Livv
Décisions

ADLC, 14 juin 2010, n° 10-A-13

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

Relatif à l'utilisation croisée des bases de clientèle (1)

ADLC n° 10-A-13

14 juin 2010

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la décision n° 09-SOA-02 du 14 décembre 2009 relative à une saisine d'office pour avis portant sur l'utilisation croisée des bases de clientèle, enregistrée sous le numéro 09/0137 A ; Vu la saisine pour avis du Ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, en date du 4 juillet 2008, enregistrée sous le numéro 08/0074 A, Vu la décision procédant à la jonction de l'instruction des affaires n° 08/0074 A et 09/0137 A, en date du 16 décembre 2009 ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu l'avis n° 2010-0182 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 23 février 2010 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint et le commissaire du Gouvernement entendus au cours de la séance du 4 mai 2010 ; Les représentants de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, France Télécom, Bouygues Telecom, SFR, Free et UFC-Que choisir entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du Code de commerce ; Adopte l'avis suivant : note :

Introduction

1. Lorsqu'une entreprise diversifie son activité sur plusieurs marchés de produits touchant la même clientèle, elle peut être incitée à utiliser la position acquise sur l'un de ses produits pour promouvoir ses autres produits. Dans cet objectif, elle peut utiliser les informations qu'elle détient sur ses clients mais aussi sa renommée ou celle de son produit d'origine, en mettant en œuvre des techniques telles que l'utilisation croisée des bases de clientèle ou les ventes couplées. C'est ce qui a pu être constaté par exemple dans le secteur bancaire, lorsque les établissements de crédit ont lancé des offres de produits d'assurance, ou dans le secteur de l'énergie, lorsque les opérateurs historiques ont développé leurs activités sur des marchés connexes. Dans ces situations, les entreprises se sont appuyées sur la clientèle acquise dans leur métier historique pour développer une nouvelle activité.

2. Sous l'appellation de " cross-selling ", communément utilisée dans le vocabulaire commercial, se distinguent en réalité deux types de pratiques qui doivent être appréhendées différemment par les règles de la concurrence : l'utilisation croisée de bases de clientèle, d'une part, et les ventes couplées, d'autre part.

L'utilisation croisée des bases de clientèle

3. L'utilisation croisée des bases de clientèle est une pratique répandue, par laquelle une entreprise utilise des informations relatives à ses propres clients, recueillies sur un marché donné, pour commercialiser auprès de ces mêmes clients un autre produit sur un marché distinct.

4. L'exploitation croisée des bases de clientèle est une pratique horizontale, mise en œuvre par une entreprise sur plusieurs marchés, mais visant une même clientèle. Ainsi, dans la mesure où elle ne concerne pas une seule et même clientèle, les pratiques visant à exploiter une information dans le cadre d'une relation verticale ne seront pas abordées dans le cadre du présent avis. Par ailleurs, l'utilisation croisée des bases de clientèle est une pratique interne à l'entreprise, qui doit être différenciée des pratiques liées à l'acquisition externe d'informations collectées par des tiers.

5. L'exploitation croisée des bases de clientèle peut être mise en œuvre à des degrés divers, en fonction de la nature des informations exploitées et des modalités de leur exploitation commerciale. L'entreprise peut utiliser les coordonnées des clients d'un produit initial afin de promouvoir un autre produit, par la mise en œuvre de techniques de marketing direct telles que courriers adressés, accompagnement de la facture ou démarchage téléphonique. L'entreprise peut également se livrer à une analyse de la structure et des habitudes de consommation de sa clientèle pour mieux cibler ses offres commerciales par rapport aux besoins des consommateurs. Enfin, l'entreprise peut mettre en œuvre une gestion unifiée de ses clients, acheteurs de deux produits distincts, et se livrer à l'exploitation croisée des informations relatives à ces clients sur les deux marchés de produits.

6. Dans la suite du présent avis, la notion d'utilisation croisée de bases de clientèle sera utilisée lorsque les trois critères suivants sont réunis :

- les clients auprès desquels l'entreprise tente de commercialiser un produit additionnel sont ou ont été clients du produit initial ;

- le produit initial et le produit additionnel sont des produits appartenant à des marchés distincts ;

- les informations utilisées pour démarcher la clientèle sur le marché du produit additionnel sont liées directement ou indirectement à la connaissance de la clientèle consommatrice du produit initial détenue par l'entreprise.

Les ventes couplées

7. Le couplage correspond à la pratique consistant à lier la fourniture de deux produits distincts relevant de deux marchés (voir, par exemple, les décisions n° 05-D-44 du 21 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité dans la presse quotidienne régionale à Marseille, point 36, et n° 08-D-10 du 7 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la télévision de rattrapage, point 120).

8. L'Autorité de la concurrence, comme la Commission européenne ou leurs juridictions de contrôle, distingue plusieurs types de ventes couplées selon la nature du lien existant entre les produits : contractuel, technique, ou résultant d'une incitation, comme par exemple d'un avantage tarifaire octroyé en cas d'achat conjoint des deux produits :

- les " ventes groupées pures ", c'est-à-dire les ventes liées du fait de l'imposition exclusivement commerciale d'une obligation d'acheter deux ou plusieurs produits ensemble ;

- les " ventes groupées techniques ", c'est-à-dire les ventes liées du fait de l'intégration technique des produits ;

- les " ventes groupées mixtes ", c'est-à-dire le fait de vendre plusieurs produits ensemble à de meilleures conditions que celles proposées si les produits sont achetés séparément (les deux produits pouvant toutefois être achetés séparément, contrairement aux ventes groupées pures). (arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 décembre 2005, General Electric Company/Commission, T-210-01, Rec. p. II-5575, point 406 ; voir aussi la communication en date du 24 février 2009, Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, 2009-C 45-02, point 48).

9. Lors de l'ouverture à la concurrence du secteur des communications électroniques, les marchés de la téléphonie fixe, de la téléphonie mobile et de l'accès à Internet haut débit se sont développés de manière relativement indépendante. Depuis quelques années, les opérateurs semblent cependant privilégier des stratégies de convergence entre ces différents marchés, au travers d'opérations de diversification, de concentration ou de partenariat. Cette évolution a amené le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi à saisir pour avis le Conseil de la concurrence, le 4 juillet 2008, " sur la situation concurrentielle et sur l'état de fonctionnement des marchés des communications électroniques compte tenu des profondes modifications qu'ils connaissent actuellement ".

10. A l'occasion de cette convergence, certains opérateurs, présents simultanément sur les marchés de la téléphonie mobile et de l'accès à Internet haut débit, mettent en œuvre des méthodes de commercialisation impliquant l'utilisation croisée de bases de clientèle, parfois combinée avec des offres de couplage des produits.

11. Par une décision n° 09-SOA-02 du 14 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office, sur le fondement du nouvel article L. 462-4 du Code de commerce, pour avis portant sur l'utilisation croisée des bases de clientèle. L'objet de la saisine est le suivant :

- " En premier lieu, l'avis examinera comment ce type de pratique peut, au-delà du seul secteur des communications électroniques, s'apprécier au regard du droit de la concurrence. D'un côté, l'utilisation par des entreprises d'atouts qui leur sont propres est de nature à animer le jeu concurrentiel et peut donc relever du fonctionnement normal des marchés. Mais d'un autre côté, cette même utilisation pourrait, dans certains cas, ériger des barrières à l'entrée sur l'un ou l'autre des deux marchés concernés.

- En deuxième lieu, l'avis portera sur la question particulière du droit de riposte d'une entreprise qui disposerait d'une position dominante sur l'un des marchés concernés ou sur un marché connexe. Il s'agira d'indiquer dans quels cas de figure et selon quelles modalités une telle entreprise peut s'aligner sur des concurrents qui mettraient en œuvre des pratiques d'utilisation croisée de bases de clientèle.

- En troisième lieu, l'avis s'attachera à appliquer les principes qui auront été dégagés au secteur des communications électroniques, dans le contexte de convergence souligné plus haut. Dans cette perspective, il pourra notamment être utile d'apprécier : (i) dans quelle mesure les évolutions observées sur le marché sont imputables au " cross selling " ou découlent d'autres facteurs, telle que la généralisation récente du recours à des réseaux de distribution " en dur " pour commercialiser les offres d'accès à Internet haut débit ; (ii) s'il convient d'envisager une évolution dans la délimitation des marchés pertinents concernés, par exemple dans le sens d'une segmentation plus fine du marché de l'accès à Internet haut débit pour rendre compte de la pression concurrentielle hétérogène qui semble s'y exercer ; (iii) dans quelle mesure le manque de fluidité qui caractérise le marché mobile pourrait, si le " cross selling " se généralisait, se propager à l'ensemble du secteur et rendre plus difficile l'entrée de nouveaux acteurs ".

12. L'Autorité de la concurrence rappelle qu'il ne lui appartient pas, dans le cadre d'une saisine pour avis, de qualifier les comportements sur un marché au regard des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) et des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code du commerce. Seule la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 463-1 du code du commerce lui permet de porter une telle appréciation. 13. Le présent avis présentera les principes qui guident l'analyse concurrentielle de l'utilisation croisée des bases de clientèle, pratiquée seule ou en combinaison avec d'autres pratiques commerciales (I), avant d'appliquer ces principes au secteur des communications électroniques (II).

I. Analyse de l'utilisation croisée des bases de clientèle et des pratiques associées au regard du droit de la concurrence

14. Dans un contexte concurrentiel classique, l'utilisation croisée de bases de clientèle, seule ou associée à d'autres techniques de commercialisation, est généralement considérée par les autorités de concurrence comme pouvant dynamiser les marchés concernés et donc intensifier la concurrence. En effet, ces techniques ont généralement pour effet de permettre aux entreprises d'économiser certains coûts de commercialisation de leurs produits, liés notamment à la collecte de l'information. L'économie réalisée par les entreprises peut ensuite être répercutée sur les consommateurs.

15. L'analyse de ces pratiques au regard du droit de la concurrence tient compte de l'intensité de la concurrence sur les marchés concernés. Lorsque l'entreprise ne dispose pas d'une position dominante sur l'un des marchés concernés, ces pratiques unilatérales ne sont pas susceptibles de constituer des restrictions de concurrence. A l'inverse, lorsqu'elles sont mises en œuvre par une entreprise dominante, ces pratiques sont susceptibles, dans certaines circonstances, d'avoir des effets anticoncurrentiels. Par ailleurs, la probabilité de répercussion sur les consommateurs des gains d'efficacité réalisés par les entreprises est étroitement liée à l'intensité de la concurrence sur les marchés en cause.

16. Les restrictions de concurrence susceptibles de résulter de l'utilisation croisée de bases de clientèle, seule (A), ou associée avec d'autres techniques de commercialisation (B), seront examinées, avant d'envisager les justifications qui peuvent être avancées par l'entreprise dominante pour défendre son comportement (C).

A. LES RESTRICTIONS DE CONCURRENCE SUSCEPTIBLES DE RESULTER DE L'UTILISATION CROISEE DES BASES DE CLIENTELE

17. Lorsque l'entreprise est en position dominante sur l'un des marchés concernés, l'Autorité vérifiera que l'utilisation croisée de bases de clientèle n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 102 TFUE. Aux termes d'une jurisprudence constante, une responsabilité particulière incombe en effet aux entreprises en position dominante de ne pas porter atteinte par leur comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (voir par exemple l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 9 novembre 1983, Michelin, 322-81, point 57).

18. L'utilisation croisée des bases de clientèle par une entreprise qui dispose d'une position dominante sur le marché initial aux fins de prospecter un marché cible est susceptible de constituer un comportement abusif, même si le marché cible est concurrentiel. En effet, la jurisprudence admet l'application des dispositions interne et communautaire prohibant les abus de domination à un acte commis par une entreprise en position dominante sur un marché distinct du marché dominé lorsque des " circonstances particulières " démontrent l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement abusif (voir les arrêts de la Cour de cassation du 17 mars 2009, Glaxosmithkline, Bull. 2009, IV, n° 39, pourvoi n° 08-14.503, et de la CJCE, 3 juillet 1991, Akzo Chemie, C-62-86, points 40 et s.).

19. L'appréciation de la conformité de la pratique au droit de la concurrence dépend notamment des conditions dans lesquelles l'entreprise a constitué sa base de clientèle, ainsi que de la possibilité pour ses concurrents de reproduire ces informations. Si les données ont été acquises par l'entreprise dominante dans le cadre d'une compétition par les mérites et qu'elles peuvent être reproduites par des concurrents aussi efficaces sur le marché, l'utilisation croisée de bases de clientèle n'est pas susceptible de constituer un abus au sens des dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce.

20. Au contraire, si les informations détenues par une entreprise dominante ne sont ni accessibles à ses concurrents, ni reproductibles par eux, elles constituent des informations privilégiées, dont l'exploitation est susceptible de produire des effets restrictifs de concurrence. L'utilisation croisée de telles informations peut en effet avoir pour objet ou effet d'ériger des barrières à l'entrée sur l'un ou l'autre des marchés concernés.

21. Le Conseil, puis l'Autorité de la concurrence se sont prononcés à plusieurs reprises sur les risques associés à l'utilisation, dans le secteur concurrentiel, de données collectées par un opérateur placé en situation de monopole légal dans le cadre de sa mission de service public.

22. Ainsi, dans le cadre de l'avis n° 00-A-03 du 22 février 2000, relatif à l'acquisition de la société Clemessy par les groupes EDF, Cogema et Siemens, le Conseil a examiné les risques associés à l'utilisation, dans le secteur du marché de la fourniture d'électricité récemment ouvert à la concurrence, des données collectées par EDF dans le cadre de sa mission de service public. Relevant que " le fichier des abonnés au service public de l'électricité, constitué et géré par EDF dans l'exercice de son monopole légal, par son caractère exhaustif et la nature des renseignements techniques, financiers et commerciaux, qu'il comporte, représente une source d'informations à la fois précieuse et exclusive et confère à EDF, dans le contexte nouveau de l'ouverture du marché, un avantage important sur ses concurrents (…) ", et qu'EDF était en conséquence " seul détenteur d'une information globale, à la fois nominative et statistique, portant sur l'ensemble des consommateurs français d'électricité ", le Conseil a estimé que l'entreprise devait s'interdire de faire bénéficier de cet avantage découlant de sa position historique " ses filiales et les sociétés dans lesquelles elle détient des participations ainsi que les entreprises cotraitantes ou sous traitantes oeuvrant en aval sur des marchés concurrentiels ".

23. Dans sa décision n° 09-MC-01 du 8 avril 2009, relative à une saisine présentée par la société Solaire Direct, l'Autorité de la concurrence a distingué, parmi les informations transmises par EDF à sa filiale EDF ENR pour la commercialisation de son offre photovoltaïque, celles qui avaient été collectées au moyen d'une plate-forme téléphonique mise en place par l'entreprise, et consistant en une liste de coordonnées et de disponibilité des appelants, et celles qui étaient détenues exclusivement par l'opérateur historique, telles que la situation géographique exacte de l'habitation des appelants, leurs habitudes de consommation d'électricité, la superficie de leur habitation, leur mode de chauffage ou le nombre d'appareils électriques installés dans l'habitation, considérées comme non reproductibles par les autres opérateurs. L'Autorité a considéré que l'utilisation par EDF ENR des données non reproductibles collectées par sa société mère était " susceptible de représenter un avantage indu, si les informations qu'elle contient sont de nature, directement ou indirectement, à rendre plus crédibles ou plus attractives les offres de cette filiale de l'opérateur historique ", et que cette pratique était susceptible de constituer un abus de position dominante, " ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'entrée de concurrents d'EDF ENR sur le marché connexe de l'offre de services aux particuliers souhaitant devenir producteurs d'électricité photovoltaïque " (points 137 à 140).

