(17) L'exonération notifiée ne vise que la consommation de combustibles (produits pétroliers, gaz et charbon) dans les activités industrielles couvertes par le système communautaire d'échange de quotas. Elle ne visera ni la consommation d'électricité et de chauffage, ni les combustibles utilisés pour le chauffage domestique et l'eau chaude sanitaire.

(18) La base juridique des exonérations proposées est la loi n° 464 du 9 juin 2004.

(19) Il est proposé que la consommation de combustibles liée à toutes les activités industrielles couvertes par la directive sur le système d'échange de quotas, à l'exception de la production d'électricité et de chauffage, soit intégralement ou en partie exonérée de la taxe sur les émissions de CO2, conformément à ce qui précède. Le nombre de bénéficiaires devrait représenter environ 85 processus de production répartis entre 120 unités de production.

(20) Les autorités danoises estiment à environ 30 millions de DKK (environ 4 millions d'euros) la perte annuelle de recettes fiscales liée à cette mesure. Dans leur lettre du 22 juillet 2008, les autorités laissent toutefois entendre que le budget se rapportant à ce régime se situera au-dessous de cette estimation.

(21) Les autorités danoises ont adopté la base juridique du régime proposé en 2004 mais ont donné l'assurance qu'elles ne mettront ce dernier à exécution que si la Commission l'autorise. Le cas échéant, cette base juridique sera applicable à compter du 1er janvier 2005. Le régime n'est pas limité dans le temps, mais s'il est autorisé, les autorités danoises se sont engagées à le notifier de nouveau au terme de dix années.

3. MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN EN VERTU DE L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2

(22) Dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission a estimé que la mesure était financée à l'aide de ressources publiques. La mesure ne s'applique qu'à des entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas et exonère ces entreprises de charges qu'elles inscriraient, en l'absence de cette mesure, dans leur budget de fonctionnement; autrement dit, la mesure leur confère un avantage économique. La Commission doutait que le caractère sélectif de la mesure pût se justifier par la nature et l'économie générale du système de taxation. Les bénéficiaires sont actifs sur des marchés ouverts à la concurrence et aux échanges entre États membres. La mesure est donc susceptible de fausser la concurrence et d'affecter le commerce intracommunautaire. La Commission a par conséquent estimé que la mesure était susceptible de constituer une aide d'État.

(23) La Commission s'est demandé si la mesure pouvait être considérée comme compatible avec l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (13) (ci-après dénommé "l'encadrement communautaire 2001") alors en vigueur, étant donné que la taxe à acquitter par les entreprises au titre du régime proposé serait inférieure aux niveaux minimaux prévus par la directive sur la taxation de l'énergie sans que les bénéficiaires de l'aide aient à prendre des engagements volontaires ou à conclure des accords volontaires visant la prise de mesures allant au-delà du respect d'un engagement communautaire harmonisé.

(24) La Commission a vérifié si l'aide envisagée pouvait être considérée comme compatible avec le marché commun au regard de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE sur la base de la nécessité alléguée d'éliminer la "double réglementation". À cet égard, la Commission a rappelé que les taxes nationales sur les émissions de CO2 sont comptabilisées dans le niveau national de taxation de l'énergie afin de respecter les dispositions de la directive sur la taxation de l'énergie. C'est pourquoi la réduction de taxe proposée risque de fausser la concurrence sur le marché intérieur étant donné qu'elle renforcera la différenciation fiscale dans un domaine où les taxes ont été harmonisées au niveau communautaire. En outre, il serait contraire au principe du "pollueur-payeur" que d'accorder un allégement de la taxe sur les émissions de CO2 à toutes les entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas étant donné que cet allégement viserait des entreprises s'étant vu allouer gratuitement des quotas d'émissions. La Commission a invité le Danemark à fournir des renseignements sur le régime afin de permettre d'établir, pour chaque entreprise, l'existence et le montant d'une éventuelle charge supplémentaire s'ajoutant à la taxe sur les émissions de CO2, et de faire en sorte que seules les entreprises réellement touchées par cette charge supplémentaire puissent bénéficier des exonérations fiscales. La Commission a toutefois signalé qu'il serait contraire à la logique environnementale de n'accorder une réduction de taxe qu'aux entreprises devant acheter des quotas supplémentaires, car de telles réductions équivaudraient à accorder un avantage à celles qui ne limitent pas leur pollution.

4. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LES PARTIES INTÉRESSÉES

(25) Les autorités suédoises ont indiqué que la Commission devrait procéder à une analyse économique et juridique de la réduction de taxe notifiée. Elles ont renvoyé aux arguments qu'elles avaient avancés dans leur propre notification d'une mesure similaire (14), pour laquelle la Commission a également ouvert une procédure formelle d'examen.

(26) Dansk Industri a fait valoir qu'il convient en premier lieu d'établir que la mesure n'est pas une aide d'État et, en second lieu, qu'elle est compatible avec l'article 87, paragraphe 3, du traité CE. À cet égard, il y a lieu de garder à l'esprit que les entreprises industrielles danoises doivent acquitter la taxe sur les émissions de CO2, la taxe énergétique, la taxe sur les émissions de SO2 et un supplément de prix géré par Energinet.dk et distribué aux producteurs d'électricité verte. Les entreprises danoises paient donc leur consommation énergétique beaucoup plus cher que leurs concurrents européens et internationaux.

