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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 4 janvier 2011, n° 09-07515

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Keck Spezialitäten GmbH (Sté)

Défendeur :

Britex (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avoués :

SCP d'Aboville de Moncuit St-Hilaire, SCP Gauvain & Demidoff

Avocats :

Mes Adam-Caumeil, Laurent

T. com. Nantes, du 8 oct. 2009

8 octobre 2009

Exposé du litige

À partir de l'année 2000, la société allemande Keck Specialitäten (la société Keck), qui fabrique des aliments précuits à base de pâtes et de riz, a confié à la société Britex la distribution exclusive de ses produits en France et en Espagne.

Le 30 mai 2007, la société Keck notifiait à la société Britex la rupture partielle de leurs relations commerciales à expiration d'un délai de préavis d'un mois, ce qui conduisit la société Britex à suspendre le paiement des marchandises livrées postérieurement au mois d'août 2007.

Par deux ordonnances rendues les 17 janvier et 7 février 2008 sur requêtes de la société Keck, le Président du Tribunal de commerce de Nantes enjoignit à la société Britex de payer les factures laissées impayées pour un montant de 83 095,05 euro.

Sur l'opposition de la société Britex qui réclamait la condamnation reconventionnelle de la société Keck pour rupture brutale de relations commerciales établies, le Tribunal de commerce de Nantes a par jugement du 8 octobre 2009, statué en ces termes :

"Condamne la société Britex à payer à la société Keck la somme de 83 095,05 euro avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2007 pour la somme de 53 177,50 euro et à compter du 7 février 2007 pour la somme de 29 917,55 euro ;

Reçoit la société Britex en ses demandes ;

Condamne la société Keck à payer à la société Britex la somme de 329 914,49 euro ;

Ordonne la compensation à due concurrence entre les sommes dues par la société Britex et la société Keck ;

Condamne la société Keck à verser à la société Britex la somme de 5 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution ;

Déboute la société Keck du surplus de ses moyens, fins et conclusions ;

Déboute la société Britex du surplus de ses moyens, fins et conclusions ;

Condamne la société Keck en tous les dépens".

La société Keck a relevé appel de cette décision dont elle demande à titre principal l'annulation pour défaut de motivation.

Subsidiairement, elle conclut à l'infirmation de cette décision en soutenant :

Que les premiers juges auraient dû, conformément aux Conventions de Rome et de La Haye, écarter l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce français au profit de l'article 624 du Code civil allemand qui limite à 6 mois le délai de préavis en cas de rupture de relations contractuelles d'une durée supérieure à 5 ans,

Qu'en outre, la rupture n'étant que partielle et n'étant que la conséquence d'un projet de réorganisation de ses circuits de distribution annoncé dès le 1er avril 2005, la société Britex a bénéficié d'un délai suffisamment raisonnable pour rechercher d'autres fournisseurs,

Qu'en toute hypothèse, la rupture totale n'est imputable qu'à la société Britex qui, le 9 novembre 2007, a informé ses clients qu'elle cessait toutes relations avec la société Keck sans même en avertir cette dernière,

Et qu'enfin, la société Britex ne justifierait d'aucun préjudice.

Elle demande donc à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nantes le 8 octobre 2009 en ce qu'il a condamné la société Britex au paiement des factures restées impayées pour un montant total de 83 095,05 euro augmenté des intérêts au taux légal majoré de 4 % à compter de la mise en demeure du 29 novembre 2007 sur la somme de 53 177,50 euro et à compter du 7 février 2008, date de l'injonction de payer, sur la somme de 29 917,55 euro ;

L'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau, rejeter l'ensemble des demandes présentées par la société Britex ;

Condamner la société Britex au paiement de 40 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

À titre très subsidiaire, en application du droit allemand, limiter à six mois le délai de préavis que devait respecter la société Keck,

En conséquence, calculer l'indemnité sur la base de six mois de préavis pour le seul client Frial ;

En tout état de cause, déclarer irrecevable la prétention nouvelle de la société Britex tirée de l'indemnisation du préjudice lié aux produits de la restauration ;

À titre infiniment subsidiaire, avant dire droit, désigner tel expert judiciaire en comptabilité d'entreprise qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

Se faire communiquer toutes les pièces comptables de la société Britex sur les exercices 2006/2007 et 2007/2008,

Entendre les parties sur les charges et frais à déduire ou à inclure dans l'assiette de calcul du préjudice aux fins de déterminer l'étendue du préjudice qu'aurait subi la société Britex,

Calculer la marge nette perdue par cette dernière sur une période de six mois, délai raisonnable selon le droit allemand.