24. Le Conseil a suivi la même grille d'analyse dans sa décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007, relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit. Le Conseil a sanctionné France Télécom pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la boucle locale téléphonique, " en utilisant des données qu'elle seule détenait en sa qualité de propriétaire et d'exploitant de la boucle locale, dans le but de faciliter la commercialisation de services d'accès à Internet de sa filiale Wanadoo ". Le Conseil a relevé qu'en analysant les factures des abonnés, les agents de France Télécom avaient pu mettre en place une campagne de commercialisation ciblée auprès des consommateurs les plus disposés à souscrire des offres d'accès à Internet, octroyant ainsi à Wanadoo un avantage exclusif qui a perturbé le jeu de la concurrence sur les marchés des fournisseurs d'accès à Internet (points 84 à 86). Dans cette affaire, le Conseil avait prononcé des mesures conservatoires à l'encontre de France Télécom, afin que l'opérateur mette fin au comportement dénoncé, susceptible de donner à Wanadoo une avance décisive sur ses concurrents pour la fourniture d'accès à Internet haut débit par l'ADSL. Il avait ainsi enjoint à France Télécom " de mettre à la disposition de l'ensemble des fournisseurs d'accès à Internet, un serveur Extranet permettant d'accéder aux mêmes informations sur l'éligibilité des lignes téléphoniques à l'ADSL et sur les caractéristiques des modems compatibles avec l'équipement de ces lignes que celles dont dispose Wanadoo Interactive (…)" (décision n° 02-MC-03 du 27 février 2002, confirmée au fond par la décision n° 07-D-33 précitée).

25. Enfin, dans sa décision n° 09-D-24 du 28 juillet 2009, relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM, l'Autorité s'est prononcée sur des pratiques de reconquête (" win back ") de la clientèle ayant quitté l'opérateur historique au profit d'un opérateur alternatif au moyen d'une procédure de " présélection " du numéro de téléphone fixe. France Télécom avait utilisé, outre les informations obtenues sur le marché amont en sa qualité d'opérateur de gros, les informations figurant sur les factures de ses clients disposant d'un abonnement au service de téléphonie fixe, la constatation d'une baisse importante des communications permettant de déduire avec une bonne probabilité que le client avait choisi la présélection. L'entreprise proposait aux clients ainsi identifiés des formulaires de résiliation de leur présélection. En considérant de manière globale l'ensemble des informations utilisées par France Télécom pour mettre en œuvre sa pratique de reconquête, l'Autorité a considéré que l'entreprise avait abusé de sa position dominante : " France Télécom a utilisé sa position dominante résultant notamment de son ancien monopole historique, pour s'octroyer, de manière déloyale, des avantages dans la concurrence dans les DOM, avantages dont des opérateurs alternatifs, aussi ou plus efficaces qu'elle, n'ont jamais pu bénéficier ". Soulignant les lourdes conséquences de cette pratique, l'Autorité indique que celle-ci " verrouille ainsi une partie de la clientèle adressable par les opérateurs alternatifs (…) et ce, à une période sensible d'ouverture à la concurrence " (points 207 et s.).

26. Si les cas soumis à l'autorité française de concurrence ont jusqu'à présent porté sur des informations privilégiées acquises dans le cadre d'un monopole historique, il n'y a pas lieu de modifier l'analyse concurrentielle dans le cas d'une situation de quasi-monopole ou d'une position dominante. Cette analyse doit tenir compte de la structure du marché (position des concurrents par rapport à celle de l'entreprise dominante, degré d'atomicité du marché en cause) et de la nature des informations (selon qu'elles sont ou non accessibles ou reproductibles par les concurrents) afin d'évaluer le risque d'éviction lié aux pratiques en cause. L'analyse pourra être menée sur le marché initial mais aussi sur le marché cible, sur lequel l'entreprise peut également avoir une position significative.

B. L'ASSOCIATION DE L'UTILISATION CROISEE DE BASES DE CLIENTELE A D'AUTRES TECHNIQUES DE COMMERCIALISATION : LES VENTES COUPLEES

27. L'utilisation croisée des bases de clientèle peut être associée à d'autres techniques de commercialisation susceptibles d'être qualifiées au regard du droit de la concurrence, telles que subventions croisées, prédation, ou ventes liées et groupées. Associée à une pratique anticoncurrentielle, l'utilisation croisée des bases de clientèle aura généralement pour conséquence de rendre celle-ci plus efficace, et partant, d'aggraver l'effet d'éviction susceptible d'en résulter. Dans cette hypothèse, l'utilisation des bases de clientèle ne sera pas analysée isolément, mais comme élément d'appréciation de la pratique à laquelle elle est associée. Seules les ventes liées et groupées, qui sont le plus fréquemment associées à l'utilisation croisée des bases de clientèle, sont examinées dans le présent avis.

28. L'article L. 420-2 du Code de commerce cite les ventes liées au nombre des pratiques susceptibles de constituer un abus de position dominante. La Cour de justice des communautés européennes a également jugé que " même lorsque la vente liée de deux produits est conforme aux usages commerciaux ou lorsqu'il existe un lien naturel entre les deux produits en question, elle peut néanmoins constituer un abus au sens de [l'article 102 TFUE], à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée " (voir l'arrêt du 14 novembre 1996, Tetra Pak International/Commission, C-333-94, Rec. p. II-755, point 37).

29. Le potentiel anticoncurrentiel des pratiques de couplage provient notamment de ce qu'elles peuvent permettre à une entreprise de transférer son pouvoir d'un marché où elle détient une position dominante sur un marché connexe pour y obtenir un avantage concurrentiel à moindre coût et sans rapport direct avec ses mérites.

30. Dans sa communication du 24 février 2009 précitée, la Commission européenne a précisé qu'elle intervenait au titre de l'article 82 du traité CE - devenu l'article 102 TFUE -, lorsqu'une entreprise occupe une position dominante sur le marché liant, s'agissant des ventes liées, ou sur l'un des marchés groupés, s'agissant de ventes groupées, et lorsque les conditions suivantes sont réunies : " i) les produits liants et liés sont des produits distincts et ii) la vente liée est susceptible de déboucher sur une éviction anticoncurrentielle " (point 50). La position de l'entreprise dominante, les conditions régnant sur le marché en cause, la position des concurrents de l'entreprise dominante, la position des clients ou des fournisseurs, la portée du comportement abusif présumé et les preuves éventuelles d'une éviction réelle sont notamment retenues aux fins de l'appréciation de l'effet d'éviction (point 20).

31. Les ventes liées et les ventes groupées pures pratiquées par une entreprise en position dominante peuvent être considérées comme anticoncurrentielles. Selon une jurisprudence constante, lorsqu'un opérateur économique, en position dominante sur le marché d'un produit dit " liant ", lie, de façon obligatoire, la vente de ce produit, considéré comme indispensable, à la vente d'un autre produit, dit " lié ", cette pratique de couplage est, sauf circonstances particulières, constitutive d'un abus de cette position dominante (voir par exemple les arrêts de la CJCE du 13 février 1979, Hoffmann - La Roche & Co Ag/Commission, 85-76, points 29 et 90, et du 3 octobre 1985, CBEM / CLT et IPB, 311-84, point 27). Ainsi, si l'entreprise est en situation de monopole sur le marché du produit liant, l'effet de forclusion découle presque toujours du couplage (voir par exemple l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2006, Sedif). Il en est de même si le produit liant est un produit incontournable (voir l'arrêt du TPICE du 17 septembre 2007, Microsoft, T-201-04, Rec. II-3601, point 1069, s'agissant de la vente liée du système d'exploitation Windows, présent sur la majorité des ordinateurs PC vendus dans le monde, et du logiciel Windows Media Player).

32. Dans sa décision n° 03-D-35 du 24 juillet 2003 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de certaines spécialités pharmaceutiques destinées aux hôpitaux, le Conseil de la concurrence a ainsi sanctionné la société Sandoz pour avoir utilisé un système de remises fidélisantes, liant l'achat de deux spécialités pharmaceutiques à base de ciclosporine, produits coûteux, nécessaires au traitement des patients greffés, et alors sans équivalent sur le marché, dont elle détenait le monopole, à l'achat de spécialités soumises à la concurrence d'autres laboratoires (décision confirmée par les arrêts de la cour d'appel de Paris du 30 mars 2004 et de la Cour de cassation du 28 juin 2005). De même, dans sa décision n° 07-D-28 du 13 septembre 2007, le Conseil a sanctionné la société CIPHA pour le couplage de la location des installations de stockage sur lesquelles elle était en situation de position dominante à la vente d'une prestation de manutention en concurrence sur un marché connexe, alors que la société ne présentait pas de justification objective à cette pratique (décision n° 07-D-28 du 13 septembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par le port autonome du Havre, la Compagnie industrielle des pondéreux du Havre, la Société havraise de gestion et de transport et la société Havre Manutention, point 121 et s., confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 novembre 2008).

33. En revanche, il est admis que les effets des ventes groupées mixtes sont moins importants, une " offre de couplage mixte et non pur " ayant des " effets (…) évidemment moins importants, l'achat séparé restant toujours possible " (décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005 relative aux pratiques mises en œuvre par le groupe Canal Plus dans le secteur de la télévision à péage, point 70, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2005). La décision relève que Canal Plus avait déjà pratiqué des offres couplées avant même l'apparition de TPS, son principal concurrent, et conclut à l'absence d'effets anticoncurrentiels de l'offre litigieuse au vu de la durée de l'offre (5 mois), de l'absence de campagne publicitaire d'envergure et de l'évolution positive des parts de marché du principal concurrent de Canal Plus.

C. LA JUSTIFICATION DES PRATIQUES PAR L'ENTREPRISE DOMINANTE

34. Les pratiques mises en œuvre par une entreprise dominante susceptibles d'être considérées comme abusives peuvent échapper à l'interdiction de l'article 102 TFUE et de l'article L. 420-2 du Code de commerce si l'entreprise dominante présente une justification objective à son comportement.

35. Pour qualifier le comportement d'une entreprise dominante, l'Autorité examine les justifications avancées par l'entreprise : " des entreprises en position dominante peuvent se défendre d'une pratique susceptible d'être considérée comme abusive en démontrant qu'elle est objectivement justifiée ou qu'elle est source d'efficience et qu'elle ne relève dès lors pas d'une stratégie d'exclusion des concurrents mais de maximisation du profit. Il incombe alors à l'entreprise qui invoque une telle défense d'en prouver la réalité et la nécessité. À cet égard, l'entreprise doit notamment apporter la preuve que le résultat invoqué dépend précisément de la pratique concernée et qu'il n'existe pas de moyen aussi efficace mais moins restrictif de concurrence d'y parvenir " (décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-18 du 28 juin 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité cinématographique, point 244).

36. De même, les juridictions communautaires examinent s'il existe une justification économique objective au comportement restrictif d'une entreprise dominante (voir, par exemple, les arrêts du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, points 182 et s. ; du 3 octobre 1985, CBEM/CLT et IPB, 311-84, Rec. p. 326, point 27 et du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95-04, Rec. p. I-1231, point 86, et l'arrêt Tetra Pak International, précité, point 140). Dans sa communication du 24 février 2009 précitée, la Commission précise ainsi : " En appliquant l'article 82, la Commission examinera également les arguments avancés par une entreprise dominante pour justifier son comportement. Cette dernière peut à cet effet démontrer soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit qu'il produit des gains d'efficacité substantiels qui l'emportent sur les effets anticoncurrentiels produits sur les consommateurs. Dans ce contexte, la Commission examinera si le comportement en cause est indispensable et proportionné à l'objectif prétendument poursuivi par l'entreprise dominante " (point 28).

37. Parmi les justifications objectives possibles figurent les gains d'efficacité et le droit d'alignement.

1. LES GAINS D'EFFICACITE

38. L'article L. 420-4 du Code de commerce prévoit que ne sont pas prohibées par l'article L. 420-2 les pratiques " dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause ".

39. Il est traditionnellement considéré qu'une entreprise dominante peut justifier des pratiques pouvant aboutir à évincer les concurrents, par des gains d'efficacité d'une ampleur telle qu'il soit peu probable que les consommateurs en subissent un préjudice réel, y compris à long terme.

40. Le juge communautaire recherche ainsi si l'effet restrictif pour la concurrence peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d'efficacité qui profitent également au consommateur. Si l'effet d'éviction de la pratique est sans rapport avec les avantages pour le marché et les consommateurs ou s'il va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces avantages, cette pratique doit être considérée comme abusive (voir l'arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95-04, Rec. p. I-1231, point 86).

41. Dans sa communication précitée du 24 février 2009, la Commission européenne énonce les critères de l'examen de la justification de pratiques d'éviction par des gains d'efficacité : " l'entreprise dominante devra généralement démontrer, avec un degré de probabilité suffisant et sur la base de preuves vérifiables, que les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

- les gains d'efficacité ont été ou sont susceptibles d'être réalisés grâce au comportement considéré. Il peut s'agir notamment d'améliorations techniques de la qualité des biens ou d'une réduction du coût de production ou de distribution,

- le comportement est indispensable à la réalisation de ces gains d'efficacité: il ne doit pas y avoir d'autres pratiques moins anticoncurrentielles que le comportement considéré capables de produire les mêmes gains d'efficacité ;

- les gains d'efficacité susceptibles d'être produits par le comportement considéré l'emportent sur les effets préjudiciables probables sur la concurrence et le bien-être des consommateurs sur les marchés affectés,

- le comportement n'élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle " (point 30).

42. L'utilisation croisée de bases de clientèle peut être source de gains d'efficacité si elle permet aux entreprises de réduire les coûts de commercialisation de leurs produits. En effet, si ces informations contenues dans les bases de clientèle peuvent être obtenues par acquisition externe sur le marché de bases de données marketing, ou par le biais d'actions de prospection commerciale traditionnelles, ces acquisitions sont coûteuses pour l'entreprise. La prospection auprès d'acheteurs présents dans une base de clientèle déjà constituée au sein de l'entreprise peut être moins onéreuse que le recrutement de nouveaux clients pour promouvoir les ventes d'un produit sur un marché distinct.

43. Par ailleurs, l'exploitation de données déjà disponibles dans l'entreprise peut permettre d'améliorer l'efficacité des campagnes de commercialisation des produits par un meilleur ciblage de la clientèle sollicitée. La constitution de bases de clientèle, qui comportent par exemple des données relatives à l'âge du client, à sa profession et à la catégorie socioprofessionnelle à laquelle il appartient, à son lieu de résidence ou à la structure de son foyer, peut permettre d'effectuer une analyse des habitudes de consommation et des besoins futurs et de cibler le démarchage auprès des consommateurs qui sont davantage susceptibles de répondre positivement aux campagnes de commercialisation engagées. Cette technique semble pouvoir être d'autant plus efficace que l'information recueillie est riche et porte sur une longue période, c'est-à-dire lorsque la relation tissée entre l'entreprise et son client est régulière, et qu'elle perdure à moyen ou à long terme.

44. L'utilisation croisée de bases de clientèle peut donc se traduire par des gains d'efficacité pour les entreprises, qui sont susceptibles d'être ensuite répercutés sous forme d'une baisse des prix des produits et services proposés aux consommateurs. Si l'analyse effectuée conformément aux principes dégagés plus haut démontre que cette utilisation par une entreprise dominante comporte des effets restrictifs de la concurrence, il incombe à celle-ci de démontrer la nécessité et la proportionnalité de son comportement par rapport aux gains recherchés.

45. Les pratiques de couplage sont également susceptibles d'engendrer des gains d'efficacité. Dans l'affaire opposant les sociétés Canal Plus et TPS au sujet des offres couplées d'abonnements à Canal Plus et Canal Satellite la cour d'appel de Paris a confirmé l'analyse suivie par le Conseil de la concurrence à ce sujet : " le couplage était source de gains d'efficacité, puisqu'il permettait à la société Canal Plus de réaliser des économies de coûts (…) au titre de la gestion des paraboles offertes, de la gestion des abonnements et de la prospection commerciale (…) et qu'il conférait symétriquement un avantage au consommateur, qui n'avait plus qu'un seul interlocuteur, une seule facturation prélevée et un seul décodeur " (voir la décision n° 05-D-13 du 18 mars 2005 précitée, points 66 et 67, et l'arrêt de la cour du 15 novembre 2005).