(27) Selon Novo Nordisk A/S, l'économie fiscale annuelle de l'entreprise du fait de la mesure proposée s'élèvera à 200 000 DKK. L'entreprise a fait valoir qu'une telle économie n'était pas de nature à fausser la concurrence, d'autant plus que l'entreprise doit dépenser environ 400 000 DKK dans le cadre du système de quotas d'émission afin de parvenir à réduire ses émissions de CO2. L'entreprise renvoie aux règles de minimis qui lui permettent de percevoir une aide pouvant atteindre 200 000 EUR (environ 1,5 million de DKK) sur une période de trois ans. Quant au respect des dispositions de la directive sur la taxation de l'énergie, Novo Nordisk renvoie à la circonstance qu'elle utilise de l'énergie issue de la cogénération et peut donc bénéficier d'une exonération ou d'une réduction de la taxe en application de l'article 15, paragraphe 1, point c) de ladite directive. L'entreprise est en outre grande consommatrice d'énergie et le total de ses coûts de consommation énergétique (à savoir la taxe précitée et les coûts liés à la limitation des émissions de CO2) est supérieur aux niveaux minimaux communautaires. Novo Nordisk fait également référence au septième considérant de la directive sur la taxation de l'énergie, aux termes duquel la taxation des produits énergétiques est un des instruments disponibles pour atteindre les objectifs de Kyoto (c'est-à-dire les mêmes objectifs que le système communautaire d'échange de quotas), et conclut à l'existence, en l'espèce, d'une double réglementation. Enfin, au sujet de la proposition de la Commission d'évaluer la charge potentielle pour chaque entreprise, Novo Nordisk souligne qu'une telle approche entraînera d'importantes difficultés liées, entre autres, au rattachement de la charge à la période de référence correcte, notamment parce que la date d'achat des quotas ne correspond pas nécessairement à la date de la consommation d'énergie.

(28) Novozymes A/S a fait observer que l'entreprise produit de l'électricité et du chauffage dans des centrales de cogénération à l'occasion de sa production d'enzymes. La production de l'entreprise est considérée comme un processus lourd, ce qui entraîne pour elle l'obligation d'acquitter une taxe comprise entre 3 et 25 DKK par tonne d'émissions de CO2 résultant des combustibles utilisés. L'entreprise est également couverte par le système communautaire d'échange de quotas. Les observations formulées par Novozymes sont identiques à celles formulées par Novo Nordisk.

5. OBSERVATIONS FORMULÉES PAR LES AUTORITÉS DANOISES

Il n'y a aucun avantage sélectif

(29) Les autorités danoises soutiennent, en référence à l'arrêt de la Cour du 16 mai 2000 dans l'affaire C-83-98 P (République française contre Ladbroke Racing Limited et la Commission) (15), qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un avantage sélectif. La Cour a établi dans plusieurs affaires (16) que, dès lors qu'un régime revêt le caractère d'une mesure générale de politique économique ou sociale et ne favorise pas certaines activités ou secteurs économiques, ce régime n'entre pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Dans l'affaire Adria-Wien, une réduction de la taxe sur l'énergie conférait un avantage économique aux entreprises productrices de biens par rapport aux entreprises du secteur des services, et ce, en dépit du fait que les entreprises de services peuvent elles aussi être des consommatrices d'énergie relativement importantes. Les autorités danoises font valoir qu'en l'espèce, le régime en cause ne confère pas un avantage à un groupe particulier d'entreprises, mais consiste en une réduction de taxe pour toutes les entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (17). Les autorités danoises sont donc d'avis que le régime proposé n'entre pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(30) Les autorités ont également renvoyé à la conclusion de la Cour dans l'arrêt rendu dans l'affaire Adria-Wien, selon laquelle une mesure qui, quoique constitutive d'un avantage pour son bénéficiaire, se justifie par la nature ou l'économie générale du système dans lequel elle s'inscrit, ne remplit pas la condition de sélectivité. En l'espèce, et à la suite de l'instauration du système communautaire d'échange de quotas d'émission, les autorités danoises estiment que la taxe en cause ne présente plus aucune valeur écologique. Étant donné que l'objectif poursuivi par la taxe ne peut plus être atteint en tout ou partie, il découle de l'économie générale et de la nature même du système de taxation que les entreprises considérées doivent être exonérées de la taxe.

(31) Tant le système communautaire d'échange de quotas que la taxe sur les émissions de CO2 sont des instruments rentables fondés sur le marché qui visent à réduire les émissions de CO2 liées à la consommation d'énergie. Ces deux instruments aboutissent à une augmentation des coûts marginaux liés à la consommation d'énergie, bien que les quotas soient alloués à titre gratuit. Les quotas et les taxes entraînent une augmentation des coûts de production. Le total des émissions de CO2 est limité au total des quotas. Par conséquent, si une entreprise réduit ses émissions en raison des taxes, par exemple, cette entreprise donnera à d'autres entreprises une marge de manœuvre pour augmenter leurs émissions. Du fait de la double réglementation, la taxe n'est donc plus un instrument de gestion rentable. Elle n'a pas d'effet environnemental supplémentaire et ne constitue au contraire qu'une charge financière supplémentaire pour les entreprises concernées. C'est pourquoi les autorités danoises estiment que le régime en cause est conforme à la nature et à l'économie générale du système de taxation.