La société Britex conclut quant devant la cour en ces termes:

Débouter la société Keck de son exception de nullité du jugement entrepris ;

Dire et juger que le contrat existant entre la société Keck et la société Britex est régi par le droit français ;

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nantes du 8 octobre 2009 en ce qu'il a jugé que la société Keck a violé l'article 442-6 du Code de commerce en provoquant une brusque rupture du contrat ;

Débouter la société Keck de sa demande d'expertise judiciaire;

Réformer le même jugement pour le surplus ;

En conséquence, condamner la société Keck à verser à la société Britex la somme de 550 648,64 euro à titre de dommages-intérêts, ventilés de la façon suivante :

- 239 914,49 euro + 32 565 euro + 40 000 euro en réparation du préjudice économique,

- 38 195,15 euro en réparation du préjudice social,

- 200 000 euro en réparation du préjudice d'image commerciale ;

Sur la demande en paiement des factures de la société Keck, dire et juger que la société Britex est bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution et infirmer le jugement entrepris en déboutant en conséquence la société Keck de toutes ses demandes ;

Subsidiairement, ordonner la compensation entre les sommes dues entre les parties ;

Condamner la société à verser à la société la somme de 10 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des 5 000 euro alloués par le Tribunal de commerce de Nantes.

À l'audience, les parties ont été invitées à s'expliquer par notes en délibéré sur la loi applicable au regard de la nature délictuelle de l'action en rupture brutale de relations commerciales établies.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Keck le 27 septembre 2010, et pour la société Britex le 20 octobre 2010.

Exposé des motifs

La société Keck sollicite en premier lieu l'annulation du jugement en faisant grief aux premiers juges d'avoir motivé leur décision au moyen d'une argumentation formelle et elliptique.

Il sera pourtant observé qu'après avoir reproduit les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce sur lequel il déclarait se fonder, le tribunal de commerce a relevé que les conditions requises par ce texte pour son application se trouvaient réunies, à savoir l'existence d'une relation commerciale établie entre les sociétés Keck et Britex, une brusque rupture par la société Keck de cette relation continue et suivie ainsi qu'un préjudice réel trouvant sa cause dans la brutalité de la rupture et réparé, compte tenu des pièces produites et des éléments soumis à son appréciation, par l'allocation de dommages-intérêts d'un montant total de 329 914,49 euro indemnisant le préjudice économique à hauteur de 279 914,49 euro et l'atteinte à l'image commerciale à hauteur de 50 000 euro.

Il en résulte que le jugement attaqué satisfait à l'obligation de motivation édictée par l'article 455 du Code de procédure civile en permettant aux parties d'appréhender les moyens par lesquels les juges se sont convaincus, dès lors qu'il rappelle explicitement les dispositions légales pertinentes et déduit d'une analyse, fut-elle sommaire, des éléments de la cause ; que la responsabilité de la société Keck est engagée et que l'existence, la nature et l'importance du préjudice justifie l'octroi des dommages-intérêts au paiement desquels celle-ci a été condamnée.

Il n'y a donc pas lieu à annulation du jugement.

Il est d'autre part de principe que l'action en responsabilité pour rupture brutale de relations commerciales établies fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce est de nature délictuelle.

Il en est ainsi même à considérer que la notion de matière délictuelle doit s'analyser, dans un litige opposant un fournisseur allemand à un distributeur français, au regard des principes dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne, laquelle la définit comme comprenant toute demande qui vise à mettre en cause la responsabilité d'un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle, c'est-à-dire celle visant une situation dans laquelle il existe un engagement librement assumé d'une partie envers l'autre.

La présente demande de dommages-intérêts, fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, est en effet étrangère à tout engagement librement assumé par les parties, dès lors qu'il est fait grief au fournisseur, ayant pris l'initiative de mettre fin aux relations d'affaires nouées entre les parties depuis 2000 en dehors de tout accord de distribution formalisé, de ne pas avoir respecté un délai de prévenance tenant compte de la durée de ces relations.

Il en résulte que, si le moyen tiré de l'application de la loi allemande est recevable dans la mesure où l'article 563 offre aux parties la faculté d'invoquer devant la cour tous moyens nouveaux propres à justifier leurs prétentions, les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et celles de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes mobilières internationales sont inopérantes pour trancher le conflit de lois invoqué par la société Keck.

En effet, s'agissant de faits antérieurs à la date d'entrée en vigueur du Règlement (CE) n° 593-2008 et en l'absence de conventions internationales contraires, la loi applicable à la responsabilité délictuelle pour rupture brutale de relations commerciales établies est celle de l'État où le fait dommageable s'est produit.

Or, en l'espèce, ces relations ayant eu pour objet la distribution de produits agro-alimentaires en France et en Espagne, le fait dommageable résultant, pour le distributeur ayant son siège en France, de la brutalité de la rupture provoquée par le fournisseur allemand doit être regardé comme étant survenu sur le territoire français, lieu où la société Britex prétend avoir subi un trouble commercial en raison d'un délai de préavis insuffisant pour trouver un nouveau fournisseur.

L'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce français est donc bien applicable à la cause.

À cet égard, il résulte de ces dispositions que le fournisseur rompant brutalement une relation commerciale établie sans respecter un délai de préavis tenant compte de la durée de la relation doit réparer le préjudice causé à son distributeur du fait de la brutalité de cette rupture.

En l'espèce, il n'est pas discuté que les parties avaient, en dépit de l'absence de formalisation d'un accord écrit de distribution, noué à compter de l'année 2000 des relations commerciales continues et suivies basées sur un engagement d'exclusivité du fournisseur pour la distribution de ses produits en France et en Espagne.

Or, par courrier du 30 mai 2007, la société Keck a informé la société Britex qu'elle entendait, à compter du 30 juin suivant, traiter directement les ventes aux clients industriels de l'alimentation précuisinée.

La circonstance que la rupture laissait subsister entre les parties la possibilité d'un courant d'affaires pour l'approvisionnement de la clientèle des grossistes de la restauration est inopérante, l'article L. 422-6-I-5° du Code de commerce étant applicable même en cas de rupture partielle.

La société Keck ne saurait d'autre part dénier à la lettre de rupture du 30 mai 2007 tout caractère imprévisible et soudain au seul motif qu'elle avait précédemment adressé à la société Britex les 15 octobre 2002 et 1er avril 2005 des courriers envisageant une rupture partielle de l'engagement d'exclusivité, alors que ces courriers ne concernaient que certains produits présentés en petits conditionnement, qu'ils n'évoquaient en rien l'intention de la société Keck de livrer directement ses gros clients de l'industrie agro-alimentaire à compter de l'été 2007, et que, par surcroît, le fournisseur a fait participer la société Britex en février 2007 à une réunion relative à la fixation d'objectifs commerciaux pour l'ensemble de l'année 2007, ce qui ne laissait en rien présager d'une rupture, fût-elle partielle, des relations d'affaires trois mois plus tard.

L'appelante n'est pas davantage fondée à justifier cette rupture par la détérioration des relations entre la société Britex et l'un de ces clients industriels, la société Frial, alors que les courriers et les écritures de l'appelante révèlent que l'origine de ces difficultés réside dans un manque de compétitivité des prix auquel le fournisseur a voulu pallier en réorganisant son circuit de distribution pour traiter directement avec ce client, faisant ainsi l'économie de la marge réalisée par le distributeur dont, cependant, rien ne démontre qu'elle était excessive.