46. La combinaison de l'utilisation croisée de bases de clientèle et de la technique de la vente couplée permet généralement d'accroître les gains d'efficacité retirés de la pratique de couplage en réduisant les coûts d'acquisition de nouveaux clients pour le produit lié.

2. L'ALIGNEMENT SUR LES CONCURRENTS

47. Lorsque le secteur d'activité est caractérisé par une concurrence entre entreprises intégrées horizontalement, présentes sur plusieurs marchés de produits touchant la même clientèle, l'utilisation croisée de bases de clientèle, associée ou non à la pratique des ventes liées, peut être mise en œuvre en tant que stratégie défensive. Le droit pour une entreprise dominante d'agir en vue de préserver ses intérêts commerciaux a été reconnu par les juridictions communautaires et nationales. L'entreprise ne saurait toutefois invoquer un droit absolu à l'alignement sur les offres de ses concurrentes, et la riposte ne peut être admise pour justifier une pratique ayant pout objet l'éviction des autres acteurs du marché.

48. Aux termes d'une jurisprudence communautaire constante : " si l'existence d'une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, on ne peut, cependant, admettre de tels comportements lorsqu'ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser " (voir les arrêts du 14 février 1978, United Brands, C-27-76, du 3 juillet 1991, point 189, IrishSugar, T-228-97, point 112, ou 30 janvier 2007 France Télécom SA T-340-03, point 185, confirmé par l'arrêt du 2 avril 2009 C-202-07).

49. Cette justification a été reconnue en droit français par la cour d'appel de Paris dans l'arrêt Labinal/Mors du 19 mai 1993, aux termes duquel : " une entreprise en position dominante est en droit de défendre ou de conquérir des parts de marché pourvu qu'elle reste dans les limites d'un comportement compétitif normal et d'une concurrence légitime. " (arrêt confirmé par la Cour de cassation, 14 février 1995, Bull. civ. 1995 IV n° 48 p. 42).

50. Il résulte de cette jurisprudence que l'exception d'alignement est soumise à une double condition de nécessité et de proportionnalité. L'entreprise doit démontrer que son comportement est indispensable à la poursuite d'un objectif légitime, ce qui implique en général de mettre en évidence que le comportement du concurrent constitue une menace suffisamment sérieuse sur ses intérêts pour appeler une riposte. Elle doit ensuite démontrer que son comportement n'excède pas, dans sa durée et dans son champ d'application matériel et géographique, ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, et notamment, qu'il n'existe pas d'alternative moins restrictive de la concurrence. L'entreprise dominante doit enfin démontrer que sa riposte est proportionnée par rapport à la puissance économique des entreprises en présence (voir sur ce point l'arrêt United Brands précité, point 190 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 novembre 2008 précité).

51. L'exception d'alignement n'a que rarement été retenue par les autorités de concurrence nationale et communautaire et leurs juridictions de contrôle pour justifier le comportement d'une entreprise dominante susceptible d'être considéré comme abusif, dès lors que celle-ci ne pouvait généralement pas démontrer que la riposte mise en œuvre était objectivement nécessaire et proportionnée à la menace pesant sur ses intérêts.

52. La Commission européenne estime ainsi qu'un opérateur dominant ne peut s'aligner sur les prix de ses concurrents lorsque ceux-ci ne lui permettent pas de couvrir ses coûts. Dans sa décision du 16 juillet 2003, Wanadoo Interactive, elle développe l'analyse suivante : " sur le plan des principes, il est vrai que de nouveaux entrants ou des entreprises n'exerçant pas de position dominante sont en droit de pratiquer des prix promotionnels pour des durées limitées dans le temps. Leur seul objet consiste à attirer l'attention du consommateur sur l'existence même du produit, de manière plus persuasive que par un simple message publicitaire, et ces offres n'exercent pas d'effets négatifs sur le marché. En revanche, l'alignement de l'opérateur dominant sur les prix promotionnels de l'opérateur non dominant n'est pas justifié. S'il est vrai qu'il n'est pas, dans l'absolu, interdit à l'opérateur dominant de s'aligner sur les prix des concurrents, il n'en reste pas moins que cette faculté doit lui être refusée lorsqu'elle implique une non-couverture par l'entreprise dominante des coûts du service en cause " (COMP/38.233). Le juge communautaire a considéré que la restriction à la faculté d'alignement ainsi posée par la Commission était compatible avec le droit communautaire, en précisant qu'un opérateur dominant ne " saurait invoquer un droit absolu à s'aligner sur les prix de ses concurrents pour justifier son comportement. S'il est vrai que l'alignement de l'entreprise dominante sur les prix des concurrents n'est pas en soi abusif ou condamnable, il ne saurait être exclu qu'il le devienne lorsqu'il ne vise pas seulement à protéger ses intérêts, mais a pour but de renforcer cette position dominante et d'en abuser " (arrêts précités France Télécom, T-340-03, point 187, confirmé par C-202-07, points 41 et s.).

53. La Commission considère également que l'alignement sur les prix des concurrents ne peut pas justifier une pratique de ciseau tarifaire par laquelle une entreprise intégrée inflige des pertes à ses concurrents efficaces sans les supporter elle-même : " l'alignement sur la concurrence ne peut légitimer un comportement ayant pour conséquence d'abuser, par effet de levier, d'une position dominante en amont " (décision du 4 juillet 2007 Wanadoo España vs. Telefónica, COMP/38.784).

54. En revanche, le Conseil de la concurrence a admis qu'une entreprise dominante pouvait, en principe, lier un service proposé sur le marché dominé et un service proposé sur un marché concurrentiel en réponse au lancement d'une offre similaire par un concurrent : " La position dominante occupée par France Télécom sur le marché de la téléphonie fixe ne saurait justifier que le lancement d'offres couplant des services de téléphonie fixe et mobile lui soit a priori et par principe interdit alors qu'il serait autorisé aux concurrents dès lors que ces derniers seraient en mesure d'offrir ce type de services " (décision n° 04-D-22 du 21 juin 2004 portant sur la commercialisation par France Télécom du tarif promotionnel "Primaliste longue distance", point 65). Dans cette affaire, le Conseil a considéré que la riposte était proportionnée par rapport à l'offre de l'entreprise concurrente et à la situation de marché : " le caractère peu attractif de la remise consistant en six mois d'abonnement gratuit à l'option Primaliste Longue Distance, ses modalités d'octroi et l'absence de publicité accompagnant cette option n'étaient pas susceptibles de conférer à l'offre de France Télécom un quelconque effet anticoncurrentiel sur un marché ", et ce d'autant plus que " nonobstant le lancement de cette offre au cours du début de l'année 1999, le nombre de clients ayant choisi un opérateur tiers pour leurs communications fixes longue distance a crû de plus de 2 millions au profit des opérateurs alternatifs " (points 68 et s.).

55. Enfin, conformément à la règle de portée générale qui exclut toute justification d'une pratique restrictive par le comportement anticoncurrentiel des autres acteurs du marché,

l'entreprise dominante ne peut invoquer un droit d'alignement en riposte à des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par un concurrent (voir la décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom, SFR Cegetel et Bouygues Telecom, non remise en cause sur ce point par les arrêts de la cour d'appel de Paris du 12 avril 2005 et du 2 avril 2008, et de la Cour de cassation du 10 mai 2006 et du 3 mars 2009). Dans cette affaire, la société SFR Cegetel faisait valoir que France Télécom pratiquait, dès avant l'ouverture du secteur à la concurrence, des remises de volume sur le trafic de téléphonie fixe vers le réseau mobile Orange, et qu'en tant que nouvel entrant, elle devait proposer des offres commercialement plus attractives, au risque de subir des pertes. Le Conseil a rejeté cette justification, en considérant qu'" il appartenait à SFR Cegetel, si elle estimait ces remises illicites, d'en saisir les autorités compétentes, comme l'aurait fait tout autre opérateur de téléphonie fixe non intégré, plutôt que d'y répondre par sa propre pratique d'un effet de ciseau sur le trafic fixe vers SFR " (point 212).

II. Application au secteur des communications électroniques

56. Lors de l'ouverture à la concurrence du secteur des communications électroniques, les marchés de la téléphonie fixe, de la téléphonie mobile et de l'accès à Internet haut débit se sont initialement développés de manière relativement indépendante. Cependant, du fait de leur diversification sur ces différents marchés, les opérateurs s'orientent aujourd'hui vers des stratégies de convergence, qui prennent la forme de l'utilisation croisée de bases de clientèle, parfois associées à des ventes couplées, telles que l'offre " quadruple play ", combinant une offre multiservices à haut débit " triple play " (Internet, télévision et téléphonie fixe) et une offre de téléphonie mobile. Si l'opérateur principal sur les différents marchés concernés n'utilise pas massivement ces techniques jusqu'à présent, il pourrait être incité à l'avenir à invoquer un droit à l'alignement sur les offres de ses concurrents.

57. Seront examinées ci-après les pratiques d'utilisation croisée des bases de clientèle d'ores et déjà mises en œuvre par les opérateurs de communications électroniques (A), ainsi que leurs possibilités d'action future au regard du droit de la concurrence (B).

A. LES PRATIQUES MISES EN OEUVRES PAR LES OPERATEURS DE TELECOMMUNICATION ET LEURS EFFETS

1. LES ACTEURS DU SECTEUR

a) Bouygues Telecom

58. Si Bouygues Telecom est un opérateur installé de la téléphonie mobile, c'est un nouvel entrant sur le marché du haut débit. Le groupe est en effet entré sur le marché du haut débit via son offre " triple-play " "Bbox" en octobre 2008 puis a lancé une offre de couplage " quadruple-play ", "Idéo", en mai 2009.

59. L'offre " triple-play " "Bbox" est commercialisée au prix de 29,90 € en zone dégroupée et de 34,90 € en zone non dégroupée. Elle n'est pas soumise à un engagement de durée (2) et donne accès à un bouquet de 100 chaînes de télévision et des appels illimités vers les postes fixes en France métropolitaine et vers plus de 100 destinations à l'international.

60. L'offre " quadruple play " "Idéo" est une offre commerciale "tout en un" qui comprend une offre de téléphonie mobile et une offre haut débit " triple-play " pour le domicile. Elle donne lieu à un avantage financier d'environ 16 € par mois par rapport à la souscription séparée des deux offres. Si le client dispose d'un contrat et d'une facturation unique pour les deux services, les durées d'engagement aux services fixe et mobile sont différentes et correspondent à celles qui existent pour les offres vendues séparément. Le client peut donc se désengager de la partie mobile et/ou de la partie fixe indépendamment l'une de l'autre. Il se voit alors appliquer le tarif en vigueur correspondant au forfait seul. Bouygues Télécom a ensuite complété sa gamme par une offre " quadruple play " illimitée (téléphonie fixe et mobile, internet, télévision) à 99,80 € par mois.

b) SFR

61. SFR est un opérateur installé de la téléphonie mobile mais est entré récemment sur le marché du haut débit par croissance externe. Il a ainsi acheté Télé2 Fixe puis Neuf Cegetel en 2008.

62. L'offre " triple-play " "Neufbox" est commercialisée au prix de 29,90 € en zone dégroupée et de 34,90 € en zone non dégroupée. Cette offre n'est pas soumise à un engagement de durée (3) et donne accès à un bouquet de 150 chaînes de télévision et à des appels illimités vers les postes fixes en France métropolitaine et vers plus de 100 destinations à l'international.

63. SFR a en outre annoncé qu'elle lancerait début juin une offre " quadruple play " illimitée à 109,80 € par mois. Cette offre serait réservée aux 100 000 premiers clients.

64. Par ailleurs, la filiale mobile de SFR dans la zone Réunion-Mayotte, SRR, est entrée sur le marché de l'accès Internet haut débit en février 2010.

c) France Télécom

65. Le groupe France Télécom est présent sur le marché du haut débit et de la téléphonie mobile de longue date, via sa filiale Orange.

66. L'offre " triple-play " "Net" est commercialisée, depuis le 8 avril 2010, au prix de 34,90 € sans abonnement téléphonique et de 29,90 € avec abonnement téléphonique (auquel cas il convient d'ajouter le coût de l'abonnement téléphonique RTC, soit 16 € par mois). Elle est soumise, outre la location de la "Livebox" (3 € par mois), à une durée d'engagement minimum de 12 mois. Elle donne accès à un bouquet de 100 chaînes de télévision mais ne comprend pas d'appels gratuits vers des destinations à l'international. L'offre "Net Plus", jusqu'à présent commercialisée au prix de 39,90 € par mois, comprend, outre les services inclus dans l'offre "Net", l'accès à des appels illimités vers 110 destinations à l'international. Depuis le 10 juin 2010, cette offre est commercialisée au tarif de 34,90 euros par mois, et comprend une heure de communication vers les mobiles.

67. France Télécom a par ailleurs annoncer le lancement d'une offre " quadruple-play " dans les prochaines semaines. En effet, le directeur financier du groupe a annoncé lors de la présentation des résultats du groupe le 25 février 2010 : " Chacun se prépare à l'arrivée d'un quatrième opérateur en termes de structure de ses offres, je pense en particulier au quadruple play, qui a été lancé l'année dernière et qui va faire partie de notre offre dans les semaines qui viennent " (4).

d) Numéricâble

68. Numéricâble est présent sur le marché de l'accès Internet haut débit, et même très haut débit. L'offre " triple-play " "TV Prima", accessible uniquement en zone câblée, est commercialisée au prix de 29,90 € par mois pendant 12 mois puis à 31,90 € par mois. Elle ne comprend pas le prix de la location du décodeur TV (5 € par mois) et est soumise à une durée d'engagement de 12 mois. Les frais d'ouverture de service sont de 40 €, de même que les frais de résiliation. Cette offre donne accès à un bouquet de 120 chaînes et à des appels illimités vers les postes fixes en France métropolitaine et vers 53 destinations à l'international.

69. Numéricâble n'est aujourd'hui que marginalement présent sur le marché de la téléphonie mobile, via un contrat d'opérateur de réseaux mobiles virtuels (MVNO) signé avec Bouygues Telecom, qui ne lui permet pas de proposer à ses clients le téléchargement et la navigation sur Internet depuis un mobile. Le représentant de Numéricâble a déclaré au cours de l'instruction : " s'agissant de la téléphonie mobile, nous sommes plutôt en phase de test du marché, on s'en sert essentiellement pour ne pas perdre de clients, ça n'est pas une offre offensive ".

e) Iliad

70. Le groupe Iliad est présent sur le marché de l'accès Internet haut débit à travers deux marques, Free et, depuis le 1er janvier 2009, Alice. L'offre " triple-play " "Freebox" est commercialisée au prix de 29,99 €, en zone dégroupée comme en zone non dégroupée. Elle n'est pas soumise à une durée d'engagement, ni à des frais de résiliation, mais à des frais d'activation à perception différée (96 € dégressifs à raison de 3 € par mois d'abonnement). Cette offre donne accès à un bouquet de 150 chaînes et à des appels illimités vers les postes fixes en France métropolitaine et vers plus de 100 destinations à l'international.

71. Par décision n° 2010-0043 du 12 janvier 2010, l'ARCEP a accordé à Free Mobile la 4ème licence mobile l'autorisant à exploiter un réseau radioélectrique de troisième génération (3G) ouvert au public. Cependant, le nouvel opérateur ne peut entrer immédiatement sur le marché de la téléphonie mobile. En effet, son engagement dans le cadre du dossier de candidature, rendu obligatoire par la décision de l'ARCEP, porte sur une ouverture commerciale des services mobiles au plus tard le 12 janvier 2012. D'ici-là, Free devra assurer le développement de son réseau : définition du planning radio, recherche et négociation des sites (partagés le cas échéant avec les opérateurs existants ou nouveaux sites exploités en propre), livraison et installation des équipements, et finalisation d'un accord d'itinérance national avec un opérateur mobile historique. En effet, la décision de l'ARCEP accorde à Free la possibilité d'accéder au réseau d'un des opérateurs mobiles historiques, par le biais d'un accord d'itinérance GSM d'une durée de 6 ans, dès lors qu'il sera parvenu à couvrir 25 % de la population avec son propre réseau 3G. L'entreprise est en cours de négociation pour conclure cet accord d'itinérance.