Le régime proposé est conforme à l'encadrement communautaire 2001

(32) En premier lieu, les autorités danoises soulignent que l'encadrement communautaire 2001 ne constitue qu'une législation dite "non contraignante" qui contient les critères d'appréciation de la Commission en matière d'aides d'État. À la date de la notification et de la décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen en vertu de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, les lignes directrices applicables en la matière figuraient dans l'encadrement communautaire 2001. Ces lignes directrices ne peuvent être considérées comme comportant les critères d'appréciation de régimes comme celui examiné en l'espèce, étant donné qu'elles sont entrées en vigueur plus de deux ans avant l'adoption de la directive sur le système d'échange de quotas et de la directive sur la taxation de l'énergie. Les autorités danoises ont donc fait valoir que l'interprétation par la Commission des accords volontaires et des engagements visés au point 51, paragraphe 1 a), est trop restrictive, d'autant plus que le deuxième alinéa de ce point précise que les dispositions sont également applicables lorsqu'un État membre soumet une réduction fiscale à des conditions ayant le même effet que les accords ou engagements revêtant le caractère d'accords volontaires. Selon les autorités danoises, le système communautaire d'échange de quotas a les mêmes effets que ceux qui auraient été obtenus par le biais d'accords volontaires ou de la taxe sur les émissions de CO2.

Le régime proposé peut être autorisé sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c).

(33) Si la Commission estime que le régime n'est pas compatible avec l'encadrement communautaire 2001, les autorités danoises sont d'avis que le régime pourra alors être autorisé directement sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE du fait que la situation a considérablement changé depuis l'adoption de la directive sur la taxation de l'énergie ainsi que de la directive sur le système communautaire d'échange de quotas, et qu'une double réglementation s'applique à présent aux entreprises considérées.

(34) Le Danemark se réfère à un document de travail des services de la Commission (18) élaboré à l'occasion de l'adoption de la directive sur la taxation de l'énergie. Dans ce document, la Commission a déclaré qu'une exonération de la taxe sur les émissions de CO2 accordée aux entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas ne constituait peut-être pas une aide d'État, étant donné que l'application d'une taxe sur les émissions de CO2 et d'un plafond d'émissions risquait de conduire à une forme de double-imposition, qui devait être évitée. En outre, dans son procès-verbal

(19) concernant la directive, le Conseil s'est engagé, sur la base d'une proposition de la Commission, à examiner dans une optique constructive les mesures fiscales dont serait assortie la mise en œuvre future du système communautaire d'échange de quotas, afin notamment d'éviter les cas de double-imposition.

Le régime proposé est conforme à la directive sur la taxation de l'énergie

(35) Dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission a demandé au Gouvernement danois de fournir des renseignements établissant que le régime proposé permettra d'atteindre des objectifs environnementaux ou un rendement énergétique accru à peu près équivalent à ce qui aurait été obtenu si les niveaux minimaux communautaires normaux avaient été respectés. Les autorités danoises ont indiqué que de telles informations figuraient d'ores et déjà dans leur comparaison entre le prix des quotas et les niveaux minimaux communautaires. À l'époque où le Danemark a formulé ses observations, le prix des quotas était de 13 EUR la tonne de CO2, tandis que les niveaux minimaux communautaires convertis en EUR par tonne de CO2 étaient de 1,55 pour le charbon et le coke, de 6,66 pour le gazole et de 2,64 pour le gaz naturel. Un quota d'émissions de CO2 au prix de 13 EUR la tonne constitue donc une mesure économique d'incitation à la réduction des émissions bien plus efficace que la taxe. Conformément au plan national d'allocation fixé pour 2005-2007, l'industrie soumise à des quotas au Danemark a obtenu des quotas dont le niveau était de 7,1 % inférieur à celui que l'on aurait obtenu pour les émissions de CO2 en cas de statu quo (y compris les taxes et les accords volontaires) pendant la même période.

6. APPRÉCIATION DE LA MESURE PROPOSÉE

6.1. Aide d'État

(36) Aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par l'État ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(37) La mesure proposée entraîne une perte de recettes fiscales pour l'État et est donc financée par le Danemark au moyen de ressources d'État. Les bénéficiaires étant actifs sur des marchés ouverts à la concurrence et aux échanges entre États membres, les mesures en cause sont susceptibles de fausser la concurrence et d'affecter le commerce entre États membres. Aux fins de déterminer si la mesure proposée relève du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, il y a lieu de vérifier si elle confère un avantage économique à ses bénéficiaires.

(38) Les autorités danoises font valoir que la réduction fiscale proposée ne confère pas d'avantage sélectif aux bénéficiaires, étant donné qu'elle vise toutes les entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, à savoir celles qui sont visées par la double réglementation. Dans l'hypothèse où l'existence d'un avantage sélectif serait retenue, les autorités danoises soutiennent que cet avantage se justifie par la nature et l'économie générale du système. En effet, la taxe sur les émissions de CO2 et le système communautaire d'échange de quotas poursuivent le même objectif, à savoir la réduction des émissions de CO2. Depuis l'instauration du système communautaire d'échange de quotas, la taxe sur les émissions de CO2 est devenue inutile sur le plan environnemental. Pour les entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas, la taxe sur les émissions de CO2 constitue non pas un instrument efficace de réduction des émissions totales de CO2, mais exclusivement une charge financière supplémentaire.

(39) La Commission fait observer qu'il a été établi, dans l'arrêt rendu dans l'affaire Adria-Wien (20), qu'il "convient uniquement de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure étatique est de nature à favoriser "certaines entreprises ou certaines productions" au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité par rapport à d'autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l'objectif poursuivi par la mesure considérée". Il existe une jurisprudence plus récente (21) concernant l'interprétation des notions d'avantage et de sélectivité. Dans l'arrêt Gibraltar, il a été procédé à une analyse standardisée des aides d'État dans des affaires relatives à des taxes (22). Le Tribunal de première instance a établi qu'une telle analyse doit comporter: 1) une identification du cadre de référence, 2) une détermination des dérogations par rapport à ce cadre de référence et 3) la possibilité de motiver la dérogation par la nature et l'économie du régime.