La société Keck ne peut davantage faire grief à la société Britex d'avoir développé à compter de l'été 2007 un courant d'affaires avec la société belge Dicogel, ou encore d'avoir adressé à sa clientèle un courrier l'informant qu'elle n'avait plus d'activité avec la société Keck, alors que la rupture, fut-elle partielle, provoquée par son fournisseur lui imposait de réorganiser son circuit d'approvisionnement et, partant, de rechercher un nouveau fournisseur ainsi que de délivrer un information loyale à ses client relativement au changement d'origine des produits qu'elle commercialise.

De même, la suspension du paiement des factures de livraison à échéance postérieure au mois d'octobre 2007 est une conséquence, et non la cause, de la rupture qui est bien intervenue à l'initiative de la société Keck, de sorte que cette dernière ne saurait légitimer la brutalité de la rupture par l'inexécution des obligations contractuelles du distributeur.

Il ressort par ailleurs du dossier que, si les parties ont noué des liens d'affaires dès 1998, leur relation commerciale ne s'est réellement établie qu'à compter de 2000 pour cesser en 2007, la société Britex ayant, au cours de ces sept années, notablement développé la clientèle des industriels de l'agro-alimentaire et des grossistes de la restauration au point qu'en 2006 les produits fournis par la société Keck représentaient 80 % de son chiffre d'affaires.

Au regard de la durée de la relation commerciale, de l'importance acquise par ce courant d'affaires, mais tenant également compte du caractère partiel de la rupture ainsi que des caractéristiques du marché considéré autorisant des espoirs raisonnables de substitution de fournisseurs à moyen terme, la cour estime que la société Keck aurait dû respecter un préavis de rupture de 6 mois.

Dès lors, le préjudice de la société Britex, qui n'a bénéficié que d'un mois de préavis, consiste dans la perte de marge brute qu'elle aurait dû réaliser si les relations commerciales s'étaient normalement poursuivies durant les cinq mois de préavis éludés.

Contrairement à ce que prétend la société Keck, la rupture partielle ne concernait pas seulement l'approvisionnement de la société Frial mais l'ensemble des clients industriels de l'agro-alimentaire dont faisaient aussi partie les sociétés Davigel et DPDJ, avec lesquels, selon les pièces comptables produites suffisamment convaincantes pour que la cour statue sans s'en remettre à l'avis d'un expert, la société Britex réalisait avant la rupture un chiffre d'affaires annuel de 790 400 euro, soit une marge brute de 239 914 euro sur un an et de 99 964 euro sur cinq mois.

La société Britex prétend par ailleurs que la rupture lui aurait aussi fait perdre 40 000 euro de marge brute sur les commandes en cours des sociétés Gyma, Bonduelle et Congelados de Navarra, mais elle ne justifie pas que les pourparlers engagés avec ces clients potentiels se soient effectivement concrétisés par des commandes fermes devant être exécutées avant novembre 2007, date d'expiration du délai de préavis éludé, de sorte que rien ne démontre que le préjudice invoqué procède de la brutalité de la rupture, et non de la rupture elle-même qui n'est pas indemnisable puisqu'elle est, en soi, licite.

C'est d'ailleurs pour des motifs analogues que la société Britex réclame à tort une indemnisation complémentaire à due concurrence de 38 195,15 euro correspondant aux charges générées par le licenciement économique de deux salariés, rien ne démontrant que ce préjudice social invoqué procède de la brutalité de la rupture, et non de la rupture elle-même.

D'autre part, la société Britex sollicite la réparation de l'atteinte à son image commerciale, laquelle résulterait, selon elle, de la perte de confiance de sa clientèle déroutée par la rupture de l'exclusivité que lui avait jusqu'alors accordée la société Keck ainsi que de la captation par l'appelante de sa clientèle, la rupture des relations commerciales n'ayant eu pour finalité que de lui permettre de traiter directement avec les clients industriels de l'agro-alimentaire en se passant de l'intervention du distributeur.

Toutefois, la société Keck était, en vertu du principe de liberté du commerce, libre de réorganiser son circuit de distribution et de démarcher directement ces clients sans l'intermédiaire d'un distributeur, dès lors que rien ne démontre que ce démarchage se soit en l'espèce accompagné d'actes déloyaux.

Et, à supposer même qu'une partie de la clientèle se soit détournée de la société Britex en raison de la perte de l'exclusivité que lui avait jusqu'alors accordée la société Keck, ce préjudice résulte là encore de la rupture elle-même, qui était licite, et non de sa brutalité.

Devant la cour, la société Britex réclame enfin l'allocation de dommages-intérêts au titre de la perte de marge qu'elle aurait dû réaliser sur les produits de restauration en petit conditionnement si la société Keck n'avait pas brutalement rompu leurs relations relatives à ce segment de marché par courrier du 20 décembre 2007 à effet du 31 décembre suivant.

En dépit de ce qu'elle a été formée pour la première fois en cause d'appel, cette demande nouvelle est, conformément aux dispositions des articles 564 et 566 du Code de procédure civile, recevable puisqu'elle tend à opposer à la société Keck l'exception de compensation avec les factures de livraison de marchandises laissées impayées et qu'elle n'est au surplus que l'accessoire ou le complément des prétentions initiales fondées sur la rupture partielle du 30 mai 2007.

Toutefois, la société Keck fait valoir avec raison que son courrier du 20 décembre 2007 ne concernait que les produits de la gamme " Brand Spontano " qu'elle a cessé de produire en raison d'une insuffisance de rentabilité et qu'il ne saurait donc, au regard du faible volume de chiffre d'affaires concerné, être regardé comme une rupture partielle de relations commerciales, les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ne pouvant avoir pour effet de restreindre la liberté du producteur de définir, compte tenu du seuil de rentabilité de chacun d'eux, la gamme des produits qu'il entend commercialiser.

Il s'évince de ce qui précède que le préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies sera exactement réparé par la condamnation de la société Keck au paiement d'une somme de 99 964 euro à titre de dommages-intérêts.

Le jugement attaqué sera réformé en ce sens.

Il n'est par ailleurs pas discuté que diverses factures de fournitures de marchandises ont été laissées impayées à hauteur de 83 095,05 euro par la société Britex, laquelle a été à juste titre condamnée par les premiers juges au paiement de cette somme.

À cet égard, la société Britex ne peut légitimer la suspension de ses règlements en invoquant l'exception d'inexécution, son obligation de payer le prix de vente des marchandises livrées et celle de la société Keck de ne rompre leurs relations commerciales qu'au terme d'un préavis de 6 mois n'étant pas interdépendantes.

Elle sera donc tenue au paiement des intérêts produits par cette créance, lesquels seront calculés au taux légal puisque rien n'indique que la société Britex ait contractuellement consenti à l'application d'un taux supérieur en cas de non-paiement du prix des marchandises livrées, et courront conformément à l'article 1153 du Code civil à compter de la mise en demeure du 29 novembre 2007 sur la somme de 53 177,50 euro et de l'ordonnance d'injonction de payer du 7 février 2008 sur la somme de 29 917,55 euro.

Enfin, il y aura lieu à compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties.

Chacune des parties supportera la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a en outre pas matière à application de l'article 700 du Code de procédure civile tant en ce qui concerne les frais irrépétibles de première instance que d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement rendu le 8 octobre 2009 par le Tribunal de commerce de Nantes ; Confirme ce jugement en ce qu'il a condamné la société Britex à payer à la société Keck la somme de 83 095,05 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2007 sur la somme de 53 177,50 euro et à compter du 7 février 2007 sur la somme de 29 917,55 euro, en ce qu'il a déclaré bien fondée l'action en rupture brutale de relations commerciales établies exercée par la société Britex contre la société Keck, et en ce qu'il a judiciairement ordonné la compensation des créances réciproques des parties ; L'infirme en ses autres dispositions ; Dit n'y avoir lieu à expertise ; Condamne la société Keck à payer à la société Britex la somme de 99 964 euro au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.