2. LES PRATIQUES EXISTANTES

72. Si l'utilisation croisée des bases de clientèle s'est accentuée avec la multiplication des opérations de concentration dans le secteur des télécommunications et l'accroissement du nombre d'opérateur intégrés, cette pratique n'est pas nouvelle. En effet, comme le souligne l'ARCEP dans son avis du 23 février 2010, certains opérateurs initialement présents sur le marché de la téléphonie fixe se sont appuyés sur leur base d'abonnés au service fixe pour se lancer sur le marché de la téléphonie mobile en tant qu'opérateur mobile virtuel.

73. Aujourd'hui, Bouygues Telecom, SFR et, dans une moindre mesure, France Télécom, pratiquent le croisement de leurs bases de clientèle pour s'implanter ou renforcer leur position sur le marché de l'accès Internet haut débit ou pour consolider leur base d'abonnés mobiles. Cette pratique est parfois accompagnée d'offres de couplage, prenant la forme d'une convergence commerciale ou technique.

a) Bouygues Telecom

74. A partir du 20 octobre 2008, le lancement sur le marché du haut débit de l'offre "Bbox" a été accompagné de l'utilisation croisée des données des clients du service de téléphonie mobile de l'entreprise (démarchage par courrier et courriel), accompagnée de propositions d'avantages pérennes :

- Jusqu'au 25 mai 2009, date de lancement de l'offre "Idéo", Bouygues Telecom offrait 6 heures d'appel vers les mobiles depuis la box à ses clients "Forfait non bloqué" et Universal Mobile souscrivant à l'offre "Bbox" (contre 3 heures pour les nouveaux clients "Bbox" sans offre mobile Bouygues Telecom).

- En septembre 2009, une offre "Bbox" incluant l'enregistreur numérique a été proposée aux clients mobiles (soit une offre " triple-play " à 29,90 € par mois avec l'enregistreur numérique inclus correspondant à une économie de 5 € par mois).

- Depuis le début du mois de février 2010, une offre "Bbox" " triple-play " incluant l'enregistreur numérique est proposée aux clients mobiles de Bouygues Telecom à 19,90 € par mois au lieu de 29,90 € par mois.

75. Le lancement de l'offre " quadruple play " "Idéo" a également été accompagné de l'utilisation croisée de la base de clientèle mobile par marketing direct (courriers et courriels dédiés, y compris en accompagnement de la facture, et démarchage direct des clients par téléphone) à partir de juin 2009. Cette campagne était surtout destinée à informer les clients mobiles de Bouygues Telecom du lancement de l'offre. "Idéo" est en effet commercialisée auprès de l'ensemble du grand public sans qu'aucun avantage particulier ne soit accordé à la clientèle existante de Bouygues Telecom, fixe ou mobile, par rapport aux nouveaux clients.

76. L'offre "Idéo" procure plusieurs types d'avantages aux consommateurs, par rapport aux mêmes offres souscrites séparément. Elle donne d'abord lieu à un avantage financier de 16 € par mois par rapport à la souscription d'une offre mobile avec des appels illimités de type " Néo 3" et d'une offre " triple-play " "Bbox". Elle accorde également des avantages non financiers tels qu'un service client unifié avec une double compétence sur le fixe et le mobile, ce qui simplifie la relation du consommateur avec son fournisseur de services, une facture unique pour les deux services et des services de convergence tels que la réception de messages d'alerte sur le mobile lorsqu'un message est déposé sur le répondeur fixe, la mise à disposition de numéros courts depuis la "Bbox" ou le mobile pour l'accès au service client et au répondeur "Bbox", la réception gratuite des courriels avec une adresse électronique en "@bbox.fr" sur le mobile ou la consultation sur Internet au sein d'une messagerie unifiée des messages vocaux du répondeur (5).

77. En outre, les boutiques Bouygues Telecom proposent à la vente l'ensemble des produits de l'opérateur, et les agents commerciaux peuvent y promouvoir les services de téléphonie mobile comme les services haut débit.

b) SFR

78. À la suite du rachat des activités fixes de Télé2, SFR a informé […] les clients Télé2 fixe et Internet de l'existence d'offres mobiles SFR et leur a proposé d'y souscrire. Elle a fait de même […] auprès des clients ADSL Neuf. Cette stratégie a été décrite par le président directeur général de SFR au moment du rachat de Neuf Cegetel : " Le marché du mobile arrivait à maturité, c'était le bon moment pour opérer la convergence avec le fixe. Le potentiel pour vendre de l'ADSL à nos clients en téléphonie mobile et du mobile à nos abonnés à Internet est désormais énorme " (6).

79. SFR a proposé des avantages tarifaires aux clients de ses services de haut débit qui quitteraient leur opérateur mobile pour s'abonner à ses services […].

80. De la même manière, SFR a proposé plusieurs types d'avantages, selon les canaux de souscription (Internet, boutiques, téléphone), à ses clients de téléphonie mobile qui quitteraient leur opérateur haut débit pour s'abonner auprès d'elle, tels que des avantages financiers […] ou des avantages sur les options […].

81. En outre, les boutiques SFR proposant à la vente l'ensemble des produits de l'opérateur, les agents commerciaux peuvent y promouvoir les services de téléphonie mobile ainsi que les services haut débit.

c) France Télécom

82. France Télécom déclare n'avoir pas mis en œuvre de stratégie de croisement de ses bases de clientèle, excepté [quelques rares] expérimentations […].

83. Depuis octobre 2009, France Télécom commercialise l'offre "Net et Mobile" proposant aux clients mobiles Orange de compléter leur forfait mobile par une offre d'accès à Internet haut débit fixe "Net". Cette offre ne donne pas lieu stricto sensu à une remise de couplage mais à un avantage sur le forfait mobile : appels illimités vers les fixes, SMS illimités, etc. Elle permet aussi au client d'avoir une facture et un service client uniques pour les services mobile et haut débit.

84. France Télécom commercialise également depuis janvier 2009 l'option "Unik" auprès de ses abonnés mobiles, qui permet, combinée avec l'offre d'accès à Internet haut débit "Net" d'effectuer avec les terminaux mobiles compatibles des appels illimités vers les téléphones fixes en France métropolitaine lorsque le client est connecté à sa "Livebox". L'offre "Unik" constitue l'une des offres de convergence technique les plus abouties du marché.

85. En outre, les boutiques France Télécom proposant à la vente l'ensemble des produits du groupe, les agents commerciaux peuvent y promouvoir les services de téléphonie mobile ainsi que les services haut débit.

86. De même, si le site Internet Orange n'est pas dédié à la téléphonie mobile ou au haut débit, les clients se voient accorder des avantages dans le cas d'abonnements multiples tels que le regroupement des points de fidélité liés à leurs différents abonnements.

3. LES EFFETS DE CES PRATIQUES

87. Dans son avis du 23 février 2010, l'ARCEP souligne que l'essor des pratiques d'utilisation croisée des bases de clientèle et d'offres de convergence pourrait être de nature à modifier les équilibres concurrentiels sur les différents marchés de détail concernés. Si elle ne constate pas d'évolutions majeures sur le marché de la téléphonie mobile, elle note des évolutions récentes sur le marché de l'accès à Internet haut débit.

88. Selon les données fournies par l'ARCEP, France Télécom détient, au 31 décembre 2009, une part de marché estimée à [45 % à 55 %] sur le marché résidentiel du haut débit alors que ses principaux concurrents, Iliad et SFR détiennent chacun environ [20 % à 25 %] de parts de marché. Les autres fournisseurs d'accès à Internet (Numéricâble, Bouygues Telecom et Darty) représentent, ensemble, moins de 10 % du parc des abonnés.

89. S'agissant des recrutements nets (nouveaux abonnements moins résiliations), les situations de France Télécom et d'Iliad se sont nettement dégradées au long de l'année 2009 (passant de [45% à 55 %] au quatrième trimestre 2008 à [20 % à 35 %] au quatrième trimestre 2009 pour France Télécom et de [20 % à 30 %] à [5% à 20%] pour Iliad). Inversement, la situation de SFR et de Bouygues a connu une progression constante (passant de 0 % à [20% à 35 %] pour Bouygues Télécom et de [15 % à 30 %] à [25% à 40%] pour SFR). Au cours de cette année, les parts de marché en acquisitions nettes des opérateurs se sont donc écartées sensiblement de leurs parts de marché en nombre d'abonnés.

Évolution des parts de marché en conquête nettes en 2009

[…]

90. Au cours du premier trimestre 2010 ce constat s'est confirmé, et les parcs de SFR et de

Bouygues Télécom ont progressé davantage que ceux d'Iliad et de France Télécom.

Evolution du nombre d'acquisitions nettes des principaux opérateurs

<emplacement tableau>

91. Les acquisitions nettes résultent néanmoins du cumul de deux phénomènes. Le premier est lié à la capacité des opérateurs à conquérir de nouveaux clients (acquisitions brutes). Le second est lié à la capacité des opérateurs à conserver leurs clients en parc (taux de résiliation). Or, s'agissant des acquisitions brutes, la situation de France Télécom est restée à un niveau relativement stable au cours de l'année 2009 […], si bien que les contre-performances de l'opérateur semblent devoir s'expliquer davantage par les difficultés à conserver ses clients plutôt qu'à recruter de nouveaux clients.

92. Selon France Télécom, l'efficacité commerciale des pratiques d'utilisation croisée de bases de clientèle mises en œuvre par SFR et Bouygues Telecom, liée au volume et à la qualité des données croisées ainsi qu'au lancement d'offres de couplage, est manifeste. En effet, le développement de ces pratiques par SFR en début d'année 2009, et par Bouygues Telecom à l'occasion du lancement d'"Idéo", est concomitant avec la progression enregistrée par ces opérateurs sur le marché.

93. Cependant, force est de constater que les performances hétérogènes des opérateurs ne sont pas uniquement imputables à l'utilisation croisée de bases de clientèle.

a) S'agissant de Bouygues Telecom

94. La part de marché haut débit de Bouygues Telecom au quatrième trimestre 2009 est estimée à [0 à 7 %], avec une part de conquêtes brutes de [10% à 25%] et une part de conquêtes nettes de [15% à 30%].

95. Sa performance est caractérisée par un niveau de conquête en hausse et un taux de résiliation très bas. Ce faible taux de résiliation est lié à son arrivée récente sur ce marché, en comparaison avec les durées moyennes d'abonnement. Ses performances en matière d'acquisition nette s'expliquent par une surreprésentation du nouvel entrant par rapport aux opérateurs installés.

96. Par ailleurs, il apparaît que l'utilisation croisée des données de ses clients de téléphonie mobile, tant sur l'offre "Bbox" que sur l'offre "Idéo" a donné des résultats limités. Ainsi, l'ensemble des campagnes "Bbox" réalisées en 2008 et 2009 n'a permis d'enregistrer que […] [quelques milliers de] ventes supplémentaires. À titre d'exemple, le taux de transformation de la dernière campagne de marketing direct organisée par courrier, courriels et contacts téléphoniques […] n'a été que de [inférieur à 1%]. Cette faible performance est illustrée par le schéma ci-dessous, qui met en relation les différentes campagnes de presse ("Pr"), télévision ("TV") et marketing direct ("MD") relatives à l'offre "Idéo" avec les souscriptions hebdomadaires à cette offre en 2009. La courbe d'acquisition des clients mobile Bouygues Telecom suit celle des non-clients.

Performance des campagnes de marketing direct de Bouygues Telecom

[…]

97. Bouygues Telecom estime par ailleurs qu'en ce qui la concerne, l'impact des campagnes d'exploitation croisée des données de ses clients de téléphonie mobile est nécessairement limité puisque ceux-ci ne représentent que [15 à 25 %] des foyers équipés pour ce service.

98. En revanche, Bouygues Telecom souligne que les acheteurs de l'offre "Idéo" ont surtout réagi aux campagnes de presse et de télévision organisées de mai à décembre 2009. Le taux de recrutement de Bouygues Telecom sur le marché du haut débit a donc davantage été favorisé par les remises de couplage liées à l'offre " quadruple play " de l'opérateur. En effet, l'offre "Idéo" présente un avantage financier significatif pour le consommateur.

99. Par ailleurs, il apparaît que les ventes en boutiques Bouygues Telecom représentent un vecteur important de recrutement. En revanche, le poids de la vente à distance (comprenant les sollicitations des clients par téléphone, courrier ou courriel) a […] chuté.

b) S'agissant de SFR

100. La part de marché haut débit de SFR au quatrième trimestre 2009 est estimée à [20% à 25%], avec un taux qu'acquisitions brutes de [20% à 35%] et un taux d'acquisitions nettes de [25% à 40%].

101. Cette bonne performance trouve d'abord sa justification dans l'utilisation croisée des données des clients de téléphonie mobile de SFR, même si elle soutient que cette technique ne représente qu'une part infime de ses performances sur le marché. En effet, selon cette société, le volume de clients mobile ayant souscrit à une offre ADSL via une opération d'utilisation croisée de bases de clientèle entre juillet 2008 et janvier 2010 représenterait [moins de 10%] des ventes brutes pour ce type de services.

102. La performance de SFR est également liée à la baisse de son taux de résiliation, qui a contribué très fortement à la croissance nette du parc d'abonnés ADSL de SFR. Cette réduction du taux des personnes quittant leur fournisseur d'accès à Internet pour un autre (churn), s'explique par les investissements réalisés pour améliorer la qualité du réseau, des services et de la relation avec la clientèle, ainsi que par la migration technique et commerciale de clients issus des bases hétérogènes rachetées dans le passé (Club Internet, Tele2, Neuf Cegetel...). Selon SFR, l'investissement réalisé sur la qualité de service a permis d'accroitre très fortement la satisfaction des clients et donc leur intention de conserver leur abonnement, mais aussi leur volonté de recommander la "Neufbox" de SFR à un proche. Or, cela est particulièrement important sur le marché de l'ADSL qui est un marché de prescription où le bouche à oreille joue un rôle majeur dans le choix du fournisseur (un tiers des clients recrutés par SFR à la fin de l'année 2009 indiquent avoir suivi la recommandation d'un proche).

103. De plus, à l'occasion de la refonte de l'offre ADSL de Neuf Cegetel pour le lancement de l'offre "Neufbox" en octobre 2008, SFR a ajouté à son offre " triple-play " le "Service SFR" qui recouvre l'installation garantie (installation gratuite à domicile par un technicien en cas de problème), le dépannage sous 48 h et l'accès aux 800 espaces de vente SFR pour obtenir une assistance. Cela a permis à SFR d'attirer les clients les moins habitués à l'usage des nouvelles technologies et donc d'enregistrer des ventes supplémentaires auprès des primo-accédants (clients qui n'avaient pas d'accès Internet avant de choisir SFR). Les chiffres communiqués par SFR montrent que ses recrutements parmi les primo-accédants s'établissent à un niveau nettement supérieur à la moyenne du marché. Or, les primo- accédants étaient jusqu'alors recrutés principalement par Orange.

104. Enfin, la refonte de l'offre ADSL de SFR s'est accompagnée de la commercialisation de celle-ci auprès de points de ventes physiques. Cette large couverture en matière de distribution a permis d'attirer les clients souhaitant bénéficier d'un point de vente physique délivrant assistance et conseils. La commercialisation dans les points de vente physiques représentait, en 2009, [35 à 55 %] des ventes de la "Neufbox", contre [15 à 35 %] en 2007.

c) S'agissant d'Iliad

105. La part de marché haut débit d'Iliad (Free et Alice depuis le 1er janvier 2009) au quatrième trimestre 2009 est estimée à [20% à 25%], avec un taux d'acquisitions brutes de [15% à 30%] et un taux d'acquisitions nettes de [5% à 20%].

106. Ces moins bonnes performances ne s'expliquent pas par la légère détérioration du niveau des acquisitions brutes mais par un taux de résiliation très élevé des abonnés aux offres haut débit d'Alice.

107. En effet, Free a maintenu sa part de marché sur les acquisitions brutes en 2009. Les représentants d'Iliad ont ainsi déclaré, pour Free : " nous n'observons pas de migrations massives dues au cross selling ".