(40) En ce qui concerne la notion d'avantage sélectif, la Commission doit donc d'abord identifier le cadre de référence. En l'espèce, la Commission estime, conformément à l'analyse standardisée, que le cadre de référence est le régime général de taxation de l'énergie (y compris toutes les taxes frappant la consommation de chacun des produits énergétiques, c'est-à-dire la taxe sur les émissions de CO2 et la taxe sur l'électricité). Cela est conforme à l'article 4, paragraphe 2, de la directive sur la taxation de l'énergie, aux termes de laquelle tous les impôts indirects frappant un même produit énergétique peuvent être totalisés en vue de satisfaire aux niveaux minimaux communautaires. En 2004, le Danemark a en outre présenté les deux taxes comme faisant partie du système national de taxation de l'énergie afin de démontrer le respect de la directive sur la taxation de l'énergie et de justifier l'exonération de taxe sur l'électricité du point de vue des aides d'État (23). En exonérant les entreprises bénéficiaires d'une charge financière qui, en l'absence de cette mesure, ferait partie de leurs coûts de production, le régime confère clairement un avantage économique à ces entreprises bénéficiaires par rapport à des entreprises non exonérées, et déroge par conséquent au cadre de référence. Les autorités danoises font valoir que dans l'appréciation de l'existence d'un avantage sélectif, il y a lieu de prendre en compte la charge que le système communautaire d'échange de quotas représente pour les bénéficiaires. La Commission note que le régime de taxation de l'énergie ne poursuit qu'en partie les mêmes objectifs que le système communautaire d'échange de quotas. Tandis que le système communautaire vise exclusivement une réduction des émissions de CO2, le régime de taxation de l'énergie poursuit également d'autres objectifs, tels que la promotion de l'efficacité énergétique et la perception de recettes pour l'État. Il existe par ailleurs des divergences importantes entre les modalités de fonctionnement d'un impôt ou d'une taxe et les modalités de fonctionnement d'un système d'échange de quotas (par exemple, le système communautaire d'échange de quotas n'aboutit pas à une dépense réelle que chaque bénéficiaire doit acquitter pour chaque unité d'énergie consommée). Sur cette base, la Commission ne partage pas l'avis du Danemark selon lequel l'ensemble formé par la taxe sur les émissions de CO2 et le système communautaire d'échange de quotas serait à considérer comme le cadre de référence.

(41) Dans l'arrêt NOx, le Tribunal de première instance a constaté l'absence de sélectivité du régime, car l'avantage en cause (l'octroi de droits d'émissions gratuits) n'était conféré qu'à des entreprises soumises à des obligations au titre du même régime et qui, par conséquent, ne pouvaient pas être considérées comme se trouvant dans la même situation juridique et factuelle que les entreprises ne relevant pas du régime (24). La Commission est d'avis que la situation ayant donné lieu à l'affaire NOx est différente de celle de l'espèce. Dans l'affaire NOx, l'avantage en cause (à savoir l'octroi gratuit de droits d'émissions de NOx) était concédé à la condition que les bénéficiaires soient soumis au plafond d'émissions dudit régime. En l'espèce, il est en revanche proposé d'accorder une réduction de la taxe sur les émissions de CO2 qui est normalement acquittée par tous les consommateurs d'énergie. Le motif de la réduction réside en ce que les bénéficiaires relèvent d'un autre régime (non fiscal). Selon la Commission, la situation existant en l'espèce ressemble davantage à la situation ayant donné lieu à l'arrêt Adria-Wien précité, dans lequel la Cour a constaté l'existence effective d'un avantage sélectif du fait que la réduction de la taxe sur l'énergie avantageait certaines entreprises ou la production de certaines marchandises par comparaison avec d'autres entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle comparable au regard de l'objectif poursuivi par la taxe considérée.

(42) Selon la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (25), les mesures de pure technique fiscale (telles que les dispositions destinées à éviter la double taxation) sont en principe considérées comme des mesures générales (26). Comme cela a été indiqué ci-avant, il existe d'importantes différences entre une taxe et le système communautaire d'échange de quotas. Ce dernier ne peut donc être considéré comme une mesure fiscale au sens de cette communication.

(43) Pour ces raisons, la Commission estime que la réduction fiscale confère en soi un avantage sélectif au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(44) Pour ce qui est de l'économie générale du système, la Commission fait de nouveau observer que le régime de taxation de l'énergie ne poursuit qu'en partie le même objectif que le système communautaire d'échange de quotas. Dans le cas présent, le cadre de référence est le régime de taxation de l'énergie. Ce régime vise à fiscaliser chaque produit énergétique consommé, la réduction fiscale ne répondant donc pas à cet objectif. À cet égard, le Danemark indique que la double réglementation augmente les coûts marginaux des entreprises sans pour autant réduire le total des émissions de CO2. La Commission estime cependant que cet argument n'est pertinent qu'au regard de la question de la compatibilité d'une aide d'État potentielle, en particulier du point de vue de la proportionnalité de l'aide d'État. En effet, les effets du système communautaire d'échange de quotas ne font pas partie du cadre de référence aux fins de déterminer l'existence d'une aide d'État. Or, même si la Commission incluait le système communautaire d'échange de quotas dans le cadre de référence, la réduction proposée de la taxe sur les émissions de CO2 (27) ne viserait pas toutes les activités génératrices d'émissions ni une obligation correspondante de céder des quotas d'émissions en application du système communautaire d'échange de quotas. Cela dérogerait à la logique générale invoquée par le Danemark, de sorte que la réduction fiscale ne serait pas parfaitement conforme à la logique du système.

