Cass. com., 18 janvier 2011, n° 10-11.885
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Safic-Alcan (SAS)
Défendeur :
Comercio de Primeras Materias SL (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Maitrepierre
Avocat général :
M. Le Mesle
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, SCP Delaporte, Briard, Trichet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2009), rendu sur contredit, que, s'estimant victime d'une rupture brutale des relations commerciales qu'elle entretenait depuis plusieurs années avec la société de droit espagnol Comercio de Primeras Materias (la société Coprima), ainsi que de divers actes de concurrence déloyale ou illicite, la société de droit français Sochibo, aux droits de laquelle vient la société de droit français Safic-Alcan, a assigné celle-ci en indemnisation de son préjudice, devant le Tribunal de commerce de Nanterre, désigné par une clause attributive de juridiction ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches : - Attendu que la société Safic-Alcan fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli le contredit de la société Coprima, formé à l'encontre du jugement par lequel le tribunal saisi s'était déclaré compétent pour connaître du litige, et de l'avoir renvoyée à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen : 1°) que la convention attributive de juridiction conclue entre deux parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne, peut être conclue soit par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, soit sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, soit dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance ; qu'en retenant l'absence d'acceptation, par la société Coprima, de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales d'achat de la société Safic-Alcan, avec laquelle elle entretenait des relations d'affaires suivies, après avoir relevé que lesdites conditions générales d'achat figuraient au verso des bons de commande adressés à la fois par télécopie et par courrier simple à la société Coprima, ce dont il résultait que la clause litigieuse avait été conclue conformément aux habitudes établies entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000 ; 2°) qu'en toute hypothèse, en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions de la société Safic-Alcan, p. 19-21) si la clause litigieuse avait été conclue conformément aux habitudes établies entre les parties, en l'absence de toute contestation émise par la société Coprima, durant plus de cinq années de relations commerciales continues avec la société Safic-Alcan, sur les conditions générales d'achat figurant au verso des bons de commande émises par la société Safic-Alcan et auxquelles il était expressément renvoyé par une mention figurant au recto de ces documents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 du règlement (CE) n° 44-2001 du 22 décembre 2000 ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé les termes de l'article 23 du règlement n° 44-2001, l'arrêt relève qu'il n'est pas démenti que les bons de commande ont été envoyés par télécopie ; qu'il ajoute que, si ces commandes ont été, ainsi que le prétend la société Safic-Alcan, doublées d'un courrier simple contenant le verso de la commande précisant ses conditions générales d'achat, il n'en demeure pas moins qu'au fondement des dispositions du règlement communautaire précitées, il n'est pas démontré l'acceptation par la société Coprima d'une clause attributive de compétence ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a souverainement retenu l'absence, dans les relations d'affaires suivies entre les parties, d'une acceptation préalable de cette clause par la société à laquelle celle-ci était opposée, et qui a procédé par là-même à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision d'en écarter l'application ;
Mais, sur le moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, ensemble l'article 5, 3, du règlement du Conseil n° 44-2001, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; - Attendu que le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité délictuelle de son auteur ;
Attendu que, pour accueillir le contredit et renvoyer la société Safic-Alcan à mieux se pourvoir, l'arrêt, après avoir indiqué que la demande d'indemnisation formée par cette société vise à obtenir la réparation du dommage qui aurait été causé par la rupture brutale de relations commerciales établies, en déduit que cette demande relève d'un fondement contractuel au sens de l'article 5, 1, a, du règlement n° 44-2001 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles, autrement composée.