108. En revanche, les clients d'Alice ont massivement changé de fournisseur d'accès à Internet à la suite du rachat de l'entreprise. Les représentants d'Iliad ont ainsi déclaré : " notre perte d'abonnés n'est pas uniquement due au cross selling. En effet, après le rachat d'Alice, nous avons procédé à des rationalisations pour enrayer les pertes [financières] ". Les près de 200 anciennes offres Alice ont ainsi été regroupées en deux offres principales. Cette standardisation s'est traduite, pour certains clients, par des hausses tarifaires ou par des modifications des conditions commerciales, qui ont favorisé le départ d'un certain nombre d'abonnés. Par ailleurs, des migrations techniques de grande ampleur ont été effectuées pour transférer les abonnés Alice sur le réseau Free. Celles-ci ont occasionné des interruptions de service qui ont mécontenté certains abonnés.

109. Enfin, les mauvaises performances d'Alice s'expliquent également par la diminution des investissements marketing d'Iliad (faible exposition de la marque) et par l'arrêt de la vente des "Alicebox" dans les points de vente physiques (grandes enseignes). En effet, ce canal de vente, qui représentait environ [5 à 25 %] des ventes d'Alice en 2008, a été supprimé dès le rachat d'Alice par Iliad.

d) S'agissant de France Télécom

110. La part de marché haut débit de France Télécom au quatrième trimestre 2009 est estimée à [45% à 55%], avec un taux qu'acquisitions brutes de [30% à 45%] et un taux d'acquisitions nettes de [20% à 35%].

111. Si France Télécom impute principalement ses performances relativement modestes à l'utilisation croisée de bases de clientèle pratiquée par ses concurrents, les représentants du groupe admettent que " le développement de la commercialisation en points de vente physiques peut en partie expliquer les performances de Bouygues Télécom et de SFR sur le marché du haut débit au cours de 2009 ". En effet, alors que France Télécom était le seul fournisseur d'accès à Internet à disposer de ses propres points de vente physiques, il a été rejoint par Bouygues Telecom et SFR en 2009, ce type de commercialisation représentant une part importante de la vente d'offres " triple-play " de ces opérateurs.

112. Par ailleurs, les prix pratiqués par Orange pour ses offres haut débit sont en moyenne plus élevés que ceux de ses concurrents. Or, comme le souligne l'ARCEP dans son avis du 23 février 2010, " en période de crise, l'effet prix peut se substituer à l'effet marque, compte tenu du fait que les consommateurs sont plus attentifs à l'ensemble de leurs postes de dépense. Ainsi, le comportement du consommateur, en situation de crise économique, pourrait être défavorable à Orange, étant donné le niveau tarifaire de ses offres sur le marché du haut débit ". France Télécom remarque qu'Orange est à peine parvenue à maintenir un taux de résiliation stable " malgré des campagnes promotionnelles beaucoup plus intenses qu'avant et un repositionnement tarifaire des offres ". En effet, Orange a baissé le prix de son offre "Net" de 39,90 € à 34,90 € au début du troisième trimestre 2009. Mais ce prix restait sensiblement supérieur aux tarifs des forfaits " triple play " de ses concurrents, alors même que l'offre "Net" ne comprend pas d'appels gratuits vers des destinations à l'international. Depuis le 10 juin, l'offre " Net plus " est passée de 39,90 euros à 34,90 euros. Cette offre comprend des appels illimités vers plus de 100 destinations. Cependant, même après cette baisse, son prix restera plus élevé que celui des offres des autres opérateurs du marché (5 € de plus par mois pour le forfait et 3 € de plus par mois pour la location de la "Livebox"). Le nouveau forfait "Net Plus" comprendra néanmoins une heure de communications gratuites vers les téléphones mobiles en France, à la différence des offres concurrentes.

113. En conclusion, compte tenu du manque de recul sur la mise en œuvre de ces pratiques, il convient de rester prudent quant à l'évaluation de l'impact de l'utilisation croisée de bases de clientèle sur la concurrence. Les évolutions constatées sur le marché du haut débit semblent cependant montrer que l'attractivité tarifaire des offres couplées produit des effets plus significatifs que l'utilisation croisée de bases de clientèle.

B. LES POSSIBILITES D'ACTION DES ACTEURS DOMINANTS

114. La diversification des opérateurs sur des marchés connexes à leur métier d'origine, par croissance externe, par développement interne ou par partenariat, conduit à un modèle de plus en plus partagé, celui de "l'opérateur universel", actif à la fois sur le marché fixe et sur le marché mobile. Tirant parti d'une relation globale avec ses clients, l'opérateur universel devient le point de passage privilégié de ces derniers pour un nombre croissant de services. Cette évolution incite logiquement les opérateurs à utiliser de manière croisée leurs bases de clientèle fixe et mobile, ce qui se traduit notamment par l'émergence d'offres de convergence technique ou commerciale.

115. Cette évolution n'est pas forcément négative pour la concurrence et pour les consommateurs. Elle traduit d'abord une certaine maturité des opérateurs alternatifs face à France Télécom qui, historiquement, était le seul à être présent sur l'ensemble des marchés des télécommunications. Elle peut aussi entraîner une dynamisation de la concurrence, en facilitant l'entrée d'opérateurs mobiles sur le marché fixe ou l'inverse. L'utilisation croisée des bases de clientèle et les offres de convergence peuvent ensuite se traduire par des gains d'efficacité susceptibles d'être transmis aux consommateurs, tels qu'une simplification de la relation commerciale entre l'opérateur et son client, des réductions de prix résultant d'économies de coûts, ou encore l'émergence de nouvelles fonctionnalités offrant une plus grande continuité entre les usages fixes et mobiles.

116. L'orientation du marché vers le modèle de l'opérateur universel n'est cependant pas sans risques pour la concurrence et pour les consommateurs. En particulier, la capacité hétérogène des acteurs à intervenir sur l'un ou l'autre des marchés fixe et mobile pourrait conduire à des distorsions de concurrence, susceptibles de limiter les gains d'efficacité et leur transmission aux consommateurs. Le fait que les conditions d'accès au marché mobile soient aujourd'hui restreintes exacerbe ce risque, et pourrait conduire à terme à l'éviction de certains acteurs.

117. Dans les développements qui suivent, les possibilités d'action des opérateurs en termes d'utilisation croisée des bases de clientèle et d'offres de convergence sont examinées au regard du droit de la concurrence (2), compte tenu de la délimitation des marchés pertinents concernés et de la position occupée par les opérateurs sur ces marchés (1).

1. LES MARCHES CONCERNES ET LA DOMINANCE

118. La qualification d'une pratique et la détermination d'une position dominante se font au regard d'un marché, à l'intérieur duquel s'exerce la concurrence entre les entreprises. Ainsi, dans sa communication du 9 décembre 1997 sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97-C 372-03), la Commission indique que " la définition d'un marché, au niveau tant des produits que de sa dimension géographique, doit permettre de déterminer s'il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement des entreprises en cause ou de les empêcher d'agir indépendamment des pressions qu'exerce une concurrence effective " ; " Un marché de produits comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés. Le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ".

a) Sur la délimitation des marchés pertinents

En ce qui concerne le marché de détail du haut débit

119. Initialement limitées à la seule fourniture d'un accès à Internet, les offres haut débit se sont considérablement enrichies au long de la décennie. Les offres commercialisées par les opérateurs sur le marché résidentiel sont aujourd'hui le plus souvent des offres " triple-play " ou plus généralement des offres multiservices. Elles fournissent, en sus d'un accès à Internet à haut débit, un service téléphonique de voix sur large bande ainsi que, pour les clients éligibles (7), un nombre croissant de services audiovisuels (chaînes gratuites de télévision, vidéo à la demande, télévision de rattrapage, bouquets de chaînes payantes). Les opérateurs proposent également toute une gamme de services multimédias additionnels : antivirus, contrôle parental, espace de stockage, messagerie électronique, routeur Wifi, serveur FTP, compte SIP, etc.

120. Depuis le développement du dégroupage total et des offres haut débit sur réseaux câblés, les clients ont également la possibilité de souscrire des offres haut débit qui ne sont pas subordonnées à un abonnement téléphonique. Dans ce cas, le client économise le coût de l'abonnement téléphonique (16 € par mois chez France Télécom). Ses appels fixes ne sont alors plus acheminés qu'en voix sur large bande, par le biais de sa connexion haut débit.

S'agissant des marchés de produits et de services

121. Concernant en premier lieu le type de clientèle, les opérateurs distinguent au travers de leurs offres la clientèle résidentielle, celle des très petites entreprises (aussi appelés professionnels) et celle des autres entreprises (PME, grands comptes). Ces offres font apparaître des attentes très spécifiques des entreprises en matière d'accès haut débit : elles peuvent souhaiter disposer de débits garantis, d'offres de réseau privé virtuel (VPN)8, d'engagements sur la qualité de service, ou encore d'un service après-vente pouvant être sollicité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Les entreprises ont par ailleurs une capacité de négociation supérieure, ce qui peut se traduire par la conduite d'appels d'offres et la conclusion d'offres sur mesure. Ces éléments amènent à conclure que la clientèle des particuliers et des professionnels, d'une part, et celle des PME et des grands comptes, d'autre part, n'appartiennent vraisemblablement pas au même marché. Dans l'affaire Telefonica, la Commission a ainsi retenu que : " Le marché pertinent exclut les offres large bande sur mesure, principalement destinées aux grandes entreprises " (décision COMP/38.784 précitée).

122. Concernant en deuxième lieu la substituabilité du côté de la demande, les évolutions mentionnées aux § 114 et 115 conduisent aujourd'hui à une variété très importante d'offres, dont il s'agit d'apprécier dans quelle mesure les consommateurs les considèrent ou non comme substituables les unes aux autres.

123. En ce qui concerne la nature des services offerts, celle-ci couvre un spectre de combinaisons très important, au sein duquel l'accès à Internet haut débit demeure toutefois une constante. Cette variété dans la nature des services offerts peut se traduire par des écarts tarifaires parfois importants. Par exemple, en métropole, SFR propose pour 17,90 € par mois une offre " mono play ", c'est-à-dire limitée à l'Internet seul, et subordonnée à un abonnement téléphonique ainsi qu'à la présélection. Numéricâble propose pour 19,90 € par mois une offre " triple play " d'entrée de gamme (limitée notamment aux chaînes de la TNT gratuite et à quelques chaînes locales et disponible à la condition de disposer d'un décodeur TNT). L'offre " triple play " de Free coûte quant à elle 29,99 € par mois et inclut 103 destinations téléphoniques illimitées, 150 chaînes de télévision, un routeur Wifi, un magnétoscope numérique, etc. Enfin, les offres " triple play " d'Orange font généralement apparaître une différence de prix de 5 € par mois suivant qu'elles sont ou non subordonnées à un abonnement téléphonique.

124. Ces exemples conduisent à envisager deux axes de segmentation possibles et éventuellement cumulables dans la délimitation du ou des marchés du haut débit.

125. Le premier axe de segmentation consisterait à distinguer les offres selon le nombre et le type de services proposés. Du point de vue des consommateurs, les offres multiservices apportent davantage de services et de fonctionnalités que les offres fournissant le seul accès à Internet. Ces services ou fonctionnalités additionnelles peuvent en outre ne pas être disponibles sur le marché indépendamment de l'accès à Internet ou, dans des conditions techniques ou économiques, moins attractives. Il en va par exemple ainsi des communications téléphoniques illimitées vers un nombre important de destinations, de certaines fonctionnalités des terminaux ou " box " (routeur " Wifi ", enregistreur numérique), ainsi que des services audiovisuels, dont certains sont distribués en exclusivité aux clients haut débit de l'opérateur ou d'autres interactifs. De ce fait, les offres multiservices pourraient n'être qu'imparfaitement substituables aux offres " mono play " du point de vue des consommateurs.

126. A cet égard, alors que le Conseil de la concurrence a identifié un unique marché des offres d'accès à l'Internet haut débit au début des années 2000, il a considéré qu'il n'était pas exclu qu'il existe à la fin de la même décennie " un marché de l'accès haut débit aux offres multiservices des opérateurs ADSL, constitué par les offres combinant un accès haut débit à Internet, des services de téléphonie et de télévision sur IP, et incluant sans doute dans un futur proche la téléphonie mobile " (voir, respectivement les décisions n° 07-D-33 précitée et n° 08-D-10 du 7 mai 2008, statuant sur une demande de mesures conservatoires). Le marché des offres multiservices est également celui qui a été retenu par le ministre chargé de l'économie lors de l'examen des concentrations de Neuf Telecom et Cegetel puis de Neuf Cegetel et SFR (voir, respectivement, les décisions n° C2005-44 du 24 juin 2005 et n° C2007-181 du 15 avril 2008).

127. En pratique, segmenter le marché suivant cet axe supposerait toutefois de tracer une ou plusieurs frontières pertinentes au sein du continuum d'offres que proposent les opérateurs. Pour reprendre les exemples cités plus haut, il n'est pas évident de déterminer si l'offre " triple play " d'entrée de gamme de Numéricâble est plutôt substituable (i) à l'offre " mono play " de SFR, compte tenu de la proximité des prix et du nombre limité de chaînes disponibles sur l'offre de Numéricâble, ou (ii) à l'offre de Free, également multiservices. Compte tenu de la variété des combinaisons entre les services ou fonctionnalités, effectivement proposées par les opérateurs ou simplement potentielles, il n'est pas à exclure que les offres haut débit créent une chaîne de substituabilité et qu'elles appartiennent donc à un même marché.

128. Le second axe de segmentation consisterait à distinguer les offres subordonnées à un abonnement téléphonique et celles qui ne le sont pas. En effet, le choix retenu par le client entre les deux options n'est pas sans conséquence pour ce dernier, d'une part, en termes de prix (économie de l'abonnement téléphonique) et, d'autre part, en termes de service, puisque dans le deuxième cas le client perd totalement l'accès au téléphone fixe lorsque le service téléphonique sur large bande ne fonctionne pas, incident susceptible de se produire.

129. Néanmoins, les différences de prix pratiqués par les opérateurs entre ces deux options invitent à la prudence. Si l'écart est généralement de 5 € chez Orange, il est nul chez Free, Numéricâble et, sauf exceptions (notamment en zone non dégroupée ou pour l'offre " mono play "), chez SFR. Ceci pourrait signifier que la décision du client de souscrire ou non à un abonnement téléphonique est, dans une large mesure, indépendante de ses choix en matière d'offres haut débit. Cette hypothèse serait cohérente avec l'analyse selon laquelle l'abonnement téléphonique et les offres haut débit appartiennent à des marchés distincts (voir sur ce point, l'avis n° 08-A-11 du 18 juin 2008 portant sur l'analyse des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe, points 16 et s., excluant à la date de l'avis les offres multiservices sur large bande de type " triple play " du marché de détail de la téléphonie fixe). Si ces produits peuvent en effet être considérés comme substituables par certains clients, d'autres considèrent qu'ils répondent à des besoins différents, voire qu'ils sont complémentaires. On notera ainsi que les foyers français se répartissent à peu près également en trois tiers, suivant qu'ils disposent uniquement d'un abonnement téléphonique, uniquement d'une offre haut débit, ou des deux services.

130. Quel que soit l'axe envisagé, la question de la segmentation du marché du haut débit du point de vue de la demande renvoie finalement à celle de la mobilité des consommateurs entre les différents segments. En effet, le client souscrit généralement à une offre haut débit avec pour objectif principal de disposer d'un accès Internet à haut débit, comme en atteste le fait que deux offres haut débit sont très rarement cumulées, alors que l'on observe toutes les combinaisons possibles entre les offres haut débit, les offres de services téléphoniques et les offres de services audiovisuels au sein d'un même foyer. Lorsqu'il choisit une offre haut débit, le client paraît ainsi arbitrer, non seulement en fonction de la qualité et du prix de l'accès à Internet, mais aussi en tenant compte de la valeur qu'il attribue à chacun des autres services (téléphone, télévision, etc.) ou des autres fonctionnalités (subordination à l'abonnement téléphonique, caractéristiques du terminal, etc.) qui lui sont proposés. Si les préférences des consommateurs peuvent diriger de manière privilégiée certaines catégories de clientèle vers certaines offres de la gamme, délimitant différents segments de marché, il n'en demeure pas moins que des évolutions relatives de prix peuvent amener certains d'entre eux à modifier leur arbitrage et donc à changer de segment. La question de la substituabilité entre ces segments renvoie ainsi à l'intensité des préférences et aux coûts d'entrée ou de sortie éventuels que supportent les clients. Or, une telle analyse dépasse le cadre du présent avis.