(45) La Commission estime par conséquent que le caractère sélectif de l'exonération proposée ne peut se justifier par la nature et la logique du système de taxation.

(46) La classification de la mesure proposée parmi les aides d'État est conforme à la pratique constante de la Commission, selon laquelle les exonérations des taxes environnementales ou les réductions desdites taxes sont normalement considérées comme des aides d'État. La Commission considère en particulier comme des aides d'État les régimes (28) instaurant des réductions de taxes sur les émissions de CO2 pour les entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas.

(47) La Commission en conclut donc que la mesure notifiée constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1.

6.2. Compatibilité de l'aide avec l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE

(48) Après que la décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen a été arrêtée, de nouvelles lignes directrices communautaires concernant les aides d'État à la protection de l'environnement (29) (ci-après les "lignes directrices de 2008") ont été adoptées. Aux termes du point 204 des lignes directrices de 2008, la Commission appliquera les nouvelles lignes directrices à toutes les aides notifiées sur lesquelles elle sera appelée à se prononcer après la publication des lignes directrices, même lorsque les projets ont été notifiés avant leur publication. Il est toutefois indiqué, au point 68 desdites lignes directrices, que la Commission n'avait pas acquis une expérience suffisante pour évaluer la compatibilité des réductions de taxes environnementales dans les cas où les entreprises participent à des systèmes de permis d'émissions échangeables, et que, à la date de l'adoption des lignes directrices de 2008, il était donc trop tôt pour elle pour donner des orientations générales en la matière. L'évaluation de tels cas serait donc effectuée sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE. Lorsqu'elle se prononce sur des questions environnementales non couvertes par les lignes directrices, la Commission se laisse normalement inspirer par les critères qui y sont définis. En l'occurrence, il existe des critères d'appréciation des réductions et exonérations de taxes sur l'énergie, et il serait illogique de ne pas à tout le moins s'inspirer de ces critères, en particulier aux fins d'apprécier si l'aide est nécessaire et son montant proportionné à l'objectif poursuivi.

(49) En premier lieu, pour apprécier la compatibilité d'une aide avec le traité CE, la Commission met en balance, d'une part, les effets positifs de l'aide pour atteindre un objectif d'intérêt commun (par exemple, un niveau plus élevé de protection de l'environnement) et, d'autre part, ses effets potentiellement négatifs sur les échanges et la concurrence. Dans le cas d'espèce, il est difficile d'établir si l'instauration du régime proposé entraîne un avantage environnemental. Tandis que le système communautaire d'échange de quotas et la taxe sur les émissions de CO2 visent à obtenir un niveau plus élevé de protection de l'environnement, la réduction de taxe en tant que telle a pour objectif d'exonérer les entreprises d'une charge fiscale. Les effets de la mesure proposée résident donc dans l'obtention, par ses bénéficiaires, d'un avantage concurrentiel qui ne peut en soi être considéré comme un objectif d'intérêt commun. Cela n'exclut toutefois pas que l'on puisse tirer un avantage environnemental direct du fait que la réduction permet l'introduction ou le maintien, à l'égard d'autres entreprises (30), de taxes plus élevées que le niveau communautaire minimum.

(50) En second lieu, il est indiqué au point 152 des lignes directrices de 2008 que, pour être autorisées en vertu de l'article 87 du traité CE, les réductions ou exonérations de taxes harmonisées doivent être compatibles avec la législation communautaire pertinente. L'obligation de respecter les directives relatives à la taxation a au demeurant été énoncée par la jurisprudence dans l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance le 27 septembre 2001 dans l'affaire T-184-97, BP Chemicals contre Commission (31). Dans des affaires comme celle de l'espèce, qui concerne une réduction de taxe sur les émissions de CO2, cela implique avant tout le respect de la directive sur la taxation de l'énergie. En vertu de cette directive, les niveaux de taxation doivent respecter un certain niveau minimum communautaire applicable à chaque produit énergétique et à l'électricité. Les niveaux minimaux de taxation figurent à l'annexe I de la directive. Comme cela a été indiqué plus haut, les niveaux minimaux au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la directive sur la taxation de l'énergie peuvent être atteints en calculant le montant total d'impôts indirects (à l'exception de la TVA) perçu, calculé directement ou indirectement sur la quantité de produits énergétiques et d'électricité au moment de la mise à la consommation. En vertu de l'article 17, paragraphe 4, de ladite directive, les entreprises qui bénéficient d'une fiscalité d'un niveau inférieur aux niveaux minimaux communautaires doivent accepter des accords ou des régimes de permis négociables ou des mesures équivalentes qui permettent d'atteindre des objectifs environnementaux à peu près équivalents à ce qui aurait été obtenu si les niveaux minimaux communautaires avaient été respectés. Dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission a invité le Danemark à présenter des renseignements supplémentaires à l'appui de l'hypothèse selon laquelle le système communautaire d'échange de quotas aurait globalement les mêmes effets que la taxe, mais le Danemark s'en est abstenu. Eu égard au niveau des prix prévus par le système communautaire d'échange de quotas comparé aux niveaux minimaux communautaires, il est néanmoins possible d'exclure que les effets du système communautaire d'échange de quotas soient globalement équivalents à ce que l'on aurait obtenu avec la taxe sur les émissions de CO2 (32).