131. Concernant en troisième lieu la substituabilité de l'offre, il s'agit d'apprécier l'importance des investissements complémentaires que devrait réaliser un opérateur proposant uniquement des offres d'accès à Internet haut débit pour fournir des offres haut débit incluant d'autres services ou fonctionnalités. Sur le plan des équipements techniques, si certains des investissements nécessaires ont pu être significatifs par le passé, ils semblent plus limités aujourd'hui par l'effet de la standardisation. Néanmoins, la fourniture de services audiovisuels suppose (hormis pour les câblo-opérateurs historiquement présents) : (i) de desservir les centraux téléphoniques par un réseau de collecte en fibre optique, déployé en propre ou loué à un tiers, ou encore d'acheter de la capacité sur un satellite ; (ii) de négocier avec les éditeurs de chaînes de télévision et les ayants droits. Les dépenses y afférentes, qui se présentent en grande partie sous la forme de coûts fixes, peuvent être significatives pour un opérateur ne disposant pas d'économies d'échelle suffisantes.

132. Force est toutefois de constater que l'ensemble des offreurs présents actuellement sur le marché de détail (Orange, Free, SFR, Numéricâble, Bouygues Telecom, Darty) proposent l'ensemble de la gamme des offres haut débit. Le marché du haut débit a certes connu un mouvement de concentration ces dernières années, en partie imputable aux investissements nécessaires pour fournir les offres multiservices, mais il demeure un nombre substantiel d'acteurs sur le marché. L'expérience passée tend donc à démontrer qu'un monopoleur hypothétique sur le segment des offres haut débit multiservices ne pourrait pas durablement et de manière substantielle monter ses prix au-delà du prix de concurrence sans que des offreurs présents sur le segment des offres " mono play " ne viennent le concurrencer.

133. Il résulte de ce qui précède que le marché des offres haut débit à destination des particuliers et des professionnels est susceptible de constituer un marché pertinent au sens du droit de la concurrence. Il n'est cependant pas exclu que des marchés plus étroits puissent être identifiés, notamment un marché des offres haut débit multiservices incluant des services audiovisuels, à condition de pouvoir en tracer les limites avec suffisamment de certitude et de stabilité.

S'agissant des marchés géographiques

134. La pression concurrentielle qui s'exerce sur le marché n'est pas homogène sur le territoire. Les opérateurs alternatifs obtiennent collectivement des résultats commerciaux bien meilleurs dans les zones dégroupées. Les offres fondées sur les réseaux câblés, situées elles aussi dans les zones les plus denses, conduisent également à accroître la pression concurrentielle dans ces zones. Le graphe suivant fournit une approximation (9) de la part de marché d'Orange en fonction de la densité de population, à laquelle sont superposées en " vue d'artiste " les zones couvertes par les réseaux câblés et par le dégroupage :

Parts de marché géographique d'Orange

[…]

135. Il ressort de ces évaluations qu'Orange disposerait d'une part de marché d'environ [30% à 50%] dans les zones câblées (représentant environ 40% de la population) et de près de [50% à 60%] dans le reste du territoire. Les chiffres, au 3l mars 2009, présentés par l'ARCEP dans son avis du 23 février 2010, indiquent en outre, que la part de marché d'Orange dans les zones dégroupées (représentant 76 % de la population) se situe à un niveau sensiblement inférieur à sa valeur en moyenne nationale [35 à 50 %], et qu'inversement elle apparaît sensiblement supérieure à sa valeur en moyenne nationale dans les zones non dégroupées [60 à 75 %]. Or, ce sont dans les zones couvertes par les réseaux câblés et par le dégroupage que les opérateurs alternatifs disposent de la plus grande maîtrise de leurs infrastructures et donc, de la capacité à se différencier sur un plan technique et économique. Il n'est donc pas exclu que les différences de parts de marché observées entre ces zones traduisent la capacité hétérogène de la concurrence à s'y exercer, ce qui pourrait justifier la délimitation de deux marchés géographiques distincts.

136. Néanmoins, à l'exception des offres fondées sur les réseaux câblés qui, par définition, n'existent que dans les zones d'emprise du câble, les offres des autres opérateurs sont relativement homogènes sur le plan national. Les obligations d'accès qui pèsent sur France Télécom valent pour l'ensemble du territoire, si bien que, lorsque le dégroupage devient trop coûteux au regard des coûts fixes qui doivent être amortis, les opérateurs alternatifs utilisent l'offre de " bitstream " (10) pour leur complément de couverture. De cette manière, ils sont donc toujours en mesure de proposer, sur le marché de détail, une alternative concurrentielle à celle de France Télécom. L'homogénéité des offres permet en outre aux opérateurs de définir leurs campagnes de communication à une échelle nationale.

137. Finalement, les zones denses et moins denses se distinguent principalement par la disponibilité ou non d'un service de télévision dans le cadre d'offres multiservices. Les opérateurs ADSL ne peuvent pas, pour ces services, recourir à l'offre de gros de " bistream " comme complément de couverture, car celle-ci ne permet pas de véhiculer des flux audiovisuels de manière adaptée. Cette différence est atténuée depuis le lancement par Orange d'offres multiservices véhiculant le signal audiovisuel par satellite, y compris en zones non dégroupées. Il n'en demeure pas moins que les autres opérateurs ne proposent de services audiovisuels dans le cadre d'offres multiservices qu'à environ la moitié de la population.

138. En conséquence, la dimension géographique du ou des marchés de détail du haut débit demeure une question ouverte. En particulier, si un marché des offres haut débit multiservices incluant des services audiovisuels devait être identifié, cette délimitation du marché de produits pourrait s'accompagner d'une segmentation géographique, en fonction de la capacité des opérateurs alternatifs à fournir ces offres aux foyers concernés.

139. Il convient en outre de distinguer le territoire métropolitain des départements d'outre-mer (DOM), les conditions de concurrence n'y étant pas les mêmes. En effet, les acteurs y sont en partie différents et les marchés se caractérisent par des offres significativement plus chères qu'en métropole, pour un niveau de service moindre.

En ce qui concerne le marché de détail de la téléphonie mobile

S'agissant des marchés de produits et de services

140. Les marchés de détail de la téléphonie mobile ont déjà fait l'objet de nombreuses décisions des autorités de concurrence, tant nationale que communautaire.

141. Les recommandations successives de la Commission européenne relatives à la régulation ex ante, et notamment les notes explicatives qui y sont annexées fournissent des éléments sur la définition des marchés du secteur des communications électroniques, tel que le marché de détail de la téléphonie mobile (voir, en dernier lieu, la recommandation de la Commission du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002-21-CE). La note relative à la recommandation du 17 décembre 2007 indique que :

- une distinction générale doit être établie entre les marchés fixes et les marchés mobiles dans la mesure où il ne peut être établi que la tarification des services mobiles exerce systématiquement une contrainte sur les tarifs de services fixes ;

- les offres mobiles sont commercialisées sous la forme de bouquets (" bundles ") incluant un grand nombre de services (accès au réseau, y compris à l'étranger, communications vocales nationales et internationales, SMS, MMS, échanges de données, etc.). Ces services pourraient être commercialisés séparément, mais ceci impliquerait que les consommateurs utilisent plusieurs cartes SIM ou plusieurs terminaux mobiles. En outre, la substituabilité de l'offre est très importante entre ces services. La Commission conclut que " le marché pertinent devrait inclure un bouquet de produits, produits qui constituent autant de services non substituables entre eux " (11) ;

- les offres prépayées et post-payées peuvent également être considérées comme faisant partie d'un même marché, " La substituabilité tant du côté de l'offre que du côté de la demande semble être importante, en particulier s'agissant du passage des offres prépayées vers les offres post-payées ".

142. La Commission a confirmé cette analyse dans la décision de concentration T-Mobile Austria/tele.ring du 26 avril 2006 (COMP/M.3916). Elle indique que les offres fondées sur les réseaux 2G et sur les réseaux 3G devaient, au cas d'espèce, être considérées comme appartenant au même marché.

143. Sur le plan national, l'Autorité de la concurrence s'est prononcée sur cette question à l'occasion de la décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane. Elle a ainsi rappelé que la téléphonie mobile constituait un marché distinct des services de téléphonie fixe (point 188). Elle a également envisagé, tout en laissant cette question ouverte, une subdivision du marché des services de téléphonie mobile en plusieurs marchés distincts selon que la clientèle adressée est résidentielle ou professionnelle (point 189).

S'agissant des marchés géographiques

144. L'entrée sur le marché mobile n'est pas libre en ce sens qu'elle est subordonnée à l'octroi d'une autorisation d'utilisation de fréquences. En France, des licences particulières sont octroyées pour la métropole et pour différentes zones géographiques des DOM. Ces territoires constituent donc des marchés distincts.

145. Il n'est, par ailleurs, pas pertinent de procéder à une segmentation plus fine pour le territoire métropolitain. En effet, la nature des services de téléphonie mobile y est homogène, les concurrents sont les mêmes, et les préférences des consommateurs sont similaires dans toutes les régions françaises de métropole, ne différant que marginalement en fonction des services offerts.

b) Sur la position des entreprises sur ces marchés pertinents

Sur le marché de détail du haut débit

En métropole

146. Ainsi que l'indique l'ARCEP dans son avis du 23 février 2010 précité, le marché de détail du haut débit fixe a été caractérisé en 2009 " par un fort dynamisme avec un parc en croissance de 11 %, entre le 1er novembre 2008 et le 30 septembre 2009, soit +1,856 million d'abonnés. Au 30 septembre 2009, la France comptait environ 19,145 millions d'accès haut débit et très haut débit fixe, dont 18,030 millions par ADSL ". Au cours de l'année 2009, la structure de l'offre a par ailleurs évolué, avec les rachats de Club Internet et d'Alice, respectivement par SFR/Neuf et Iliad, l'installation de Bouygues Telecom accompagnée de la commercialisation de son offre couplée "Idéo", et les bonnes performances de SFR.

147. À l'issue de l'année 2009, il apparaît que les parts de marché en conquête, qu'elles soient observées en valeur brute, ou nette des résiliations, se sont nettement éloignées des parts de marché en parc. Ce phénomène paraît normal pour les nouveaux entrants sur un marché relativement mature, à l'instar de Bouygues Telecom. À l'échelle d'une année, cet écart semble traduire une évolution profonde des forces en présence sur le marché.

<emplacement tableau>

148. On constate, par ailleurs, sur ce dernier trimestre, que les performances relativement modestes de certains opérateurs, en 2009, s'expliquent tout autant par une difficulté accrue pour conquérir de nouveaux clients que par un taux de résiliation important (cf. point 113 ci-dessus).

149. Qu'elle soit exprimée en volume ou en valeur, la part de marché de France Télécom, s'établit à un niveau légèrement inférieur à [45 % à 55 %].

Parts de marché en valeur des opérateurs

[…]

150. En ce qui concerne les prix, si les tarifs pratiqués par France Télécom ont récemment connu une évolution significative, se rapprochant des standards du marché (cf. point 112 ci-dessus), ils demeurent sensiblement supérieurs à ceux de ses concurrents (5 € à 8 € par mois supplémentaires selon que le client loue ou non une " Livebox "), même si la nouvelle offre " Net Plus " d'Orange propose, à la différence des offres concurrentes, une heure de communication gratuite vers les téléphones mobiles en France.

151. La position d'Orange sur le marché du haut débit est, en outre, renforcée par la position détenue par le groupe France Télécom sur d'autres marchés : (i) la position de France Télécom reste prééminente sur les infrastructures (boucle locale cuivre, fourreaux de génie civil) et les offres de gros (" bitstream "), sur lesquelles s'appuient l'ensemble des opérateurs pour servir le marché aval, ce qui avantage France Télécom dans les zones où les opérateurs concurrents sont fortement dépendants de ces infrastructures ou de ces offres de gros (par exemple, la part de marché de France Télécom est de [60 à 75 %] dans les zones non dégroupées) ; (ii) Orange dispose d'une position significative sur le marché mobile, ce qui peut conférer un avantage au groupe France Télécom pour développer des offres de convergence technique ou commerciale ; (iii) Orange a lancé, en 2008, un bouquet de chaînes payantes distribué en exclusivité à ses clients haut débit, dont les effets possibles sur la concurrence ont été soulignés par l'Autorité dans son avis n° 09-A-42 du 7 juillet 2009 ; (iv) France Télécom dispose d'environ [significativement supérieur à 70%] du marché de l'abonnement téléphonique, ce qui pourrait expliquer son attractivité auprès des clients haut débit qui ont conservé cet abonnement (sur ces clients, la part de marché d'Orange est de [significativement supérieur à 50%]).

152. Ainsi, compte tenu de sa part de marché proche de 50%, de sa capacité à maintenir des prix plus élevés que ses concurrents, de sa présence sur d'autres marchés, pouvant favoriser des positions prééminentes sur certains segments de marché du haut débit, France Télécom est susceptible de disposer d'une position dominante sur le marché du haut débit sur le territoire métropolitain.

153. Néanmoins, si le segment des offres haut débit multiservices incluant des services audiovisuels dans les zones concurrentielles devait constituer un marché pertinent, il est possible que France Télécom ne dispose pas d'une position dominante sur ce marché. En effet, dans ces zones, les opérateurs alternatifs disposent de leurs propres infrastructures et certains d'entre eux ont acquis une part de marché équivalente à celle de France Télécom, parfois en étant les premiers à apporter ces services.

Dans les DOM

154. Dans sa décision n° 09-D-24 du 28 juillet 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM, l'Autorité avait estimé que, compte tenu de la constance de parts de marché très importantes, de leur faible érosion malgré l'entrée de nouveaux concurrents, de son statut d'opérateur historique et de capacités financières sans commune mesure avec celles des opérateurs alternatifs locaux, France Télécom occupait, au milieu des années 2000, " une position dominante sur les marchés de la téléphonie fixe et de l'accès à Internet à haut débit dans l'ensemble des départements ultramarins " (point 152).

155. Au 30 juin 2009, France Télécom conservait une part de marché sur le marché de détail résidentiel du haut débit dans les départements d'outre-mer très largement supérieure aux niveaux de la métropole (12) :

156. France Télécom est ainsi susceptible de disposer encore aujourd'hui d'une position dominante dans les DOM. Il n'est cependant pas exclu que l'entrée de SRR dans la zone Réunion-Mayotte en février 2010, puisse un jour modifier cette situation.

Sur le marché de détail de la téléphonie mobile

En métropole

157. Le marché de la téléphonie mobile pour les clients résidentiels en métropole est dans une phase de maturité : le taux de pénétration était d'environ 95,1 % en France métropolitaine fin décembre 2009, avec un nombre d'utilisateurs (nombre de cartes SIM en service) de 59,7 millions à la fin du troisième trimestre 2009. Les abonnements de type forfaitaire " post-payés " sont très largement majoritaires (69,5 % au troisième trimestre 2009) et leur nombre augmente sur un rythme annuel régulier et supérieur à 8 % depuis le milieu de l'année 2007. Le nombre de cartes prépayées progresse légèrement.

158. Le revenu des services mobiles (téléphonie et transport de données) s'élève à 4,8 milliards d'euros au troisième trimestre 2009 et sa croissance annuelle s'est depuis le début de l'année 2009 stabilisée à un niveau légèrement supérieur à 2 %. Si le revenu provenant des communications téléphoniques mobiles est en recul (-1,8 % sur un an au troisième trimestre), le revenu issu des services de transport de données sur réseaux mobiles (messagerie interpersonnelle et services multimédias) augmente de façon régulière et rapide. Sa croissance se maintient sur un rythme annuel supérieur à 20 % depuis la fin de l'année 2007.

159. Sur un marché considéré globalement, c'est-à-dire incluant l'ensemble des services et des segments de clientèle, les parts de marché (calculées en parc de clients actifs sur le marché résidentiel) des principaux opérateurs s'établissaient de la manière suivante en 2008 (13) :

Orange 42 à 45 %

SRF 33 à 35 %

Bouygues Telecom 16 à 19 %

160. La part de marché des opérateurs de réseaux mobiles virtuels MVNO sur le marché résidentiel s'élevait à 6,78 % en métropole au 31 décembre 1999 (14).

161. Dans ses précédentes décisions, l'Autorité a considéré qu'Orange ne détenait pas une position dominante sur le marché de détail de la téléphonie mobile, tel qu'il a été délimité jusqu'à présent (voir la décision précitée n° 09-D-15 du 2 avril 2009, point 37).

Dans les DOM

162. Sur la zone Réunion-Mayotte SRR, opérateur historique ayant disposé d'un monopole de fait pendant six ans, détient encore une forte position, avec une part de marché en parc de clients de 64 % au 31 décembre 2008. Orange Réunion possède une part de marché relativement stable de 27 %, devant Outremer Telecom dont la part de marché est de 9 % sur l'ensemble de la zone (15). La concurrence devrait s'accentuer avec l'arrivée prochaine d'un quatrième opérateur, le groupe UTS (actuellement présent dans les îles du nord par l'intermédiaire de sa filiale UTS Caraïbe).

163. Ainsi qu'elle l'a indiqué dans la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009 relative aux saisines au fond et aux demandes de mesures conservatoires présentées par les sociétés Orange Réunion, Orange Mayotte et Outremer Télécom concernant des pratiques mises en œuvre par la société SRR dans le secteur de la téléphonie mobile à La Réunion et à Mayotte, l'Autorité estime " que SRR est susceptible (…) de détenir une position dominante sur les marchés des services de téléphonie mobile à La Réunion et à Mayotte ".

164. Sur la zone Antilles-Guyane, Orange Caraïbe, opérateur historique ayant disposé d'un monopole de fait pendant 4 ans, détient encore une part de marché significative de 45 % au 31 décembre 2008, devant Digicel (37 %) et Outremer Telecom (16 %) (16).

165. Dans la décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 précitée, l'Autorité de la concurrence a établi qu'Orange Caraïbe était en position dominante sur cette zone, entre 2000 et 2007. Il ne peut être exclu, au stade du présent avis, qu'Orange Caraïbe soit encore aujourd'hui en position dominante sur la zone Antilles-Guyane.

2. LA RESPONSABILITE PARTICULIERE DES ACTEURS DOMINANTS

166. L'analyse des marges de manœuvre des opérateurs dominants dans le secteur des télécommunications développée ci-après se concentre sur la situation en métropole, où France Télécom, qui est susceptible de détenir une position dominante sur le marché de détail du haut débit (cf. point 152 ci-dessus), pourrait être incitée à mettre en œuvre des pratiques d'utilisation croisée des bases de clientèle, accompagnées ou non d'offres de convergence.

167. Dans la zone Antilles-Guyane, le groupe France Télécom occupe une position encore plus forte qu'en métropole, à la fois sur le marché du haut débit et sur celui du mobile, de sorte que sa marge de manœuvre pour proposer des offres de convergence sans enfreindre le droit de la concurrence s'en trouve réduite. Dans la zone Réunion-Mayotte, les positions respectives de SRR dans le mobile et de France Télécom dans le haut débit pourraient, dans une certaine mesure, s'équilibrer. Cependant, ces opérateurs devront veiller à ce que leurs pratiques ne conduisent pas à évincer leurs concurrents.

a) L'utilisation croisée des bases de clientèle, pratiquée seule

168. Dans l'hypothèse où France Télécom utiliserait des données de sa base d'abonnés au service de téléphonie fixe pour promouvoir ses offres de téléphonie mobile ou haut débit, cette pratique serait susceptible d'avoir des effets anticoncurrentiels si les informations exploitées n'étaient pas reproductibles par ses concurrents. Si tel n'est à l'évidence pas le cas des informations relatives aux coordonnées des abonnés, l'utilisation de données commerciales et financières relatives aux habitudes de consommation des clients pourrait donner à France Télécom un avantage indu sur ses concurrents du fait de sa position largement dominante sur l'activité de fourniture d'abonnement téléphonique, issue de l'ancien monopole public (voir, pour une illustration de cette hypothèse, les décisions n° 07-D-03 et n° 09-D-24 précitées).

169. Dans l'hypothèse où France Télécom utiliserait les données de ses bases de clientèle mobile ou haut débit, l'impact sur la concurrence serait moindre, compte tenu de sa position moins prédominante sur chacun des deux marchés concernés et de la nature des informations utilisables. France Télécom est certes, le seul à disposer des données relatives à ses clients mobile ou haut débit, mais ceux-ci ont, en principe, choisi leur opérateur en fonction de ses mérites propres et non du fait de la détention d'un monopole ou d'un quasi monopole. Chaque intervenant sur ces marchés dispose du même type d'information en ce qui concerne ses propres clients. Cela est particulièrement vrai pour SFR, dont les parts de marché en volume ne sont pas négligeables [20% à 30%] sur le marché du haut débit et 33 à 35 % sur le marché de la téléphonie mobile par rapport à celles de France Télécom [45% à 55%] sur le marché du haut débit et 42 à 45 % sur le marché de la téléphonie mobile, et qui dispose donc d'un volume important de données exploitables.

170. De plus, Bouygues Telecom et SFR utilisent déjà leurs bases de clientèle mobile pour promouvoir leurs offres haut débit, et SFR utilise aussi, sa base de clientèle haut débit pour promouvoir ses offres mobiles (cf. points 74 et s. ci-dessus). Or, même s'il est encore difficile aujourd'hui, d'évaluer l'impact de ces pratiques, il semble que l'attractivité tarifaire des offres de couplage en elle-même produise des effets plus significatifs que l'utilisation croisée de bases de clientèle (cf. point 113 ci-dessus).

171. En conséquence, dans l'hypothèse où France Télécom déciderait d'utiliser sa base de clientèle mobile pour promouvoir ses offres haut débit (ou inversement), il est peu probable, en première analyse, que cette pratique engendre des effets d'éviction ni, par suite, qu'elle puisse être considérée comme anticoncurrentielle.

b) L'utilisation croisée des bases de clientèle combinée avec des offres de convergence, commerciales ou techniques

172. Il paraît peu probable à moyen terme que les opérateurs s'orientent vers des pratiques de ventes groupées pures. En revanche, France Télécom pourrait être amenée à recourir à l'utilisation croisée de bases de clientèle à l'occasion de la commercialisation d'offres de couplage (haut débit et mobile).

Les offres de convergence susceptibles d'être proposées par France Télécom

173. Ainsi qu'elle l'a annoncé par voie de presse, France Télécom prépare le lancement d'offres de couplage commercial de type " quadruple-play ", à l'image de l'offre "Idéo" de Bouygues Telecom. Cette offre commerciale " tout en un ", comprend une offre de service de téléphonie mobile et une offre haut débit " triple-play " pour le domicile, qui pourrait donner lieu à une remise de couplage par rapport à la souscription des deux offres séparées, et à la mise à disposition du client d'un contrat, d'une facture et d'un service client unique pour les deux services.

174. Ces offres pourraient également prendre la forme ou s'accompagner de fonctionnalités de convergence technique entre réseaux fixes et mobiles. Il pourrait notamment s'agir de prestations dites de " femtocell ", permettant aux clients de passer, depuis leur domicile, des appels avec leurs terminaux mobiles, par le biais de leur connexion haut débit. A la différence de l'offre " Unik " d'Orange (17), qui s'appuie sur le réseau Wifi du domicile, les offres " femtocell " utilisent les fréquences des réseaux mobiles. Le terminal haut débit du client sert ainsi de relais de couverture au réseau mobile de l'opérateur, ce qui présente l'avantage, par rapport aux offres sur Wifi, de ne pas interrompre une communication pour rentrer ou sortir du domicile, tout en bénéficiant d'une tarification avantageuse pour les appels passés au domicile et d'offrir une compatibilité avec tous les terminaux mobiles, à condition que ceux-ci soient équipés d'une carte SIM du même opérateur que celui qui fournit l'accès haut débit du foyer (18).

Les difficultés concurrentielles soulevées par le développement de ces offres

175. Dans sa décision n° 09-D-15 précitée, l'Autorité indiquait que " les liens entre les différents marchés des communications électroniques et singulièrement entre le marché des offres multiservices à haut débit, d'une part, et le marché des services de téléphonie mobile, d'autre part, sont de plus en plus étroits, notamment en raison de l'émergence d'offres globales permettant de répondre à l'ensemble des besoins du consommateur en services de communications électroniques ". Elle ajoutait qu'il ne pouvait être exclu au stade de l'instruction, " que les liens de connexité entre le marché des offres multiservices à haut débit, d'une part, et le marché des services de téléphonie mobile, d'autre part, soient suffisants pour qu'un opérateur puisse s'appuyer sur sa position dominante sur l'un de ces marchés pour fausser la concurrence sur l'autre " (point 43).

176. Ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, la détention d'une position dominante par une entreprise n'interdit pas par elle-même les pratiques de couplage, qui doivent être appréciées au cas par cas au regard de leurs effets sur la concurrence et des éventuels gains d'efficience qu'elles permettent de dégager.

177. En l'occurrence, contrairement à la seule utilisation croisée des bases de clientèle, des pratiques de couplage de France Télécom pourraient produire des effets importants sur la concurrence. Cet opérateur détient en effet des positions nettement plus fortes que Bouygues Télécom sur chacun des marchés concernés et l'instruction a permis d'établir que l'offre de couplage " Idéo " de ce dernier produisait des effets significatifs sur le marché du haut débit (cf. point 94 et s. ci-dessus). En outre, il est vraisemblable que si le principal opérateur du marché commercialisait des offres de couplage, de type " quadruple play " ou " femtocell ", ces offres deviendraient progressivement la norme du marché avec un effet cumulatif sur la concurrence.

178. En premier lieu, les offres de couplage pourraient accroître les coûts de changement d'opérateur pour le consommateur, favorisant ainsi les opérateurs en place et limitant l'intensité de la concurrence. Sur ce point, l'association UFC-Que choisir a indiqué au cours de l'instruction que si la " convergence est un mouvement naturel dans les télécommunications, en particulier sur le plan technique […] les autorités devront être très attentives à ce que ces nouveaux services convergents ne conduisent pas à accroître encore le verrouillage des clients chez un opérateur, alors devenu opérateur unique ".

179. Sur le marché de la téléphonie mobile les barrières au changement d'opérateur sont principalement commerciales. Comme le souligne l'ARCEP, " le marché mobile post payé est caractérisé par des durées d'engagement longues. A titre d'illustration, l'ARCEP rappelle que seulement 17,6 % du parc post payé mobile est libre d'engagement à la fin 2009 ". Par ailleurs, l'augmentation des services à valeur ajoutée proposés dans le cadre des abonnements téléphoniques mobiles (applications distantes, téléchargements audio, vidéo ou de jeux, espace de stockage distants, …) constituent un frein au changement pour le consommateur. En effet, en l'absence de standardisation et de portabilité de ces nouveaux services, l'abonné perd son investissement en cas de changement d'opérateur. A l'inverse, sur le marché de l'accès Internet haut débit, les barrières au changement d'opérateur sont d'abord techniques. L'accès Internet est interrompu à cause du délai de raccordement par le nouvel opérateur. Par ailleurs, tous les clients ne peuvent pas encore obtenir la portabilité de leur numéro de téléphone lorsqu'ils changent d'opérateur.

180. Les pratiques de couplage pourraient ainsi conduire à cumuler ces deux types de barrières au changement d'opérateur. Mais, comme le souligne l'ARCEP dans son avis, du 23 février 2010, de nouvelles barrières pourraient aussi apparaître : " Par exemple, le client qui souhaite résilier une des prestations risque de perdre toutes les prestations qui lui avaient été vendues de manière couplée, y compris celles lui offrant satisfaction (sauf à ce que le contrat ait prévu la possibilité de résilier " par briques "). Il devra dans ce cas gérer le transfert coordonné contractuel et technique de tous ses services en même temps. En particulier, ces offres de convergence commerciale et technique s'inscrivent dans le contexte de concentration du secteur des communications électroniques. Elles relèvent de plus d'une stratégie de fidélisation et de rétention des consommateurs par les opérateurs désormais intégrés horizontalement. Elles créent dans le cas présent un risque de propagation du manque de fluidité du marché mobile aux autres marchés, voire un risque d'accroissement global des coûts de changement sur tous les marchés (terminaux non- interopérables, " colorisation " du Wifi, SIP-lockage de l'IP, etc.) ".

181. En deuxième lieu, les offres " quadruple play " et " femtocell " présentent un risque de verrouillage, non plus uniquement des clients, mais des foyers. Par exemple, lorsqu'un foyer dispose d'un abonnement Internet haut débit et de plusieurs abonnements mobiles, les avantages techniques ou tarifaires des offres de couplage et de convergence incitent ses membres à migrer vers le même opérateur pour tous leurs besoins. Or, ce mouvement a de fortes chances d'avantager les opérateurs qui disposent des meilleures parts de marché par " effet club ", car la probabilité est plus grande qu'un ou plusieurs membres du foyer soient déjà clients de ces opérateurs.

182. En troisième lieu, dans un secteur qui s'oriente vers le modèle de l'opérateur universel, un opérateur, même efficace, qui serait présent sur l'un seulement des marchés du haut débit ou du mobile et qui éprouverait des difficultés à pénétrer l'autre marché, pourrait se trouver gravement pénalisé dans l'exercice de la concurrence et risquer à terme l'éviction. A cet égard, les barrières à l'entrée ne sont pas de la même ampleur sur le marché du haut débit et du mobile. Sur le marché du haut débit, ces barrières se limitent pour l'essentiel aux investissements qu'il est nécessaire de consentir pour équiper les centraux téléphoniques de France Télécom dans le cadre du dégroupage, les opérateurs disposant, en tout état de cause, de la faculté de servir le marché au travers de l'offre de gros de " bitstream " de France Télécom. Les bons résultats remportés par Bouygues Télécom, en un temps réduit, témoignent de l'ouverture de ce marché.

183. En revanche, les possibilités d'entrer sur le marché mobile sont plus limitées. L'ARCEP indique ainsi dans son avis rendu le, 23 février 2010, que " les opérateurs présents aujourd'hui uniquement sur le marché du haut et très haut débit pourraient à terme disparaître d'un marché qui ne comporterait que des offres couplées fixe-mobile. De même, les opérateurs mobiles virtuels, s'ils étaient dans l'impossibilité, compte-tenu de leur contrat d'hébergement, de maîtriser techniquement leurs offres et donc de se donner la possibilité de proposer des offres convergentes fixe-mobile, pourraient à terme disparaître également du marché ".

184. S'agissant tout d'abord des opérateurs de réseaux mobiles virtuels (MVNO), le Conseil de la concurrence avait souligné, dans son avis n° 08-A-16 du 30 juillet 2008, que les conditions d'accès aux réseaux consenties à l'époque par les opérateurs de réseaux ne permettaient de garantir ni la pérennité, ni l'indépendance technique et commerciale, ni la viabilité économique de ces acteurs. Depuis lors, il semble que les opérateurs de réseaux aient fait évoluer leurs contrats. Orange et SFR ont par ailleurs pris devant l'ARCEP certains engagements en matière d'accueil des MVNO, à l'occasion de la récente procédure d'attribution des fréquences résiduelles de la bande 2,1 GHz (voir sur ce point la décision de l'ARCEP n° 2010-0581 du 18 mai 2010). Si ces évolutions et engagements sont bienvenus, ils demeurent très en-deçà de ce qui serait nécessaire pour répondre aux enjeux de la convergence entre réseaux fixes et mobiles. A la connaissance de l'Autorité, aucun accord de type " full MVNO ", permettant notamment à l'opérateur virtuel d'avoir accès au HLR (19) de l'opérateur hôte, n'a été signé, ce qui interdit en pratique toute innovation et limite considérablement la possibilité pour les opérateurs virtuels de proposer des fonctionnalités de convergence technique à leurs clients. A court terme cependant, il convient de relever que Numéricâble, qui est le seul opérateur haut débit significatif concerné par ces limitations, semble peu intéressé par le développement de son activité mobile.