(51) Le Danemark s'est référé au Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement et des objectifs politiques connexes (33), que la Commission a présenté comme base de travail pour le réexamen de la directive sur la taxation de l'énergie (34). À cet égard, il y a lieu d'observer que le livre vert est un document de réflexion servant de base à un débat sur les options politiques préalablement à l'élaboration de propositions, ce qui signifie qu'il n'a aucun caractère contraignant. Dans ce livre vert, la Commission reconnaît que le système communautaire d'échange de quotas et la directive sur la taxation de l'énergie poursuivent le même objectif, tout au moins dans une certaine mesure, et indique qu'il convient d'éviter les chevauchements. En matière de taxation de l'énergie, le livre vert soulève également la question de la multiplicité des objectifs sous-tendant la taxation de l'énergie et propose une séparation de la taxation en une composante CO2 et une composante énergétique. Logiquement, la composante CO2 ne devrait pas s'appliquer aux installations relevant du système communautaire d'échange de quotas. Du fait qu'elles sont déjà exonérées de la taxe sur l'énergie, les entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas au Danemark ne devront acquitter aucune taxe sur l'énergie consommée dans leurs processus de production si la mesure est autorisée. C'est pourquoi la Commission estime que la mesure proposée par le Danemark n'est pas conforme aux conceptions développées dans le livre vert.

(52) Si la législation communautaire pertinente est observée, le principe sous-tendant les dispositions sur les aides d'État relatives aux réductions et exonérations de taxes environnementales est d'accepter les situations où les niveaux communautaires de taxation sont respectés tout en appliquant une pratique plus stricte dans les situations où les bénéficiaires se trouveraient à un niveau situé au-dessous des conditions de concurrence égale fixées à l'aide des niveaux minimaux. Il s'ensuit que les réductions de taxe dans les cas où les niveaux minimaux communautaires sont respectés peuvent être acceptées sans analyse supplémentaire, tandis que les réductions d'impôts et de taxes descendant au-dessous de ces niveaux minimaux sont considérées comme faussant particulièrement la concurrence, et c'est pourquoi la Commission entend examiner dans le détail la nécessité et la proportionnalité de telles aides. Les éléments sur lesquels la Commission fonde son appréciation sont les informations qu'elle a reçues des États membres.

(53) Pour ce qui est de la nécessité de l'aide, la Commission doit, selon le point 158 des lignes directrices de 2008, examiner: 1) si le choix des bénéficiaires est fondé sur des critères objectifs et transparents; 2) s'il y a une augmentation substantielle des coûts de production; 3) si l'augmentation substantielle des coûts de production peut être répercutée sur les clients sans provoquer d'importantes baisses des ventes (ce qui peut être établi à l'aide d'estimations, notamment de l'élasticité des prix des produits du secteur en cause ainsi que d'estimations des pertes de ventes et/ou des bénéfices réduits pour les entreprises du secteur ou de la catégorie en cause).

(54) En l'espèce, les bénéficiaires sont sélectionnés sur la base de critères objectifs et transparents, à savoir la participation au système communautaire d'échange de quotas. En ce qui concerne le deuxième critère, toutes les entreprises considérées, tout au moins dans la situation actuelle, sont grandes consommatrices d'énergie au sens de l'article

17, paragraphe 1, de la directive sur la taxation de l'énergie, ce critère pouvant donc être présumé rempli. Les informations sur la baisse du chiffre d'affaires et/ou des parts de marchés des bénéficiaires considérés auraient été des indicateurs précieux quant à la nécessité de la mesure; or, le Danemark n'a pas fourni de telles informations. Au lieu de cela, il a présenté une liste de tous les bénéficiaires de l'aide en précisant leurs émissions de CO2 en 2005, 2006 et 2007. Certains de ces bénéficiaires ont fait baisser leurs émissions sur cette période triennale, tandis que d'autres les ont augmentées durant cette même période. Les entreprises bénéficiant le plus de l'aide appartiennent à l'industrie du ciment (où la base imposable est d'environ 2,8 millions de tonnes d'émissions de CO2 par an), à l'industrie sucrière (0,2 million de tonnes par an) et au secteur des raffineries de pétrole (0,1 million de tonnes par an). Le Danemark n'a donc pas démontré que l'application parallèle des deux systèmes a conduit à une augmentation substantielle des coûts de production, qui ne peut être répercutée sur les consommateurs sans provoquer d'importantes baisses des ventes.

(55) La Commission ne peut donc pas conclure que le régime proposé est nécessaire.

(56) Sur la question de la proportionnalité, chaque bénéficiaire doit, conformément au point 159 des lignes directrices de 2008, satisfaire aux critères suivants: 1) chaque bénéficiaire verse une partie du niveau de taxe nationale qui équivaut globalement à la performance environnementale de chaque bénéficiaire par rapport à la performance technique liée à la technique la plus performante au sein de l'EEE. Les bénéficiaires de l'aide qui utilisent la technique la plus performante bénéficient au plus d'une réduction correspondant à la hausse du coût de production résultant de la taxe utilisant la technique la plus performante, et qui ne peut pas être répercutée sur les consommateurs; 2) les bénéficiaires versent au moins 20 % de la taxe nationale, à moins qu'un taux inférieur ne puisse être justifié; ou 3) les bénéficiaires peuvent conclure avec les États membres des accords par lesquels les bénéficiaires s'engagent à atteindre des objectifs environnementaux qui produisent le même effet que si les points 1 ou 2 ou les niveaux minimaux communautaires étaient appliqués.

(57) En l'espèce, les autorités danoises ont répondu qu'elles ne disposaient pas d'informations sur la technique la plus performante et qu'en tout état de cause, ce n'était pas requis pour la mesure proposée. Le deuxième critère n'est pas rempli et, en tout état de cause, le versement de 20 % de la taxe nationale conduirait dans leur cas à un niveau de taxe bien supérieur aux niveaux minimaux communautaires. En ce qui concerne le troisième critère, certains des bénéficiaires ont déjà conclu des accords volontaires par lesquels ils sont en droit de verser un niveau de taxe inférieur aux niveaux minimaux communautaires. L'idée sous-tendant cette mesure est de remplacer de tels accords par le système communautaire d'échange de quotas. Comme ce système communautaire existe déjà indépendamment de la mesure proposée, aucune action supplémentaire n'est donc demandée au Danemark en contrepartie de la réduction de taxe proposée.

(58) Dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la Commission a demandé aux autorités danoises d'indiquer les mécanismes qu'elles pourraient envisager pour que les exonérations ne puissent être accordées qu'aux entreprises supportant une charge nette du fait de leur participation au système communautaire d'échange de quotas, et que ces exonérations puissent couvrir cette charge nette. Ces renseignements auraient permis de déterminer si l'aide est proportionnée au regard de l'objectif poursuivi, bien que l'on puisse s'interroger sur la logique environnementale sous-tendant une telle approche, car des entreprises contraintes d'acheter des quotas d'émission parce qu'elles ne réduisent pas leur pollution se trouveraient favorisées. En tout état de cause, les autorités danoises n'ont ni démontré ni garanti que les exonérations seraient limitées aux entreprises qui ont payé pour leurs droits d'émission (35).

(59) Les autorités danoises n'ont donc pas démontré la proportionnalité de l'aide proposée.

(60) En ce qui concerne les distorsions de concurrence, les entreprises établies au Danemark qui ne sont pas couvertes par le système communautaire d'échange de quotas et les entreprises établies dans les autres États membres respectent soit les conditions de concurrence définies à l'aide des niveaux minimaux communautaires, soit les règles spécifiées dans les lignes directrices de 2008. L'exonération proposée renforcera par conséquent la compétitivité des entreprises couvertes par le système communautaire d'échange de quotas qui exercent leurs activités au Danemark, entraînant ainsi des distorsions de concurrence inutiles avec les entreprises d'autres États membres.

(61) Sur cette base, la Commission estime, après s'être inspirée des lignes directrices de 2008, que la mesure proposée ne peut être considérée comme compatible avec l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.

(62) Après l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a reçu les observations de parties intéressées qui ont signalé que les montants des exonérations ou des réductions se situaient dans la plupart des cas au-dessous des seuils définis par le règlement (CE) n° 1998-2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis (36) (ci-après dénommé le règlement "de minimis"). Si les autorités danoises s'engagent à veiller au respect des règles de minimis dans tous les cas, il est possible de considérer que l'aide ne remplit pas les critères de l'article 87, paragraphe 1, du traité et qu'elle pourra donc être mise à exécution sans être notifiée à la Commission.

(63) Comme la Commission l'a souligné dans sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, le régime proposé pourra être déclaré compatible avec le marché commun si les niveaux minimaux communautaires prévus par la directive sur la taxation de l'énergie sont respectés. Les doutes qu'elle y exprime au sujet du respect du principe du "pollueur-payeur" pourront également être levés si les bénéficiaires acquittent les niveaux minimaux communautaires. En réalité, les réductions de taxe environnementale ne descendant pas sous les niveaux minimaux communautaires sont couvertes par l'article

25 du règlement (CE) n° 800-2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en vertu des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie) (37) et sont donc exemptées de l'obligation de notification à la Commission.

(64) Il découle de l'article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (38) que la Commission peut clore la procédure formelle d'examen par la voie d'une décision positive qu'elle peut assortir de conditions lui permettant de reconnaître la compatibilité de l'aide avec le marché commun. Le respect de telles conditions est étroitement contrôlé.

(65) En l'espèce, la Commission estime que l'aide peut être autorisée pour autant que ses bénéficiaires continuent d'acquitter au moins les niveaux minimaux communautaires applicables à chaque source d'énergie, soit sous la forme d'une taxe sur les émissions de CO2, soit d'une autre taxe sur l'énergie. Cependant, la Commission estime que l'aide, pour autant que la réduction de taxe atteigne un niveau inférieur à ces niveaux minimaux, est incompatible avec le traité CE et ne peut donc pas être mise à exécution.

(66) Dans les conditions décrites ci-dessus, il est en outre évident que le régime notifié serait conforme à la directive sur la taxation de l'énergie, et plus précisément à son article 17, paragraphe 1, point a). En effet, les bénéficiaires de l'aide sont des entreprises grandes consommatrices d'énergie au sens de la disposition, et les niveaux minimaux prévus par la directive sont respectés.

7. CONCLUSION

(67) La Commission estime que le régime proposé visant une "modification de la taxe sur les émissions de CO2 applicable à la consommation de combustibles soumise à des quotas dans l'industrie" constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(68) Dans la mesure où tous les bénéficiaires de l'aide continuent d'acquitter, pour chaque source d'énergie, une taxe respectant les niveaux minimaux communautaires, cette aide est déclarée compatible avec l'article 87, paragraphe 3, point c).

(69) La partie du régime proposé qui conduit à un niveau de taxation inférieur aux niveaux minimaux harmonisés est incompatible avec le traité CE.

A arrêté la présente décision:

Article premier

Dans la mesure où il n'entre pas champ d'application du règlement (CE) n° 1998-2006, le régime danois prévu (loi n° 464 du 9 juin 2004) constitue une aide d'État qui n'est compatible avec le marché commun que si les bénéficiaires de l'aide acquittent une taxe sur leur consommation énergétique respective qui équivaut au moins aux niveaux minimaux communautaires tels qu'ils sont définis à l'annexe I de la directive 2003-96-CE. Si le Danemark entend mettre cette aide à exécution, elle doit être modifiée conformément à ce qui précède.

Article 2

Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le Danemark informe la Commission des mesures prises pour s'y conformer.

Article 3

Le Royaume de Danemark est destinataire de la présente décision.

Notes

(1) JO C 274 du 10.11.2006, p. 25.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) JO C 82 du 1.4.2008, p. 1.

(4) Le niveau de la taxe frappant l'électricité est basé sur la teneur en carbone du charbon étant donné que la plupart des centrales électriques danoises fonctionnent au charbon.

(5) Numéro d'aide: NN 75/04 (JO C 275 du 8.11.2005, p. 4).

(6) Les "processus lourds" se définissent comme des processus de production dans lesquels une taxe sur les émissions de CO2 de 50 DKK par tonne d'émissions de CO2 représente pour l'entreprise une charge fiscale de plus de 3 % de la valeur ajoutée et de plus de 1 % de la valeur de la production. Il doit être satisfait aux deux critères.

(7) Numéro d'aide: N 317/A/04 (JO C 226 du 15.9.2005, p. 6).

(8) JO L 283 du 31.10.2003, p. 51.

(9) Numéro d'aide: N 540/02 (JO C 78 du 1.4.2003, p. 3).

(10) JO L 275 du 25.10.2003, p. 32.

(11) Les éventuels excédents de quotas issus de la réserve destinée aux nouveaux entrants et les excédents de quotas provenant d'installations qui ne sont plus exploitées peuvent toutefois être vendus aux enchères.

(12) Le Danemark place dans cette catégorie les entreprises pour lesquelles la taxe nationale à acquitter s'élève au minimum à

0,5 % de la valeur ajoutée, ainsi que les activités industrielles définies comme des "processus lourds" au sens de la loi danoise sur les émissions de CO2 (voir note 4 de bas de page).

(13) JO C 37 du 3.2.2001, p. 3.

(14) Aide d'État C 46-06 (JO C 55 du 28.2.2008, p. 27).

(15) Rec. II, p. 3271, où la décision du Tribunal de première instance du 27 janvier 1998 dans l'affaire T-67-94, Rec. 1998 II, p. 1, a été confirmée.

(16) Voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 17 juin 1999 dans l'affaire C-75-97, Belgique contre Commission, Rec. I, p.

3671, et l'arrêt du 8

novembre 2001, affaire C-143-99, Adria-Wien Pipeline GmbH et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke GmbH contre Finanzlandesdirek tion für Kärnten, Rec. I, p. 8365.

(17) À cet égard, le Danemark renvoie à l'arrêt de la Cour du 29 avril 2004 dans l'affaire C-308-01, GIL Insurance et autres, Rec. I, p. 4777, notamment le point 68 des motifs.

(18) Document de travail de la Commission du 24 octobre 2002 [SEC(2002) 1142].

(19) Procès-verbal du Conseil du 3 avril 2003, 8084-03 ADD 1, FISC 59.

(20) Voir note 16 de bas de page.

(21) Arrêt rendu par le Tribunal de première instance le 10 avril 2008 dans l'affaire T-233-04, Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes (arrêt dit "NOx"), Rec. II, p.

591, arrêt de la Cour du 22 décembre 2008 dans l'affaire C-487-06 P, The British Aggregates Association contre Commission, non encore publié au Recueil, et arrêt du Tribunal de première instance du 18 décembre 2008 dans les affaires jointes T-211-04 et T-215-04, Government of Gibraltar contre Commission (ci-après désigné l'arrêt Gibraltar), non encore publié au Recueil.

(22) La Commission a fait appel de l'arrêt Gibraltar, mais l'appel ne porte pas atteinte à la circonstance que l'analyse doit comporter les trois éléments mentionnés.

(23) Voir note 5 de bas de page.

(24) Il convient de remarquer que la Commission en a fait appel de l'arrêt NOx en raison des conclusions qu'il contient concernant la sélectivité.

(25) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

(26) Voir point 13, premier alinéa, de la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384 du 10.12.1998, p. 3).

(27) La production de chaleur et d'électricité, par exemple, est couverte par le système communautaire d'échange de quotas, mais pas par la réduction fiscale.

(28) Par exemple, aides d'État C-44-04 et C-47-04 (JO L 268 du 27.9.2006, p. 19) (Slovénie) et aide d'État N22/08 (JO C 184 du 22.7.2008, p. 5) (Suède).

(29) JO C 82 du 1.4.2008, p. 1.

(30) Voir point 57 des lignes directrices 2008.

(31) Rec. II, p. 3145.

(32) Eu égard à l'analyse ci-après (considérants 52 et suivants), on peut laisser ouverte la question de savoir si l'article 17, paragraphe 4, de la directive sur la taxation de l'énergie est également applicable aux systèmes d'échange de droits d'émissions dans le cadre du système communautaire d'échange de quotas, ou si les entreprises considéré es doivent, aux fins de cette disposition, être incluses dans des régimes distincts non obligatoires en vertu du droit communautaire.

(33) Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement et des objectifs politiques connexes [COM(2007) 140 final {SEC(2007) 388}].

(34) Le réexamen de la directive sur la taxation de l'énergie figure dans le programme législatif et de travail de la Commission.

(35) Selon les observations présentées par des parties intéressées (deux entreprises danoises), une telle approche conduirait à de graves problèmes de rattachement à la période de référence correcte, etc., notamment du fait que la date d'achat des droits ne correspond pas nécessairement à la date de consommation de l'énergie.

(36) JO L 379 du 28.12.2006, p. 5.

(37) JO L 214 du 9.8.2008, p. 3.

(38) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.