185. S'agissant ensuite des opérateurs de réseaux, l'octroi par l'ARCEP, le 13 janvier dernier, d'une autorisation d'utilisation de fréquences 3G à Free doit en principe permettre à ce dernier de proposer des offres de convergence dans des conditions équivalentes à Orange, SFR et Bouygues Télécom. En pratique cependant, tant que la couverture mobile de Free n'aura pas atteint une taille suffisante, c'est-à-dire à l'horizon de plusieurs années, sa marge de manœuvre technique et commerciale sur le marché mobile dépendra fortement des conditions dans lesquelles cet opérateur pourra bénéficier d'une prestation d'itinérance sur le réseau d'un tiers. Or, si la réglementation impose aux trois opérateurs mobiles en place de faire une offre d'itinérance au quatrième opérateur, cette obligation ne prend effet qu'à partir du 1er janvier 2012, et seulement sur les réseaux 2G. Il en résulte deux types de menaces pour Free. D'une part, si les offres de convergence se développent rapidement et efficacement, Free peut subir en l'espace de 18 mois des pertes de parts de marché importantes, ce qui pourrait obérer ses capacités futures d'investissement, notamment sur le mobile et le très haut débit, ainsi que les économies d'échelle nécessaires pour les rentabiliser. D'autre part, l'attractivité des offres de Free serait fortement réduite si l'Internet mobile haut débit, disponible uniquement sur les réseaux 3G, devait en être exclu, compte tenu du développement considérable de cette fonctionnalité avec l'essor des " smartphones " et des " clés 3G ". En 2013, certaines estimations20 chiffrent à 46% la part des clients mobiles qui pourraient être équipés d'un " smartphone " et que Free ne serait donc pas en mesure de servir.

186. Au-delà des obligations réglementaires existantes, rien n'interdit en théorie à l'un des trois opérateurs de réseaux mobiles de fournir au quatrième opérateur une offre d'itinérance avant le 1er janvier 2012 ou incluant le haut débit mobile. En séance, le représentant de Free a cependant indiqué que, dans le cadre des négociations entamées à ce sujet, aucun des trois opérateurs de réseaux n'acceptait d'envisager une extension de l'itinérance aux réseaux 3G. Cette position de principe a été confirmée le 12 mai par le PDG de SFR dans une interview donnée au quotidien Les Echos : " Nous voulons héberger les futurs clients de Free sur nos infrastructures. Nous sommes en négociation actuellement à ce sujet avec Iliad. Mais nous discutons uniquement d'une offre d'itinérance de ses abonnés en 2G, comme la loi nous y oblige. Pas en 3G. "

187. En conclusion, l'Autorité ne saurait se prononcer de façon générale sur la possibilité pour France Télécom de commercialiser des offres de convergence. Seules les caractéristiques précises de telles offres permettraient d'évaluer, d'une part, leur impact en termes d'accroissement des coûts de changement d'opérateur et des effets club au sein des foyers et, d'autre part, leur attractivité en comparaison des offres des autres opérateurs. Sur ce second point, il semble que les offres de convergence de France Télécom poseront d'autant plus de difficultés concurrentielles que les avantages tarifaires proposés par exemple, sous la forme de remises de couplage, seront importants, comme l'illustre le succès de l'offre " Idéo ", et que le quatrième et nouvel entrant sur le marché mobile, Free, restera contraint dans sa capacité à commercialiser des offres de convergence du fait du blocage sur la question de l'itinérance 3G.

Les justifications objectives susceptibles d'être avancées par France Télécom

188. A supposer que les offres de convergence de France Télécom emportent des effets restrictifs de la concurrence, elles pourraient ne pas être considérées comme abusives si France Télécom fournissait une justification objective à son comportement. Cette justification pourrait découler de la nécessité de préserver ses intérêts commerciaux face à la menace représentée par le comportement de ses concurrents ou de l'existence de gains d'efficacité.

189. S'agissant de la faculté pour France Télécom d'agir en vue de préserver ses intérêts commerciaux, celle-ci ne pourra être invoquée que si plusieurs conditions sont réunies. Tout d'abord, les offres de France Télécom devront être strictement limitées à ce qui est nécessaire pour répondre aux pratiques des autres opérateurs. A cet égard, il convient de relever que Bouygues Telecom utilise uniquement sa base de clientèle mobile pour promouvoir son offre " Idéo ", et n'accorde pas d'avantage additionnel à ses clients mobiles pour souscrire à cette offre. De plus, les pratiques de Bouygues Télécom sont limitées par sa part de marché réduite sur le marché mobile (16 à 19 %). Par ailleurs, si l'offre " Idéo " peut être considérée comme agressive sur un plan tarifaire (remise de couplage de 16 € environ), elle se situe dans un contexte de pénétration du marché par un nouvel acteur qui ne détient que [moins de 5%] du marché du haut débit. SFR ne semble quant à lui proposer de remises de couplage qu'à ses clients existants et de manière ciblée. Par ailleurs, si cet opérateur a annoncé le lancement d'une offre " quadruple play " pour le mois de juin, cette offre doit être réservée à 100 000 clients et ne paraît s'adresser qu'à un segment étroit de clientèle, dans la mesure où elle offre les communications mobiles illimitées et coûte près de 110 € par mois. En tout état de cause, le droit d'alignement ne peut être invoqué que si la riposte est proportionnée par rapport à la puissance économique des entreprises en présence, ce qui renvoie à la question du blocage des négociations sur l'itinérance 3G.

190. S'agissant des gains d'efficacité, la nature de ceux-ci peut différer suivant qu'il s'agit de convergence technique ou commerciale. Les offres de convergence technique présentent l'intérêt de pouvoir alléger la charge des réseaux mobiles, qui utilisent une ressource spectrale limitée et parfois saturée. Elles peuvent par ailleurs améliorer la couverture des réseaux mobiles, notamment dans le domicile des clients. Les offres de couplage commercial présentent quant à elles l'intérêt de réduire le montant de la facture du consommateur et de lui proposer une facture et un service client unique. Cependant, il est difficile pour l'Autorité, dans le cadre du présent avis, d'évaluer si de telles offres conduiraient à des réductions de coût pour France Télécom. En effet, en séance, les représentants de Bouygues Telecom et de SFR ont déclaré ne pas réaliser d'économie de coûts significative du fait des pratiques qu'elles mettent en œuvre. La facture unique, par exemple, implique d'importants investissements dans les systèmes d'informations. Or, en l'absence de gains d'efficacité, les remises de couplage peuvent relever d'une stratégie d'éviction des concurrents et le gain pour le consommateur ne peut être pris en compte au titre des justifications objectives.

191. En tout état de cause, en l'absence d'information précise sur les offres que France Télécom pourrait commercialiser, l'Autorité de la concurrence n'est pas en mesure de déterminer si les gains d'efficacité susceptibles d'être produits par ces offres l'emporteraient sur les effets préjudiciables pour la concurrence. Compte tenu des risques d'éviction décrits précédemment et du renforcement possible des barrières au changement d'opérateur et des effets club au sein des foyers, il n'est pas exclu que les gains pour les consommateurs ne se manifestent qu'à très court terme.

CONCLUSION

192. L'utilisation croisée des bases de clientèle est une pratique courante. Elle peut par exemple permettre à une entreprise présente sur un marché de pénétrer plus facilement un nouveau marché à l'aide des informations qu'elle détient sur ses clients. Dès lors qu'elle permet en général de dégager des gains d'efficacité, en réduisant le coût d'acquisition des nouveaux clients, cette pratique bénéficie en principe à la concurrence et aux consommateurs.

193. Cette pratique est toutefois susceptible de produire des effets négatifs lorsqu'elle est mise en œuvre par une entreprise dominante sur l'un des marchés concernés, et que cette entreprise utilise des données qui ne sont ni accessibles à ses concurrents ni reproductibles par eux, pouvant ainsi conduire à leur éviction. Tel peut être le cas notamment des informations obtenues dans la situation particulière d'un monopole de fait ou dans le cadre de l'exercice d'une mission de service public.

194. Utilisée en combinaison avec des ventes groupées, l'exploitation croisée des bases de clientèle est, en outre, susceptible de rendre la technique de couplage, et ses éventuels effets restrictifs de la concurrence, plus efficace. Si une telle pratique ne saurait être interdite a priori et par principe, sa mise en œuvre par une entreprise dominante peut constituer un abus lorsqu'elle permet à celle-ci de transférer son pouvoir d'un marché à un autre pour y obtenir un avantage concurrentiel sans rapport direct avec ses mérites, conduisant ainsi à l'éviction possible des autres acteurs du marché.

195. Dans le secteur des communications électroniques, l'utilisation croisée des bases de clientèle entre les marchés du haut débit et du mobile s'est intensifiée au cours des derniers mois, à la suite de l'intégration de Neuf Cegetel au sein de SFR et de l'entrée de Bouygues Télécom sur le marché du haut débit. Ces acteurs ont également mis sur le marché des offres de couplage tarifaire (" quadruple play ") et technique (" femtocell "). Ces évolutions suggèrent une orientation du marché vers un modèle dit d' " opérateur universel ", capable de répondre à l'ensemble des besoins télécoms des consommateurs, et conduisent l'opérateur historique, France Télécom, à s'interroger sur sa capacité à s'inscrire dans ce modèle sans entraver le droit de la concurrence.

196. L'utilisation croisée par France Télécom, de ses bases de clientèle entre les marchés du mobile et du haut débit ne paraît pas de prime abord pouvoir distordre la concurrence à elle seule. En effet, l'on peut présumer que France Télécom a acquis ses clients, et donc les données y afférentes, par les mérites sur des marchés concurrentiels.

197. La mise sur le marché d'offres de convergence, commerciale ou technique, par France Télécom pourrait en revanche soulever des préoccupations concurrentielles. Ces offres pourraient d'abord accroître les coûts de changement d'opérateur pour les consommateurs et l'intensité des effets " club " au sein des foyers, au détriment de la fluidité du marché. Compte tenu de la position de France Télécom sur le marché du haut débit, ces offres sont en outre susceptibles de distordre la concurrence si les avantages tarifaires sont importants, voire de conduire à l'éviction des opérateurs qui ne sont pas en mesure de proposer de telles offres groupées en raison des barrières à l'entrée sur le marché mobile. L'Autorité ne saurait se prononcer sur la conformité au droit de la concurrence des offres de France

Télécom sans en connaître les caractéristiques, ni les justifications que l'opérateur pourrait avancer au titre des gains d'efficacité ou de la nécessité d'agir pour préserver ses intérêts commerciaux, dans l'hypothèse où ceux-ci seraient effectivement menacés par les pratiques de ses concurrents.

198. Indépendamment des caractéristiques des offres de convergence que pourrait proposer France Télécom, l'Autorité estime que l'entrée d'un quatrième opérateur sur le marché mobile est de nature à limiter leurs effets d'éviction. En pratique néanmoins, cela suppose que le nouvel entrant bénéficie rapidement d'une prestation d'itinérance, non seulement sur les réseaux 2G mais aussi sur les réseaux 3G, afin qu'il puisse efficacement concurrencer les trois opérateurs de réseaux mobiles déjà installés.

199. Par ailleurs, et même si cela ne relève pas directement du droit de la concurrence, l'Autorité note que certaines mesures favorables aux consommateurs de services haut débit et mobile pourraient également améliorer la fluidité des marchés et prévenir le risque de verrouillage des consommateurs, voire des foyers, chez un unique opérateur. Ces mesures devraient avoir pour objectif de limiter les durées d'engagements, de ne pas réengager les clients souscrivant à une offre de couplage, ou encore de synchroniser le terme des abonnements aux services haut débit et mobile. De même, les opérateurs pourraient mettre en œuvre un niveau minimum de standardisation ainsi que la portabilité des services convergents développés à destination des consommateurs qui détiennent des abonnements multiples auprès d'un même fournisseur. Certaines de ces mesures pourraient être mises en œuvre à l'initiative des opérateurs, d'autres peuvent nécessiter l'adoption de textes législatifs ou réglementaires. L'Autorité relève à cet égard que l'ARCEP doit remettre au gouvernement, à l'été, un rapport de mise en œuvre de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Notes :

(1) VERSION NON CONFIDENTIELLE : les passages entre crochets sont protégés par le secret des affaires.

2 Frais de résiliation de 49 €.

3 Frais de résiliation de 45 €.

4 Le Point, 25 février 2010.

5 Ces services convergents sont également disponibles aux clients mobiles Bouygues Telecom qui disposent par ailleurs d'une Bbox.

6 L'Expansion, 1er avril 2009.

7 Pour Orange, tout client éligible à l'ADSL (soit plus de 98 % de la population) peut disposer de services audiovisuels sur sa " live box ", ces services empruntant le cas échéant le satellite dans certaines zones. Pour les opérateurs alternatifs, les clients éligibles sont ceux qui sont situés en zone dégroupée et dont la ligne est caractérisée par un affaiblissement suffisamment faible pour permettre la transmission d'un flux télévisuel par ADSL.

8 VPN = " virtual private network ".

9 Données issues des informations recueillies auprès des différents opérateurs dans le cadre de l'instruction. Le nombre de clients d'Orange et des opérateurs alternatifs DSL est évalué sur des tranches de population à partir de données portant sur des classes de centraux téléphoniques, ordonnés par leur taille. Ce critère constitue une assez bonne approximation : (i) du classement des zones du territoire par densité de population, les plus gros centraux se trouvant dans le centre des plus grandes villes ; (ii) de l'ordre de dégroupage des répartiteurs, et donc de l'historique du dégroupage. Le nombre de clients du câblo- opérateur, connu à la maille de la commune, est ensuite projeté sur les répartiteurs en fonction de leur commune d'appartenance et de leur taille.

10 Offre de gros d'accès et de collecte haut débit fourni par France Télécom aux opérateurs alternatifs en complément du dégroupage.

11 L'émergence récente d'offres dites de "clé 3G", consistant à commercialiser un seul de ces services, l'accès mobile à Internet, pourrait amener à modifier l'analyse concernant ce service. Ceci dépasse néanmoins le cadre du présent avis.

12 Rapport de l'ARCEP au Parlement et au Gouvernement relatif au secteur des communications électroniques outre-mer - janvier 2010.

13 Décision n° 09-D-15 du 2 avril 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société SFR concernant diverses pratiques mises en œuvre par le groupe France Télécom sur les marchés de la téléphonie mobile et de l'Internet haut débit (offre " Unik ").

14 ARCEP : Le Suivi des Indicateurs Mobiles - les chiffres au 31 décembre 2009 (publication le 4 février 2010).

15 Rapport de l'ARCEP précité, note 26.

16 Rapport de l'ARCEP précité, note 26.

17 L'Autorité de la concurrence a rendu une décision n° 09-D-15 du 2 avril 2009 concernant cette offre.

18 L'opérateur peut ajouter des restrictions commerciales pour limiter les risques de " cannibalisation " du trafic mobile. Par exemple, SFR limite l'utilisation au maximum, à 5 numéros mobiles SFR, qui doivent être déclarés.

19 HLR (Home Location Register) : base de données centrale regroupant toutes les informations sur les abonnés autorisés à utiliser un réseau GSM

20 3èmes assises de la convergence du 7 décembre 2009.

Délibéré sur le rapport oral de Mlle Gwenaëlle Nouët et de M. Sylvain Moll et l'intervention de M. Sébastien Soriano, rapporteur général adjoint, par M. Bruno Lasserre, président, président de séance, et Mmes Françoise Aubert, Anne Perrot, Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes.