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Décisions

ADLC, 30 décembre 2010, n° 10-DCC-198

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mmes Sybille Roncin, Laure Durand-Viel, de MM. Charles Bertin, Umberto Berkani, l'intervention de Mme Nadine Mouy, rapporteure générale adjointe, par M. Bruno Lasserre président, Mmes Françoise Aubert, Anne Perrot, Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidentes, Mme Reine-Claude Mader-Saussaye, , MM. Yves Brissy, Noël Diricq, membres.

ADLC n° 10-DCC-198

30 décembre 2010

L'Autorité de la concurrence (section IB),

Vu le dossier de notification déposé à la Commission européenne le 25 juin 2010 et reçu par l'Autorité de la concurrence le 30 juin 2010, relatif à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations, formalisée par un protocole de rapprochement et un pacte d'actionnaires en date du 4 mai 2010 ; Vu la demande de renvoi présentée par l'Autorité de la concurrence le 20 juillet 2010 en application de l'article 9 paragraphe 3) point b) du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil et la décision de renvoi de la Commission européenne du 12 août 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DEX-01 du 13 septembre 2010 d'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l'article L. 430-5 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les représentants des groupes Veolia Environnement et Caisse des Dépôts et Consignations en date du 23 novembre 2010 ; Vu les engagements présentés les 12 octobre, 16 novembre , 7 décembre et 23 décembre 2010 par les parties notifiantes ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement, et les représentants du groupe Veolia Environnement et de la Caisse des Dépôts et Consignations entendus au cours de la séance du 30 novembre 2010 ; Les représentants des sociétés Kéolis, Vectalia, RATP Développement, de l'association Réunir et du Groupement des autorités responsables de transport entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3 du Code de commerce ; Adopte la décision suivante :

CHAPITRE 1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

I. Les entreprises concernées

A. VEOLIA ENVIRONNEMENT

1. Veolia Environnement est un groupe international actif dans les secteurs (i) de la gestion déléguée des services d'eau et d'assainissement par l'intermédiaire de sa division Veolia Eau, (ii) de la fourniture de services de propreté et de traitement des déchets via sa filiale Veolia Propreté, (iii) de la prestation de services en matière d'énergie via sa filiale Dalkia et (iv) de la gestion déléguée de services de transport via sa filiale Veolia Transport. Veolia Transport a pour principale activité la fourniture de services de transport public de voyageurs et assure ainsi, en France comme à l'étranger, la gestion déléguée de réseaux notamment urbains et interurbains au moyen de tout type de véhicules (autobus, autocars, métros...).

2. En 2009, le chiffre d'affaires mondial total consolidé de Veolia Environnement s'est élevé à environ 34,5 milliards d'euro, soit environ [...] milliards d'euro réalisé dans l'Union européenne dont [...] milliards d'euro en France.

B. LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

3. La Caisse des dépôts et consignations (ci-après CDC) est un établissement public, régi par les articles L. 518-2 et suivants du Code monétaire et financier, qui remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et les collectivités locales (dépôts sur les livrets d'épargne qui financent le logement social locatif et le renouvellement urbain, consignations et dépôts réglementés, retraites et trésorerie de la Sécurité sociale) et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l'assurance de personnes à travers CNP Assurances dont la CDC est l'actionnaire de référence, (ii) l'immobilier directement et par l'intermédiaire d'Icade et de la Société Nationale Immobilière, (iii) les services, au travers de Transdev (transport public de voyageurs), d'Egis (ingénierie des infrastructures), de la Compagnie des Alpes (exploitation de stations de ski et de sites de loisirs) et de Belambra (exploitation de résidences de tourisme et d'hôtels), (iv) le développement de PME et le capital investissement au travers de CDC Entreprises, du Fonds Stratégique d'investissement et de Qualium Investissement.

4. Le groupe CDC a réalisé en 2009 un chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxes de [...] milliards d'euro, dont [...] milliards en France.

II. L'opération

5. Selon le protocole de rapprochement en date du 4 mai 2010, il est prévu que Veolia Environnement et la CDC apportent leurs filiales de transport respectives, à savoir Veolia Transport et Transdev, au sein d'une nouvelle entité dont Veolia Environnement et la CDC détiendront chacune 50 % du capital et des droits de vote. En vertu du pacte d'actionnaires en date du 4 mai 2010, Veolia Environnement nommera [...] membres au sein du conseil d'administration de l'entité nouvellement créée, la CDC nommant les [...] membres restants. Les décisions stratégiques dudit conseil d'administration seront adoptées à la majorité [Confidentiel]. Il découle de ce qui précède qu'à l'issue de l'opération projetée, la CDC et Veolia Environnement exerceront un contrôle conjoint sur la nouvelle entité.

6. L'opération a été notifiée à la Commission européenne le 25 juin 2010, dans la mesure où les chiffres d'affaires des entreprises concernées atteignent les seuils mentionnés à l'article 1(1) du règlement (CE) n°139-2004 du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises et où l'opération constitue une concentration au sens de l'article 3(1) (b) du même règlement. En effet, (i) le chiffre d'affaires total mondial réalisé par l'ensemble des entreprises concernées est supérieur à 2,5 milliards d'euro, (ii) le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans l'Union par au moins deux entreprises concernées dépasse 250 millions d'euro et (iii) seule la CDC a réalisé plus de deux tiers de son chiffre d'affaires de l'Union en France.

7. Par lettre en date du 20 juillet 2010, l'Autorité de la concurrence a demandé le renvoi de l'opération en tant qu'elle concerne la France, en application de l'article 9 paragraphe 2) point a) du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil sur les concentrations, en vue de l'examiner selon le droit national de la concurrence. L'Autorité de la concurrence a en effet estimé que l'opération projetée menaçait d'affecter les marchés du transport public urbain et interurbain de voyageurs hors Ile-de-France ainsi que le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France. Selon l'appréciation faite par l'Autorité, ces marchés sont de dimension tout au plus nationale voire, pour certains, infranationale et présentent toutes les caractéristiques de marchés distincts. La Commission européenne a décidé, le 12 août 2010, de renvoyer la partie française de l'opération à l'Autorité de la concurrence en application de l'article 9 paragraphe 3) point b) du règlement précité.

8. La partie relative à la France de l'opération de création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la CDC est donc soumise, en application du point IV de l'article L. 430-2 du Code de commerce, au contrôle français des concentrations.

CHAPITRE 2. DÉLIMITATION DES MARCHÉS PERTINENTS

I. Délimitation des marchés de services de transport

9. Eu égard aux activités des parties, la présente opération emporte des chevauchements sur les marchés français du transport de voyageurs en Ile-de-France et hors Ile-de-France.

10. Sur l'ensemble des marchés concernés par la présente opération, la concurrence s'exerce entre les opérateurs principalement lors de leurs réponses aux appels d'offres lancés par les autorités organisatrices de transport (ci-après " AOT ") dans leur zone géographique de compétence.

11. En ce qui concerne le transport public de voyageurs, la loi d'orientation des transports intérieurs (ci-après " LOTI ") du 30 décembre 1982, fixe les principes généraux de l'organisation du service public des transports pour la France, à l'exception de l'Ile-de-France. Dans ce cadre, les communes et leurs groupements sont compétents pour l'organisation des transports urbains de voyageurs, les départements pour les transports interurbains de personnes, à l'exclusion des liaisons d'intérêt régional ou national, et les régions pour les services routiers réguliers non urbains d'intérêt régional.

12. Pour l'ensemble des services routiers, la LOTI dispose que l'exécution du service peut être assurée soit en régie par une personne publique, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l'autorité organisatrice (délégation de service public ou marché public). Dans le cas d'une délégation de service public, une procédure de publicité et de mise en concurrence est obligatoire conformément aux dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin. Dans le cas d'un marché public, un appel d'offres est obligatoire en application du Code des marchés publics.

13. S'agissant de l'Ile-de-France, l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France (1) (" l'ordonnance de 1959 ") établit, pour cette région, une autorité organisatrice unique, le Syndicat des Transports d'Ile-de-France, (ci-après " STIF "), rassemblant l'Etat et les collectivités locales concernées.

14. Compte tenu des différences substantielles de régimes législatifs et réglementaires (qui ont une incidence directe sur l'organisation du transport public) ainsi que des différences dans les matériels utilisés, les autorités de concurrence aussi bien communautaire que nationales (2) opèrent une distinction entre le transport public de voyageurs en Ile-de-France et le transport public de voyageurs hors Ile-de-France.

A. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

15. Dans le secteur du transport public de voyageurs hors Ile-de-France, l'Autorité de la concurrence a relevé (3) qu'il convient de distinguer le transport ferroviaire sur le réseau ferré national (hors tramway et métro) du transport routier. Ces deux modes de transport sont en effet complémentaires et non substituables, notamment en raison de leur cadre législatif distinct, de leurs fonctions différentes dans la politique de transport mais également du fait que leurs coûts d'exploitation présentent des écarts significatifs (2 à 5 fois plus élevés pour le ferroviaire selon les estimations fournies). En outre, le transport ferroviaire nécessite des investissements importants dans des infrastructures spécifiques lourdes, si bien qu'une fois ces investissements réalisés, la substitution d'un transport routier au transport ferroviaire est difficilement envisageable.

16. Au sein du transport routier de voyageurs hors Ile-de-France, les autorités de concurrence nationales distinguent le transport urbain du transport interurbain. En effet, il appartient à des autorités organisatrices différentes d'organiser le transport urbain (communes ou leurs groupements) et le transport interurbain (départements ou régions). En outre, ces deux marchés se différencient en raison de la spécificité des matériels (bus pour le transport urbain, autocars pour le transport interurbain), des compétences requises pour l'exploitation de ces réseaux de transports (4) et du mode de propriété du matériel (propriété de l'opérateur en général pour le transport interurbain, propriété de l'autorité organisatrice en général pour le transport urbain).

17. S'agissant plus particulièrement du transport interurbain, les parties soulignent que la libéralisation du transport ferroviaire régional (TER) pourrait conduire, à terme, à l'émergence d'un marché unique du transport interurbain de voyageurs intégrant les modes routiers (autocars) et ferrés (TER).

18. Toutefois, compte tenu de la pratique récente de l'Autorité (5) et du monopole encore détenu par la SNCF en matière de transport ferroviaire régional, la délimitation envisagée d'un marché du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France reste pertinente.

1. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC URBAIN DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

19. Dans son avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, l'Autorité de la concurrence a relevé qu' " en France, les délégations de service public de transport urbain sont le plus souvent allouées par des appels d'offres portant sur l'intégralité du réseau concerné. Ainsi, sur un territoire déterminé, l'exploitation de l'ensemble du réseau de transport urbain de voyageurs est confiée à un opérateur unique ". Le même constat a été fait par l'Autorité à l'occasion de ses décisions n° 10-DCC-02 et n° 10-DCC-83 relatives à des opérations de concentration dans le secteur du transport de voyageurs : ces dernières ont relevé en outre l'existence d'une certaine substituabilité entre les différents modes de transport public urbain, et notamment entre autobus, tramway et métro.

20. S'agissant d'une segmentation plus fine, conduisant à distinguer les réseaux selon que ceux-ci font intervenir des modes de transport dits "lourds" (métro, tramway), il convient de noter que l'ensemble (6) des opérateurs de transport actifs sur le marché français sont capables (7) de répondre à un appel d'offres de transport urbain, indépendamment de la nature des modes concernés. La société Vectalia a notamment indiqué au cours de son audition envisager de candidater à Saint-Etienne, dont le réseau de transport urbain comporte un tramway.

21. Par ailleurs, comme le notent les parties notifiantes (8), il existe une gradation entre les différents modes de transport : pour répondre à leur besoins, les AOT disposent d'un ensemble de solutions qui peuvent, selon les cas, combiner des bus, des bus à haut niveau de service (ci-après " BHNS "), des tramways ou encore des métros. Le caractère spécifique des services offerts par les BHNS est en outre porteur d'incertitude quant à leur appartenance à la catégorie des modes lourds (9). Par conséquent, une segmentation du marché selon la nature des modes de transport s'avère à la fois difficile et peu pertinente.

22. Compte tenu de ce qui précède, dans le prolongement de la pratique de l'Autorité de la concurrence, il convient de retenir, aux fins de l'analyse de la présente opération, un marché du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France, tous modes confondus.

2. LE MARCHÉ DU TRANSPORT INTERURBAIN ROUTIER DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

23. Conformément au cadre juridique " du transport routier non-urbain de personnes " défini à l'article 29 de la LOTI du 30 décembre 1982, le ministre chargé de l'Economie a généralement distingué, au sein de sa pratique décisionnelle, quatre catégories de services de transports non urbains de voyageurs : les services réguliers publics, au sein desquels se distinguent les lignes régulières proprement dites et les transports scolaires, les services à la demande, les services occasionnels, et les services privés.

24. Lors de ses précédentes décisions (10), l'Autorité de la concurrence a noté que les spécificités de ces différents services de transports routiers interurbains tendaient à s'estomper au profit d'un marché global du transport routier interurbain de voyageurs. Elle a en particulier remarqué que le transport scolaire et le transport interurbain régulier proprement dit font l'objet d'appels d'offres selon des procédures similaires, qu'ils relèvent de la même autorité adjudicatrice, qu'ils bénéficient également d'une tarification identique (les usagers des lignes régulières peuvent emprunter les lignes de transport scolaire). L'ensemble de ces éléments est confirmé par le test de marché réalisé à l'occasion de la présente opération. S'agissant des services à la demande, l'Autorité a noté qu'ils dépendent, tout comme la majeure partie des services réguliers interurbains, de la même entité adjudicatrice, à savoir le département.

25. La demande de transport émane également d'acteurs privés (transport occasionnel privé). Mais les décisions d'investissement des opérateurs restent dépendantes de l'obtention de contrats publics, la demande privée étant plus saisonnière et émanant d'une clientèle diversifiée. Par conséquent, le moteur de l'activité de transport de voyageurs et du jeu concurrentiel entre les offreurs dépend des succès obtenus lors d'appels d'offres organisés par les autorités organisatrices : ces marchés doivent être analysés au moment de l'attribution de ces services.

26. Du point de vue de l'offre, l'Autorité a relevé que les services de transport occasionnel ou à la demande, de même que les services de transport scolaire, sont généralement proposés par des opérateurs également actifs sur le transport interurbain régulier proprement dit (11).

27. Les parties notifiantes considèrent elles aussi qu'il convient de retenir un marché global du transport routier interurbain de voyageurs. Elles précisent que les opérateurs peuvent offrir chacun de ces services, les matériels utilisés et le personnel étant affectés de manière indifférente aux différents services. Elles soulignent qu'un opérateur peut adapter son offre sans que cela n'exige des adaptations longues ou l'engagement de frais importants, les véhicules utilisés pour le transport public régulier de voyageurs pouvant être rapidement redéployés sur le transport occasionnel et vice-versa.

28. Le test de marché mené à l'occasion de la présente opération confirme la substituabilité de l'offre du point de vue des moyens mis en œuvre. Toutefois, l'instruction du dossier a permis de relever une certaine complémentarité des prestations scolaires et occasionnelles du point de vue des offreurs. Les opérateurs offrant des prestations de transport scolaires, limitées aux heures et périodes scolaires, redéployent généralement leurs véhicules pour des prestations de transport occasionnels, notamment de type touristique. Les offreurs ont néanmoins tous les capacités de se positionner sur l'un ou l'autre de ces types de transport, en cas de hausse de la demande. Tous ces éléments militent pour l'existence d'un seul marché.

29. L'analyse portera donc sur le marché de service englobant l'ensemble du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France.

30. Par ailleurs, dans sa décision n° 10-DCC-02, l'Autorité de la concurrence a souligné l'existence de transports routiers liés au transport ferroviaire, à savoir :

- les transports routiers " assimilés à des services ferroviaires " qui recouvrent, d'une part, les services routiers temporaires organisés pour assurer la continuité du service public en cas de perturbation du transport ferroviaire et, d'autre part, des " services routiers mixtes " organisés en alternance avec un service ferroviaire lorsque la fréquentation de la ligne est faible ;

- les transports routiers de " substitution à des services ferroviaires " mis en place en vue du remplacement d'une ligne TER complète.

31. Hormis les services routiers temporaires mis en place à titre exceptionnel par la SNCF, les services mixtes et de substitution sont organisés par la région, qui peut choisir de donner mandat à la SNCF pour attribuer ces marchés. Dans tous les cas, la procédure d'attribution prévoit une mise en concurrence des opérateurs par appel d'offres. Ces services routiers ont vocation à venir suppléer le transport ferroviaire et pourraient, de ce fait, être assimilés à des services ferroviaires. Toutefois, dans la mesure où ces services ne relèvent pas du monopole d'exploitation de la SNCF, ils sont accessibles à l'ensemble des transporteurs routiers actifs dans le transport interurbain. A ce titre, ils présentent des caractéristiques permettant d'envisager un rattachement de ces services au marché des transports routiers.

32. En l'espèce, la question de savoir si les services de transport routier liés au transport ferroviaire constituent un marché distinct ou s'il convient de les rattacher au marché des transports routiers interurbains peut demeurer ouverte, dans la mesure où, quelle que soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

B. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC DE VOYAGEURS EN ILE-DE-FRANCE

33. Dans sa décision n° 10-DCC-02 précitée, l'Autorité de la concurrence a considéré, conformément à une pratique constante des autorités françaises et communautaires, que le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France, qui intègre le transport urbain et le transport interurbain, constitue un marché distinct du reste du territoire. Elle appuyait son analyse sur plusieurs critères.

34. En premier lieu, le jeu concurrentiel prend place dans un cadre très spécifique : la LOTI n'y est pas applicable ; l'organisation tourne autour d'une AOT unique (le STIF) et d'OPTILE (Organisation Professionnelle des Transports d'Ile-de-France), qui regroupe les entreprises privées exploitant des lignes régulières de bus, soit à ce jour 84 entreprises ou centres d'exploitation, dont les parties notifiantes ; le régime juridique permet une procédure sans mise en concurrence, non soumise au Code des marchés publics ou à la loi Sapin, mais procédant par inscription d'un transporteur au plan de transport, qui confère à l'entreprise un droit exclusif d'exploitation à durée illimitée. Ensuite, dans cette zone géographique, la régie autonome des transports parisiens (ci-après la " RATP ") constitue un acteur qui doit être distingué des autres opérateurs.

35. Dans sa décision précitée, l'Autorité avait néanmoins relevé que " la mise en œuvre du règlement communautaire n° 1370-2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (" règlement OSP ") devrait aboutir à une convergence graduelle de la réglementation applicable en Ile-de-France et dans les autres régions françaises : le STIF sera en effet tenu de procéder à une mise en concurrence des opérateurs routiers à l'occasion de l'attribution des marchés de transport de voyageurs ". Elle avait déduit qu'il ne pouvait pas être " exclu qu'il n'y ait plus lieu, à terme, d'opérer une distinction entre le transport public de voyageurs en l'Ile-de-France et hors Ile-de-France ".

36. A la date d'examen de la présente opération et au regard des évolutions programmées à moyen terme, il n'y pas lieu de remettre en cause cette analyse, partagée par les parties et confirmée par l'ensemble des réponses au test de marché.

37. A l'intérieur de cette segmentation, les parties s'interrogent sur la place à réserver à l'activité en monopole de la RATP. Cette question sera traitée lors de l'analyse concurrentielle du marché de l'Ile-de-France. Par ailleurs, les parties se sont interrogées sur l'existence d'un marché spécifique du transport occasionnel et ont fourni des informations sur leurs parts de marché en ce qui concerne cette activité. Il en ressort qu'il n'est pas nécessaire, à l'occasion de la présente décision, de trancher cette question, l'analyse demeurant inchangée quelle que soit la solution retenue.

II. Délimitation géographique des marchés de services de transport

38. Cette délimitation géographique sera effectuée pour chacun des trois marchés de services précédemment identifiés.

A. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC URBAIN DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE

39. Les autorités, aussi bien nationales que communautaire, ont considéré que la concurrence pour les marchés publics de transport urbain s'exerçait essentiellement entre l'ensemble des entreprises présentes au niveau national. En effet, lorsque les collectivités locales délèguent l'exploitation de services de transport urbain de voyageurs, elles organisent des appels d'offres auxquels peuvent répondre l'ensemble des opérateurs nationaux.

40. Il a par ailleurs été constaté que la spécificité du cadre juridique dans lequel sont organisés ces appels d'offre, leur publication en langue française dans des journaux dont la diffusion est, hormis pour les appels d'offres lancés par les très grandes villes, limitée au territoire national ainsi que les délais de réponse relativement courts qui sont laissés aux candidats constituent des obstacles à l'entrée des opérateurs étrangers sur ce marché (12). Les parts de marché très restreintes détenues par les deux opérateurs étrangers confirment que la concurrence est limitée au territoire national.

41. Compte tenu de ce qui précède, et dans le prolongement de la pratique des autorités de concurrence, il convient de retenir, aux fins de l'analyse de la présente opération, un marché du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France de dimension nationale.

B. LE MARCHÉ DU TRANSPORT INTERURBAIN ROUTIER DE VOYAGEURS HORS ILE-DE- FRANCE

42. La question de la dimension géographique du ou des marchés du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France n'a jusqu'à présent pas été tranchée par les autorités de concurrence nationales, celles-ci ayant jusqu'à présent analysé la concurrence sur ces marchés au niveau des départements (13). Dans sa décision de renvoi de l'examen de la présente opération à l'Autorité de la concurrence, la Commission européenne relève que ce marché est vraisemblablement de dimension infranationale.

43. Les résultats de l'enquête de marché menée à l'occasion de la présente opération, tant par la Commission européenne que par l'Autorité de la concurrence, font apparaître plusieurs éléments plaidant pour une dimension départementale du marché. Les clients et les concurrents ont confirmé la nécessité d'une implantation locale forte par le biais de dépôts de véhicules. La mise en concurrence est encore majoritairement organisée autour d'appels d'offres très allotis, parfois octroyés ligne par ligne, publiés dans des journaux à diffusion locale avec de courts délais de réponse. Cet état de fait n'incite pas les opérateurs établis hors du département, et a fortiori les opérateurs étrangers, à investir dans un nouveau dépôt alors qu'ils ne sont pas certains d'obtenir l'exploitation d'un nombre suffisant de lignes pour le rentabiliser. Ceci est illustré en pratique par le fait que 60 % des lignes interurbaines sont exploitées par des opérateurs qui ne sont présents que dans quelques départements (14). Et les groupes de dimension nationale (Keolis, Transdev, Veolia), qui exploitent les 40 % des mêmes lignes, s'implantent dans chaque département par le moyen de rachats d'entreprises de transport locales.

44. La majorité des autorités organisatrices de transport estime que seuls les opérateurs situés dans les départements proches et/ou limitrophes seraient susceptibles de répondre à leurs consultations dans l'hypothèse où leurs dépôts seraient proches de la frontière départementale et des têtes de lignes à exploiter. Toutefois, dans les faits, elles reconnaissent que cette participation reste marginale à l'exception de quelques départements frontaliers et/ou à forte densité de population et de lignes interurbaines.

45. Par conséquent, il sera retenu une délimitation départementale du marché du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France.

C. LE MARCHÉ DU TRANSPORT PUBLIC DE VOYAGEURS EN ILE-DE-FRANCE

46. Les autorités française et communautaire estiment, dans leur pratique décisionnelle constante, qu'à l'heure actuelle, compte tenu des spécificités réglementaires existant dans cette région, le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France doit être appréhendé dans cette seule région. Les parties notifiantes partagent cette analyse pour la présente affaire.

III. Les marchés accessoires

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS

1. LE MARCHÉ DES SERVICES D'ASSISTANCE TECHNIQUE AUX EXPLOITANTS DE RÉSEAUX DE TRANSPORT DE VOYAGEURS

47. Afin d'optimiser la gestion du réseau de transport dont ils ont la charge, les exploitants, qu'il s'agisse d'émanation des collectivités locales (AOT) ou d'opérateurs privés, ont la possibilité de recourir à des prestations de conseil de façon permanente ou ponctuelle. Les services fournis dans ce cadre consistent en des prestations d'assistance technique et des expertises ciblées en matière de transport de voyageurs (comme, par exemple, des informations sur le cadre législatif et réglementaire, l'assistance à la réponse aux appels d'offres, l'aide à la conception de politique marketing...).

48. Aux fins de l'analyse de la présente opération, les parties proposent de retenir un marché des services d'assistance technique aux exploitants de transport de voyageurs.

49. En l'espèce, en l'absence de problème concurrentiel soulevé par la présente opération, la délimitation exacte d'un marché des services d'assistance technique aux exploitants de transport de voyageurs peut être laissée ouverte.

2. L'AUTO-PARTAGE DE VÉHICULES

50. Les parties notifiantes proposent de retenir un marché de l'auto-partage de véhicules, consistant en la fourniture aux clients finals de prestations complémentaires de l'offre de transport public par le biais de la mise à disposition de véhicules " à la carte ". Il convient de souligner que le développement de ce type d'activités est récent en Europe : il n'existe que depuis 2001 en France.

51. Ces services d'auto-partage de véhicules peuvent être délivrés aux clients finals soit par une entreprise privée, soit par une autorité organisatrice de transport qui, par ailleurs, a la possibilité de déléguer l'exercice de cette activité. A l'heure actuelle, en dehors de Paris, les exploitations relèvent souvent de l'initiative privée dans le cadre de petites structures. Néanmoins, désireuses de développer des offres alternatives à la voiture individuelle, les AOT urbaines commencent à lancer des consultations afin de mettre en place des solutions d'auto-partage pérennes.

52. Par conséquent, il est possible d'envisager une distinction entre le marché de la fourniture de services d'auto-partage de véhicules à destination des clients finals d'une part, et le marché de l'obtention d'activités d'auto-partage de véhicules déléguées par des AOT d'autre part.

53. Cependant, en l'absence de problème concurrentiel soulevé par la présente opération, la question de la délimitation exacte des marchés de l'auto-partage de véhicules peut être laissée ouverte.

B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

54. A l'occasion de la notification de la présente opération les parties suggèrent de retenir une dimension nationale pour l'analyse concurrentielle des marchés des services d'assistance technique aux exploitants de transport de voyageurs et de l'auto-partage de véhicules.

55. Cette question de la délimitation géographique exacte des marchés précités peut toutefois demeurer ouverte en l'espèce, l'opération n'emportant pas de problème concurrentiel.

CHAPITRE 3. ANALYSE CONCURRENTIELLE

56. L'analyse concurrentielle de l'opération de concentration notifiée sera menée pour chacun des trois marchés de services de transports identifiés dans le chapitre précédent (I à III) ainsi que - plus rapidement - pour les marchés accessoires définis dans les paragraphes ci-dessus (IV). Seront écartés enfin les risques d'effets congloméraux liés à l'opération (V).

I. Sur le marché du transport urbain de voyageurs (hors Ile-de-France)

57. Seront successivement abordés : les caractéristiques du marché du transport urbain (A), la discussion de la méthodologie pour mesurer les effets unilatéraux de l'opération sur ce marché (B), la position des parties sur le marché et la mesure de ces effets (C), les contre-pouvoirs susceptibles de compenser ces effets unilatéraux (D) et les effets coordonnés (E).

A. CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ DU TRANSPORT URBAIN DE VOYAGEURS (HORS ILE DE FRANCE)

1. SPÉCIFICITÉS DES MARCHÉS D'APPELS D'OFFRES

58. En France, près de 90 % des autorités organisatrices de transport urbain choisissent de confier la gestion de leur service de transport collectif à un opérateur privé, majoritairement dans le cadre de délégations de service public (15) (ci-après " DSP "), soumises aux dispositions des articles L. 1411-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales (ci-après " CGCT "). Les marchés publics, très nettement minoritaires, constituent le second mécanisme de délégation.

59. Schématiquement, on peut distinguer cinq phases principales dans la procédure d'attribution d'un contrat de délégation :

- analyse commerciale du marché ;

- appel à candidature ;

- réponse à l'appel d'offres ;

- négociation ;

- remise d'un rapport et décision de l'assemblée délibérante.

a) Analyse commerciale du marché

60. Il s'agit de la phase qui se déroule en amont de l'appel d'offres lui-même. Les dates de renouvellement des contrats étant connues, les candidats potentiels peuvent procéder à des analyses (examen du rapport annuel du délégataire en place) ou à des visites sur place pour évaluer la nature du réseau, les contraintes ou l'état du matériel.

61. Tel que le précisent les parties " cette phase d'analyse commerciale ne concerne à proprement parler que les marchés " offensifs ", c'est-à-dire les marchés qu'un opérateur pourrait envisager de remporter face à un concurrent ; s'agissant des marchés " défensifs ", la règle générale est que l'opérateur en place soit candidat " (16).

b) Appel à candidatures

62. L'appel à candidature marque le début formel de la procédure. Il est publié par des supports officiels (journal d'annonces légales, BOAMP, JOUE, etc.).

63. S'agissant tout particulièrement des DSP, le document publié est assez simple. Il s'en tient seulement à l'obligation légale d'informer sur l'objet du contrat, le formalisme attendu pour la réponse ou les investissements que l'opérateur retenu devra supporter. Certains appels à candidatures sont plus spécifiques et contiennent des informations sur le kilométrage, le parc de véhicules mis à disposition et les employés.

64. Les candidats peuvent alors, dans un premier temps, manifester leur intérêt (réponse à l'appel à candidatures) puis, dans un second temps, répondre à l'appel d'offres s'ils sont présélectionnés. L'étape de présélection consiste principalement à vérifier que lesdits candidats disposent des garanties financières et techniques suffisantes pour assurer les services de transport concernés.

c) Réponse à l'appel d'offres

65. Les candidats présélectionnés reçoivent le dossier de consultation qui comporte le cahier des charges élaboré par l'AOT, un projet de convention et un ensemble d'informations décrivant notamment l'état du réseau et du marché. Pour préparer leur réponse, les candidats peuvent demander des informations complémentaires, effectuer des visites sur le terrain et proposer, dans les limites autorisées par le règlement de la consultation, des modifications aux termes du contrat initialement proposé par l'AOT. Cette phase dure généralement entre deux et quatre mois et se conclut par la remise des offres des différents candidats.

d) Négociation

66. Après réception des réponses formelles, et sur la base de l'avis rendu par la commission visé à l'article L. 1411-5 du CGCT, commence une phase de négociation dans le cadre de la procédure de DSP, négociation qui peut durer plusieurs mois, à la discrétion de l'AOT.

67. Cette négociation porte notamment sur :

- les conditions financières ;

- la répartition des risques entre l'AOT et l'opérateur, étant précisé que dans la grande majorité des cas le matériel roulant est fourni par l'autorité ;

- l'efficacité économique du réseau etc. ;

68. En principe, les AOT peuvent engager des négociations avec l'ensemble des soumissionnaires. Une première étape consiste généralement à auditionner chaque candidat lors d'un premier oral. A l'issue de cet entretien oral et de l'analyse des offres remises, qui permettent de procéder à un premier classement, l'AOT entame les négociations. Ces négociations, menées en général de manière itérative, conduisent le plus souvent les AOT à ne retenir au fur et à mesure des discussions que deux candidats au stade ultime de celles-ci. Les parties précisent qu' " en pratique, les dernières négociations organisées par l'AOT opposent le plus souvent l'offre de l'opérateur sortant à l'offre offensive d'un concurrent " (17).

69. Il doit être précisé que la grande majorité des contrats de DSP de transport urbain sont dits à " compensation forfaitaire " versée par l'AOT à l'exploitant. Cette compensation forfaitaire correspond à la différence entre le risque industriel (aléa sur les charges d'exploitation) et le risque commercial (aléa sur les recettes tarifaires provenant principalement de la vente de titres de transport). Les tarifs des billets étant fixés par l'AOT, à niveau de charges donnés, le montant de la compensation forfaitaire nécessaire à l'équilibre économique de l'exploitant est inversement proportionné aux prévisions de fréquentation : plus la fréquentation attendue est importante, plus les recettes tarifaires devraient également être importantes et moins la compensation forfaitaire devrait être élevée.

e) Remise d'un rapport et décision de l'assemblée délibérante

70. Lorsque l'AOT estime avoir obtenu le maximum d'efforts de la part des opérateurs, elle décide de clore la phase de négociation. L'exécutif local (pour les DSP du moins) établit un rapport dans lequel tous les éléments contractuels sont évalués et rend un avis destiné à l'assemblée délibérante. Celle-ci prend ensuite une décision sur la base du rapport.

2. RAPIDE PRÉSENTATION DES PRINCIPAUX OPÉRATEURS DE TRANSPORT URBAIN DE VOYAGEURS (HORS ILE DE FRANCE)

71. Sur le marché du transport urbain hors Ile-de-France les principaux opérateurs sont les sociétés Keolis, contrôlée notamment par la SNCF (18), Veolia Transport, filiale de Veolia Environnement, et Transdev qui, antérieurement, avait pour principaux actionnaires le groupe RATP et la CDC. Par ailleurs, depuis le début des années 2000, s'est développée sur ce marché une frange concurrentielle composée d'une part de RATP Développement, filiale du groupe RATP, et, d'autre part, des deux entreprises étrangères que sont Vectalia, filiale de SUBUS, opérateur espagnol, et CarPostal, filiale de la Poste suisse.

72. Il peut être également noté que, de manière très marginale, certaines entreprises indépendantes de transport interurbain exploitent également des réseaux de transport urbain dans des agglomérations de petite taille.

B. MÉTHODE D'ANALYSE DES EFFETS UNILATÉRAUX SUR LE MARCHÉ DES TRANSPORTS URBAINS

73. Comme cela a été rappelé à l'OCDE dans le cadre d'une table ronde organisée à propos de la concurrence sur les marchés d'enchères (19), la problématique générale des fusions sur les marchés d'appels d'offres est la même que celles des marchés ordinaires mais " les marchés d'enchères suscitent également des argumentations qui ne sont pas plausibles (20) ". Comme pour d'autres marchés, l'analyse des effets d'une fusion sur un marché d'appels d'offres repose en effet largement sur le nombre et le pouvoir de marché des offreurs présents ainsi que sur l'importance des barrières à l'entrée sur le marché et l'existence d'entrants potentiels. Comme le précise le document de l'OCDE cité ci-dessus, ce n'est que dans des situations extrêmes, de marché d'enchères " idéaux " qu'on rencontre rarement dans la réalité, que sont vérifiées des affirmations comme " deux acteurs suffisent à créer une situation de concurrence ", " les parts de marché n'ont aucune importance " ou " les acheteurs peuvent modifier la méthode d'enchère utilisée pour se protéger d'un pouvoir de marché ".

74. En l'espèce, les parties ont tenté de démontrer dans la notification que le marché du transport urbain réunissait les caractéristiques d'un marché d'enchères " idéal " (1). Après avoir discuté ces arguments (2), il sera conclu sur la méthode d'analyse suivie (3).

1. L'APPROCHE DES PARTIES NOTIFIANTES : LE MARCHÉ DES TRANSPORTS URBAINS EST UN MARCHÉ D'APPEL D'OFFRES " IDÉAL"

75. Eu égard au mécanisme d'allocation utilisé pour l'attribution des délégations de service public de transport urbain, les parties notifiantes font valoir que les parts de marché ne reflètent que très imparfaitement le pouvoir de marché des différents acteurs. Elles relèvent en effet que ces parts de marché " ne sont que le résultat de la concurrence passée. Elles donnent peu d'indication sur l'intensité de la concurrence passée et encore moins sur l'intensité de la concurrence future. Le calcul des parts de marché des différents concurrents ne fournit donc pas, en lui-même, une information fiable sur l'intensité de la concurrence future. Les éventuels effets unilatéraux d'une opération de concentration ne peuvent donc être appréhendés par la simple addition des parts de marché des parties. [...] Cet argument est particulièrement vrai lorsque les appels d'offres concernent des contrats d'un montant élevé, les parts de marché (exprimées en valeur) peuvent fluctuer de façon significative en fonction des résultats de quelques gros appels d'offres, sans que cela ne traduise un accroissement de l'éventuel pouvoir de marché de l'opérateur ayant remporté un gros contrat " (21).

76. Les parties rappellent dans la notification que, dans le cas particulier des marchés fonctionnant par appels d'offres, la prise en compte des parts de marché dans l'analyse concurrentielle a notamment été discutée par l'économiste Paul Klemperer dans un document publié par la Competition Commission (22) britannique. Selon ce dernier, pour qu'il puisse être avancé qu'une forte part de marché n'est pas synonyme d'un pouvoir de marché important, le mécanisme d'appel d'offres considéré doit s'inscrire dans un environnement vérifiant les conditions cumulatives suivantes :

. condition n°1 : un seul acheteur remporte la totalité du contrat pour lequel il y a mise en concurrence ;

. condition n° 2 : la taille du contrat doit être importante et représenter ainsi un enjeu significatif pour les entreprises qui participent à l'appel d'offres ;

. condition n° 3 : lors de l'appel d'offres, la probabilité de succès doit être indépendante du résultat des appels d'offres passés lancés pour le réseau considéré, ou pour d'autres réseaux ;

. condition n° 4 : il n'existe pas de barrière à l'entrée sur le marché considéré.

77. Les parties exposent que, lorsque ces conditions sont vérifiées, comme ce serait le cas en l'espèce, la concurrence peut être très intense, même avec un nombre limité d'acteurs. La fusion de deux acteurs ne pourrait donc avoir que très peu d'effet sur la concurrence dès lors que ceux-ci n'étaient pas souvent les meilleurs offreurs sur un même appel d'offres. Les parties notifiantes relèvent que, de 2004 à 2009, seuls [10-20] appels d'offres ont vu Veolia et Transdev déposer les deux meilleures offres (23).

78. La logique du raisonnement exposé par Veolia Environnement et la CDC dans leur notification, est similaire à celle d'une compétition dite " à la Bertrand " pour laquelle, si les consommateurs se soucient uniquement des prix, à l'équilibre l'offreur le moins disant remporte l'appel d'offres à un prix égal ou légèrement inférieur à celui proposé par le second moins disant. Dès lors, tant que la concentration ne réunit pas le vainqueur de l'appel d'offres et son plus proche concurrent (celui qui fixe le prix), l'opération n'est pas susceptible d'avoir des effets anticoncurrentiels. Dans cette optique, pour l'appréciation de l'impact sur la concurrence de l'opération, il conviendrait essentiellement de prendre en compte la fréquence avec laquelle les parties se sont affrontées au cours d'un même appel d'offres et le classement de leurs réponses afin d'évaluer l'effet " anticipé de l'opération sur le nombre de candidats crédibles et l'intensité de la concurrence qu'ils se livreront pour remporter les appels d'offres futurs " (24).

79. A l'appui de leur démonstration, les parties citent plusieurs décisions de la Commission européenne dans lesquelles cette dernière a relevé que, s'agissant des marchés d'appels d'offres, " ce ne sont pas les parts de marché des parties qui sont centrales dans l'analyse concurrentielle mais plutôt la question de savoir s'il existe un nombre suffisant de concurrents crédibles et établis pour garantir la concurrence pour les futurs contrats " (25).

2. MAIS LE MARCHÉ DU TRANSPORT URBAIN NE REMPLIT PAS TOUTES LES CONDITIONS POUR ÊTRE QUALIFIÉ DE MARCHÉ D'ENCHÈRES PARFAIT

80. L'analyse des caractéristiques du marché du transport urbain montre que celui-ci ne remplit pas l'ensemble des conditions identifiées par Klemperer.

a) Sur les première et deuxième conditions (un seul opérateur emporte le marché et chaque marché représente une part significative du chiffre d'affaires des opérateurs)

81. Comme le relèvent les parties (26), les deux premières conditions peuvent être considérées comme satisfaites. En matière de transport urbain, un contrat de DSP est en effet attribué à un opérateur unique, les candidats non retenus n'obtenant aucune activité déléguée par l'AOT. Il est rare que les opérateurs forment entre eux un groupement momentané d'entreprises pour répondre à un appel d'offres (27).

82. Par ailleurs, étant considéré, d'une part, la durée des contrats de DSP de transport urbain (entre 6 et 8 ans) qui tend à limiter le nombre de nouvelles conventions attribuées chaque année (une trentaine par an) et, d'autre part, l'importance des chiffres d'affaires générés par ces contrats (28), chaque appel d'offres constitue un enjeu significatif pour les différents opérateurs de transport. De plus, les ressources mobilisables par les transporteurs pour répondre aux appels d'offres étant restreintes, le choix de concourir pour une DSP donnée implique de devoir renoncer à d'autres marchés. Ce coût d'opportunité tend ainsi à renforcer l'importance que revêt pour un transporteur les contrats pour lesquels celui-ci est candidat.

b) Sur la troisième condition (le résultat de chaque appel d'offre est indépendant de celui des mises en concurrence précédentes)

83. Les parties soutiennent (29) que cette condition est également vérifiée. Elles font valoir à cet égard que le fait que le taux de succès des offres défensives soit plus élevé que le taux de succès des offres offensives, ou que le taux de reconduction de l'opérateur sortant soit élevé, ne démontre pas qu'il existe une prime au sortant. Elles fournissent un exemple théorique afin de montrer que tel peut être le cas même lorsque les probabilités de chacun des candidats de remporter l'appel d'offres sont identiques, que ceux-ci soient sortants ou non.

84. Cependant, la question sous-jacente derrière cette troisième condition est celle de savoir si le fait d'avoir précédemment remporté le contrat de DSP d'un réseau donné exerce une influence, positive ou négative, sur la probabilité, soit de remporter un nouveau contrat, soit d'être reconduit sur un contrat précédemment gagné : elle ne se réduit pas à celle de l'existence d'une " prime au sortant ". Ainsi, dans l'exemple théorique sur lequel s'appuient les parties, le choix de candidater n'est pas indépendant du résultat de l'appel d'offres précédent sur le réseau concerné, puisque le sortant présente systématiquement une offre, contrairement aux autres opérateurs.

85. L'analyse du fonctionnement concurrentiel du marché du transport urbain montre que la probabilité de succès pour l'obtention d'un réseau peut être corrélée :

- d'une part, avec le fait d'avoir précédemment remporté le contrat de DSP de ce réseau : l'expérience que l'opérateur a ainsi acquise accroît ses chances de succès lors du renouvellement (effets d'expérience), de même que la possibilité de se signaler, de façon positive ou négative, à l'AOT (effet de signalement);

- d'autre part, avec le fait d'avoir précédemment remporté des contrats de DSP de transport distincts du réseau en question : l'opérateur peut ainsi démontrer sa capacité à exploiter de tels réseaux (" effet vitrine ") ou bénéficier de synergies géographiques.

Effets d'expérience et de signalement lors du renouvellement d'un appel d'offres

86. Sur ce point, les parties notifiantes reconnaissent qu'il peut y avoir quelques incertitudes quant à l'avantage dont peut bénéficier l'opérateur sortant lors du renouvellement d'un appel d'offres (30). Elles notent d'ailleurs que la concurrence qui s'exerce pour les transports ferroviaires et par autobus est citée par Klemperer pour illustrer le lien de dépendance qui peut exister entre la probabilité de succès et le résultat d'appels d'offres précédents (31). Elles relèvent cependant qu'à " supposer que l'opérateur sortant puisse, toutes choses égales par ailleurs, bénéficier d'une " prime " vis-à-vis de l'AOT contractante (quod non), en tout état de cause l'usage massif dans les contrats de DSP de clauses précisant qu'un inventaire des installations et du matériel roulant devra être effectué en début et en fin de contrat, ainsi que les clauses prévoyant le transfert du personnel au nouvel opérateur, tendent à confiner l'avantage au sortant à un aspect essentiellement psychologique des autorités organisatrices ".

87. Cet argument est cependant contrebattu par les réponses au test de marché : 24 des 33 AOT qui se sont exprimées dans le cadre du test de marché conduit par la Commission européenne estiment que l'opérateur de transport urbain sortant bénéficie d'un avantage sur ses concurrents qui correspond, principalement, à une connaissance approfondie du réseau (32).

88. Ce dernier avis est partagé par les sociétés concurrentes, Keolis, CarPostal et Vectalia (33). Cette dernière précise que l'effet d'expérience " tient surtout aux coûts d'acquisition d'informations sur le réseau concerné que n'a pas à engager l'opérateur historique. D'autant plus que les données fournies sont souvent erronées, incomplètes ou dépassées, voire même faussées, ce qui explique les coûts de nos analyses de remontées du terrain, afin de tout vérifier, sans pour autant être certains de cerner la vérité ". Les parties notifiantes reconnaissent d'ailleurs que la préparation d'une réponse défensive permet à l'opérateur sortant d'économiser les coûts de réalisation d'études sur le réseau concerné que doivent en revanche supporter les candidats offensifs. Elles estiment que la préparation d'une candidature défensive revient [20-30] % moins cher que la préparation d'une candidature offensive toutes choses égales par ailleurs (34). Les parties précisent, dans le même sens, s'agissant du déroulement d'une procédure d'appel d'offres, que la " phase d'analyse commerciale ne concerne à proprement parler que les marchés " offensifs ", c'est-à-dire les marché qu'un opérateur pourrait envisager de remporter face à un concurrent " (35).

89. En ce qui concerne l' " effet de signalement " à l'égard des AOT, les parties notent que " lors du renouvellement d'un contrat exploité par l'entité fusionnée, l'AOT pourra tirer parti de l'information sur les niveaux de coûts qu'elle aura acquise au cours de la période d'exploitation " (36). Elles reconnaissent qu'au cours de l'exploitation d'un réseau de transport urbain, l'asymétrie d'information qui peut exister entre l'exploitant et l'autorité organisatrice tend à se réduire, cette dernière ayant la possibilité d'observer l'efficacité de l'opérateur de transport qu'elle a retenu. Elles insistent également sur le caractère spécifique de la relation entre l'AOT et le contractant en place : " la sélection par une AOT d'un seul prestataire pour l'exploitation de l'ensemble de son réseau, choisi à l'issue d'un processus d'appel d'offres intense et compétitif, induit une relation intuitu personae très forte (...) ".

90. Lors du renouvellement d'un contrat de DSP, l'asymétrie d'information dans laquelle se trouve l'AOT pourra donc être plus faible vis-à-vis du sortant que vis-à-vis des candidats offensifs, ces derniers n'ayant pas eu l'occasion de signaler à l'autorité organisatrice leur niveau d'efficacité respectif. Une telle circonstance est susceptible d'influencer, positivement ou négativement, la probabilité que le sortant soit reconduit.

91. D'une manière générale, il convient de noter, comme le relèvent les parties, que l'opérateur en place présente quasi-systématiquement (37) une offre à l'échéance du contrat. Au regard des données transmises au cours de l'instruction, ce comportement est effectivement vérifié pour les principaux opérateurs de transport urbain entre 2004 et 2010 (38). En revanche, le dépôt d'une offre offensive est loin d'être systématique. Keolis a déposé une offre offensive pour [20-30] % des appels d'offres dont il n'était pas le sortant, Veolia, [30-40] % et Transdev, [20-30] %. Cette proportion tombe à [0-5] % pour RATP Développement, [5-10] % pour Vectalia et [0-5] % pour Carpostal. Comme cela a déjà été relevé ci-dessus, ce fait à lui seul montre que le résultat d'un appel d'offres n'est pas indépendant de ceux qui l'ont précédé : par définition, ne peuvent l'emporter que ceux qui se présentent à l'appel d'offres ; or on a vu que la probabilité pour un opérateur de se présenter est beaucoup plus forte pour les sortants que pour les candidats offensifs. De fait, sur la période 2004-2009, 50 % des appels d'offres n'ont eu qu'une seule candidature, celle de l'opérateur sortant ; 31 % ont reçu deux candidatures et 19 % en ont reçu plus de deux.

92. Pour un transporteur, la décision de concourir pour l'obtention d'un contrat de DSP résulte d'un arbitrage entre d'une part le coût de la réponse à l'appel d'offres et, d'autre part, la probabilité de remporter le marché. Par conséquent, si l'opérateur sortant postule invariablement lors du renouvellement du contrat, il est légitime de penser que ce dernier anticipe des coûts de réponse moins élevés ou une probabilité de remporter le marché plus importante qu'un candidat offensif. RATP Développement explique d'ailleurs que si elle a acquis, à l'occasion de son désengagement du capital de Transdev, des contrats de DSP de réseaux urbains arrivant à échéance sous moins de 3 ans, elle comptait bien sur " une prise en main de ces réseaux de 18 mois minimum et lors du renouvellement [sur la perspective] de [se] positionner en défensif et non en offensif. Le marché vit mais la réalité est que le sortant a un avantage substantiel lors du renouvellement d'un appel d'offres, fort de sa connaissance du réseau " (39).

L'effet " vitrine "

93. Cet effet peut être défini comme la possibilité de faire état, afin d'accroître ses chances dans un appel d'offres, de références fortes et visibles comme le fait d'exploiter un grand réseau : ce dernier fera souvent l'objet d'innovations techniques ou commerciales qui pourront être valorisées auprès des AOT.

94. Sur ce point, les parties notifiantes reconnaissent que les références passées jouent un rôle pour attester de l'expérience de l'exploitant : " une expérience de la gestion de réseaux similaires [peut] contribuer à assoir la crédibilité d'un opérateur dans un appel d'offres donné " (40). Elles indiquent néanmoins que ces références ne constituent pas une condition nécessaire à l'obtention d'un réseau (41).

95. Cependant la condition que l'on cherche à vérifier n'est pas de savoir si les succès passés sont nécessaires pour remporter un nouvel appel d'offres, mais s'ils ont une influence sur la probabilité d'obtenir (ou de renouveler) un contrat. A ce sujet la société Keolis note qu' " en France, les grands réseaux / les villes importantes sont des " contrats vitrines " pour les grands opérateurs : on ne gagne pas nécessairement de l'argent mais on acquiert un savoir-faire, une référence. Pour Keolis, Lyon est ainsi un contrat vitrine, peu ou pas de bénéfices attendus pendant 6 ans mais un contrat vitrine important, une acquisition d'expérience pour notre équipe sur place. Pour Veolia, il s'agit de Rouen après la perte de Bordeaux. Veolia est très offensif sur Lille pour avoir un contrat vitrine en remplacement de Bordeaux. Exploiter un grand réseau, c'est capitaliser des compétences rares sur le marché (car peu de villes ont des réseaux élaborés mêlant modes lourds et autres), c'est tester des innovations diverses. Il y a un fort effet d'apprentissage lié à l'exploitation des grands réseaux " (42).

96. Par ailleurs, à la lecture du test de marché mené par la Commission il apparaît que les références dont peuvent se prévaloir certains candidats aux appels d'offres constituent bien pour les AOT un critère important d'attribution des contrats (43). Cette même analyse sur le caractère faiblement rémunérateur des grands réseaux, compensé par leur rôle de " vitrines " que les opérateurs peuvent valoriser pour remporter des contrats plus rémunérateurs, en France ou à l'étranger, a également été reprise en séance par les représentants des parties.

97. Le fait pour un opérateur d'avoir précédemment remporté des contrats de DSP pour des réseaux de transport urbain, et a fortiori si ceux-ci sont de taille importante, a donc une influence sur sa capacité à remporter de nouveaux contrats de transport urbain, compte tenu des références et de l'expérience acquise.

L'existence de synergies géographiques

98. Une corrélation entre la probabilité de remporter un appel d'offres et le fait d'exploiter d'autres réseaux géographiquement proches a également été signalée par les concurrents interrogés. Il apparaît ainsi que, lors d'un appel d'offres, la probabilité de succès d'un opérateur peut être influencée par sa capacité à optimiser les moyens qu'il déploie :

- d'une part, pour répondre aux différents appels d'offres urbains lancés sur une zone donnée (on parlera alors de synergies géographiques amont) ;

- d'autre part, pour l'exploitation de plusieurs réseaux urbains qui sont proches géographiquement (on parlera alors de synergies géographiques aval).

Les synergies amont (sur la réponse aux appels d'offres)

99. Un transporteur peut en effet optimiser sa candidature pour l'obtention d'un nouveau contrat urbain en s'appuyant sur les moyens qu'il mobilise d'ores et déjà pour l'exploitation d'un ou plusieurs réseaux urbains proches de l'agglomération à laquelle il s'intéresse. Ces synergies ont été confirmées, dans le cadre du test de marché, par RATP Développement et par Keolis. Ces derniers relèvent que " de manière générale, les économies d'échelle sont réalisées grâce à la rationalisation des coûts administratifs (équipes qui répondent aux appels d'offres...) ". Enfin, dans sa réponse au questionnaire de la Commission européenne, la société Vectalia indique : " Il y a au départ une réflexion sur un lieu, autour d'un pôle géographique, existant ou à créer, on regarde le rayonnement possible afin de rationaliser nos coûts.

Exemple :

- Nous sommes délégataire du réseau d'Amiens, nous postulons sur Beauvais.

- Nous sommes titulaires d'un contrat à Perpignan, nous postulons sur Béziers " (44).

100. Ces synergies amont sont également prises en compte par les parties notifiantes dans l'élaboration de leurs stratégies de réponse aux appels d'offres.

Les synergies aval (sur l'exploitation des réseaux)

101. Des économies d'échelle peuvent également être réalisées en aval lors de l'exploitation des réseaux urbains, ou entre réseaux urbains et interurbains. La société Vectalia indique ainsi qu' " il existe en matière de transport, que ce soit urbain ou interurbain, des économies d'échelle géographiques qui peuvent être captées lorsqu'un même opérateur gère plusieurs réseaux dans une zone d'approximativement 50 km de rayon (par exemple Nice, Cannes, Antibes, Menton). Elles sont la conséquence notamment d'une optimisation de l'allocation des ressources entre l'urbain et l'interurbain (par exemple en période de vacances scolaires, un chauffeur de car peut être réalloué au réseau de bus, ou encore des techniciens de maintenance peuvent intervenir sur des bus ou des cars) et d'une concentration des achats en matière de carburant, pneumatiques " (45). Vectalia précise par ailleurs que ces économies d'échelle " correspondent à une réduction de coût de 3 % à 5 % ".

102. Des synergies entre réseaux urbains, liées à la mutualisation des coûts de gestion, peuvent être réalisées si ceux-ci sont suffisamment proches géographiquement. Ainsi, dans un document relatif à la décision de se porter candidat pour l'exploitation du réseau de transport urbain de Fougères (SURF), la société Transdev indique : " la taille du réseau [de Fougères] nous amènera à étudier les synergies possibles avec le réseau de St-Brieuc (sur les activités de direction, marketing, compatibilité) ".

103. Des synergies peuvent également être obtenues dans l'exploitation par le même opérateur de réseaux urbains et interurbains. Comme le précise le document de notification (46), l'extension du périmètre des plans de transport urbain (ci-après " PTU ") a entraîné l'intégration complète ou partielle de certaines lignes de transport interurbain. L'activité de ces lignes, qui, du fait de leur situation géographique, concerne plus particulièrement les zones périurbaines, est intégrée au réseau urbain et ne fait pas l'objet, en règle générale, d'un appel d'offres spécifique (47).

104. Lorsque l'extension du PTU a conduit à l'intégration complète de lignes interurbaines, l'opérateur interurbain concerné peut assurer les dessertes urbaines correspondantes, soit comme sous-traitant de l'opérateur urbain, soit en tant que co-contractant de l'AOT urbaine. De plus, si l'élargissement du PTU concerne uniquement une partie de ligne interurbaine " pénétrante " correspondant à la fin de son itinéraire, l'AOT et le transporteur peuvent convenir des modalités selon lesquelles ce dernier intervient à l'intérieur du PTU. Ces services sont dits " affrétés " par l'AOT urbaine : ils acceptent, dans la limite du périmètre urbain, des voyageurs en contrepartie d'une tarification urbaine. L'opérateur interurbain perçoit alors de l'AOT ou de l'exploitant urbain une compensation tarifaire correspondant à une éventuelle perte de recette qu'il aurait à subir (48). Les parties notifiantes précisent que cette activité réalisée pour le compte d'un opérateur urbain tiers (i.e. n'appartenant pas aux groupes Veolia Transport et Transdev) peut représenter jusqu'à [5-10] % du chiffre d'affaires interurbain (49).

105. Compte tenu notamment du caractère complémentaire des activités de transport urbain et interurbain dans les zones périurbaines, un opérateur ayant déjà remporté, dans une zone géographique donnée, des appels d'offres pour des activités interurbaines a donc plus de chances de remporter un contrat de DSP urbaine. Cette corrélation positive entre les succès passés et la probabilité de victoires futures peut correspondre notamment, comme le souligne la société Vectalia, à la mutualisation des achats de matériels ainsi qu'à la rationalisation des moyens humains (50). Sur ce sujet, Keolis précise pour sa part que " nous regardons marché par marché : si nous n'avons pas de parts de marché sur un territoire, nous serons réticents à y entrer, si on a un contrat, cela change le regard. [...] Si vous allez dans un endroit ou vous n'êtes pas présents du tout, c'est plus dur d'être compétitif ". Le GART (Groupement des Autorités Responsables des Transports) ajoute quant à lui que (51) " dans l'Aude, un opérateur a gagné des lignes urbaines en s'appuyant sur sa position dans l'interurbain. Cela peut se faire après l'obtention de la DSP. Les économies se font donc principalement sur l'interurbain. Du coup, il y a des départements où cela peut être compliqué de venir concurrencer l'opérateur en place (dans le cas, par exemple, où il y aurait beaucoup de dépôts) ".

106. Compte tenu de ce qui précède, il est possible de conclure que la probabilité de remporter un appel d'offres pour une DSP de transport urbain n'est pas totalement indépendante du résultat des appels d'offres précédents. Elle peut au contraire être affectée :

- d'une part, par des effets d'expérience et de réputation qui peuvent profiter à l'opérateur sortant (52) ;

- d'autre part, par des économies d'échelle qui peuvent être obtenues soit dans la phase de réponse à l'appel d'offres, soit dans la phase d'exploitation du réseau, si l'opérateur est déjà présent dans la zone géographique concernée.

c) Sur la quatrième condition (l'absence de barrières à l'entrée)

107. S'agissant de l'existence de barrières à l'entrée, Klemperer indique dans le document précité que si la troisième condition n'est pas vérifiée, il est probable que la quatrième ne le sera pas non plus. En effet, si les succès passés ont une influence positive sur la probabilité de remporter un appel d'offres futur, il sera d'autant plus difficile pour un nouvel entrant, qui par définition ne peut bénéficier des succès antérieurs, de gagner un contrat.

108. Les effets d'expérience et de signalement, l'effet vitrine ainsi que les synergies géographiques décrits ci-dessus peuvent en effet être également analysés comme des barrières à l'entrée sur ce marché auxquelles sont susceptibles de se heurter de nouveaux entrants.

109. De même, les coûts de réponse aux appels d'offres offensifs contraignent les opérateurs à ne répondre qu'à un nombre limité d'entre eux : ils constituent des coûts irrécupérables de nature à freiner la progression de nouveaux entrants sur le marché. Cette analyse est d'ailleurs partagée par certaines AOT : les plus importantes d'entre elles ont mis en place des mécanismes d'indemnisation partielle des frais engagés par les candidats non sélectionnés.

110. Les parties notifiantes relativisent l'importance des barrières à l'entrée sur le marché en notant qu'en matière de transport urbain, la plus grande partie des investissements en matériel roulant est à la charge des AOT, ce qui élimine d'éventuels freins capitalistiques. Il doit cependant être noté qu'existent, selon la taille des agglomérations, des disparités dans la propriété du matériel roulant. Le GART (Groupement des autorités responsables de transport) rapporte ainsi qu'en 2008, 57 % des agglomérations de moins de 50 000 habitants n'étaient pas propriétaires des véhicules utilisés pour le transport urbain, ces derniers étant détenus par l'exploitant du réseau (53). Sur ce point la société Vectalia indique d'ailleurs que " la mise en place d'un tel système [l'exploitant est propriétaire du matériel roulant] s'explique en partie par la paupérisation croissante des collectivités locales. Cela ne semble pas cependant être une tendance lourde. L'affermage peut modifier la décision de postuler pour une DSP car d'une part celle-ci peut alors relever de l'assemblée des actionnaires et, d'autre part, le coût supplémentaire lié au financement supporté par le transporteur peut modifier son arbitrage ". Le matériel roulant ainsi acquis par les opérateurs fait généralement l'objet d'un engagement de reprise par la collectivité locale concernée, à un prix convenu, en cas de non reconduction de l'opérateur titulaire. Cet investissement constitue cependant une barrière capitalistique à l'obtention de tels marchés pour de petits opérateurs qui n'auraient pas la surface financière requise.

111. Il peut par ailleurs être ajouté que ces barrières apparaissent particulièrement fortes pour les opérateurs étrangers. En effet, la publication des appels d'offres dans des journaux à diffusion limitée, hormis pour les appels d'offre lancés par les très grandes villes, les délais très courts pour répondre à des offres complexes, ou encore la publication en langue française, représentent des obstacles à l'entrée de ces opérateurs étrangers.

112. Une étude économique publiée en 2009 (54) montrait que, sur la période 1995-2006, les principales variables explicatives du fort taux de renouvellement des opérateurs en place étaient la part de marché de l'opérateur en place et le degré de transparence de la procédure de passation des contrats, qui sont autant de facteurs dissuadant l'entrée de nouveaux candidats. Plus spécifiquement, s'agissant de la transparence des procédures, Deutsche Bahn résume de la façon suivante les barrières à l'entrée sur le marché français pour un opérateur étranger : " Deutsche Bahn has not yet acquired a French urban transport provider to be able to successfully win or apply for transport contracts in the French market. Without local knowledge and political connections in particular it seems to be very difficult to win urban transport services in France as a "foreign" company from Germany. This specifically French situation has proven a major obstacle to entering the market. ". A la question " Y a-t-il à votre connaissance des éléments (par exemple le cadre législatif et réglementaire etc.) qui empêcheraient les opérateurs établis dans un autre pays que la France de fournir des services de transport public urbain de voyageurs en France ", cet opérateur cite les éléments suivants : " Tender specification, for instance experience, may give a certain advantage to the incumbent.- Political contacts to decision makers are critical in France and can hardly be obtained by foreign companies.- Timing is often short.- Publication policy for competitive tenders can be limited to local/regional level instead of Europe-wide publication. " et conclut : " The French bus and urban rail transport market is one of the most difficult ones to enter as a foreign company. "

113. De fait, un grand opérateur actif au niveau européen, tels qu'Arriva (55), n'est pas présent en France et a déclaré avoir déjà déposé des offres en France mais n'avoir jamais été retenu, le choix se faisant au profit d'opérateurs français déjà en place.

114. Les parties notifiantes soutiennent encore que l'entrée des sociétés CarPostal et Vectalia sur le marché français du transport urbain atteste de la faiblesse des barrières à l'entrée (56). Il convient cependant de noter que ces sociétés ont pénétré le marché français en postulant pour des contrats de DSP proches de leur pays d'origine (57). CarPostal précise ainsi que " lorsqu'elle a débuté en 2004, la stratégie d'implantation de CarPostal en France était volontairement prudente avec un périmètre d'action de 250 km à partir de la frontière franco-suisse. Le groupe s'est par la suite étendu sur des régions jugées porteuses ". Cette stratégie d'expansion à partir d'une zone d'activité préétablie confirme l'existence d'une logique géographique de rationalisation des coûts. Dans cette perspective, il semble donc qu'il puisse être plus difficile pour un opérateur de transport de faire une offre compétitive pour un réseau urbain situé dans une zone dans laquelle celui-ci n'exerce aucune activité.

115. Surtout, il doit être relevé que, depuis leur entrée sur le marché français au début des années 2000, ces deux sociétés n'ont soumissionné qu'à moins de deux appels d'offres par an (58). La part de marché de chacune n'atteint en 2009 que 2,5 %, que ce soit en nombre de réseaux ou en termes de chiffre d'affaires.

116. Compte tenu de ce qui précède, il existe sur le marché français du transport urbain de voyageurs des barrières à l'entrée qui tendent à diminuer la probabilité de voir apparaître un nouvel opérateur, susceptible de contester la position de la nouvelle entité.

3. CONCLUSION SUR LA MÉTHODE D'ANALYSE DU MARCHÉ DU TRANSPORT URBAIN

117. Il ressort des caractéristiques relevées ci-dessus que la concurrence sur ce marché ne s'exerce pas seulement entre le vainqueur de l'appel d'offres et le deuxième mieux- disant. L'interaction concurrentielle commence avec la décision, par les opérateurs, de concourir systématiquement pour le renouvellement des DSP dont ils sont l'exploitant : ils peuvent s'appuyer pour ce faire sur leur expérience et sur l'appréciation que l'AOT aura pu porter sur eux. Le jeu concurrentiel se poursuit avec le choix, par l'ensemble des transporteurs, de se porter ou non candidats à des appels d'offres offensifs pour gagner de nouveaux réseaux : ce choix résulte d'un arbitrage entre, d'une part, les contraintes budgétaires liées aux coûts de réponse aux appels d'offre et d'autre part, la probabilité de remporter l'appel d'offres. Les concurrents comme les parties ont déclaré à cet égard que l'un des déterminants importants de ce choix résidait dans les informations qu'ils pouvaient recueillir sur le degré de satisfaction de l'AOT par rapport à l'opérateur en place. Les appels d'offres pour lesquels il est notoire que l'AOT n'est pas satisfaite de l'opérateur sortant sont ceux qui reçoivent le plus de candidatures.

118. Sur un tel marché, selon la théorie économique (59), plus le nombre de candidats à un appel d'offres est élevé, plus les offres seront compétitives. Or, l'opération a nécessairement pour effet une diminution du nombre des offres remises dans la mesure où, en raison de l'ensemble des barrières à l'entrée décrites ci-dessus, la disparition de l'un des acteurs ne peut être compensée par une augmentation des offres en provenance des concurrents actuels ou potentiels de la nouvelle entité. L'opération a donc un effet sur tous les appels d'offres auxquels les parties à la concentration déposeraient toutes les deux une offre si l'opération n'avait pas lieu, que ce soient seules ou en compagnie d'autres candidats, qu'elles aient déposé les deux meilleures offres ou pas.

119. En conséquence, l'analyse des appels d'offres passés joue un rôle essentiel dans l'appréciation des effets de l'opération. Les parts de marché, même si elles sont essentiellement le résultat des mises en concurrence passées, renseignent également sur l'intensité de cette concurrence, particulièrement quand elles sont stables. Ces éléments seront donc présentés ci-dessous (C) avant de discuter les arguments des parties relatifs à l'existence de circonstances particulières qui permettraient selon elles d'annuler ce même effet, à savoir le rôle que jouera RATP Développement sur le marché et la puissance de négociation des AOT (D).

C. LES EFFETS HORIZONTAUX DE L'OPÉRATION

120. L'analyse des appels d'offres passés et des parts de marché renseignera sur le nombre de candidats crédibles sur ce marché et sur leur pouvoir de marché, notamment le nombre d'offres qu'ils sont en mesure de déposer et leur taux de succès, ainsi que sur les effets de l'opération sur ces variables (1 à 3). Un point plus précis sera ensuite fait sur les effets de l'opération sur les appels d'offres sur lesquels les parties à l'opération déposaient chacune une offre (4).

121. De plus, on constate une relative concentration des positions de Veolia Transport dans certaines régions (Normandie, Est de la France, Provence-Alpes-Côte-d'Azur). Compte tenu des synergies géographiques décrites ci-avant, une telle concentration est susceptible d'avoir un impact négatif sur le nombre de candidatures d'opérateurs concurrents lors du renouvellement des DSP de ces zones. Or, l'opération, en cumulant les réseaux exploités par Transdev et Veolia en PACA, est de nature à renforcer la position de la nouvelle entité sur cette zone (section 5).

1. POINT MÉTHODOLOGIQUE

122. Les parties ont fourni des données sur le fonctionnement concurrentiel du marché de 2004 à 2010. Les données relatives à l'année 2010 étaient cependant incomplètes à la date de la notification ou même de l'examen approfondi auquel a procédé l'Autorité. De plus, sur un marché fonctionnant par appels d'offres, le projet de création d'une entreprise commune entre Veolia Transport et Transdev, annoncé depuis 2009, est susceptible d'avoir eu une influence sur la façon dont ces dernières se sont récemment concurrencées sur le marché du transport urbain de voyageurs. Par conséquent, l'analyse de la présente concentration s'appuiera essentiellement sur les données relatives à la période allant de 2004 à 2009.

123. Par ailleurs, les parties font valoir qu'il convient de retenir, au titre de concurrents sur le marché du transport urbain de voyageurs hors Ile-de-France, les régies et les sociétés mixtes d'exploitation (" SEM "), pour l'évaluation de la position concurrentielle de la nouvelle entité, étant considéré que ces deux structures constituent des modes de gestion alternatifs pour les AOT et, partant, exercent une pression concurrentielle constante sur les opérateurs. Les parties estiment cependant que la part de marché des SEM ne peut être attribuée aux opérateurs privés qui détiennent une participation minoritaire dans le capital de ces dernières (60).

Le cas des régies

124. S'agissant des régies, il doit tout d'abord être noté qu'aussi bien le Conseil de la concurrence que la Commission européenne ont, à l'occasion de précédentes décisions relatives au secteur de l'eau (61), observé que les régies devaient être exclues du marché pertinent. Par ailleurs il convient d'observer que le fait pour une AOT de mettre en place un service pour son propre compte constitue une forme d'autoconsommation telle que l'a définie le Conseil de la concurrence (62). Ce n'est que dans l'hypothèse où la régie interviendrait pour répondre à des besoins autres que ceux en vue desquels elle a été constituée qu'elle serait en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur les offreurs privés (63). Au cas d'espèce, les moyens exploités en régie satisfont aux besoins de transport urbain de l'AOT et ne sont pas susceptibles d'être utilisés pour répondre à des appels d'offres émanant d'agglomérations tierces. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme faisant partie de l'offre disponible sur ce marché. De plus, l'Autorité remarque qu'en l'espèce les réseaux exploités en régie ne font pas l'objet d'une mise en concurrence, le mode de gestion étant choisi en amont de la procédure d'appel d'offres, en application de l'article L. 1411-4 du Code général des collectivités territoriales.

Le cas des SEM

125. S'agissant des SEM, contrairement à la gestion en régie, les réseaux exploités par des sociétés d'économie mixte font l'objet d'une mise en concurrence auquel peuvent candidater, en sus de la SEM concernée, les différents opérateurs de transport qui le souhaitent. Le ministre de l'Economie a cependant observé, à l'occasion de l'opération Vinci/GTM (64), que les services délivrés par une SEM peuvent " s'apparenter à des prestations effectuées en autoconsommation, habituellement exclues des marchés pertinents " dans la mesure où " soit la collectivité locale crée une SEM et celle-ci a la quasi-certitude de remporter l'appel d'offres, soit elle n'en crée pas et il est alors peu probable que les opérateurs privés de stationnement soient concurrencés par des SEM détenues par d'autres collectivités locales ". Il en est de même sur le marché du transport urbain : selon les données fournies par les parties (65), entre 2004 et 2009, sur les 18 réseaux jusqu'alors exploités par des SEM dont le contrat de DSP a été remis en concurrence, et pour lesquels cette SEM est candidate, seuls 3 ont suscité des candidatures d'opérateurs privés. Par ailleurs, il convient d'ajouter que sur ces 3 réseaux, un seul a vu la victoire d'un transporteur privé face à une SEM.

126. En revanche, certains concurrents ont insisté sur l'importance que pouvait revêtir pour Transdev le fait d'être l'opérateur industriel de nombreuses SEM exploitant des réseaux importants (66), même avec une participation minoritaire au capital. Ce point sera développé ci-après mais, en première analyse, les données de marché seront présentées hors SEM et avec SEM.

2. ANALYSE DES APPELS D'OFFRES

127. Les parties font valoir que la concurrence s'est fortement intensifiée au cours des dernières années sur le marché du transport urbain et que l'analyse qu'avait pu en faire le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 05-D-38 en date du 5 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché du transport public urbain de voyageurs n'est plus d'actualité. Elles précisent que cette intensification de la concurrence est due, d'une part, à l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché, tels Vectalia, Carpostal et RATP Développement qui participent de plus en plus souvent aux appels d'offre et ont désormais une présence significative et, d'autre part, à l'émergence de besoins d'intermodalité des AOT et des usagers qui a permis à Keolis de disposer d'un avantage concurrentiel déterminant du fait de son adossement à la SCNF. Il en est résulté selon elles une constante augmentation du taux de changement d'opérateur contrairement à la situation relevée par le Conseil dans la décision précitée, caractérisée par un quasi-gel des positions.

a) Nombre moyen d'offres reçues

128. Le nombre moyen d'offres remises n'a effectivement cessé d'augmenter au cours de la période considérée, passant de 1,5 en 2004 à 2,2 en 2009. Cette augmentation est particulièrement prononcée sur les années 2007-2009 avec un accroissement du nombre moyen d'offres remises de presque 25 %.

129. Cette récente intensification de la concurrence (depuis 2007 environ) ne doit que très peu, contrairement à ce que soutiennent les parties, à l'entrée de nouveaux opérateurs, à savoir Vectalia, CarPostal et RATP Développement. En effet, ces acteurs sont présents sur le marché depuis le début des années 2000 et le total des offres remises par ces derniers est resté peu significatif (de 4 en 2004 à 7 en 2009 au total pour ces trois opérateurs).

130. Il n'est pas exclu, par ailleurs, que le comportement concurrentiel des principaux transporteurs (Keolis, Veolia Transport et Transdev) se soit modifié après une phase d'inertie postérieure à la décision déjà citée du Conseil de la concurrence qui sanctionnait en 2005 une entente entre eux. Il peut par exemple être noté que, depuis 2008, Transdev a augmenté ses moyens destinés à la réponse aux appels d'offres offensifs : " les ressources de la Direction des appels d'offres urbains se sont renforcées progressivement de 2008 à ce jour afin de concentrer les métiers spécialisés que requiert un dossier d'appel d'offres (domaines de la production, du marketing, du financier) " (67).

131. Les AOT ont constaté cet accroissement du nombre d'offres remises en moyenne par appel d'offres et son effet sur le caractère concurrentiel des offres qui leur sont remises, comme elles l'ont déclaré dans le cadre du test de marché communautaire.

<emplacement tableau>

132. Cependant, si la situation de la concurrence s'est incontestablement améliorée tout au long de la période, c'est relativement à une situation de départ, caractérisée dans la décision du Conseil n° 05-D-38, précitée, dans laquelle la concurrence était quasiment inexistante. Dans l'absolu, le nombre moyen d'offres remises n'a dépassé 2 offres que très récemment, en 2008, et reste donc à peine supérieur au nombre d'offres minimum nécessaire pour que puisse fonctionner une dynamique concurrentielle de type " Bertrand " tel qu'elle transparaît dans la configuration de marché " idéal " (ou " parfait ") décrite par l'économiste Paul Klemperer, c'est-à-dire dans laquelle il n'y aurait pas de barrières à l'entrée et sur lequel le résultat de chaque appel d'offre serait indépendant du résultat des appels d'offres précédents. Dans la mesure où, comme cela a été développé ci-dessus, le marché du transport urbain ne présente pas ces caractéristiques, il y a lieu de considérer que le nombre moyen d'offres remises continue à traduire une faible intensité concurrentielle.

<emplacement tableau>

133. De fait, comme le montre le tableau ci-dessus, le marché a été jusqu'à très récemment caractérisé par la prépondérance des candidatures uniques, déposées par l'opérateur sortant. Ce n'est que depuis 2008 que le pourcentage des appels d'offres n'ayant reçu qu'une seule candidature est tombé significativement au-dessous de 50 % (35 % en 2008 et 26 % en 2009), dans un contexte marqué par une baisse sensible du nombre total d'appel d'offres. Constatée essentiellement sur deux ans, cette situation reste fragile. De plus, l'essentiel des offres reste déposé par les trois principaux acteurs du secteur, Kéolis, Veolia Transport et Transdev, le nombre d'offres déposé par Vectalia et Carpostal n'ayant pas significativement évolué sur la période considérée [0-5] offres à eux deux par an en moyenne).

134. Le tableau ci-dessous compare, d'une part, le nombre moyen d'offres qui ont été remises par Veolia Transport et Transdev entre 2004 et 2009 et, d'autre part, le même chiffre en prenant l'hypothèse que les deux entreprises se seraient concentrées en début de période. Le nombre d'offres moyen reçues par les AOT en 2009 serait alors de 1,96 contre 2,2 sans l'effet de la concentration, soit une réduction de 10 %.

<emplacement tableau>

135. Les parties font valoir que cette baisse de 10 % est faible. Elles ajoutent qu'elle est surestimée dans la mesure où, à la suite du rapprochement envisagé, si Veolia et Transdev ne présenteront plus d'offres concurrentes l'une de l'autre, le nombre d'offres offensives que déposera la nouvelle entité ne sera pas limité à celui déposé avant l'opération par Veolia Transport et Transdev mais lui sera supérieur.

136. Cependant, comme cela a déjà été noté ci-dessus, l'opération prend place dans un contexte où l'intensité de la concurrence reste faible en dépit d'une amélioration constatée très récemment. Dans ce contexte, une dégradation de la situation, même légère, liée à l'opération, est de nature à porter une atteinte significative à la concurrence. La circonstance, invoquée par les parties, que la nouvelle entité continuera à se présenter à tous les appels d'offres dans lesquels soit Veolia, soit Trandev, était seul présent, ne compensera pas le fait que l'opération réduira mécaniquement le nombre de candidats aux appels d'offres dans lesquels les deux parties étaient présentes, soit avec deux offres offensives, soit parce que l'une d'elles était l'opérateur sortant.

b) Fréquence de rencontre des parties

137. La base de données fournie par les parties s'agissant des offres remises recense 182 appels d'offres passés au cours de la période 2004-2009. Sur l'ensemble de cette période, Veolia Transport a remis une offre dans un peu plus de la moitié des cas (soit [90-100] sur 182) tandis que Transdev a remis une offre dans [20-30] % des cas (soit [40-50] sur 182). Keolis pour sa part a remis une offre dans [50-60] % des cas (soit [90- 100] sur 182). Parmi les 182 appels d'offres inventoriés, [50-60] % (soit [90-100]) n'ont reçu qu'une seule offre (dont 15 correspondent à des réseaux opérés par des SEM).

<emplacement tableau>

138. L'évolution du nombre d'appels d'offres au cours desquels les parties se sont rencontrées est présentée dans le tableau précédent. A la lecture des résultats, il convient de noter que la fréquence avec laquelle les parties se sont concurrencées pour l'obtention d'un même contrat de DSP urbaine a sensiblement augmenté entre 2004 et 2009 passant de [5-10] % ([0-5] rencontres en 2004) à [20-30] % ([5-10] rencontres en 2009). Par ailleurs, si l'on exclut les appels d'offres auxquels concourt une SEM au motif que ceux-ci attirent très peu d'autres candidats, l'AOT attribuant dans la quasi- totalité des cas le contrat à sa SEM, les parties se sont rencontrées au cours d'un même appel d'offres une fois sur quatre en 2009, contre une fois sur dix en 2004.

139. Un tel accroissement de la fréquence de rencontre des parties est cohérent avec l'amélioration de la concurrence sur les marchés du transport urbain, telle qu'elle transparaît dans l'évolution du nombre moyen d'offres remises entre 2004 et 2009 étudiée ci-avant. Le taux de rencontre de [10-20] % avancé par les parties pour justifier du nombre limité d'appels d'offres pour lesquels la concentration envisagée pourrait être susceptible d'emporter des effets a été calculé sur la totalité de la période (72) et masque donc les effets de l'amélioration récente de la concurrence que les parties mettent en avant par ailleurs. L'observation des comportements d'offres récents de Veolia Transport et de Transdev suggère au contraire que la concentration envisagée est susceptible d'emporter des effets sur un nombre significativement plus élevé de mises en concurrence (une sur quatre si l'on exclut les SEM de l'analyse).

c) Taux de reconduction

140. Le nombre de contrats de transport urbains ayant donné lieu à la reconduction du sortant ou à un changement d'opérateur (hors SEM et hors régies) est exposé dans le tableau suivant (73).

<emplacement tableau>

141. Comme le relèvent les parties, le taux de reconduction du sortant a constamment diminué de 2004 à 2009, passant de 84 % à 63 % : cette évolution est conforme à la dynamique concurrentielle positive qui a été mise en évidence aux paragraphes précédents. Avec un taux de reconduction de 63 % en 2009, la fréquence avec laquelle l'opérateur historique conserve l'exploitation du réseau demeure cependant élevée.

142. Les parties notifiantes font valoir qu'un taux de succès plus important pour les opérateurs sortants ne traduit pas forcément une faible intensité concurrentielle dans la mesure où le sortant a pu remporter l'appel d'offres contre plusieurs candidats, sur la base d'une offre mieux-disante sur laquelle s'est exercée une forte pression concurrentielle. En l'espèce, il convient toutefois de mettre en regard ces données sur le taux de reconduction du sortant avec celles présentées ci-dessus sur le nombre d'offres remises et le fait que la proportion d'appels d'offres recevant plus de deux candidatures reste très minoritaire.

d) Les changements d'opérateur

143. Comme le notent les parties notifiantes, l'analyse des entreprises qui ont obtenu des contrats de transport en remplacement de l'exploitant sortant est susceptible d'apporter des informations pertinentes sur l'intensité de la concurrence entre les différentes entreprises de transport : " si de plus, dans une proportion importante des situations où l'une des parties perd sa position d'exploitant en place, c'est au bénéfice de l'autre partie, on sera porté à supposer que les parties sont des concurrents proches " (74).

144. En l'espèce, la base de données fournie au cours de l'instruction permet d'identifier les changements d'opérateurs intervenus entre 2004 et 2009. Sur les 158 (75) appels d'offres concernés, 38 (76) ont donné lieu à un changement de transporteur. Parmi les 38 changements recensés, 4 (77) (soit 10,5 % des changements observés) correspondent à des contrats pour lesquels Transdev était l'opérateur sortant et qui ont été perdus au profit de Veolia Transport. En revanche, aucun réseau sur lequel opérait Veolia Transport n'a été remporté par Transdev. La quasi-totalité (6 sur 7) des contrats perdus par Veolia Transport l'ont été au profit de Keolis, cette dernière ayant notamment remporté la DSP de Bordeaux jusqu'alors exploité par Veolia.

145. Par ailleurs, il convient de noter qu'entre 2004 et 2009, Transdev a perdu au total 7 (78) appels d'offres pour lesquels il était le candidat sortant. Par conséquent, sur l'ensemble des contrats perdus par Transdev, plus de la moitié (57 %) correspondent à des victoires de Veolia Transport. Keolis pour sa part n'a ravi qu'un contrat à Transdev pendant la période étudiée.

146. Il peut donc être conclu de l'analyse des fréquences de rencontre des parties que Veolia Transport exerçait bien, antérieurement à la présente opération, une pression concurrentielle significative sur Transdev. En effet, comme le notent les parties, si un transporteur donné a perdu une proportion importante des réseaux qu'il exploitait en DSP au profit d'un même concurrent, il est légitime d'en déduire que ce dernier exerce une pression concurrentielle significative sur le premier. En revanche, le raisonnement inverse n'est pas correct : dans le cadre de marché fonctionnant par appels d'offres, un concurrent peut tout à fait exercer une forte pression concurrentielle sur l'exploitant sortant sans que celui-ci ne perde les contrats concernés.

3. ANALYSE DES PARTS DE MARCHÉ

147. Contrairement à ce qui peut être observé sur d'autres marchés d'appel d'offres, les parts de marché présentent une relative stabilité dans le temps. En valeur, les parts de marché des différents acteurs ont peu évolué, celles des deux parties à la concentration étant légèrement croissante de 2004 à 2008, tandis que celles de Kéolis diminuaient sur la même période. Ce n'est qu'en 2009 que cette tendance s'est inversée, en raison du succès remporté par Kéolis en 2008 lors de l'appel d'offres lancé par la ville de Bordeaux, contrat précédemment détenu par Veolia Transport.

148. A l'issue de l'opération, Kéolis reste le premier opérateur sur le marché en termes de chiffres d'affaires. Le résultat de l'appel d'offres de Bordeaux a creusé l'écart entre le chiffre d'affaires cumulé des parties à la fusion et celui de Kéolis : limité à 4 points en 2008, cet écart est passé à plus de 13 points en 2009.

<emplacement tableau>

149. Compte tenu de la grande sensibilité des parts de marché en chiffres d'affaires aux résultats d'un ou deux appels d'offres pour les réseaux les plus importants, les parts de marché des opérateurs calculées en volume (i.e. nombre de contrats remportés) sont également pertinentes sur un marché d'appels d'offres pour apprécier la capacité qu'ont eue par le passé les opérateurs à gagner des appels d'offres.

150. En l'espèce, l'évolution est la même que celle qui a été constatée en valeur : Veolia Transport et Transdev ont vu leur position évoluer positivement entre 2004 et 2009, passant respectivement de [20-30] % à [30-40] % et de [10-20] % à [10-20] % (SEM incluses). En revanche, les positions des acteurs sont inversées : à l'issue de l'opération envisagée, la nouvelle entité disposera d'une part de marché exprimée en nombre de réseaux supérieure à [40-50] %, avec un écart de plus de 10 points avec Keolis.

151. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité sera donc présente sur un nombre plus important de réseaux mais Kéolis détient des réseaux d'une taille plus importante en moyenne que ceux du nouvel ensemble. Les deux situations comportent des atouts : la détention de grands réseaux a un " effet vitrine ", notamment sur la capacité des opérateurs à gagner des contrats à l'étranger. En revanche, les parties ont déclaré que l'exploitation des grands réseaux était peu rentable, contrairement à celles des réseaux de taille plus modeste.

<emplacement tableau>

152. De plus, le groupe Transdev est présent au capital de SEM exploitant des réseaux d'agglomérations importantes, notamment à Strasbourg (CTS), Nantes (SEMITAN), Grenoble (SEMITAG) ou encore Montpellier (TAM), qui représentent à elles seules 15 % du marché en valeur. Ne détenant que des participations minoritaires, il ne contrôle pas ces SEM au sens du droit des concentrations. Les parts de marché correspondantes ne lui ont donc pas été attribuées. En tant qu'exploitant de ces réseaux, Transdev bénéficie néanmoins de références d'autant plus avantageuses qu'il s'agit de grands réseaux qui mettent en œuvre des modes de transport lourds tels que les tramways. Le savoir-faire et la réputation acquis du fait de cette exploitation sont donc susceptibles de contribuer au pouvoir de marché de Transdev et notamment à sa capacité à remporter des appels d'offre, du fait des " effets vitrine " présentés ci-avant (cf. paragraphes 93 à 97).

153. Compte tenu de ce qui précède, la nouvelle entité disposera d'une position élevée sur le marché du transport urbain à l'issue de l'opération envisagée. Cette position est d'autant plus révélatrice qu'elle correspond à l'agrégation de parts de marché stables, voire croissantes, ces dernières années. De plus, le pouvoir de marché de l'entreprise commune pourra être renforcé par l'expertise acquise par la société Transdev via les activités qu'elle exerce dans le cadre de sociétés d'économie mixte.

154. Elle fait face sur ce marché à la concurrence d'un seul autre acteur important, la société Kéolis, dont la SNCF a récemment pris le contrôle conjoint (81). Kéolis est le premier acteur du marché en termes de chiffre d'affaires et le second, derrière la nouvelle entité, en termes de nombre de réseaux. Comme cela a déjà été relevé ci-dessus, les nouveaux entrants, Vectalia, CarPostal et RATP Développement n'ont pour le moment joué qu'un rôle modeste dans l'animation concurrentielle du marché.

4. LES EFFETS DE L'OPÉRATION SUR LES APPELS D'OFFRES RÉUNISSANT LES DEUX PARTIES

155. Compte tenu des éléments exposés ci-avant, une diminution du nombre de candidats aux futurs appels d'offres est susceptible d'emporter deux types d'effets :

. une détérioration en prix des offres remises aux AOT ;

. un appauvrissement de la diversité des réponses produites dans le cadre d'appels d'offres.

Détérioration en prix des offres remises

156. Il ressort du test de marché mené par la Commission qu'une grande majorité des AOT interrogées s'accordent sur le fait qu'en dessous de trois concurrents, il est difficile d'obtenir des offres vraiment compétitives. Les parties notifiantes reconnaissent d'ailleurs que la possibilité de pouvoir arbitrer entre plusieurs candidats est un élément essentiel aux AOT pour obtenir des propositions de qualité (82). Mais, selon elles, l'opération n'est susceptible d'emporter une dégradation des offres que pour les mises en concurrence dans lesquelles Veolia Transport et Transdev auraient été les deux seuls candidats ou auraient été les deux meilleurs candidats (83).

157. Dans le premier cas, une fois la concentration réalisée, les AOT concernées ne recevront plus qu'une offre au lieu de deux. Ainsi, si les parties avaient concentré leurs activités de transport urbain en 2004, les appels d'offres de Chambéry (2005), Menton (2005), Menton (2006), Nice (2004), Saint-Avold (2004), Saint-Avold (2009) et Saint-Dizier (2007), auxquels seules ont participé Veolia Transport et Transdev, n'auraient donné lieu qu'à une seule candidature. Les parties admettent que dans une telle situation, en l'absence de contrainte concurrentielle, la nouvelle entité aurait été incitée à modifier son offre en sa faveur : l'AOT aurait alors reçu alors une proposition d'une qualité inférieure à ce qu'elle aurait pu être sans l'effet de la concentration. Elles soulignent toutefois que ce cas de figure ne s'est produit que sept fois sur un total de 182 appels d'offres entre 2004 et 2009.

158. Par exemple, si l'on considère l'appel d'offres de Menton en 2006 pour lequel Transdev était sortant, les montants annuels des compensations forfaitaires demandées par Veolia Transport et Transdev pour assurer la délégation de service public étaient respectivement de [...] millions d'euro et de [...] millions d'euro (84). A l'issue de la procédure, l'AOT de Menton a retenu l'offre de Veolia Transport dans le cadre d'un contrat de 7 ans. Si la concentration envisagée avait eu lieu avant l'appel d'offres considéré, sans pression concurrentielle, la nouvelle entité aurait pu renouveler son contrat pour un montant de compensation forfaitaire de [...] millions d'euro. L'opération se serait alors traduite par un montant annuel versé par l'AOT au titre de la compensation forfaitaire, supérieur de [30-40] % à ce qu'il a été en réalité : cette différence représente une somme totale de [...] millions d'euro pour toute la durée du contrat.

159. Le second cas est celui des appels d'offres dans lesquels les parties n'étaient pas les seuls répondants mais avaient déposé les deux meilleures offres. Dans ce cas, les parties admettent que la concentration permet à la nouvelle entité de remporter le contrat de DSP concerné en réduisant à son avantage la qualité de son offre mais elles font valoir que cette hypothèse ne s'est produite que 2 fois sur 182 appels d'offres pris en compte.

160. Cependant, l'analyse des effets emportés par une diminution du nombre de candidats à la suite de l'opération projetée ne peut se limiter à la seule capacité qu'aura la nouvelle entité de réduire le niveau de ses offres, capacité qui pourra être exercée dans les deux situations identifiées par les parties. En effet, il convient également de prendre en compte la réaction des concurrents face au relâchement de l'intensité concurrentielle dû à la disparition d'un des acteurs. Comme l'enseigne la théorie économique (§118), l'opération est susceptible d'entraîner une détérioration des conditions de prix de l'ensemble des offres, y compris les offres présentées par les concurrents de la nouvelle entité. C'est ce type d'effet qui est évoqué au paragraphe 352 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations publiées par l'Autorité : " La réaction des autres entreprises présentes sur le même marché et qui ne sont pas parties à la concentration, est susceptible, dans certaines configurations de marché, et ce, indépendamment de tout phénomène de coordination des comportements, de contribuer à affaiblir l'intensité de la concurrence. La disparition d'un concurrent peut en effet déplacer significativement le point d'équilibre concurrentiel sur tout ou partie du marché considéré, l'ensemble des entreprises présentes étant alors en mesure de bénéficier de prix plus élevés ".

161. Cette corrélation entre le nombre de participants et la pression concurrentielle qui s'exerce sur chacun d'eux est vérifiée en l'espèce. Une étude menée dans le cadre de l'instruction, présentée en annexe au rapport, a en effet mis en évidence à partir des données du CERTU une corrélation négative entre le nombre d'offreurs et le taux de marge du candidat vainqueur, dans les appels d'offres pour lesquels le sortant n'est pas reconduit.

162. Dans leurs observations, les parties ont fait observer que la mesure du taux de marge utilisée dans l'étude précitée pouvait surestimer ce dernier dans les cas où l'exploitant doit investir dans le matériel roulant, puisque les amortissements correspondants ne figurent pas dans les données du CERTU. Cette remarque est techniquement fondée. Mais elle ne serait amenée à biaiser la mesure de corrélation entre taux de marge et nombre d'offreurs que si le nombre d'offres remises était significativement plus faible dans les appels d'offres où l'exploitant doit investir dans le matériel roulant. Or, l'instruction a montré que, contrairement aux allégations des parties, le nombre d'offreurs n'est pas significativement plus faible dans les cas où l'opérateur est propriétaire du matériel roulant. La corrélation observée n'est donc pas attribuable uniquement à la circonstance que l'opérateur a supporté ou non des investissements en matériel.

163. Les parties ont par ailleurs reproché à l'étude d'avoir limité son champ aux seuls appels d'offres pour lesquels le sortant n'était pas reconduit. Elles soulignent que même si l'autorité organisatrice apparaît disposée à accueillir les candidatures de nouveaux opérateurs pour faire jouer la concurrence, cela n'implique pas que le sortant ne soit pas sélectionné s'il remet la meilleure offre. Effectivement, la reconduction du sortant peut être le résultat d'un processus concurrentiel. En fait, il semblerait plutôt que ce soient les appels d'offres ayant fait l'objet d'une offre unique (celle du sortant puisque ce dernier est toujours candidat à sa reconduction) qu'il conviendrait de distinguer des autres. D'une part, il peut s'agir d'appels d'offres dans lesquels les candidats offensifs potentiels, ayant obtenu des informations sur le niveau de satisfaction de l'autorité organisatrice, anticipent que celle-ci n'a pas l'intention de changer d'opérateur, et sont donc dissuadés de candidater. D'autre part, certains appels d'offres peuvent n'avoir attiré aucun candidat offensif parce que la marge anticipée était particulièrement faible (par exemple parce que le sortant avait déjà une marge faible et que l'autorité organisatrice n'aurait pas accepté une hausse de ses coûts). Ainsi, les appels d'offres dans lesquels le seul candidat est l'exploitant sortant peuvent se distinguer des autres appels d'offres, sans toutefois que ceci implique nécessairement que le taux de marge soit sensiblement plus faible pour ces derniers. En revanche, il y a tout lieu de penser que, pour les appels d'offres ayant attiré au moins un candidat offensif, toute offre supplémentaire a un impact significatif sur le taux de marge. C'est ce que confirme le graphique ci-dessous, qui représente le taux de marge du titulaire du contrat urbain (calculé à partir des données CERTU 2008) en fonction du nombre de candidats à l'appel d'offres correspondant : on constate effectivement que le taux de marge est d'autant plus faible que les offres sont nombreuses, mais l'effet est nettement plus marqué lorsqu'au moins deux offres ont été présentées.

<emplacement tableau>

164. Compte tenu de ce qui précède, en réduisant le nombre de candidats lors des futures mises en concurrence pour l'allocation de DSP de transport urbain, l'opération projetée est susceptible d'entraîner une détérioration des offres remises aux AOT, que ce soit par la nouvelle entité ou par ses concurrents. Si l'on se fonde sur les chiffres de l'année 2009, la fréquence de rencontre des parties au cours d'un même appel d'offres est de [20-30] %, voire [20-30] % si l'on exclut les SEM. Par conséquent, l'effet identifié est susceptible de survenir dans un appel d'offres sur cinq, voire un appel d'offres sur quatre.

165. En outre, les effets décrits aux paragraphes précédents sont également susceptibles d'avoir une incidence sur les mises en concurrence de réseaux opérés par des SEM. En effet, bien que ce type d'appels d'offres attire, en règle générale, peu d'opérateurs, la candidature de ces derniers n'en demeure pas moins un élément positif de la dynamique concurrentielle. Or, à l'issue de l'opération notifiée, les réseaux exploités par une SEM au capital de laquelle Transdev est présente ne seront plus susceptibles, lors du renouvellement du contrat de délégation, de recevoir une offre émanant de Veolia Transport. Ce cas de figure n'est pas purement théorique comme le montre l'exemple de la Martinique où, d'une part, la société d'économie mixte CFTU, dont le capital est détenu à hauteur de 20 % par Transdev, et, d'autre part, Veolia Transport étaient en concurrence pour l'obtention d'un contrat relatif à la mise en place d'un réseau de transport de personnes sur tout le territoire de la communauté d'agglomérations du centre de la Martinique (CACEM) (85).

Appauvrissement de la diversité des offres

166. Lors d'un appel d'offres pour un contrat de DSP urbaine les réponses soumises à l'AOT par chaque transporteur candidat ne se résument pas à une proposition tarifaire. Les offres remises sont également appréciées en fonction de critères qualitatifs tels que, par exemple, la transparence de la gestion, les objectifs environnementaux, la politique marketing ou encore la relation voyageurs. La concurrence s'exerce donc entre les différents répondants à l'appel d'offres sur de multiples critères, chacun proposant sa vision du service de transport urbain pour l'agglomération considérée. Par ailleurs la capacité à innover est un élément de choix important pour les AOT, qui le soulignent dans leurs réponses au questionnaire de la Commission (86). Le renouvèlement d'un contrat de DSP est en effet l'occasion pour une autorité organisatrice d'envisager les différentes possibilités d'évolution de son réseau ainsi que des services de transport proposés aux usagers. Les parties confirment à ce sujet que " le prix n'est pas le seul critère de choix de l'exploitant par les AOT " et partant qu' " il est courant que les candidats proposent des variantes par rapport à l'offre de base qui figure au cahier des charges et que l'offre finale de chacun des candidats ne corresponde pas au même périmètre de service " (87).

167. Or, en réduisant le nombre de participants au cours des prochains appels à candidature, l'opération aura un effet sur la diversité des réponses que pourront recevoir les autorités organisatrices, indépendamment de l'impact que cette réduction aura sur leur pouvoir de négociation. En effet, la décroissance du nombre de candidats risque d'affaiblir pour un opérateur l'incitation à innover afin de se démarquer de l'offre de ses concurrents.

168. Le GART note ainsi: " L'opération pourrait réduire la diversité des offres. Quand il y a 3 offres, on voit une plus grande diversité des offres. Il y a 4 ou 5 stades dans une DSP. 4 ou 5 offres au départ, et au fur et à mesure, l'AOT guide la négociation jusqu'à obtenir l'offre qui lui paraît la meilleure. [...] Au final, le candidat retenu a utilisé la variante. Lorsqu'il y a moins de candidats, la probabilité de l'innovation est plus faible. La situation à deux n'est pas très saine ". De même, à l'occasion de sa réponse au questionnaire de la Commission, le GART avait indiqué : " les options proposées par les candidats lors de la phase de négociation sont importantes pour l'autorité organisatrice : là encore, plus ces propositions sont nombreuses, plus le choix de l'AO s'effectue au plus près de ses besoins réels ".

169. L'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, le STIF, remarque pour sa part que si la qualité des services de transport urbain est supérieure en province, c'est parce que le nombre de répondants aux appels d'offres y est plus important : " Le STIF ne peut qu'être favorable à ce que, à terme, d'autres opérateurs que SNCF/Keolis, RATP/RATP-dev et Veolia/Transdev, s'intéressent aux marchés de l'Ile-de-France. A cet égard, il considère que le maintien de PME fortes est un atout. Le STIF remarque en effet que la créativité de la part des opérateurs en matière de transport est très inférieure en Ile-de-France à ce qui se fait en province.

De manière générale le STIF considère que le fait d'avoir plus d'opérateurs concurrents permet à l'AO:

- d'avoir un meilleur pouvoir de négociation ;

- de pouvoir bénéficier d'une plus grande diversité/créativité dans les offres qui lui sont faites.

Le STIF remarque qu'il n'y a pas de modèle unique et que la mise en concurrence permet à l'AO d'arbitrer entre des logiques différentes d'un transporteur à l'autre ".

5. LE RENFORCEMENT DES POSITIONS DU NOUVEL ENSEMBLE EN RÉGION PACA

170. On constate une relative concentration des positions de Veolia dans certaines régions (Normandie, Est de la France, PACA). Compte tenu des synergies géographiques décrites ci-avant, une telle concentration est susceptible d'avoir un impact négatif sur le nombre de candidatures d'opérateurs concurrents lors du renouvellement des DSP de ces zones.

Une forte position locale détenue par un opérateur exerce une influence sur le nombre d'offres offensives remises par ses concurrents dans cette zone

171. Compte tenu des synergies et des économies d'échelle déjà décrites aux paragraphes 98 à 105, l'exploitation par un transporteur d'un nombre important de réseaux géographiquement proches lui donne un avantage concurrentiel par rapport à ses compétiteurs dans les appels lancés par les AOT dans la région. Ses coûts de réponse aux appels d'offres et ses coûts d'exploitation seront réduits par rapport à ceux de ses concurrents. A priori, une telle situation permet aux AOT de disposer d'offres plus compétitives de la part d'un opérateur fortement implanté localement. Mais elle peut aussi avoir des effets anticoncurrentiels compte tenu du fonctionnement du marché tel que décrit ci-avant.

172. En effet, on a vu que pour une entreprise de transport, la décision de concourir pour l'obtention d'un contrat de DSP urbaine résulte d'un arbitrage entre d'une part le coût de réponse à l'appel d'offres et, d'autre part, la probabilité de remporter le marché. Du fait de la présence sur la zone considérée d'un opérateur bénéficiant d'un avantage de coût, les concurrents potentiels anticiperont une moindre probabilité de remporter l'appel d'offres et seront moins incités à déposer des offres dans cette zone. La forte concentration géographique d'un acteur est donc de nature à entraîner une baisse du nombre moyen d'offres reçu par les AOT de cette zone.

173. Dans leurs observations, les parties ont présenté une analyse de la corrélation entre la détention par un opérateur de contrats urbains dans un département donné et d'une part, la probabilité d'être candidat, dans ce département, à un appel d'offres urbain, et d'autre part, ses chances de remporter ledit appel d'offres. Cette analyse nécessite de tenir compte d'un éventuel problème d'endogénéité, du fait que des variables cachées (autres que les caractéristiques objectives du département telles que sa surface et sa densité) pourraient influencer à la fois le nombre d'agglomérations détenues par un opérateur et sa probabilité de déposer une offre dans le même département. Le modèle économétrique proposé par les parties, qui tente de remédier à ce possible biais, conclut à l'absence de lien entre le nombre de contrats urbains détenus par un opérateur dans un département et la probabilité qu'il dépose une offre. Les résultats du modèle montrent également une absence de lien entre le nombre de contrats urbains détenus par un opérateur dans un département et la probabilité qu'il soit vainqueur, lors d'un appel d'offres dans ce département. Les parties soutiennent que ce résultat démontre l'absence de synergies géographiques et d'avantage concurrentiel lié à une forte implantation sur une zone géographique donnée.

174. Cependant, la question soulevée par les synergies géographiques concerne avant tout la difficulté, pour des exploitants offensifs, de concurrencer efficacement les opérateurs en place dans les régions où ces derniers ont une forte implantation urbaine. Contrairement aux hypothèses retenues par les parties dans leur analyse, il convient donc plutôt d'examiner si le fait que le sortant détienne un nombre important de contrats urbains autour du réseau concerné par l'appel d'offres tend à décourager les autres opérateurs d'y candidater. Si l'on traite cette question, le problème d'endogénéité soulevé par les parties disparaît puisque l'on cherche ici un lien de causalité entre le dépôt d'une offre par un opérateur offensif et l'implantation urbaine d'un autre opérateur.

175. Analysées sous cet angle, les données CERTU font apparaître qu'un fort degré d'implantation urbaine du sortant dans un rayon de 75 km autour du réseau remis en concurrence est de nature à décourager les autres opérateurs de déposer une offre offensive.

Les effets de l'opération dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA)

176. Eu égard à la distribution géographique des réseaux de transport urbain exploités par les parties, l'opération ne renforcera sensiblement la position de la nouvelle entité que dans la région PACA. En effet, si Veolia Transport est aussi fortement implantée en Normandie et dans l'Est, Transdev n'exploite aucun réseau dans la première région et n'est surtout présent dans l'Est que par le biais de ses participations dans des SEM, ce qui rend plus difficile la mobilisation de synergies géographiques.

177. Au sein de la région PACA, la société Veolia Transport détient une position importante en matière de transport urbain dans les départements suivants (88) :

- les Alpes-Maritimes (06) : avec l'exploitation des réseaux d'Antibes, Cannes, Grasse, Menton et Nice (soit 100 % des réseaux référencés dans la base CERTU pour ce département) ;

- le Var (83) : avec l'exploitation des réseaux de Fréjus-St Raphaël et Toulon (soit 100 % des réseaux référencés dans la base CERTU pour ce département, hors régies) ;

- les Bouches du Rhône (13) : avec l'exploitation des réseaux d'Aix-en-Provence, Aubagne, Fos-sur-Mer / Istres, La Ciotat, Salon-de-Provence, Vitrolles Etang de Berre (soit 87 % des réseaux référencés dans la base CERTU pour ce département (89), hors régies) ;

178. Pour sa part, la société Transdev est fortement présente sur le département du Vaucluse (84) avec l'exploitation des réseaux d'Avignon, Bollène, Carpentras et d'Orange (soit 100 % des réseaux référencés dans la base CERTU pour ce département).

179. Le nouvel ensemble disposera d'une position forte dans la région PACA qui, conjuguée à la baisse du nombre de candidats entraînée par l'opération, est de nature à réduire l'intensité de la concurrence dans cette région.

D. L'ABSENCE DE CONTRE POUVOIRS LIMITANT LES EFFETS IDENTIFIÉS

180. Les parties invoquent plusieurs circonstances susceptibles de limiter les effets défavorables à la concurrence de l'opération :

- l'entrée sur le marché de RATP Développement (1).

- le pouvoir de négociation des AOT (2);

1. LES PERSPECTIVES RELATIVES AU RÔLE DE RATP DÉVELOPPEMENT

181. Les parties notifiantes relèvent que le lien capitalistique entre Transdev et RATP Développement (90) a jusqu'ici dissuadé cette dernière de se positionner sur le marché du transport urbain hors Ile-de-France. Cette situation devrait évoluer : l'opération notifiée implique le désengagement de la RATP, autorisé par la décision n° 10-DCC-83 de l'Autorité de la concurrence (91), qui récupère en contrepartie la gestion des réseaux de Bourges, Moulins, Vienne et Vierzon. Les parties font valoir en conséquence que la RATP dispose des atouts nécessaires pour devenir immédiatement un concurrent effectif et offensif sur le marché français. Elles relèvent que l'entreprise a d'ailleurs affiché une volonté forte de se développer de façon significative en France (92). Selon elles, la suppression des liens capitalistiques entre Transdev et la RATP confère ainsi à l'opération un caractère pro-concurrentiel. Elles citent à cet égard de nouvelles déclarations faites dans la presse tant par la tutelle de la RATP que par les dirigeants de la régie qui, selon elles, confirment que RATP Développement est amenée à jouer un rôle de premier plan.

182. RATP Développement, filiale de la RATP apparaît en effet comme un candidat crédible sur le marché national du transport urbain. Elle n'est cependant pas en mesure d'exercer rapidement sur les différents acteurs du marché une pression concurrentielle comparable à celle de Transdev et de compenser ainsi les effets de l'opération exposés ci-dessus. La réalité de cette pression concurrentielle dépendra en fait du nombre d'appels d'offres auxquels elle candidatera au cours des prochaines années. Or, ce nombre ne peut pas être projeté sur la seule base des déclarations faites à la presse sur ce sujet. D'une part, ces déclarations donnent une indication de tendance mais n'ont pas valeur d'engagements. D'autre part, elles sont difficilement réconciliables, en l'espèce, avec les projections fournies dans le cadre du test de marché dont RATP Développement a demandé à ce qu'elles soient couvertes par le secret des affaires.

183. L'Autorité entend donc s'appuyer essentiellement sur les faits du dossier pour apprécier la pression concurrentielle que RATP Développement est susceptible d'exercer sur le marché au cours des deux ou trois prochaines années.

184. A cet égard, il convient en premier lieu de constater que, antérieurement à l'opération, RATP Développement était présente sur les marchés de transports urbains et interurbains essentiellement à l'étranger (93) et en région Ile-de-France. Elle ne l'était que de façon très marginale hors Ile-de France. Alors qu'au début des années 2000, puis à l'occasion de son entrée au capital de Transdev, la filiale de la RATP avait déclaré son intention de développer significativement sa présence sur le marché français du transport urbain hors Ile-de France, elle n'était active à la veille de l'opération qu'à Annemasse, dont elle exploite le réseau depuis 2002, et à la Roche-sur-Yon, réseau qu'elle a remporté en octobre 2009 face à Keolis. Elle a également conclu un contrat d'assistance technique avec la SEM de Clermont-Ferrand.

185. S'agissant de l'argument avancé par les parties selon lequel son développement sur le marché français aurait été freiné par sa participation au capital de Transdev, il convient d'observer que RATP Développement a, pendant cette période, essentiellement poursuivi son développement à l'international. Sa sortie du capital de Transdev a d'ailleurs été, à titre principal, compensée par l'attribution d'actifs situés à l'étranger, les quatre réseaux urbains de Bourges, Vierzon, Moulins et Vienne ne comptant que pour une faible part dans le total.

186. Cependant, depuis l'annonce de son désengagement du capital de Transdev, RATP Développement a effectivement augmenté le nombre d'appels d'offres auxquels elle a répondu sur le marché hors Ile-de-France: celui-ci est passé de deux en 2008 et d'un seul en 2009 à quatre en 2010 (Antibes et Arras, qu'elle a perdus, et Perpignan et Creil, qui sont en cours).

187. Comme pour les autres opérateurs, le nombre d'appels d'offres auxquels RATP Développement concourra dans les prochaines années sera fonction de l'arbitrage qu'elle fera entre le coût de réponse à l'appel d'offres et la probabilité de le remporter.

188. RATP Développement dispose effectivement d'atouts dans la mesure où elle dispose, en ce qui concerne les réseaux de grandes villes, d'une " ville-vitrine " avec le réseau parisien géré par sa maison-mère et peut faire valoir son expérience à l'étranger. Son expérience est cependant limitée en ce qui concerne l'exploitation de réseaux de taille réduite. Il ressort à cet égard du test de marché de la Commission européenne que la gestion de réseaux correspondant à des agglomérations de taille réduite nécessite la mobilisation de connaissances spécifiques, notamment en raison des moyens limités (en particulier informatiques et humains) et du faible potentiel de clientèle qui nécessite une forte capacité d'optimisation. L'expérience dont dispose le groupe RATP du fait de sa gestion du réseau parisien n'est donc pas complètement transposable à de plus petites agglomérations. RATP Développement a de plus souligné que son expérience sur Paris n'était pas toujours perçue comme un atout : " Nous sommes mobilisés sur ces appels d'offres et ciblons des villes moyennes car l'expertise et l'image de RATP Développement nous semble correspondre davantage aux villes moyennes, sans exclure pour autant les grandes villes. Ces dernières veulent souvent se différencier de Paris ".

189. En outre, sa qualité de nouvel entrant qui doit se présenter de façon offensive à l'ensemble des appels d'offre est également un handicap. Pour ces candidatures, RATP Développement se heurte aux barrières à l'entrée qui ont été relevées ci-dessus et notamment aux effets d'expérience, de réputation et aux synergies géographiques. Elle évoque ainsi ces barrières dans le cadre du test de marché : " le choix d'une sortie du capital de Transdev par la reprise d'actifs sous forme de réseaux procède de cette logique: c'est un moyen d'avoir plus rapidement des bases d'implantation avec une taille critique pour opérer des réseaux, acquérir de l'expérience, démontrer notre crédibilité hors Ile-de-France (contrats vitrines). La récupération de liquidités à l'occasion de la sortie du capital de Transdev n'aurait pas permis de racheter des actifs, c'est pourquoi il fallait que l'opération se réalise via l'acquisition de réseaux et des bases géographiques à partir desquelles s'étendre. (...) Cela nous permet une prise en mains de ces réseaux de 18 mois minimum et lors du renouvellement, de nous positionner en défensif et non en offensif. Le marché vit mais la réalité est que le sortant bénéficie d'un avantage lors du renouvellement d'un appel d'offres, fort de sa connaissance du réseau. ".

190. Au vu de l'ensemble de ces éléments de fait, il peut raisonnablement être estimé que, si la présence plus active et plus offensive de RATP Développement est incontestablement un facteur d'animation concurrentielle du marché, le nombre d'appels d'offres offensifs auxquels l'entreprise se portera candidate au cours des prochaines années restera relativement contraint. La présence renforcée de la RATP à l'issue de l'opération ne pourra donc à elle-seule compenser totalement les effets de la réduction du nombre de participants aux appels d'offres telle qu'ils ont été exposés ci-dessus.

2. LE POUVOIR DE NÉGOCIATION LIMITÉ DES AOT

191. Les parties notifiantes font valoir que les AOT disposent d'un fort pouvoir de négociation car elles peuvent :

. décider d'exploiter le marché en régie si elles ne sont pas satisfaites des offres qui leur sont proposées ;

. allotir le marché afin de favoriser l'émergence de candidats de taille moins importante ;

. déclarer la procédure d'appels d'offres infructueuse (pour les marchés publics) et recourir au marché négocié, voire procéder dans le cadre de DSP, à des négociations directes avec l'entreprise de leur choix ;

. recourir à des assistants en maîtrise d'ouvrage (ci-après " AMO ").

Le passage en régie

192. Si l'AOT peut effectivement passer en régie, il convient cependant de souligner que le choix du mode de gestion (i.e. délégué ou direct en régie), intervient, comme le notent les parties (94), en amont de la procédure de mise en concurrence et non à l'issue de celle- ci, en application de l'article L. 1411-4 du Code général des collectivités territoriales (95).

193. Les parties relèvent néanmoins qu'au cours de la procédure d'appel d'offres, la menace d'un passage en régie exerce une pression sur la concurrence. Elles citent à l'appui de leur propos l'exemple de la ville de Toulouse, passée en régie en 2006, alors qu'au terme de la procédure de mise en concurrence avait été retenu un délégataire privé.

194. Hormis cet exemple très ponctuel, on peut cependant douter de la crédibilité d'un tel revirement dans le choix du mode de gestion opéré par l'AOT, lorsque la régie n'a pas été retenue en amont de l'appel d'offres par l'assemblée délibérante de la collectivité, comme le prévoit l'article L. 1411-4 précité. Par ailleurs, si la possibilité de passage en régie n'a pas fait l'objet d'une étude approfondie avant l'appel d'offres, ou si l'AOT concernée ne dispose d'aucune expérience spécifique en matière de transport urbain, la mise en œuvre immédiate d'un tel mode de gestion peut s'avérer difficile. Enfin, il doit être noté que la gestion directe des services de transport urbain implique un transfert vers l'AOT des risques jusqu'alors assumés par l'opérateur. Les difficultés sociales associées à une telle organisation apparaissent dissuasives pour beaucoup d'AOT (96). Cependant, comme le relèvent les parties dans leurs observations au rapport, un nombre non négligeable d'AOT interrogées par la Commission européenne estiment être en mesure de passer en régie " dans un délai et à un coût raisonnable " (97).

195. La pression concurrentielle exercée par l'éventualité d'un passage en régie dans le secteur des transports urbains doit donc être relativisée. L'observation des tendances récentes du marché ne confirme pas l'appétence des AOT pour ce mode de gestion, considéré d'une manière générale comme moins performant que la délégation du service à un opérateur privé.

Allotissement et procédure infructueuse

196. Les parties font valoir que les AOT peuvent allotir le marché afin de favoriser l'émergence de candidats de taille moins importante (98). Cependant, comme l'a précédemment noté l'Autorité de la concurrence dans l'avis n° 09-A-55 qu'elle a rendu le 4 novembre 2009, cette pratique est extrêmement rare dans le secteur du transport urbain. Par ailleurs, hormis les très grandes villes telles que Lyon ou Bordeaux, la taille du contrat de DSP n'apparaît pas comme un critère limitant la candidature des opérateurs de transport urbain actuels (Keolis, Vectalia, Carpostal) ou futurs (Deutsche Bahn/Arriva).

197. S'agissant de la possibilité de déclarer la procédure d'appel d'offres infructueuse et de recourir à des négociations, l'Autorité remarque que la possibilité de modifier le mécanisme d'allocation de la délégation de transport ne résout pas les difficultés imputables à la réduction du nombre de candidats. Le pouvoir de négociation de l'AOT est susceptible de s'affaiblir avec la disparition d'un concurrent, quel que soit le mécanisme considéré.

L'assistance à la maîtrise d'ouvrage (" AMO ")

198. Les parties notifiantes avancent également que la professionnalisation croissante des autorités organisatrices, via le recours à des mécanismes d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, renforce sensiblement leur pouvoir de négociation (99).

199. Une plus grande professionnalisation des AOT, en ce qu'elle peut conduire à l'amélioration de l'information mise à disposition des répondants aux appels d'offres (notamment par le biais de cahiers des charges plus clairs et plus sophistiqués), peut effectivement avoir un impact positif en stimulant le nombre de candidats. Toutefois, une meilleure maîtrise de la procédure d'appels d'offres par l'intermédiaire d'AMO ne saurait compenser à elle seule les effets dus à la réduction du nombre d'offreurs tels qu'ils ont été décrits précédemment. En effet, quand bien même le mécanisme d'allocation serait " parfait " au sens de Klemperer (cf. §76), la théorie économique indique que la disparition d'un répondant entraîne immanquablement une diminution ex ante du revenu espéré de l'AOT.

Conclusion

200. Il découle de ce qui précède que le pouvoir de négociation dont disposent les AOT n'est pas suffisant pour compenser les effets emportés par une réduction du nombre de candidats aux appels d'offres de transport urbain.

201. Par ailleurs, l'argument, avancé par les parties pour démontrer l'important pouvoir de négociation des AOT, selon lequel le taux de marge des opérateurs de transport urbain serait plus faible en France qu'à l'étranger n'emporte pas la conviction. En effet, d'une part les parties notifiantes n'ont pu transmettre à l'instruction des éléments objectifs attestant d'une telle différence et, d'autre part, l'existence même d'un tel écart est relativisée par les déclarations d'opérateurs étrangers recueillies en cours d'instruction et qui soulignent les difficultés de comparaisons internationales en la matière, en raison de la grande hétérogénéité des modèles économiques de transport urbain.

202. Compte tenu des développements qui précèdent, l'opération de concentration notifiée est de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport urbain de voyageurs hors Ile-de-France.

203. En effet il a été démontré que la réduction du nombre de candidats aux futurs appels d'offres, consécutive à la concentration notifiée, est susceptible d'emporter :

- une détérioration en prix des offres remises aux AOT d'une part,

- un appauvrissement de la diversité des réponses produites dans le cadre d'appels d'offres d'autre part.

204. De plus, compte tenu de la présence de synergies géographiques, telles qu'elles ont été décrites ci-avant, l'opération projetée est susceptible d'avoir un impact négatif sur le nombre de candidatures d'opérateurs concurrents lors du renouvellement des DSP en région Provence-Alpes-Côte-D'Azur, renforçant dans cette zone les effets restrictifs de concurrence déjà décrits.

205. Il a enfin été établi que les risques d'atteinte à la concurrence soulevés par le rapprochement de Veolia Transport et Transdev sur le marché du transport urbain de voyageurs hors Ile-de-France ne seront pas totalement compensés par le pouvoir, limité, de négociation des AOT, ni par la présence plus active et plus offensive de RATP Développement.

E. ABSENCE DE RISQUE D'EFFETS COORDONNÉS

206. Compte tenu du caractère oligopolistique du marché du transport urbain hors Ile-de-France, il convient d'examiner si l'opération est susceptible de modifier la nature de la concurrence sur ce marché. Il faut plus particulièrement rechercher si la concentration examinée est susceptible de faciliter une coordination des comportements des entreprises.

207. Les parties estiment que l'opération n'est pas susceptible de favoriser une telle coordination. Elles mettent notamment en avant la profonde mutation du secteur durant les dix dernières années : arrivée de nouveaux acteurs, professionnalisation des AOT, ayant conduit à une augmentation du nombre moyen d'offres ainsi qu'à une baisse du taux de reconduction de l'opérateur sortant. Elles considèrent en outre que les caractéristiques du marché rendent impossible la mise en place d'une coordination stable entre les acteurs du marché. Enfin, les parties avancent que l'opération diminue la probabilité d'une coordination, dès lors que l'entrée en lice de RATP Développement comme acteur indépendant, d'une part, diminue les liens structurels entre les différents acteurs et, d'autre part, permet l'émergence d'un acteur crédible, à l'égard duquel les possibilités de représailles seront limitées.

208. Les autorités de concurrence nationales et communautaires ont identifié quatre conditions nécessaires aux fins d'appréciation des effets coordonnés lors d'une opération de concentration : compréhension, détection, dissuasion et non contestation. Dans son arrêt Impala (100), la Cour de justice des Communautés européennes a de plus précisé que, dans le cadre de l'application de ces critères, il y a lieu d'éviter une démarche mécanique consistant à vérifier séparément chacun desdits critères pris isolément, en ignorant le mécanisme économique global d'une hypothétique coordination tacite.

1. SUR LA CONDITION DE COMPRÉHENSION

209. La condition de compréhension tend en premier lieu à apprécier la possibilité, pour les entreprises concernées, de parvenir à une appréciation commune des modalités de fonctionnement de la coordination et à une compréhension mutuelle des stratégies pouvant ou non être considérées comme conformes à la ligne d'action commune.

210. En l'espèce, une stratégie commune apparaît en théorie assez aisée à identifier. Elle consisterait à se répartir les appels d'offres, selon un mécanisme similaire à celui mis en œuvre par l'entente condamnée par la décision n° 05-D-38 du Conseil de la concurrence en date du 5 juillet 2005. Dans cette affaire, les sociétés Keolis, Transdev et Connex (Veolia) s'étaient entendues pour restreindre le jeu de la concurrence en s'abstenant de présenter des offres contre l'entreprise membre de l'entente déjà titulaire du marché ou en remettant des dossiers incomplets ou des offres de couverture. Un scénario de coordination tacite plausible entre l'entité fusionnée et Keolis consisterait donc en une pratique de répartition des marchés visant à garantir à l'opérateur sortant le renouvellement de la DSP en sa faveur.

211. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence sur le contrôle des concentrations listent une série d'éléments que la pratique décisionnelle, notamment communautaire, a permis d'identifier concernant les caractères généraux d'un marché propices à une compréhension commune. Le marché du transport urbain réunit plusieurs de ces caractéristiques. Il est oligopolistique et l'opération renforce ce caractère en éliminant la concurrence entre deux des principaux acteurs. A la suite de l'opération, l'entité fusionnée et le groupe Keolis détiendront tous deux des parts de marché à la fois fortes et symétriques (respectivement [40-50]% et [30-40] % en réseaux et [30-40]% et [50- 60] % en chiffre d'affaires). Cette symétrie favorise la convergence de leurs intérêts.

212. En revanche, comme le font valoir les parties, il est peu probable qu'un comportement coordonné sur le marché puisse également associer RATP Développement, compte tenu de la forte asymétrie de taille entre cet opérateur et les deux autres principaux acteurs. De plus, la ligne d'action décrite ci-dessus a peu de sens en ce qui concerne RATP Développement qui ne détient qu'un petit nombre de réseaux : cette entreprise devra concourir de façon offensive pour conquérir de nouveaux réseaux. Les possibilités de représailles à son encontre apparaissent peu dissuasives. La ligne d'action dont la soutenabilité sera examinée ci-après ne peut donc qu'être limitée à une coordination entre Kéolis et la nouvelle entité issue de l'opération, les autres acteurs présents sur le marché appartenant à la frange concurrentielle.

213. En l'espèce, une telle coordination, axée sur la défense des marchés acquis, pourrait être favorisée par la concentration de chacun de ces deux groupes sur certaines zones géographiques, sur lesquelles l'autre groupe est peu implanté.

214. Les parties objectent que le nombre et l'hétérogénéité des réseaux ainsi que la multiplicité des critères de choix des AOT complexifient l'adoption et le suivi d'une ligne d'action commune. Elles avancent également que la prise en compte de nouvelles problématiques par les AOT modifie les anticipations quant aux attentes des collectivités et peut de ce fait augmenter l'incertitude des opérateurs mais également offrir des opportunités de déviation (101).

215. Mais le suivi de la ligne d'action telle qu'elle a été identifiée ci-dessus ne nécessite pas que chaque membre de la coordination réponde en tous points aux attentes des AOT. Il suppose simplement que l'acteur concerné dépose une offre crédible ou s'abstienne de concourir.

216. Il reste que l'incitation à dévier d'une stratégie de non agression pourrait être plus importante au moment de la mise en concurrence de réseaux urbains de grandes villes, comme l'illustre la concurrence récente qui s'est exacerbée entre les groupes pour la conquête de " villes vitrines " (ou " réseaux phares "), dont la rentabilité intrinsèque peut être limitée mais pour lesquelles les opérateurs sont particulièrement offensifs, dès lors qu'elles permettent de développer un savoir faire particulier et, de manière plus générale, de servir de référence, pour des appels d'offres en France comme à l'international (102). A titre d'exemple, la perte de l'exploitation de la ville de Bordeaux, remportée en 2009 par Keolis au détriment de Veolia, pourrait inciter cette dernière à être agressive afin de récupérer une ville référence de valeur équivalente. La concurrence a ainsi été très vive lors de l'appel d'offres lancé pour la ville de Lille, que Keolis a également remportée. La portée de cet argument doit cependant être relativisée par le fait que l'opération en cours a, entre autres, pour effet d'attribuer à l'entité fusionnée les références actuellement détenues par Transdev, en direct ou par l'intermédiaire de la fourniture de services d'assistance technique aux SEM de quelques grandes villes (103). Ceci pourrait rééquilibrer le nombre et l'importance des villes références de chacun des deux groupes et réduire l'incitation à dévier du nouvel ensemble.

2. SUR LA CONDITION DE DÉTECTION

217. Afin que les entreprises puissent coordonner efficacement leurs comportements, elles doivent être en mesure de surveiller le fonctionnement du marché sur lequel elles opèrent. La transparence de ce dernier doit en effet être suffisante pour que chacun des membres de l'oligopole collusif puisse, dans des délais utiles : observer la stratégie suivie par ses partenaires ; apprécier si un comportement imprévu constitue effectivement une violation de la ligne de conduite commune.

218. Sur cette question, les parties notifiantes estiment que la transparence est insuffisante. Elles indiquent ainsi que les avis d'attributions publiés ou les rapports transmis permettent de connaître le nom du vainqueur et le niveau de subvention obtenu mais ne comportent pas d'informations sur la décomposition des coûts, sur les solutions techniques innovantes qui ont pu être proposées, ni sur les clauses d'actualisation des subventions ou de partage des risques qui ont pu être négociées. Elles en concluent que la transparence des prix sur le marché n'est que partielle, faute de porter sur les conditions économiques précises dans lesquelles sont attribués les contrats ou prévues les futures exploitations de réseaux.

219. Cependant, la transparence du marché doit s'apprécier par rapport au scénario de coordination supposé, qui repose en l'espèce sur une stratégie de non-agression (absence d'offres ou à tout le moins d'offre robuste ou attractive face aux concurrents). Les informations permettant de détecter une déviation sont sur le marché concerné aisées à obtenir, dès lors que, de manière générale, si le nombre d'AOT peut sembler de prime abord important, le nombre annuel de mises en concurrence est connu des opérateurs en place. Les mises en concurrence sont par ailleurs publiées, et a fortiori connues pour l'opérateur sortant, au premier chef intéressé à détecter une déviation. De même, les opérateurs ayant déposé des offres sont connus en cours de procédure par les candidats à un appel d'offres.

220. Enfin, la connaissance des conditions économiques exactes de l'offre retenue n'apparaît pas nécessaire à la détection d'une déviation. En effet, d'une part, dans le cadre de la négociation, les candidats peuvent parfois obtenir des informations sur les critères, notamment financiers, qu'une AOT pourrait prendre en compte concernant une proposition attractive ou innovante de l'un des candidats. D'autre part, les informations pouvant être obtenues ex post par un candidat non retenu, et notamment le montant de subvention, suffisent à identifier une offre qui aurait été à l'évidence agressive.

3. SUR LA CONDITION DE DISSUASION

221. Pour qu'une coordination soit stable, il est nécessaire que puisse être punies les éventuelles déviations. Les menaces de représailles en cas de comportement déviant doivent être crédibles (la déviation détectée, leur mise en œuvre ne doit faire aucun doute) et suffisamment importantes pour qu'il soit dans l'intérêt de chaque oligopoleur de se conformer à la ligne de conduite commune.

222. Les parties notifiantes considèrent que la mise en place de représailles est difficile sur ce marché, compte tenu de l'hétérogénéité des réseaux. Elles font valoir qu'une déviation sur un grand réseau pourra être difficilement punie si aucun autre réseau de cette importance n'est mis en concurrence à la même période.

223. Il n'est cependant pas nécessaire que les représailles portent sur un réseau de même taille que celui pour lequel la déviation a été constatée. Les parties font d'ailleurs elles- mêmes valoir que chaque réseau constitue un enjeu. Le nombre des consultations organisées chaque année (plus d'une trentaine de 2004 à 2006, entre 22 et 27 sur les années 2007 à 2009, SEM incluses) permet de répartir les représailles entre plusieurs réseaux. En outre, les deux groupes sont simultanément présents sur d'autres marchés. Du fait de l'existence de contacts multi marchés, une déviation sur l'un d'entre eux peut entraîner des représailles sur tous les autres : cet élément est de nature à renforcer la stabilité de la coordination éventuelle.

4. SUR LA CONDITION DE NON CONTESTATION

224. Pour que la coordination soit profitable aux entreprises qui y prennent part, elle ne doit pas être perturbée par les autres acteurs présents, ou potentiellement actifs, sur le marché. L'émergence ou le renforcement d'effets coordonnés dépend donc de l'efficacité avec laquelle la ligne de conduite commune peut être remise en cause, aussi bien par des clients que par des concurrents.

225. Les parties font valoir qu'une tentative de collusion serait immédiatement remise en cause, tant par le pouvoir de négociation des AOT, qui pourraient opter pour un autre mode de gestion (régie principalement) ou prendre des mesures pour accroître le nombre de participants crédibles, que par la RATP, concurrent crédible ayant la capacité de faire des offres agressives, qui pourrait jouer le rôle d'un franc-tireur capable de déstabiliser une éventuelle coordination.

226. S'agissant des AOT, comme cela a été vu ci-dessus, le pouvoir de négociation dont ils disposent n'est pas suffisant pour compenser la diminution du nombre de candidats. De la même façon, les AOT sont dépourvues de moyens d'action face à une coordination réduisant le nombre d'offreurs ou incitant l'un de ces offreurs à ne pas faire ses meilleurs efforts pour remporter le marché.

227. S'agissant de RATP Développement, la présence plus active et plus offensive de ce nouvel entrant ne suffira pas, pour les raisons déjà évoquées, à compenser totalement les effets restrictifs de concurrence de l'opération. Mais il est vrai, comme le soutiennent les parties, qu'un comportement coordonné de Kéolis et du nouvel ensemble, consistant pour l'un à ne pas faire d'offre agressive sur les réseaux dont l'autre est l'exploitant sortant, afin de permettre à ce dernier d'emporter le marché à un prix supra- concurrentiel, n'est pas soutenable si un tiers est susceptible de faire une offre agressive et d'emporter le marché.

228. Même mesurée pendant les deux ou trois prochaines années, la pression concurrentielle exercée par RATP Développement sera capable de déstabiliser un oligopole collusif. En effet, du point de vue des membres de la coordination, la participation de la RATP à un appel d'offres s'exercera de manière aléatoire, tant sur le nombre de rencontres que sur les villes concernées, aucune raison ne permettant en outre de supposer que la perturbation se fera égalitairement sur les appels d'offres défensifs de chacun des deux oligopoleurs. Ce risque est d'autant plus fort que, comme le relèvent les parties, compte tenu du parc de réseaux encore limité de la RATP sur le marché, son agressivité ne sera pas contrainte par des risques de représailles, mais seulement par la rareté de ses ressources ou les choix effectués par son plan stratégique.

5. CONCLUSION SUR LES EFFETS COORDONNÉS

229. Le renforcement de la présence de la RATP diminue pour les principaux acteurs la prévisibilité du comportement de la frange concurrentielle et augmente les risques liés à la coordination. Ceci est d'autant plus vrai qu'à la différence d'une coordination explicite, une coordination tacite n'intègre pas les mécanismes complexes que sont les compensations. Elle est susceptible de rendre une éventuelle ligne d'action commune moins stable et d'influencer les incitations à dévier des oligopoleurs.

230. Dans ces conditions, l'opération ne peut être regardée comme ayant pour effet de créer ou renforcer un risque de comportement coordonné.

II. Sur les marchés départementaux de transport interurbain routier de voyageurs (hors Ile-de-France)

231. Seront successivement abordées les caractéristiques des marchés du transport interurbain (A) la mesure des effets unilatéraux attendus de l'opération dans les départements affectés par cette dernière (B). Seront enfin - et plus rapidement - évoqués les risques d'effets coordonnés sur ces mêmes marchés (C).

A. CARACTÉRISTIQUES DES MARCHÉS DU TRANSPORT INTERURBAIN

232. Ces marchés sont caractérisés à la fois par le rôle central que jouent les appels d'offres lancés par les collectivités (1), la présence de nombreux petits offreurs (2), le recours important aux groupements et à la sous-traitance (3), l'existence d'économies d'échelle et de synergies géographiques (4) et, enfin, le maintien d'autres barrières à l'entrée (5), sans que puisse être observé un fort pouvoir de négociation des autorités organisatrices (6).

1. DES MARCHÉS STRUCTURÉS AUTOUR D'APPELS D'OFFRES ORGANISÉS PAR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

233. La demande de transport routier interurbain émane des collectivités territoriales procédant par appels d'offres et d'acteurs privés (transport privé et occasionnel). La plupart des opérateurs interurbains appuient leur rentabilité sur ces deux sources de chiffre d'affaires. Toutefois, les décisions d'investissement (véhicules, dépôts) des opérateurs sont souvent dépendantes de l'obtention d'un contrat public. Par conséquent, le moteur de l'activité interurbaine et du jeu concurrentiel entre transporteurs dépend de l'obtention d'appels d'offres dont la majeure partie émane des conseils généraux (104), bien qu'ils ne couvrent pas la totalité du marché. Ils feront donc l'objet d'une attention particulière dans l'analyse.

234. Les parties font valoir qu'en matière de transport interurbain, bien que les lots soient alloués par le biais d'appels d'offres, une analyse en termes de parts de marché demeure l'approche la plus pertinente pour apprécier leur position concurrentielle. A ce titre, elles observent tout d'abord que les mises en concurrence de lignes interurbaines sont plus fréquentes que les appels d'offres sur le marché urbain. Elles soulignent également que, l'opérateur étant propriétaire du matériel sur le marché interurbain, la concurrence relève davantage d'un jeu sur les capacités de production (autocars/dépôts) que d'une compétition en prix (de type " Bertrand "). Ce faisant, elles citent des éléments de théorie économique selon lesquels, lorsque des entreprises qui se livrent une concurrence en prix (de type " Bertrand ") subissent des contraintes de capacité, l'équilibre qui en résulte correspond à une compétition par les quantités (de type " Cournot "). Les parties concluent ainsi qu'en l'espèce, des parts de marché évaluées en nombre d'autocars sont pertinentes pour apprécier leur position concurrentielle.

235. Cependant, la fréquence des mises en concurrence est très variable et reste généralement dépendante du degré d'allotissement pratiqué par l'AOT (105). Par ailleurs, s'agissant des arguments avancés pour justifier l'existence d'une concurrence en quantités, il convient d'observer qu'en matière de transport interurbain, les opérateurs supportent l'investissement en matériel roulant. Toutefois, la pertinence d'une approche en termes de capacités pour apprécier la position concurrentielle des transporteurs dépend de la facilité avec laquelle ces derniers sont en mesure d'ajuster leurs moyens de production à la demande. Or, il apparaît que les difficultés d'ajustement du parc de matériel roulant, si elles existent, ne sont pas insurmontables, notamment pour des grands groupes tels que Transdev, Veolia Transport ou Keolis qui bénéficient de moyens financiers plus importants que les entreprises indépendantes. En effet, les parties reconnaissent elles- mêmes qu'il est possible d'augmenter leurs stocks de véhicules grâce notamment au marché de l'occasion ou de la location (106). Par ailleurs, un opérateur confronté à des contraintes de capacité (ou contraint par la localisation de ses dépôts) peut recourir à de la sous-traitance ou soumissionner à des appels d'offres en groupement d'entreprises, options auxquelles recourent fréquemment les parties comme en attestent les données transmises au cours de l'instruction.

236. Il n'en demeure pas moins que le fort allotissement des appels d'offres interurbains et la non-équivalence des lots (107) ne permettent pas une analyse de la fréquence de rencontre des parties. Ces dernières font, de plus, valoir que les lots sont complémentaires et que la stratégie de réponse sur un lot ne peut se comprendre indépendamment d'une offre faite sur un autre lot. Elles expliquent en effet que les lots correspondent à des lignes dont le tracé est plus ou moins pertinent selon la localisation des dépôts des enchérisseurs : ce facteur influe directement sur le coût de revient des opérateurs.

237. Cependant, le nombre et de la nature des lots offerts à soumission dans chaque départements est, de même que le nombre et l'identité des candidats potentiels, un déterminant essentiel de l'intensité de la concurrence sur de tels marchés. Il en sera donc tenu compte.

2. DES MARCHÉS CARACTÉRISÉS PAR LA PRÉSENCE DE NOMBREUX PETITS OFFREURS

238. La structure de la concurrence fait coexister de grands groupes nationaux de transport avec des petites et moyennes entreprises (" PME ") indépendantes (108). Les parties estiment que ces opérateurs indépendants locaux exercent une intense pression concurrentielle sur les groupes, notamment pour l'obtention de lignes régulières, et citent des acteurs qui détiennent des positions significatives dans les départements concernés par l'opération (109).

239. Toutefois, la taille de ces transporteurs indépendants contraint fortement le type de concurrence qu'ils peuvent opposer aux grands groupes nationaux, en fonction de la taille, de la nature et du champ couvert par un lot ou un appel d'offres.

240. S'agissant de la taille des lots, les auditions menées confirment la tendance à la globalisation des appels d'offres ou, au moins, à la rationalisation du nombre de lots permettant d'augmenter la taille et la valeur des lots afin de les rendre plus attractifs (110). Ainsi Keolis souligne qu'il y a : " une tendance à la globalisation des appels d'offres, un phénomène de concentration de lignes (...) qui incite davantage les grands groupes à soumissionner : ces derniers recherchent des marchés à taille critique. (...). Plus le marché est alloti et les lignes morcelées, moins on est susceptible de soumissionner. ". Aujourd'hui, 12,5% des départements métropolitains regroupent l'ensemble des lignes en un lot unique, mettant en concurrence l'intégralité d'un réseau interurbain ou une partie substantielle de celui-ci (lignes régulières). Les parties sont présentes sur plus de 80% des lots uniques, soit sur 10 des 12 départements recourant à cette pratique (111). Le type d'allotissement pratiqué, et notamment le cas des lots uniques, fera donc l'objet d'une attention particulière lors de l'analyse départementale.

241. S'agissant de la nature des appels d'offres interurbains, les AOT recourent plus fréquemment à des délégations de service public (" DSP ") pour leurs lignes régulières, soucieuses d'intéresser le délégataire aux recettes et à la fréquentation des lignes, et parfois dans le but de mettre en place des systèmes de tarifications uniques ou zonales. Or, le mécanisme de DSP (112) rend plus complexe l'appréhension du risque financier par les PME (113). Le GART souligne que " de manière générale les PME concurrencent peu les grands groupes, elles ont d'ailleurs des difficultés à répondre à des appels d'offres qui se complexifient de plus en plus. En effet, dans l'interurbain, la tendance est à la re-globalisation des appels d'offres et à la proposition de DSP plutôt que de marchés publics, ce qui tend à complexifier les appels d'offres interurbains. ".

242. S'agissant du champ couvert par les appels d'offres interurbains, l'allotissement des AOT peut être géographique (bassins) ou fonctionnel (transport régulier, transport scolaire, transport à la demande etc.). Or, la rentabilité d'un autocar varie substantiellement selon le type de ligne sur lequel il est exploité : l'exploitation d'une ligne scolaire est structurellement moins rentable qu'une ligne régulière, le " ramassage " étant limité aux heures et aux périodes scolaires. Les filiales des groupes nationaux tendent à se positionner prioritairement sur l'exploitation de lignes régulières, laissant les circuits scolaires aux indépendants. Ce point a notamment été développé par l'association AGIR : " les circuits scolaires seuls ne sont pas rentables (ce sont essentiellement les PME qui acceptent de faibles marges et consentent un important travail de réutilisation des véhicules et de réemploi des conducteurs). Le transport régulier est plus rentable (notamment les lignes " express "), l'avantage de concilier du " régulier " et du " scolaire " réside dans l'optimisation des véhicules. Le transport occasionnel est un appoint important pour les transporteurs interurbains ". Il est confirmé par l'association de PME indépendantes Réunir : " les grands groupes privilégient les lignes régulières sous DSP, segment sur lequel elles dégagent beaucoup plus de valeur ajoutée (...) alors que les PME se voient attribuer des marchés publics de lignes scolaires pour lesquelles il faut trouver des moyens de réemployer les véhicules en périodes creuses (vacances...) et où les conducteurs sont à temps partiel " (114).

243. Les groupes d'envergure nationale, qui supportent des frais de structure supérieurs aux PME, recherchent un socle de lignes plus rémunérateur et privilégient les lignes régulières (115). Ces stratégies de positionnement se traduisent dans la distribution des lignes entre opérateurs. Lors de son audition, Réunir explique ainsi que l'" on peut estimer, sur l'interurbain, la part des indépendants, en termes de véhicules comme en termes de volume d'affaires, à 2/3 pour les indépendants (toutes activités confondues) et à 1/3 pour les groupes. Le ratio s'inverse sur le transport régulier, la proportion est de 20 % pour les indépendants, 80 % pour les groupes [...]. Sur le segment scolaire, les PME font plus de 60 %. Sur le segment tourisme, les grands groupes sont marginaux ".

244. Les parties ont soumis des estimations de parts de marché en valeur en agrégeant les chiffres d'affaires publiquement disponibles de leurs concurrents présents sur chaque département et dont il ressortirait qu'elles sont corrélées à celles en véhicules. Ceci peut s'expliquer par le fait que les PME, titulaires d'un ou plusieurs circuits scolaires, compensent et rentabilisent leurs flottes d'autocars en se positionnant sur le secteur occasionnel privé (entreprises, transport de saisonniers, activités touristique locale etc.). Sur les transports occasionnels, les PME exercent également une faible pression concurrentielle sur les groupes qui privilégient des contrats plus importants.

245. Dans certaines configurations de marché, l'auto-sélection des offreurs amène ces derniers à des positionnements plus complémentaires que concurrents, dimension qui ne peut être traduite par des parts de marché des opérateurs en nombre de véhicules. Les PME et les groupes d'envergure nationale adoptent des stratégies de positionnement leur permettant de coexister, sans nécessairement se livrer une concurrence frontale lors des appels d'offres.

3. UN RECOURS IMPORTANT AUX GROUPEMENTS ET À LA SOUS-TRAITANCE

246. La complémentarité de l'offre des grands groupes nationaux, d'une part, et de celle des petits opérateurs indépendants, d'autre part, est confirmée également par le recours à la sous-traitance ou à des groupements d'entreprises.

247. S'agissant de la sous-traitance, les trois principaux groupes de transport y recourent assez fréquemment sur la base de contrats noués annuellement (116). Les contrats sous-traités par Veolia et Transdev auprès d'entreprises tierces occupent ainsi jusqu'à 10% du parc de véhicules départemental (117). Les parts de marché en véhicules transmises par les parties reflètent donc imparfaitement le résultat des appels d'offres et le pouvoir de marché des entreprises tel qu'il s'y est exprimé. Le gagnant de l'appel d'offres est en effet le donneur d'ordre et non le sous-traitant. Celui-ci n'est pas en contact direct avec l'AOT, ne bénéficie que très indirectement d'un effet de réputation pour les consultations ultérieures et reste moins bien rémunéré (118). Le lien de sous-traitance peut aussi influer négativement sur l'agressivité concurrentielle d'un concurrent lors de futurs appels d'offres en fonction des "représailles" qu'il encourt. Toutefois, la relation de sous-traitance ne traduit pas toujours un rapport de force économique mais peut résulter aussi de complémentarités géographiques (119).

248. Les groupements momentanés d'entreprises constitués en vue de répondre aux appels d'offres sont également fréquents. Ils peuvent s'avérer pro-concurrentiels lorsqu'ils permettent à des firmes de faibles capacités d'accéder à des marchés publics peu ou pas allotis, ce qui est le cas de plusieurs départements affectés. Du point de vue des soumissionnaires, le groupement permet la transparence de l'offre que ne permet pas la sous-traitance (120) (effet réputation, références). Les parties estiment de plus que les entreprises indépendantes peuvent aisément se grouper entre elles et remporter des marchés comme l'attestent deux exemples qu'elles citent dans le département du Var (121). Il s'agit cependant d'exceptions et ces groupements sont le plus souvent adossés à l'un des grands groupes qui en est le mandataire. L'association AGIR souligne lors de son audition que " les groupements sont rarement autonomes des groupes si un ou deux groupes sont présents localement ".

249. Si les groupements permettent à certains petits acteurs d'accéder au marché, ils ne permettent pas d'animer aussi efficacement la concurrence dans la mesure où ces PME ne sont pas elles-mêmes candidates aux appels d'offre : la candidature d'un groupement équivaut à celle d'un seul candidat. Lorsque le recours aux groupements est fréquent, le calcul de parts de marché sur la base du nombre de véhicules que chaque transporteur exploite ne traduit pas la réalité de la concurrence telle qu'elle s'exerce dans le cadre des appels d'offres organisés par les AOT. Par exemple, dans le Gard, l'affectation à chacune des 22 entreprises présentes dans le département d'un certain nombre de véhicules amène à surestimer largement l'intensité de la concurrence puisqu'en fait, l'ensemble des lignes régulières et scolaires du département ont été attribuées à un groupement composé de la filiale locale de Veolia Transport et 18 sociétés indépendantes.

250. La réalité des groupements sur l'animation de la concurrence et les effets de l'opération sur les opportunités de groupement pour les petits opérateurs seront donc pris en compte dans la suite de l'analyse concurrentielle.

4. ECONOMIES D'ECHELLE ET SYNERGIES GÉOGRAPHIQUES

251. L'optimisation d'un parc de véhicules est un aspect essentiel de la compétitivité d'un offreur, ce que confirme l'ensemble des acteurs auditionnés, qu'il s'agisse de PME ou de groupes (122). La détention de dépôts stratégiquement placés constitue un avantage substantiel. Or, la faculté de mutualiser des véhicules et des dépôts par un opérateur suppose que ce dernier ait une taille critique lui permettant d'être attributaire d'un portefeuille de lignes suffisamment important, étendu et varié pour tirer un réel avantage de cet effort d'optimisation. Les sociétés Keolis ou CarPostal confirment que la stratégie d'implantation des groupes dans l'interurbain s'appuie sur la recherche de " marchés à taille critique " nécessaire pour que " l'entrée sur un département soit rentable ". L'indicateur de part de marché, exprimé en nombre de véhicules comme en valeur, tend à minorer la position réelle des parties en ne prenant pas en compte les économies d'échelle que la nouvelle entité sera en mesure de réaliser au-delà d'un certain niveau de présence sur un marché départemental, lui permettant d'augmenter son pouvoir de marché.

252. L'exploitation de réseaux interurbains de départements limitrophes par un même opérateur lui confère un avantage concurrentiel procédant d'une rationalisation des ressources et des coûts. La mutualisation des moyens humains (conducteurs, techniciens de maintenance, cadres etc.) et matériels (dépôts, locaux administratifs) constitue un levier d'optimisation des coûts tant en amont, dans la sélection et l'élaboration des réponses aux appels d'offres, qu'en aval, lors de l'exploitation des réseaux remportés (entretien, optimisation des charges de personnel). Exploiter un continuum de dépôts et de lignes sur plusieurs départements confère une certaine flexibilité dans le dimensionnement d'un parc de véhicules et représente un avantage notamment pour répondre aux appels d'offres portant sur des lignes dépassant les frontières du département comme les liaisons expresses régionales, semblant dégager une rentabilité supérieure aux autres lignes interurbaines (123).

253. Aussi, l'analyse tiendra compte de la position de la nouvelle entité sur les marchés interurbains des départements limitrophes ainsi que de sa position éventuelle sur des zones urbaines à l'intérieur du département considéré.

5. AUTRES BARRIÈRES À L'ENTRÉE SUR LE MARCHÉ

254. Le matériel étant à la charge de l'opérateur dans les appels d'offres de transport interurbain, l'entrée sur ce marché suppose la réalisation d'un certain nombre d'investissements indispensables à l'exploitation, comme l'acquisition de véhicules et de dépôts. S'agissant de l'investissement en personnel, ainsi que le relèvent les parties notifiantes, les accords de branches et notamment ceux du 18 avril 2002 et du 7 juillet 2009 organisent, sous certaines conditions, le transfert des contrats de l'entreprise sortante à l'entreprise entrante.

255. Les parties considèrent que ces barrières à l'entrée ne sont pas significatives et ne sont liées qu'aux investissements à consentir pour accéder au marché, l'acquisition d'autocars pouvant se faire par le biais du marché secondaire et les dépôts pouvant être aisément loués ou achetés, et correspondant approximativement au coût du foncier en zone rurale.

256. L'enquête de marché ne permet pas de confirmer l'ensemble de ces éléments, à tout le moins au regard des ressources des PME indépendantes sur le marché interurbain. Le coût de construction d'un dépôt (hors coût du foncier) est estimé entre 1 et 1,5 millions d'euro. De plus, la fréquente actualisation des normes de sécurité des autocars (124) rend les véhicules rapidement obsolètes ou peu compétitifs. En effet, la grande majorité des AOT attribue une note technique aux offres qui leur sont remises en prenant notamment en compte l'âge des véhicules mis à disposition pour l'exploitation. Les opérateurs interurbains sont incités à renouveler leur flotte et le marché de l'occasion s'avère parfois peu pertinent.

257. En tout état de cause, des opérateurs non implantés sur un département sont économiquement peu incités à investir (dépôt, autocars) s'ils ne sont pas certains d'obtenir l'exploitation d'un nombre suffisant de lignes pour rentabiliser leurs investissements. Les AOT elles-mêmes reconnaissent que le coût de création d'une implantation locale est susceptible d'être dissuasif au regard des faibles montants de chiffres d'affaires que représentent les marchés interurbains (125).

258. L'ensemble des acteurs auditionnés juge qu'une entrée sur le marché à partir d'investissements réalisés ex-nihilo est irréaliste et tous soulignent que les implantations se font par croissance externe au gré des opportunités de rachat. C'est d'ailleurs la stratégie qu'ont adopté les grands acteurs du secteur au cours des dix dernières années. L'association Réunir précise ainsi que " la volonté des groupes pour s'implanter était d'éviter de créer des entreprises ex nihilo mais surtout d'acquérir des parts de marché géographiques en rachetant des PME ".

259. Il ressort également du test de marché que les entrants potentiels, essentiellement les grands groupes compte tenu de la capacité financière requise pour la réalisation d'opérations de croissance externe, prennent en compte deux autres paramètres : d'une part, la logique géographique de la cible au regard de leurs implantations existantes (126) et d'autre part, la perspective de pouvoir atteindre une taille critique et réaliser des économies d'échelle au regard de la position des autres acteurs sur le département. Ainsi la société CarPostal explique " pour que l'entrée sur un département soit rentable il est nécessaire d'atteindre une taille critique. Détenir 10 % d'un réseau interurbain permet d'avoir cette taille critique, sauf à ce qu'un autre opérateur ait 80 % du marché et soit en mesure de le verrouiller ". Des éléments transmis par une AOT lors du test de marché confirment le seuil de rentabilité à l'entrée sur un département à environ 10 % de parts de marché en nombre de véhicules. La société Keolis donne l'exemple de la Charente-Maritime, où la décision du Conseil général de passer au lot unique pour l'ensemble de son transport interurbain l'a incitée à répondre alors qu'elle n'était pas présente dans ce département. Toutefois, dans d'autres départements " à lot unique " où la position de l'opérateur sortant était forte, la stratégie de Keolis a été différente. La prise en compte de la position des concurrents peut donc s'avérer dissuasive, comme l'a notamment confirmé RATP Développement.

260. La logique d'implantation des opérateurs étrangers n'est pas différente et s'appuie sur une logique géographique. C'est ainsi que CarPostal a choisi de s'implanter " avec un périmètre d'action de 250 km à partir de la frontière franco-suisse ", de même que Vectalia depuis la frontière espagnole. Deutsche Bahn a répondu à un appel d'offres en Moselle. Ces opérateurs étrangers sont néanmoins confrontés à des barrières supplémentaires à l'entrée sur ces marchés, de nature linguistique, administrative et culturelle (127).

261. La délimitation géographique du marché ayant été laissée ouverte, la pratique décisionnelle avait considéré que l'ensemble des acteurs de dimension nationale représentait une source de concurrence potentielle, ainsi que le soulignent les parties notifiantes. Toutefois, l'analyse approfondie menée à l'occasion de la présente opération conduit à adopter une délimitation géographique départementale du marché du transport interurbain routier de voyageurs hors Ile-de-France, et les éléments qui ressortent de l'enquête de marché permettent de considérer que les seuls entrants potentiels crédibles sur un marché donné sont des opérateurs d'envergure nationale présents dans les départements limitrophes au département analysé.

262. Les parties estiment que les opérateurs indépendants de taille moyenne représentent également une forme de concurrence potentielle. Toutefois, l'ampleur des investissements à consentir pour s'implanter de manière crédible ou acquérir une société déjà implantée ne sont pas à la portée de la plupart des opérateurs indépendants, qui ne peuvent être vus comme source de rivalité suffisante.

6. LA PUISSANCE DE NÉGOCIATION DES AUTORITÉS ORGANISATRICES DE TRANSPORT

263. La majorité des AOT interurbaines sondées par le test de marché communautaire estime disposer d'un pouvoir de négociation qu'elles évaluent comme " moyen " ou " faible " vis-à-vis des transporteurs.

264. Les parties, reprennent des arguments déjà évoqués à propos du marché de transport urbain, estiment néanmoins que les AOT interurbaines ont le pouvoir de stimuler la concurrence par le biais du ré-allotissement de leurs marchés, soit en augmentant la taille et la valeur des lots pour attirer de nouveaux concurrents, soit en diminuant leur taille afin permettre aux opérateurs indépendants d'exercer une plus forte pression concurrentielle sur chacun des lots. Les parties soutiennent également que le passage en régie est une alternative crédible pour les AOT interurbaines.

265. S'agissant du ré-allotissement, des AOT répondant au test de marché soulignent que le rôle premier de l'allotissement n'est pas de stimuler la concurrence mais d'optimiser la desserte des différents bassins de populations du département tout en permettant le maintien d'un tissu industriel local diversifié. Outre la prise en compte d'enjeux locaux, les opportunités de ré-allotissement sont assez peu fréquentes puisque les différents lots n'arrivent généralement pas à échéance en même temps et la durée des lots eux-mêmes tend à s'allonger (entre 5 et 10 ans) afin de tenir compte des durées d'amortissement des véhicules. Enfin, l'ensemble des acteurs du marché souligne la tendance à la globalisation des lots plutôt qu'à la définition de lots de plus petite taille, la multiplication de petits lots générant d'importants coûts de gestion pour les conseils généraux et régionaux. De plus, la diversité des lignes proposées (scolaires, régulières) et la forte asymétrie d'ajustement de capacités entre PME et groupes de dimension nationale font que le morcellement des lots ne se traduit pas nécessairement par une redistribution homogène de la pression concurrentielle sur l'ensemble des lots.

266. S'agissant du passage en régie, la crédibilité d'une telle menace par une AOT lors de la négociation de ses contrats dépend de son degré de préparation. La mise en place d'une régie interurbaine exige de lourds investissements en matériel roulant et une maîtrise des données d'exploitation dont ne disposent généralement pas les AOT. Par conséquent, cette menace peut être considérée comme assez peu crédible sauf dans les cas où une régie départementale est déjà constituée : l'AOT peut alors envisager de l'étoffer en s'appuyant sur l'expérience acquise.

B. ANALYSE DES EFFETS UNILATÉRAUX SUR LES MARCHÉS DÉPARTEMENTAUX

267. Cette analyse fera d'abord l'objet d'une discussion méthodologique sur la question de savoir quelle est la mesure la plus pertinente du pouvoir de marché (1). Elle se concentrera ensuite sur les départements concernés par l'opération (2), qui seront examinés les uns après les autres (3 à 13).

1. POINT MÉTHODOLOGIQUE SUR LE CALCUL DES PARTS DE MARCHÉ

a) Nombre de lignes ou nombre de véhicules ?

268. Sur les marchés interurbains locaux, la pratique décisionnelle nationale a retenu pour l'analyse concurrentielle des parts de marché en nombre de lignes (128) ou en nombre de véhicules (129), en l'absence de problèmes de concurrence.

269. Les parties ont soumis à la Commission européenne des parts de marché exprimées en nombre de véhicules, estimant que les parts de marché en nombre de lignes sont susceptibles d'introduire un biais compte tenu de la grande variabilité de la longueur des lignes interurbaines et de la fréquence des autocars y circulant. Ces parts de marché correspondent au nombre de véhicules détenus au 1er janvier 2010, calculé à partir du nombre de licences communautaires octroyé dans chaque département à des véhicules interurbains (130). Les parties ont retraité ces données, tant pour leurs filiales que pour leurs concurrents, afin de ne retenir que les licences communautaires correspondant effectivement à des véhicules interurbains (131) déployés sur le département et non sur celui du siège social de l'entreprise propriétaire du véhicule.

270. Afin de soutenir la pertinence de parts de marché exprimées en nombre de véhicules, les parties ont soumis des estimations de ces parts en valeur, dont il ressortirait qu'il n'existe pas de biais significatif entre les parts de marché en volume (nombre d'autocars détenus) et celles exprimées en valeur. Toutefois, les parties ont souligné elles-mêmes les difficultés méthodologiques rencontrées pour circonscrire la part strictement départementale et interurbaine de ces chiffres d'affaires.

b) Autres critères à combiner avec le nombre de véhicules

271. La simplicité et la relative robustesse des parts de marché exprimées en nombre de véhicules ne remettent pas en cause la nécessité de mobiliser d'autres critères, plus qualitatifs, pour apprécier la position réelle des parties sur un marché qui fonctionne principalement par appels d'offres.

272. Les parts de marché fournissent en effet une première analyse de la taille relative des parties qui permet d'écarter, dans certains départements, les risques d'atteintes à la concurrence. Toutefois, l'indicateur de part de marché mesure imparfaitement la position concurrentielle des parties au moment des appels d'offres. L'absence de données disponibles antérieures au 1er janvier 2010 ne permet pas en outre d'apprécier la stabilité des parts de marché dans le temps, condition évoquée ci-avant pour conforter le caractère prédictif des parts de marché lorsque la concurrence sur le marché est organisée par le moyen d'appels d'offres. De plus, la part de marché exprimée en nombre de véhicules tend, au cas d'espèce, à minorer la position réelle des parties compte tenu des spécificités du marché interurbain qui seront exposées ci-après et prises en compte dans l'analyse.

273. En tout état de cause, l'analyse en termes de capacités, avec des parts de marchés calculées en nombre de véhicules, devra être complétée par des éléments qualitatifs relatifs à la structure de la concurrence, à la crédibilité des offreurs, à la nature des contrats offerts à soumission afin d'évaluer la position concurrentielle de la nouvelle entité lors d'appels d'offres futurs.

c) Non prise en compte des régies

274. S'agissant du périmètre des données à retenir pour l'analyse des données en véhicules, comme sur le marché urbain, les parties soulignent que la mise en régie est une option ouverte aux AOT interurbaines qui seraient insatisfaites des services de leurs transporteurs sous contrat (132). Elles proposent donc de prendre en compte dans l'analyse la part de marché des régies, susceptibles d'exercer une pression concurrentielle sur les parties. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles exposées dans l'analyse du marché urbain, le passage en régie constitue une forme d'autoconsommation des AOT (133) et la régie n'a pas vocation à intervenir sur le marché pour répondre à des besoins autres que ceux en vue desquels elle a été constituée.

275. Toutefois, les parties notifiantes soulignent que de nombreuses régies départementales interviennent souvent pour répondre à des besoins autres que ceux en vue desquels elles ont été initialement constituées et exercent ainsi des activités de transport privé et occasionnel. Elles considèrent que ces dernières participent à l'animation concurrentielle des marchés départementaux, les conseils généraux n'hésitant pas à faire concourir la régie qu'ils ont créée lors des appels d'offres qu'ils organisent.

276. Le test de marché n'a confirmé cette utilisation des régies que dans quelques cas très exceptionnels, pour des régies comptant un nombre très important de véhicules. Dans la mesure où la prise en compte des régies de cette taille ne changerait pas les conclusions de l'analyse concurrentielle telles qu'elles seront exposées ci-dessous, il n'y a pas lieu de trancher cette question : les capacités relatives des offreurs seront présentées pour l'ensemble des départements sans tenir compte des véhicules détenus par des régies.

2. DÉPARTEMENTS CONCERNÉS PAR L'OPÉRATION

277. La présente opération fait apparaître des chevauchements d'activité sur 17 marchés départementaux de transport interurbain routier de voyageurs.

278. Sur la base des données en nombre de véhicules transmises par les parties, le tableau ci- dessous récapitule l'addition de parts de marché et la mesure de la concentration de l'offre sur chaque marché départemental concerné par l'opération :

<emplacement tableau>

279. Ainsi, sur les 17 départements concernés, l'opération créera dans 11 d'entre eux un groupe détenant plus de 25% de la flotte du département et, pour 10 d'entre eux, une concentration sensible de l'offre en véhicules des transporteurs interurbains (135). Dans les six autres départements, les indicateurs de parts de marché et de concentration de l'offre laissent présumer que l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.

280. L'analyse concurrentielle portera donc sur les onze marchés départementaux suivants: le Vaucluse (84), le Loir-et-Cher (41), la Haute-Savoie (74), le Var (83), l'Eure-et-Loir (28), le Gard (30), la Moselle (57), la Meurthe-et-Moselle (54), le Haut-Rhin (68), la Savoie (73) et les Bouches-du-Rhône (13).

281. Compte tenu des spécificités du marché interurbain exposées ci-avant, la position de la nouvelle entité dans chacun des 11 départements sera évaluée au regard :

- de sa position sur le marché interurbain départemental et de son implantation dans les agglomérations du département, une partie non négligeable du chiffre d'affaires des parties étant issue de la desserte des zones en périphérie des centres villes,

- de sa position interurbaine aux frontières du département analysé afin de tenir compte de la flexibilité dont bénéficie la nouvelle entité dans le dimensionnement de son parc de véhicules.

282. L'analyse des effets sera ensuite menée en considérant notamment la présence de concurrents crédibles au regard de l'allotissement pratiqué.

3. VAUCLUSE

a) La position de la nouvelle entité dans le Vaucluse

283. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le Vaucluse, la nouvelle entité deviendra le premier opérateur interurbain du département avec au moins [40-50]% de parts de marché en nombre de véhicules ([5-10]% pour Veolia Transport (136), [30-40]% pour Transdev (137)).

284. Cette part de marché doit être considérée comme un minorant du pouvoir de marché de la future entité dans le département. En effet, la part de marché de Transdev n'intègre pas les véhicules qu'elle sous-traite pour son compte auprès d'autres transporteurs indépendants et qui représentent [10-20]% de la flotte du département selon les estimations des parties.

285. Il faut rappeler par ailleurs que la nouvelle entité sera exploitante des réseaux de transport urbain des 4 principales agglomérations du département (Avignon, Carpentras, Orange, Bollène) et d'une partie du réseau de transports urbains et scolaires (138) organisé par la Communauté d'Agglomération du Ventoux-Comtat Venaissin, regroupant 26 communes dont celle de Carpentras.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

286. La nouvelle entité sera présente dans les 5 départements limitrophes du Vaucluse avec [20-30]% de parts de marché dans les Bouches-du-Rhône, [20-30]% dans le Gard, [10- 20]% dans les Alpes-de-Haute-Provence, [10-20]% dans la Drôme et [40-50]% dans le Var. La nouvelle entité devient également co-exploitante de la ligne interurbaine expresse régionale Arles-Avignon, co-exploitée par Transdev avant l'opération, et mise en concurrence par le Conseil régional (139).

287. Les fortes implantations interurbaines de la nouvelle entité dans les départements limitrophes lui permettront de bénéficier de synergies opérationnelles ainsi que d'une grande flexibilité dans le dimensionnement de son parc de véhicules, les véhicules et dépôts localisés à la limite des frontières administratives du Vaucluse étant susceptibles d'être mobilisés en vue de répondre aux appels d'offres dans le département du Vaucluse.

c) Les effets horizontaux de l'opération dans le Vaucluse

288. Il convient de relever qu'aucun groupe d'envergure nationale n'est présent dans le département. Après l'opération, la pression concurrentielle à laquelle sera soumise la nouvelle entité reposera sur quatre transporteurs indépendants: Voyages Arnaud ([10- 20]%), Voyages Raoux ([10-20]%), Cars Lieutaud ([5-10]%) et la Société des Autocars de Haute-Provence ([5-10]%), les autres acteurs du marché détenant chacun entre 1 et 3% du marché.

289. La part de marché de la nouvelle entité dépassera ainsi de [20-30] points celle de son premier concurrent, Voyages Arnaud. Or, d'après les estimations des parties, ce dernier a réalisé, en 2009, [10-20]% de son chiffre d'affaires en tant que sous-traitant de Transdev (140). La nouvelle entité sera soumise à une pression concurrentielle très modérée de la part des concurrents implantés dans le département du Vaucluse.

290. Dans sa réponse au test de marché, le conseil général du Vaucluse confirme que " le nombre de lots a été fortement diminué par rapport aux appels d'offres précédents, de 143 à 93 lots ". L'augmentation de la taille des lots offerts à soumission par la principale AOT interurbaine du Vaucluse confirme, au cas d'espèce, que le jeu concurrentiel lors des appels d'offres ne s'exerce qu'entre les concurrents jugés crédibles au regard de leurs capacités en véhicules. La non équivalence des lots proposés et les types de contrats offerts par le conseil général (17 délégations de service public (" DSP ") pour les lignes régulières et 76 marchés publics pour les lots scolaires) tendent à segmenter le marché et à affaiblir la pression concurrentielle émanant des petits opérateurs indépendants : ceux-ci ont tendance à mettre la priorité sur des lots scolaires ; ils sont très peu susceptibles de répondre en leur nom propre à des DSP, impliquant une prise de risque sur les recettes tirées de l'exploitation des lignes. La pression concurrentielle à laquelle sera soumise la nouvelle entité se résume donc à quatre opérateurs indépendants, totalisant ensemble moins que la nouvelle entité.

291. Outre le choix de DSP pour les lignes régulières, la perspective d'une remise en concurrence simultanée des 93 lots par le Conseil général est un élément qui joue à l'avantage de la nouvelle entité. La taille de son parc de véhicules, les 12 dépôts détenus dans le département et sa capacité à mobiliser des moyens matériels, humains et financiers à l'occasion de cette remise en concurrence, permettront à la nouvelle entité de se positionner sur un maximum de lots. Il est probable que les quatre concurrents du département pourront difficilement faire face au coût important représenté par cette consultation (141). Ils et seront, en tout état de cause, contraints par la taille de leur parc d'autocars (entre 2,5 et 8 fois inférieur à celui des parties) et la localisation de leurs dépôts dans le choix des lots auxquels ils participeront. De plus, deux de ces concurrents, Voyages Arnaud et Voyages Raoux, ont une activité de transport occasionnel (agence de voyages) pour laquelle ils doivent être en mesure de mobiliser des autocars et pourront donc être incités à se positionner sur des lignes scolaires plutôt que régulières, leur laissant une plus grande souplesse dans la réaffectation des véhicules.

292. La probabilité que cette frange concurrentielle puisse avoir recours à des groupements d'entreprises pour exercer une pression vis-à-vis de la nouvelle entité est faible compte tenu des tailles respectives des entreprises qui la composent. L'instruction a d'ailleurs relevé que les PME interurbaines avaient tendance à privilégier l'adossement à un groupe de taille nationale pour proposer des offres en groupement. Or, dans le département du Vaucluse, outre la nouvelle entité, il ne subsistera aucun groupe d'envergure nationale après l'opération. De plus, les parties à l'opération appartiennent à 11 groupements d'entreprises attributaires de lots du Conseil général du Vaucluse mais ne sont simultanément présentes sur aucun d'entre eux (142). Le rapprochement des parties pourra permettre à ces dernières de se dispenser d'une offre en groupement lors du renouvellement de ces 11 appels d'offres, ou au moins de limiter le nombre de cocontractants nécessaire à une offre groupée.

293. En l'absence d'une réelle pression concurrentielle sur les lots exigeant le déploiement de moyens importants tels que des DSP de lignes régulières, la nouvelle entité pourrait être amenée à proposer des prix plus élevés.

294. Parmi les groupes d'envergure nationale, seul le groupe Keolis est présent dans quatre départements limitrophes du Vaucluse et pourrait vouloir y entrer afin de donner une cohérence géographique à ses implantations : Bouches-du-Rhône [10-20 %], Gard [0-5 %], Drôme [30-40 %] et Var {20-30 %]. Toutefois, il ressort de l'audition du groupe Keolis, s'agissant de l'interurbain, que " sur les régions où les deux acteurs du rapprochement en cours se renforcent, Keolis ira encore moins se présenter. En effet, ces deux acteurs seront certainement prêts, sur des appels d'offres portant sur quelques lignes, à faire des sacrifices financiers pour nous écarter de ces territoires géographiques. "

295. La relative atonie du marché interurbain dans le Vaucluse d'ici à 2016, date de remise en jeu des contrats par le conseil général, ne permet pas d'anticiper l'entrée de nouveaux concurrents sur ce marché. Le poids important de la nouvelle entité aura pour effet de dissuader d'éventuels concurrents et seules des opportunités de croissance externe pourront inciter des acteurs de taille nationale à s'implanter dans ce département. Par ailleurs, la tendance étant à l'extension des zones urbaines (PTU) aux dépens du périmètre interurbain, le fait que 4 grandes agglomérations du département soient exploitées par la nouvelle entité, en tant qu'opérateur urbain, n'incite pas davantage un opérateur national comme Keolis à investir dans ce département. Le groupe Keolis n'exploite aucun réseau urbain à ce jour dans le département du Vaucluse.

296. Le conseil général, principal demandeur de transport interurbain du département, qui a récemment réduit de 30 % le nombre de lots proposé, pourrait, certes, choisir d'augmenter la taille et la valeur des lots pour attirer de nouveaux concurrents lors de la remise en concurrence de 2016. Un tel choix est cependant peu probable puisqu'il rendrait plus difficile l'accès des petits opérateurs indépendants à ces marchés. De plus, comme il a déjà été évoqué, la capacité d'attraction d'un nouvel opérateur de dimension nationale dépend d'une part, des opportunités de croissance externe et, d'autre part, de la position des concurrents déjà établis dans le département. Or, la forte position de la nouvelle entité ([40-50]%) peut s'avérer dissuasive pour d'éventuels nouveaux entrants.

297. Au regard de ce qui précède, l'opération de concentration notifiée est susceptible de créer une position dominante de la nouvelle entité sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département du Vaucluse, du fait de sa taille et de la faiblesse de la pression concurrentielle, lui permettant d'adopter des comportements indépendants vis-à-vis de ses concurrents et de ses clients.

4. LOIR-ET-CHER

a) La position de la nouvelle entité dans le Loir-et-Cher

298. Sur le marché du transport interurbain dans le Loir-et-Cher, la nouvelle entité détiendra [40-50] % de parts de marché en nombre de véhicules ([40-50]% pour Veolia Transport (143), [5-10] % pour Transdev). Veolia Transport sous-traite par ailleurs [5-10]% des véhicules du département, notamment auprès de Transdev et Keolis.

299. La nouvelle entité exploitera le réseau urbain de Vendôme et les transports scolaires pour le compte de la ville de Lamotte-Beuvron.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

300. Les parties exploitent des réseaux interurbains sur 4 des 6 départements limitrophes du Loir-et-Cher avec [40-50] % de parts de marché en Eure-et-Loir, [30-40] % dans le Loiret, [50-60] % dans la Sarthe, [20-30] % en Indre-et-Loire.

301. Ces fortes implantations limitrophes sont de nature à conférer à la nouvelle entité une souplesse dans le déploiement de véhicules dans le Loir-et-Cher et la réalisation de synergies opérationnelles dans l'exploitation des lignes.

c) Les effets horizontaux de l'opération dans le Loir-et-Cher

302. Les concurrents établis dans le département sont le groupe indépendant Fast ([30- 400] %), le groupe Keolis ([10-20] %) et Saint Laurent Sarl ([5-10] %).

303. Au cas d'espèce, la pression concurrentielle susceptible d'être exercée après l'opération doit s'apprécier au regard de l'allotissement pratiqué par le conseil général du Loir-et- Cher. Plusieurs lots sont mis en concurrence pour le transport scolaire mais il n'existe qu'un seul lot pour l'ensemble des lignes régulières, sous la forme d'une DSP d'une durée de 8 ans dont la prochaine remise en concurrence est prévue en 2012.

304. Or, Veolia Transport est délégataire du lot unique portant sur l'ensemble des lignes régulières départementales et dont une partie est sous-traitée à Transdev, Keolis et Fast. S'agissant des lots scolaires, Veolia Transport, Transdev, Keolis et Fast constituent un groupement d'entreprises qui exploite une partie des lots scolaires. Au sein de ce groupement, les parties captent [70-80] % du chiffre d'affaires annuel.

305. Sur ce marché, après l'opération, les seuls concurrents crédibles de la nouvelle entité seront les groupes Fast et Keolis compte tenu de la présence d'un lot unique sur les lignes régulières. Or, leur participation en tant que co-traitants ou sous traitants des parties au sein de groupements d'entreprises et leur fort différentiel de capacité en véhicules avec celle de la nouvelle entité (écarts 17 et 36 points) ne permettent pas d'envisager qu'une réelle pression concurrentielle puisse être exercée sur la nouvelle entité dans ce département.

306. A l'issue de l'opération, la position de la nouvelle entité sera forte dans le Loir-et-Cher ([40-50]% du parc départemental, 6 dépôts) ainsi que sur l'ensemble des départements limitrophes. Au surplus et selon les estimations des parties, l'attribution à Veolia Transport de l'ensemble des véhicules qu'elle sous-traite dans le cadre de la DSP unique portant sur les lignes régulières, porterait la part de marché de la nouvelle entité à [50-60]%. De plus, lors de la remise en concurrence de cette DSP unique en 2012, la nouvelle entité pourra s'appuyer sur sa connaissance du réseau interurbain local en tant qu'opérateur sortant (144).

307. Compte tenu de sa récente acquisition dans un département frontalier (145), seule RATP Développement est susceptible d'être un entrant potentiel à l'occasion de la remise en concurrence du lot unique de lignes régulières dans le Loir-et-Cher en 2012. Toutefois, la présence de deux groupes et d'un indépendant solide (Fast), totalisant ensemble [90- 100]% du marché est relativement peu incitatif pour RATP Développement. A l'instar de groupes déjà implantés, cet acteur pourrait privilégier une entrée progressive sur le marché par le biais de contrats de sous-traitance ou de réponses en groupements d'entreprises. En conséquence, il est difficile d'anticiper la nature de la pression concurrentielle qui sera exercée par ce nouvel entrant éventuel. On ne peut exclure qu'en dépit de nouvelles entrées sur le marché, la nouvelle entité puisse se retrouver seule à répondre au principal appel d'offres du département.

308. Le principal client de la nouvelle entité, le conseil général, dispose d'assez peu de moyens pour dissuader un opérateur dominant de jouer de son pouvoir de marché. Compte tenu des contraintes de gestion impliquées par un ré-allotissement de ses lignes, il est peu probable que le conseil général puisse entreprendre une telle démarche d'ici à 2012, date d'échéance de la DSP en cours. L'importance des investissements à réaliser pour créer une régie départementale (acquisition d'autocars, de dépôts, recrutement de conducteurs etc.) rend cette option également peu crédible.

309. En renforçant d'au moins [5-10] points la forte position de Veolia Transport sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le Loir-et-Cher, l'opération crée un acteur dominant. Cette position apparaissant par ailleurs peu contestable par les concurrents, actuels ou potentiels, il y a lieu de considérer que l'opération porte atteinte à la concurrence sur le marché interurbain du Loir-et-Cher.

5. HAUTE-SAVOIE

a) La position de la nouvelle entité dans le département de la Haute-Savoie

310. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Haute-Savoie, la nouvelle entité détiendra [30-40]% de parts de marché en nombre de véhicules ([10- 20] % pour Veolia Transport (146) et [10-20]% pour Transdev (147)). Les véhicules sous- traités par les parties ne représentent que [0-5]% de la flotte du département.

311. La nouvelle entité exploitera les réseaux de transport urbain de Chamonix et Thonon- les-Bains.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

312. La nouvelle entité sera présente dans les deux départements limitrophes de la Haute- Savoie, en Savoie ([30-40] %) et dans l'Ain, via Transdev avant l'opération.

c) Les effets de l'opération en Haute-Savoie

313. L'opération fait des parties, respectivement deuxième et troisième opérateurs du marché en nombre de véhicules détenus, le premier opérateur du marché avec [30-40] % de part de marché et 5 dépôts de véhicules. La forte addition de parts de marché permettra à la nouvelle entité de réaliser des économies d'échelle, notamment en mutualisant ses ressources d'exploitation et de réponse aux appels d'offres.

314. Après l'opération, la nouvelle entité sera soumise à la pression concurrentielle de la Société Annemassienne des Transports (SAT) ([20-30] %), de RATP Développement ([10-20] %), de Borini Autocars ([5-10] %) et d'une dizaine de transporteurs indépendants détenant chacun moins de 3% du marché.

315. L'allotissement pratiqué par le conseil général (174 lots dont une partie est offerte à soumission annuellement, 35 lots seront mis en concurrence en 2011) permet la consultation régulière des transporteurs interurbains locaux. Toutefois, comme dans la plupart des départements dont les appels d'offres interurbains sont allotis, les lots ne sont pas équivalents. Ils sont notamment de type et de durée différents : des marchés publics sont proposés pour une durée de 4 ans et les DSP le sont pour une durée de 7 ans.

316. Au regard de leurs capacités en véhicules, seuls la SAT et RATP Développement sont en mesure d'exercer une pression concurrentielle crédible sur la nouvelle entité lors de la mise en concurrence des lots les plus importants, et notamment des DSP, dans ce département.

317. Toutefois, il convient de relativiser la pression concurrentielle susceptible d'être exercée sur la nouvelle entité tant de la part de la SAT que de celle de RATP Développement.

318. La SAT demeure un groupe indépendant, localement bien implanté mais qui subit une plus forte contrainte d'investissement qu'un groupe d'envergure nationale. De plus, avant l'opération, la SAT entretient d'importants liens commerciaux avec Veolia Transport en participant à au moins trois groupements d'entreprises avec cet acteur, dont un pour l'exploitation de lignes régulières du conseil général, et en co-exploitant le réseau urbain de Thonon-les-Bains. La future entité, doublant la part de marché de Veolia Transport, est susceptible de se dispenser d'offres en groupement après l'opération, de privilégier des candidatures autonomes afin de capter la totalité des économies d'échelle et d'étoffer ses possibilités d'optimisation de véhicules au sein du département. Les forts liens économiques qui unissent la SAT à l'une des parties à l'opération et l'incertitude pesant sur le possibilité de se grouper dans le futur avec la nouvelle entité atténuent la pression concurrentielle susceptible d'être exercée par la SAT. La position de cette dernière est d'autant plus fragile que le marché du transport interurbain connaît actuellement un mouvement de consolidation à la faveur des groupes de dimension nationale (148).

319. RATP Développement, seul groupe de dimension nationale concurrent, est présent avec une part de marché qui représente moins de la moitié de celle de la nouvelle entité. De plus, l'entrée de ce nouvel acteur dans ce département est récente, sa part de marché interurbaine résulte du transfert d'actifs de Transdev et de Veolia Transport intervenu en amont de la présente opération et autorisé par l'Autorité de la Concurrence le 27 juillet 2010 (149). Nouvel entrant dans ce département, RATP Développement ne sera en mesure d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité que lorsqu'elle aura exploité le réseau sur une durée suffisante pour être en mesure d'établir une relation de confiance avec les AOT et d'intégrer les données locales d'exploitation (fréquentations, évolutions saisonnières etc.).

320. La précarité de la situation concurrentielle tient également à la diminution du nombre d'opérateurs résultant de l'opération, crainte évoquée par plusieurs répondants au test de marché dans ce département. La variation de l'indice de Herfindahl-Hirschmann (IHH) est élevée et confirme que l'offre de transport interurbain en Haute-Savoie se concentre fortement à l'issue de la présente opération (150).

321. S'agissant de la concurrence potentielle, les groupes CarPostal et Keolis pourraient être susceptibles d'entrer sur le marché de la Haute-Savoie du fait de leurs implantations respectives. Le groupe CarPostal, dont la stratégie d'implantation sur le marché français a débuté dans " un périmètre d'action de 250 km à partir de la frontière franco-suisse ", a toutefois rappelé lors de son audition que la forte position d'un concurrent établi ne l'incitait pas à entrer sur un marché interurbain départemental. Or, le marché du transport interurbain en Haute-Savoie compte déjà deux groupes d'envergure nationale et sera très concentré à l'issue de l'opération puisque 3 acteurs détiennent plus de 75 % du marché. Il s'avère donc peu attractif pour un nouveau groupe. Enfin, la possibilité d'y atteindre rapidement une taille critique par le biais d'opérations de croissance externe est difficile puisque la frange concurrentielle demeure très morcelée, une dizaine de transporteurs indépendants se partagent moins de 20 % du marché. La même analyse vaut pour Keolis, marginalement implanté en Isère (4 % de part de marché).

322. Il est, en pratique, difficile pour le conseil général d'accroître la taille de ses lots en vue d'attirer de nouveaux concurrents du fait de son mode d'allotissement actuel. Parmi les 174 lots proposés, un certain nombre arrive à échéance annuellement et la plupart ont une cohérence géographique du fait du relief montagneux de ce département. En tout état de cause, l'allotissement, comme le passage à une exploitation en régie en l'absence d'une structure déjà existante, ne peuvent être considérés comme étant de nature à contrebalancer le pouvoir de marché de la nouvelle entité dans ce département.

323. Au terme d'une forte addition de parts de marché, l'opération confère à la nouvelle entité une position de leader sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Haute-Savoie. Compte tenu de la fragilité du contexte concurrentiel actuel et des incertitudes relatives à l'entrée de nouveaux opérateurs crédibles, il ne peut être exclu que l'opération puisse porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

6. VAR

a) La position de la nouvelle entité dans le département du Var

324. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le Var, la nouvelle entité détiendra [40-50] % de parts de marché en nombre de véhicules ([30-40] % pour Veolia Transport (151), [5-10] % pour Transdev (152)). Les parties recourent marginalement à la sous-traitance dans ce département, celle-ci représenterait de l'ordre de [0-5] % du parc départemental.

325. Les parties sont présentes dans la zone périurbaine de la ville de Draguignan, via l'exploitation de lignes (scolaires et régulières) pour le compte de la communauté d'agglomération Dracénoise, qui regroupe 16 communes dont celle de Draguignan.

326. Les parties exploitent également le plus important réseau urbain du département, Toulon, ainsi que celui de Fréjus-Saint-Raphaël.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

327. La nouvelle entité est présente dans les quatre départements limitrophes du Var avec [20-30] % de parts de marché dans les Bouches-du-Rhône, [40-50] % dans le Vaucluse, [10-20] % dans les Alpes-de-Haute-Provence, [30-40] % dans les Alpes-Maritimes.

328. Les fortes implantations interurbaines de la nouvelle entité dans les départements limitrophes lui permettront de bénéficier d'une grande flexibilité dans le dimensionnement de son parc de véhicules, les véhicules et dépôts localisés à la limite des frontières administratives du Var étant susceptibles d'être mobilisés en vue de répondre aux appels d'offres dans ce département.

c) Les effets de l'opération dans le Var

329. Les opérateurs concurrents présents dans le département sont le groupe Keolis ([20-30] %) et deux groupes indépendants, Blanc ([10-20] %) et Beltrame ([0-5] %), ainsi qu'une dizaine de transporteurs locaux détenant chacun entre 1 % et 2 % de parts de marché.

330. Les parties soulignent deux évolutions résultant d'appels d'offres récents : le fort développement du groupe Beltrame dont elles estiment la part de marché actuelle à [10- 20]% et l'entrée sur le marché d'un nouvel indépendant, le groupe Suma, principalement implanté dans les Bouches-du-Rhône et dont la part est estimée entre [0-5]% du marché.

331. Ces évolutions sont cohérentes avec la récente restructuration de l'allotissement du conseil général du Var visant à augmenter la taille des lots de lignes régulières autour d'une dizaine de lots substantiels153. Compte tenu de l'augmentation de la taille des principaux lots de transport interurbain, les seuls acteurs crédibles capables d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité seront les groupes Keolis, Beltrame, Blanc, et dans une moindre mesure, du groupe Suma qui, à ce jour, ne dispose pas de dépôt dans le Var. Toutefois, la forte position de la nouvelle entité ([40-50] % du parc départemental, 16 dépôts) et les écarts de [10-20] et [30-40] points qui la séparent de ses deux principaux concurrents témoignent d'un fort différentiel de capacités entre les 3 principaux opérateurs interurbains, ne permettant pas d'anticiper à court terme qu'une pression concurrentielle puisse s'exercer sur l'ensemble des appels d'offres.

332. Compte tenu de sa taille, de sa présence sur de nombreux réseaux urbains du Var et de sa forte implantation régionale, la nouvelle entité sera en mesure de réaliser d'importantes économies d'échelle tant par la mutualisation des ressources humaines que par celle des moyens matériels via un continuum de dépôts et de lignes dépassant les frontières du département. Elle sera donc incitée à se positionner sur un maximum d'appels d'offres interurbains afin de rentabiliser ses actifs et de capter ces économies d'échelle.

333. Le recours des parties à des groupements d'entreprises, avant l'opération, laisse supposer que des synergies, ou au moins des complémentarités, sont possibles. En effet, sur les six appels d'offres du conseil général attribués à des groupements dont l'une ou l'autre des parties étaient membres, Veolia Transport et Transdev ne sont simultanément présents que sur un seul groupement. Ainsi, après l'opération, sur les cinq autres, la nouvelle entité aura probablement la capacité d'y répondre de façon autonome du fait d'une capacité en véhicules/dépôts accrue voire d'implantations géographiques complémentaires. Le groupe Blanc, co-traitant de Veolia Transport sur un ensemble de lignes régulières, n'aura pas nécessairement la capacité de se positionner de manière autonome et/ou économiquement pertinente sur ces mêmes lignes après l'opération.

334. En effet, les coûts de réponse aux appels d'offres amènent les opérateurs à ne sélectionner que les appels d'offres pour lesquels leur réseau (dépôts et lignes en cours d'exploitation) est géographiquement pertinent, et donc lorsque leur probabilité de succès est réelle. Sur les lots les plus importants, les concurrents anticiperont des coûts d'exploitation structurellement plus élevés que ceux de la nouvelle entité faute de pouvoir réaliser des économies d'échelle de même ampleur. Il est donc vraisemblable que la nouvelle entité, du seul fait de sa taille et de l'étendue de son réseau, puisse dissuader des concurrents établis de faire une offre et qu'elle soit seule à répondre sur certains appels d'offres.

335. L'existence de quatre petites régies éclatées totalisant 22 autocars (154), soit 2,5 % du parc départemental " marchand ", n'est pas de nature à permettre au conseil général du Var ou aux autres AOT interurbaines de contrebalancer le pouvoir de marché qu'aura acquis la nouvelle entité.

336. S'agissant d'éventuels nouveaux entrants, aucun autre groupe d'envergure nationale n'est implanté aux frontières du département du Var et donc susceptible de vouloir y entrer dans une logique géographique. Les fortes positions de la nouvelle entité tant sur l'urbain que sur l'interurbain au sein du département ne sont pas incitatives à l'entrée de nouveaux groupes faute de pouvoir réaliser des gains d'efficience nécessaires à la rentabilisation de leur implantation.

337. Les parties notifiantes estiment que les opérateurs indépendants de taille moyenne, tel que le groupe Suma récemment entré sur le marché varois depuis le département voisin des Bouches-du-Rhône, représentent une forme de concurrence potentielle. Toutefois, il existe peu d'indépendants de taille moyenne pouvant entreprendre un développement similaire par capillarité à l'occasion de certains appels d'offres, qui demeure, en tout état de cause, très progressif. Sur un marché d'appels d'offres où les investissements matériels sont à la charge des opérateurs, ce type de démarche ne constitue pas une source de concurrence potentielle crédible vis-à-vis d'un groupe tel que la nouvelle entité. En l'espèce, la concurrence potentielle des indépendants n'est pas de nature à contrebalancer le pouvoir de marché du nouvel ensemble dans le Var.

338. Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que l'opération porte atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département du Var.

7. EURE-ET-LOIR

a) La position de la nouvelle entité en Eure-et-Loir

339. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Eure-et-Loir, la nouvelle entité détiendra [40-50] % de parts de marché en nombre de véhicules ([30-40] % pour Veolia Transport (155), [5-10] % pour Transdev (156)). Dans ce département, seul Veolia Transport recourt à la sous-traitance, notamment auprès de Transdev, l'ensemble des véhicules sous-traités (tous sous-traitants confondus) représente [5-10] % du parc départemental.

340. La nouvelle entité exploitera le principal réseau urbain du département, Chartres, et sera détenteur d'un dépôt en gare routière de cette même ville.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

341. L'Ile-de-France mise à part, les parties exploitent des réseaux interurbains sur tous les départements limitrophes de l'Eure-et-Loir : [30-40] % dans le Loiret, [40-50] % dans le Loir-et-Cher, [50-60] % dans la Sarthe, [30-40] % dans l'Orne, [20-30] % dans l'Eure.

342. Cette forte position interurbaine confère à la nouvelle entité une grande flexibilité dans le dimensionnement de son parc de véhicules dans le département d'Eure-et-Loir.

c) Les effets de l'opération en Eure-et-Loir

343. La nouvelle entité compte parmi ses concurrents le groupe Keolis ([20-30] %) ainsi que quatre PME réalisant chacune entre [5-10] à [5-10] % du marché : Dunois Voyages ([5-10] %), SAS Nogent Voyages ([5-10] %), Autocars Bon Voyage - Groupe Salaun ([5-10] %), Lecuyer Jean-Michel ([5-10] %). Ainsi que le soulignent les parties notifiantes, RATP Développement a très récemment fait l'acquisition de " Dunois Voyages " (157). La frange concurrentielle restante se compose de six transporteurs totalisant chacun entre 1 et 2 % du marché.

344. Au cas d'espèce, la pression concurrentielle susceptible d'être exercée après l'opération doit s'apprécier au regard de l'allotissement pratiqué par le conseil général d'Eure-et- Loir, consistant en un lot unique pour toutes les lignes régulières du département. Ce lot est actuellement exploité par un groupement d'entreprises réunissant les trois principaux acteurs du marché (Veolia Transport, Keolis et Dunois Voyages - aujourd'hui RATP Développement-) et dont une partie est sous-traitée à Transdev. Ainsi, sur ce marché, après l'opération, les deux seuls acteurs crédibles du marché sont en co-traitance avec la nouvelle entité sur une partie substantielle du marché interurbain départemental et le différentiel de leurs capacités en véhicules est important (15 et 35 points). Ces éléments relativisent la nature de la pression concurrentielle qui pourra être exercée sur la nouvelle entité dans ce département, notamment lors de la remise en concurrence future de cette DSP.

345. La position concurrentielle du nouvel ensemble est d'autant plus forte si l'on considère la part de Veolia Transport au sein du groupement. Selon les estimations des parties, Veolia Transport capte entre [60-70] et [70-80] % de ce lot unique. Si l'on attribue à Veolia Transport l'ensemble des véhicules mis en œuvre dans le cadre de ce groupement, la part de marché de Veolia Transport serait comprise entre [50-60] et [60-70] %, et celle de Transdev, hors véhicules mobilisés en sous-traitance du groupement, se limiterait à [0-5] %.

346. Après l'opération, le marché du transport interurbain en Eure-et-Loir comptera trois groupes d'envergure nationale (la nouvelle entité, Keolis et RATP Développement) totalisant plus de [70-80]% du marché et s'avère donc peu attractif pour un nouvel entrant potentiel.

347. Le conseil général conserve la faculté de procéder à un allotissement de ses lignes régulières pour stimuler les offres, bien que la tendance soit plutôt à la globalisation des lots et que l'assemblée départementale ait opté pour le lot unique depuis plusieurs années158. Toutefois, dans cette hypothèse, l'incertitude demeure quant à la capacité des concurrents à se positionner sur l'ensemble des lots proposés face à la nouvelle entité. L'existence de 8 régies de petite taille relevant de 8 AOT différentes (159) n'est pas un élément de nature à crédibiliser la menace ou l'éventuelle intention d'un passage en régie par le conseil général lors de la négociation relative à la DSP unique de ses lignes régulières.

348. L'opération renforce la position de Veolia Transport sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Eure-et Loir. La position de la nouvelle entité apparaissant par ailleurs peu contestable par les concurrents, actuels ou potentiels, il y a lieu de considérer que l'opération porte atteinte à la concurrence sur le marché interurbain en Eure et Loir.

8. GARD

a) La position de la nouvelle entité dans le département du Gard

349. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le Gard, la nouvelle entité détiendra [20-30] % de parts de marché en nombre de véhicules ([20-30] % pour Veolia Transport (160), [0-5] % pour Transdev (161)). Les véhicules sous-traités par les parties représentent [0-5] % de la flotte du département.

350. La nouvelle entité n'exploitera aucun réseau de transport urbain dans le Gard.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

351. La nouvelle entité sera présente dans les tous les départements limitrophes du Gard à l'exception de la Lozère et de l'Aveyron, et notamment dans le Vaucluse ([40-50] %) et les Bouches-du-Rhône ([20-30] %).

c) Les effets de l'opération dans le Gard

352. A l'issue de l'opération, l'entreprise commune fera face à la concurrence exercée par les groupes Keolis ([0-5] %), Jean-Pierre Deshours ([10-20] %) et Auran Administration ([5-10] %) ainsi que par plus d'une quinzaine d'opérateurs indépendants détenant chacun une position comprise entre 1 et 6 %.

353. Il convient de souligner que le réseau de transport interurbain de ce département (lignes scolaires et régulières) fait l'objet d'un lot unique attribué sous la forme d'une DSP d'une durée de 10 ans. En 2009, cette DSP a été attribuée à un groupement momentané d'entreprises réunissant la plupart des entreprises du département dont la nouvelle entité, principalement Veolia Transport.

354. Selon les estimations des parties, la part de Veolia Transport dans le groupement attributaire de la DSP unique est estimée à [50-60] %. Ainsi, si on devait attribuer à la société Veolia Transport l'ensemble des véhicules mis en œuvre dans le cadre du groupement, la part de marché de cette dernière passerait de [20-30] à [40-50] %, celle de Transdev diminuerait en revanche, passant de [0-5] % à [0-5] %.

355. Bien que la société Keolis soit peu présente dans l'interurbain ([0-5] %), elle pourrait être incitée à exercer une pression concurrentielle sur le nouvel ensemble lors de la remise en jeu de la DSP, étant par ailleurs très présente dans le transport urbain dans ce même département et pouvant espérer la réalisation d'économies d'échelle. Keolis exploite les deux seuls réseaux urbains référencés dans la base du CERTU dans le Gard (Alès et Nîmes).

356. De plus, la faible addition de parts de marché emportée par l'opération et l'absence d'animation concurrentielle d'ici à 2019, date de remise en concurrence de la DSP unique de ce département, ne sont pas de nature à modifier substantiellement la situation de la concurrence.

357. Au regard de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département du Gard.

9. MOSELLE

a) La position de la nouvelle entité dans le département de la Moselle

358. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Moselle, la nouvelle entité détiendra une part de marché cumulée de [40-50] % en nombre de véhicules ([30- 40] % pour Veolia Transport (162), [0-5] % pour Transdev (163)). Transdev ne recourt par ailleurs que marginalement à la sous-traitance dans ce département.

359. La nouvelle entité sera présente dans la Moselle au capital des SEM exploitant les réseaux de transport urbain de Saint-Avold, et via des SEM, les réseaux de Longwy, Metz et Thionville.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

360. La nouvelle entité sera présente dans tous les départements limitrophes de la Moselle avec [20-30] % en Meurthe-et-Moselle et [20-30] % dans le Bas-Rhin.

c) Les effets de l'opération en Moselle

361. A l'issue de l'opération, l'entreprise commune fera face à la concurrence exercée par les groupes Keolis ([10-20] %), Paul Royer ([5-10] %), Sotram ([5-10] %) et Schidler Autocars ([5-10] %) ainsi que par une dizaine de transporteurs indépendants détenant chacun une position comprise entre 1 et 5 %.

362. Par ailleurs, il convient de noter que l'allotissement pratiqué par l'AOT (164) est de nature à stimuler la concurrence, dans la mesure où il propose des lots permettant une participation de la plupart des opérateurs présents dans le département.

363. La faible addition de parts de marché et l'absence d'animation concurrentielle d'ici à 2019, date de remise en concurrence simultanée des 105 lots du conseil général, ne sont pas de nature à modifier substantiellement la situation concurrentielle à l'issue de l'opération.

364. Enfin, la Deutsche Bahn, qui vient de prendre le contrôle d'Arriva (165), peut être considérée comme un entrant potentiel, cette dernière ayant déjà soumis des offres à des consultations du conseil général (166).

365. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département de la Moselle.

10. MEURTHE-ET-MOSELLE

a) La position de la nouvelle entité dans le département de la Meurthe-et-Moselle

366. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Meurthe-et-Moselle, la nouvelle entité détiendra [20-30]% de parts de marché en nombre de véhicules ([5-10]% pour Veolia Transport (167), [20-30]% pour Transdev (168)). Transdev recourt marginalement à la sous-traitance dans ce département.

367. La nouvelle entité exploitera les réseaux de transport urbain de Nancy, Lunéville et Neuves-Maisons.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

368. La nouvelle entité sera présente dans tous les départements limitrophes de la Meurthe- et-Moselle avec notamment [40-50]% en Moselle, [20-30]% dans le Bas-Rhin, [30-40]% dans les Vosges et [30-40]% dans la Meuse.

c) Les effets de l'opération en Meurthe-et-Moselle

369. La nouvelle entité restera confrontée à la concurrence du groupe Keolis ([20-30]%), de Lorraine Cars Geron M. ([10-20]%), de Garage Dupasquier ([10-20]%) et d'une douzaine d'opérateurs indépendants détenant chacun entre 1 et 5 % du marché.

370. La demande du conseil général est relativement concentrée : elle comprend 12 lots attribués sous la forme de marchés publics, dont 4 sont actuellement attribués à la nouvelle entité. Toutefois, la présence de Keolis et son faible différentiel de capacité avec celle du nouvel ensemble permettent de maintenir l'animation concurrentielle lors de la remise en concurrence de ces lots.

371. Au regard de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département de la Meurthe-et-Moselle.

11. HAUT-RHIN

a) La position de la nouvelle entité dans le département du Haut-Rhin

372. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le Haut-Rhin, la nouvelle entité détiendra [30-40]% de parts de marché en nombre de véhicules ([20-30]% pour Veolia Transport (169), [10-20]% pour Transdev (170)). Les véhicules sous-traités par les parties représentent moins de [0-5]% de la flotte du département.

373. La nouvelle entité exploitera le réseau de transport urbain de Mulhouse dans ce département.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

374. La nouvelle entité sera présente dans les deux principaux départements limitrophes du Haut-Rhin avec [30-40]% dans les Vosges, [20-30]% dans le Bas-Rhin.

c) Les effets de l'opération dans le Haut-Rhin

375. Aucun groupe d'envergure nationale n'est présent dans le département. Toutefois, la nouvelle entité restera confrontée à la concurrence d'un opérateur indépendant important, LK-Voyages Lucien Kunegel qui totalise [30-40]% des véhicules du département, soit plus que la part de marché de la nouvelle entité.

376. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département du Haut-Rhin.

12. SAVOIE

a) La position de la nouvelle entité dans le département de la Savoie

377. Sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs en Savoie, la nouvelle entité détiendra [30-40]% de parts de marché en nombre de véhicules ([5-10]% pour Veolia Transport (171), [20-30]% pour Transdev (172)). La part de marché de Transdev n'intègre pas les véhicules qu'elle sous-traite pour son compte auprès d'autres transporteurs indépendants et qui représentent [0-5]% de la flotte du département.

378. La nouvelle entité exploitera le réseau de transport urbain de la principale agglomération du département, Chambéry, et celui d'Albertville.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

379. La nouvelle entité sera présente dans trois des quatre départements limitrophes de la Savoie : Isère ([0-5]%), Haute-Savoie ([30-40]%) et dans l'Ain via Transdev avant l'opération.

c) Les effets de l'opération en Savoie

380. Aucun groupe d'envergure nationale n'est présent dans le département. Après l'opération, la pression concurrentielle à laquelle sera soumise la nouvelle entité reposera sur plusieurs concurrents dont Voyages Loyet ([10-20]%), le groupe Faure ([5-10]%), Transalpes ([5-10]%), Savoie Autocars Transports ([5-10]%) ainsi qu'une quinzaine de transporteurs indépendants détenant chacun entre 0,5 et 4% du marché.

381. L'allotissement pratiqué par le conseil général de Savoie permet cependant de considérer l'ensemble de ces transporteurs comme étant susceptible d'exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité. En matière de transport scolaire, plus de 500 lots sont mis en concurrence correspondant chacun à une ligne. Ces marchés sont renouvelés par vagues : " un ensemble de 150 lots sera renouvelé en 2011, une cinquantaine en 2012 et les 300 autres lots seront remis en concurrence en 2013 " (173). S'agissant des lignes régulières et touristiques, une dizaine de prestataires exploite aujourd'hui une quinzaine de lots.

382. La part de marché dépassera de [10-20] points celle de son premier concurrent, Voyages Loyet. Toutefois le fort allotissement des appels d'offres et le potentiel de transports touristiques de cette région (desserte des stations de ski) permet à l'ensemble des concurrents d'exercer une pression concurrentielle régulière sur la nouvelle entité.

383. Au regard de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département de la Savoie.

13. BOUCHES-DU-RHÔNE

a) La position de la nouvelle entité dans le département des Bouches-du-Rhône

384. Sur le marché de transport interurbain routier de voyageurs dans les Bouches-du-Rhône, la nouvelle entité détiendra [20-30]% de parts de marché en nombre de véhicules ([10- 20]% pour Veolia Transport (174), [5-10]% pour Transdev (175)). Seul Veolia Transport recourt marginalement à la sous-traitance, soit moins de [0-5]% du parc d'autocars départemental.

385. La nouvelle entité sera exploitante des réseaux de transport urbain d'Aix-en-Provence, Aubagne, Fos-sur-Mer / Istres, Gardanne, La Ciotat, Salon-de-Provence, Vitrolles- Etang de Berre.

b) La position de la nouvelle entité dans les départements limitrophes

386. La nouvelle entité sera présente dans les trois départements limitrophes des Bouches- du-Rhône : Var ([40-50]%), Vaucluse ([40-50]%) et Gard ([20-30]%).

c) Les effets de l'opération dans les Bouches-du-Rhône

387. La nouvelle entité restera confrontée à la concurrence du groupe Keolis ([10-20]%), d'un groupe indépendant (176) ([20-30] %) et d'une dizaine d'opérateurs indépendants détenant chacun entre 1 et 4% du marché.

388. Les lots du conseil général sont proposés pour une durée de 4 ans, durée brève par rapport à ce qui est observé dans les différents départements et qui permet une remise en concurrence régulière des différentes lignes et l'animation concurrentielle du marché.

389. Bien que les parts de marché retenues pour la présente analyse soient examinées en excluant les véhicules exploités en régie, il convient de relever au surplus que le département des Bouches-du-Rhône est le seul parmi les départements concernés par l'opération à disposer d'une régie départementale importante, mobilisée tant sur des lignes régulières et scolaires que pour des activités de transports privés et occasionnels (177).

390. Au regard de ce qui précède, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché du transport interurbain routier de voyageurs dans le département des Bouches-du-Rhône.

C. ABSENCE D'EFFETS COORDONNÉS SUR LES MARCHÉS DÉPARTEMENTAUX DE TRANSPORT INTERURBAIN ROUTIER DE VOYAGEURS HORS ILE-DE-FRANCE.

391. Le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ont sanctionné à de nombreuses reprises des pratiques d'ententes sur les marchés du transport interurbain, notamment du transport scolaire. Dans la plupart de ces affaires, l'Autorité a constaté que les entreprises concernées s'échangeaient des informations sur leur intention de soumissionner ou se communiquaient des projets de réponse aux appels d'offre afin d'établir des offres de couverture. Ces pratiques suggèrent que la transparence du marché est insuffisante pour que les entreprises puissent, sans accord explicite entre elles, convenir d'une ligne d'action.

392. En tout état de cause, Veolia Transport et Transdev ne sont, préalablement à l'opération, actifs de façon simultanée que sur un nombre limité de départements. Sur la plupart de ces départements, la présence de l'un ou l'autre de ces opérateurs était marginale et l'opération ne peut avoir d'effet sur l'incitation des acteurs du marché à coordonner leur comportement. Enfin, sur les marchés de l'Eure-et-Loir, du Loir-et-Cher, du Var et du Vaucluse pour lesquels l'opération créée des conditions de marché défavorables à la concurrence, les engagements proposés par les parties suppriment tout chevauchement de parts de marché et permettent d'écarter le risque que l'opération ne favorise un comportement coordonné des acteurs dans ces départements.

III. Sur le marché des transports routiers de voyageurs en Ile-de-France

393. Les principales caractéristiques du marché des transports routiers de voyageurs en Ile- de-France, et notamment la position singulière occupée par la RATP, seront examinées dans un premier temps (A) avant d'analyser les effets de l'opération sur la concurrence (B).

A. CARACTÉRISTIQUES DU FONCTIONNEMENT DE LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ

394. Le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France possède une organisation très spécifique : la LOTI n'y est historiquement pas applicable et la région dispose d'un cadre législatif particulier, fixé par l'ordonnance n° 50-151 du 7 janvier 1959. Les transports publics y sont organisés par le STIF, établissement public local à caractère administratif, qui exerce ses prérogatives pour le compte de la région Ile-de-France, de la ville de Paris et des départements des Hauts-de-Seine, de l'Essonne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne. Face au STIF, l'ensemble des entreprises privées exploitant des lignes régulières de bus inscrites au Plan Régional de Transport, soit à ce jour 84 entreprises ou centres d'exploitation dont les parties notifiantes, sont regroupées au sein d'OPTILE (Organisation Professionnelle des Transports d'Ile-de-France).

395. Le STIF est soumis à un régime juridique qui le dispense de mettre en concurrence les opérateurs routiers pour l'exploitation des services réguliers de transport de voyageurs : il procède simplement par inscription d'un transporteur au plan de transport, ce qui confère à ce dernier un droit exclusif d'exploitation à durée indéterminée, à la suite de l'octroi par le STIF d'une autorisation administrative, concernant des parcours particuliers, dans le cadre de procédure sans mise en concurrence et non soumise à la loi Sapin ou au Code des marchés publics.

396. Enfin, les transports publics dans cette région sont largement structurés autour du réseau RATP. Schématiquement, la situation historiquement en vigueur concernant l'attribution des lignes en Île de France en général et des lignes exploitées par la RATP en particulier est la suivante :

- aux termes de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948, la RATP s'est vu attribuer l'exploitation " des réseaux de transport en commun de Paris et du département de la Seine et des lignes de Seine et Oise et Seine et Marne concédées ou affermées antérieurement à la Compagnie du chemin de fer métropolitain ou à la Société des transports en commun de la région parisienne " (178). A ce titre, la RATP a exploité et exploite toujours, dans le cadre notamment de la zone de Paris et sa petite couronne, des lignes qui n'ont jamais été soumises à concurrence, ni à une possibilité de renouvellement de gré à gré et qui n'auraient en tout état de cause pas pu être attribués à un autre prestataire que la RATP ;

- la loi de 1948 prévoyait également que la RATP pourrait être chargée de l'exploitation d'autres lignes à partir de la mise en vigueur du plan d'aménagement et de répartition des transports, sous l'autorité concédante du STIF, ce que l'ordonnance de 1959 a confirmé. L'établissement public RATP, de même que des sociétés privées dont font partie les parties notifiantes, se sont ainsi vu attribuer l'exploitation d'un certain nombre de lignes dans la deuxième couronne de la région parisienne pour une durée indéterminée ;

- en 2000 (179), la RATP a été autorisée à créer des filiales aux fins d'exploiter des réseaux en province et à l'étranger, c'est-à-dire en dehors de la zone que le principe de spécialité géographique impose à cet établissement public. Une filiale, RATP Développement, a été ainsi créée en 2002 et exploite également des lignes dans le cadre des autorisations délivrées par le STIF ;

- un certain nombre de lignes ont néanmoins été attribuées par le STIF ou quelques autres collectivités au terme d'appels d'offres. D'après les informations fournies par les parties, le groupe RATP serait titulaire d'un certain nombre d'entre elles.

397. Dans ce cadre, l'analyse des autorités de concurrence a consisté à considérer comme hors marché l'activité sous monopole de la RATP issue de la loi de 1948, sur laquelle l'établissement public RATP est le seul opérateur actif. Ainsi, dans plusieurs décisions, les parts de marché de la RATP ont été calculées sur la base soit de la seule activité de sa filiale RATP Développement (180), soit de l'activité de RATP Développement ajoutée à l'estimation du chiffre d'affaires généré par les activités de la RATP hors de son monopole géographique (181).

398. Néanmoins, les parties signalent qu'une telle analyse ne vaut que pour l'état du marché antérieur à l'entrée en vigueur de la loi ORTF (182) faisant application des principes définis dans le règlement OSP (183). Elles considèrent que, depuis l'entrée en vigueur de ces textes, il faut inclure la totalité des activités de la RATP dans le périmètre du marché pertinent, compte tenu de l'ouverture à la concurrence de la zone de monopole de la RATP. Elles précisent ainsi que la loi ORTF a organisé une période de transition (article 8 de la loi) sur le marché des transports en Île de France dans des conditions identiques, quel que soit le statut de l'opérateur. Elles soulignent surtout, en substance, que depuis l'entrée en vigueur de la loi à compter du 3 décembre 2009, de nouvelles lignes, soumises à des appels à concurrence, peuvent être créées dans le cadre du plan de transport dont le STIF est l'autorité concédante, et ce notamment sur le périmètre de Paris et la petite couronne, soit dans la zone géographique de monopole. Elles en concluent que ce territoire n'est plus en monopole et que l'activité que la RATP y exerce doit être considérée comme soumise au même régime concurrentiel que les autres activités en Île de France et être de ce fait réintégrée dans le périmètre du marché pertinent.

399. Néanmoins, si l'application du règlement OSP mettra fin à terme au régime singulier dont bénéficie actuellement la RATP (184), tel n'est pas encore le cas. Ainsi, juridiquement, la période de transition ne change le régime applicable qu'aux lignes créées après le mois de décembre 2009. Mais le fait que des nouvelles lignes puissent être créées également à Paris (185) ne change pas le statut des lignes liées au monopole historique de la RATP : ces lignes se sont pas ouvertes à l'exploitation par une autre entreprise et restent de ce fait hors marché. Elles le resteront jusqu'à l'ouverture effective de cette partie du marché à la concurrence.

400. En outre, la mise en place par le STIF à partir de 2007 d'une contractualisation en deux phases ayant pour but de préparer séquentiellement le passage à la mise en concurrence a pour résultat théorique d'avancer à 2017 au plus tard la fin de la période de transition prévue par la loi ORTF à 2024 sauf convention contraire (186). Cette contractualisation a été mise en place avec les entreprises réunies au sein de l'OPTILE mais pas avec la RATP. Il en résulte que le passage en concurrence aura lieu, pour les lignes exploitées par la RATP, sept ans après celles des autres opérateurs.

401. Les parts de marché prises en compte pour le groupe RATP n'intègreront donc que les activités extérieures à son monopole.

402. Toutefois, et ainsi qu'il sera repris ci-dessous, il convient de préciser, d'une part, que l'activité en monopole ne peut naturellement être ignorée dès lors qu'il s'agira d'évaluer le pouvoir de marché de la RATP en Île de France et la pression concurrentielle qu'elle exercera sur les parties notifiantes après l'opération et, d'autre part, que la question de l'inclusion de l'activité en monopole de la RATP dans les parts de marché n'aurait en tout état de cause pas d'influence sur la conclusion de l'analyse.

B. ANALYSE CONCURRENTIELLE

403. Les parties notifiantes ont communiqué les estimations de parts de marché suivantes, qui ne prennent pas en compte les activités en zone dite de monopole de la RATP. Pour les opérateurs privés (dont RATP Développement), les estimations sont faites sur la base des chiffres d'affaires réalisés en 2008 et en 2007 au titre des compensations STIF (données OPTILE) (187). Pour les activités hors monopole de l'établissement public RATP, les parties ont procédé à une estimation globale du chiffre d'affaires réalisé sur l'activité hors monopole dont elles ont testé la cohérence en essayant d'estimer le chiffre d'affaires sur la base des données UTP pour 2008 et de reconstituer les dépenses de fonctionnement au prorata de l'effectif et les recettes commerciales au prorata de l'usage, puis d'identifier pour l'année 2008 les lignes hors monopole et enfin de reconstituer les valeurs associées aux réseaux hors monopole.

<emplacement tableau>

404. La situation décrite est celle de 2008. Elle n'a toutefois pas sensiblement évolué depuis cette date, dans la mesure où seules les nouvelles lignes créées sont susceptibles de faire varier les parts de marché.

405. A titre liminaire, il convient de noter que les parts de marché sur le marché francilien ont un caractère prédictif assez limité ; elles témoignent ainsi surtout d'un stock de lignes, issu de l'exploitation en continu de lignes obtenues directement auprès du STIF sans mise en concurrence. Il n'est donc pas exclu qu'elles soient déconnectées de l'importance actuelle des acteurs en place : leur stabilité éventuelle pourrait ainsi être principalement liée à l'absence de mise en concurrence.

406. Ceci étant dit, les parts de marché sont sur ce marché à tout le moins un indicateur de l'étendue de l'implantation d'un opérateur et de son niveau d'activité à un moment donné. A cet égard, les parts de marché de l'entité fusionnée seront très en deçà de celles du groupe RATP : moins de [30-40]% contre environ [50-60]%. La part de marché du groupe RATP doit par ailleurs être considérée comme un minorant de son pouvoir de marché. En région parisienne en effet, le groupe RATP jouit d'une présence forte et d'une réputation notamment liées aux lignes détenues en monopole dans Paris et la petite couronne (188). Ceci est d'autant plus vrai que l'établissement public RATP exploite directement des réseaux en dehors de sa zone de monopole et soumet de ce fait les différents opérateurs à une pression concurrentielle forte.

407. De manière générale, le marché de l'Île de France sera encore assez peu animé d'ici à la fin de la période de transition prévue par la loi ORTF, l'essentiel du marché étant constitué de lignes exploitées depuis une longue période sans remise en concurrence, et ce encore jusqu'à 2017.

408. Ainsi, à court terme, seules les nouvelles lignes feront l'objet d'une concurrence entre les opérateurs du marché. L'enjeu de ces nouveaux marchés ne doit pas pour autant être minimisé. D'abord, certaines des échéances les plus proches sont composées de projets importants (189). Ensuite, comme l'a exposé la société Keolis, les opportunités d'expansion dans la région parisienne revêtent une importance particulière dans la perspective de l'ouverture plus générale à la concurrence (190).

409. Néanmoins, cette échéance présente un caractère relativement lointain :

- à court terme, sur les nouvelles lignes créées, l'entité fusionnée subira la concurrence du groupe RATP et de Kéolis ;

- d'ici à 2017 au plus tard, l'intégralité des lignes actuellement exploitées par un opérateur privé adhérent à l'OPTILE aura été ou sera mise en concurrence dans le cadre d'une DSP. En théorie, la situation du marché pourrait radicalement être modifiée à cette date : un nombre important de DSP devraient en effet être concentrées sur une période limitée pendant laquelle tous les opérateurs privés seront mis en position de défendre leurs réseaux actuellement en exploitation. Seul l'établissement public RATP, dont les réseaux seront encore à sa charge pendant sept ans, sera dans une position différente, ce qui pourrait renforcer le pouvoir de marché du groupe RATP et limiter celui de l'entité fusionnée ;

- en 2024, les lignes de bus actuellement exploitées par la RATP sur Paris et la petite couronne seront soumises à des appels à concurrence. Les choix quant à l'allotissement du réseau parisien et les résultats des échéances de 2017 auront une influence importante sur l'équilibre des forces à cette date.

410. Il résulte de ce qui précède que du fait de la position particulière du groupe RATP en Île de France et du caractère très progressif de l'ouverture à la concurrence de ce marché, l'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés du transport routier de voyageurs en Ile-de France.

IV. Sur les marchés accessoires

A. LE MARCHÉ DES SERVICES D'ASSISTANCE TECHNIQUE AUX EXPLOITANTS DE RÉSEAUX DE TRANSPORT DE VOYAGEURS

411. En l'espèce, l'opération emportera sur ce marché un chevauchement d'activités extrêmement marginal en France, la position de Veolia Transport s'élevant (191) à [0-5] %. L'entreprise commune détiendra ainsi, une fois la concentration réalisée, une part de marché de [20-30] % (soit [20-30] % pour Transdev et [0-5] % pour Veolia Transport). Elle demeurera par ailleurs confrontée à la concurrence exercée par Keolis ([20-30] % de part de marché) ainsi que par les associations Réunir ([20-30] % de part de marché) et Agir ([10-20] % de part de marché). Il convient d'ajouter également que le test de marché mené par la Commission européenne n'a pas permis d'établir de risques portant sur ce marché.

412. Il y a donc lieu de considérer que la présente opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché des services d'assistance technique aux exploitants de réseaux de transport de voyageurs, sans qu'il soit besoin de conclure sur les délimitations exactes de ce marché.

B. L'AUTO-PARTAGE DE VÉHICULES

413. En l'espèce, concernant l'obtention d'activités d'auto-partage de véhicules déléguées par des AOT, l'opération n'emporte pas de chevauchement, Veolia Transport étant seule présente sur ce segment (192). Par ailleurs, s'agissant de la fourniture de services d'auto-partage de véhicules à destination des clients finals la nouvelle entité détiendra en France, à l'issue de la concentration, une part de marché (193) de [5-10] % (soit [0-5] % pour Veolia transport et [0-5] % pour Transdev). Il convient d'ajouter également que le test de marché mené par la Commission européenne n'a pas permis d'établir de risques relatifs aux services d'auto-partage de véhicules.

414. La présente concentration n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence s'agissant de l'auto partage de véhicules, sans qu'il soit besoin de conclure sur la délimitation exacte de ce marché.

V. Absence de risque d'effets congloméraux de l'opération

415. Les marchés du transport urbain et interurbain qui ont été analysés ci-dessus présentent des liens de connexité dans la mesure où la présence simultanée au niveau local d'un transporteur sur les deux marchés ouvre la possibilité de développer des synergies de coûts. Comme l'a noté l'Autorité dans les lignes directrices publiées le 14 décembre 2009, de telles synergies peuvent être pro-concurrentielles en ce sens que, en accroissant l'efficacité de la production de l'ensemble, elles permettent des baisses de coûts puis de prix dont bénéficient les acheteurs. Mais en renforçant la présence d'une entreprise sur de tels marchés, une opération de concentration peut aussi avoir des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elle permet à cette entreprise de s'appuyer sur la position qu'elle occupe sur l'un de ces marchés pour évincer ou affaiblir la position de ses concurrents sur l'autre marché. En l'espèce, les caractéristiques des marchés concernés permettent d'écarter un tel risque, notamment du fait de l'absence de demandeurs communs aux deux marchés (A).

416. Par ailleurs, plusieurs répondants au test de marché ont souligné que le groupe Veolia et la CDC, maisons mères de l'entreprise commune qui réunira Veolia Transport et Transdev, sont également actives dans le secteur de la distribution de l'eau et du traitement des déchets, pour la première, et dans le secteur du financement des collectivités locales, pour la seconde. Ils font valoir que les contacts établis avec les collectivités locales du fait de ces activités leur permettraient de faire levier sur les marchés de transports urbains et interurbains. L'absence de connexité de ces différents marchés permet toutefois d'écarter ce risque (B).

A. ENTRE ACTIVITÉS DE TRANSPORT URBAIN ET ACTIVITÉS DE TRANSPORT INTERURBAIN

417. Dans leurs observations en réponse au rapport, les parties notifiantes ont contesté l'existence d'effets congloméraux entre transport urbain et interurbain. Elles remettent tout d'abord en cause l'existence de synergies entre les deux types d'activité qui selon elles ne partagent aucun moyen d'exploitation et répondent à des logiques distinctes. Elles avancent ensuite qu'en tout état de cause, de telles synergies, à les supposer renforcées par l'opération, constitueraient des gains d'efficacité et n'emporteraient pas d'effets anticoncurrentiels.

418. Plusieurs éléments au dossier attestent cependant de la réalité de synergies entre les activités de transport exercées par les parties sur le marché national du transport urbain et sur les marchés départementaux du transport interurbain.

419. Plusieurs concurrents ont notamment souligné qu'il était possible de réaliser des économies de coûts dans la préparation des réponses aux appels d'offres sur l'une de ces activités en utilisant les moyens déployés localement pour l'autre activité. De même, les documents fournis par les parties en annexe à la notification et décrivant les déterminants du choix du dépôt d'une offre offensive sur un réseau urbain confirment ce partage des moyens par les deux activités. Un document de Transdev (voir paragraphe 100) sur un appel d'offres organisé par la ville de Fougères précise ainsi : " Le groupe Veolia est historiquement présent sur le réseau, le positionnement du sortant (fragile par l'usure du temps, ou fort par l'expérience du réseau et son intégration dans les réalisations du SIVU) sera à apprécier. Un groupe projet et un comité de pilotage devront être constitués, disposant d'une logistique métiers (marketing, exploitation, maintenance, contrôle de gestion,...). Le projet pourrait être piloté par SG, TD et JBF avec l'appui des équipes respectives des Sociétés de St Brieux Mobilités, Laon Mobilité et Saint Quentin Mobilité, DD et DRNO ".

420. De même, des synergies dans l'exploitation des appels d'offres (optimisation de l'allocation des ressources, de l'achat du carburant, dans la maintenance ou la gestion des dépôts, etc.) ont été identifiées, sur la base de déclarations de concurrents, de déclarations du GART ainsi que des données communiquées par les parties sur les activités exercées par des société de transport interurbain pour le compte d'un opérateur urbain tiers. Des économies sont également possibles du fait des différences de coûts salariaux entre le marché urbain et interurbain. Ainsi, Veolia précise qu'à Aubagne, " dans le cadre de la négociation avec l'AOT et pour des raisons financières, il a été convenu que la desserte de parties excentrées du périmètre de transport urbain soit opérée par la société Varoise de transport, une entreprise interurbaine, avec des cars et du personnel rattaché à la convention interurbaine ", étant précisé que la Société varoise de transport est une filiale de Veolia Transport active dans le transport interurbain.

421. En tout état de cause, comme le soulignent les parties, à supposer des synergies établies, leur renforcement du fait de l'opération doit plutôt être analysé comme une source de gains d'efficacité. Une stratégie d'éviction ou d'affaiblissement des concurrents du nouvel ensemble ne peut être appuyée sur ces synergies en l'absence de clients communs et de toute possibilité de lien commercial entre les offres faites à l'urbain, d'une part, et à l'interurbain, d'autre part. En effet, les appels d'offres pour l'exploitation des réseaux urbains sont organisés par les communes et les différentes formes d'intercommunalité (Communautés urbaines, Communautés d'agglomérations, Communautés de communes...) tandis que les appels d'offres pour les marchés de transport interurbain sont lancés par les départements ou les régions.

422. En outre, les études économétriques réalisées par les services d'instruction sur la base des données disponibles n'ont pas permis de mettre en évidence un corrélation entre le nombre d'offres déposées en réponse aux mises en concurrence de réseaux urbains et une forte implantation sur le marché local du transport interurbain. En dépit des éléments recueillis par l'instruction témoignant de complémentarités entre activités urbaines et interurbaines, une telle corrélation n'a donc pu être clairement démontrée, à la différence de ce qui a été exposé plus avant s'agissant des synergies géographiques sur le seul marché du transport urbain. Les économies de coûts liées au renforcement sur certaines zones de la présence du nouvel ensemble à la fois sur les marchés du transport urbain et interurbain ne seraient donc pas d'une ampleur suffisante pour dissuader les concurrents du nouvel ensemble de concourir pour l'exploitation de réseaux urbains dans ces zones.

423. Un risque d'atteinte à la concurrence du fait d'un tel renforcement n'apparaît donc pas fondé.

B. ENTRE LES MARCHÉS DU TRANSPORT ROUTIER DE VOYAGEURS ET CEUX DE LA DISTRIBUTION DE L'EAU, DU TRAITEMENT DES DÉCHETS OU DU FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES.

424. S'agissant de l'effet de levier qui pourrait être exercé par le nouvel ensemble sur les marchés de transport du fait de la présence du groupe Veolia et de la CDC dans le secteur de la distribution de l'eau et du traitement des déchets, pour la première, et dans le secteur du financement des collectivités locales, pour la seconde, la réponse n'appelle pas de longs développements dans la mesure où les services ainsi offerts par les maisons mères ne permettent de développer aucune synergie débouchant sur des économies de coût. Les différents types de services concernés ne sont pas non plus complémentaires ni d'un point de vue fonctionnel (chaque réseau public fonctionne indépendamment), ni d'un point de vue contractuel (les procédures sont juridiquement distinctes et organisées selon des calendriers indépendants). La détention de l'ensemble de ces activités ne constitue donc pas un argument de vente déterminant pour les acheteurs.

425. Ces éléments sont confirmés par le GART, qui considère même qu'une trop grande présence pourrait nuire à l'acteur concerné : " Il ne s'agit pas des mêmes élus, car la commission en charge des transports publics est différente de celles de la propreté et de l'eau. Mais c'est quand même le président qui décide. En pratique, les effets congloméraux sont plutôt faibles voire négatifs pour les groupes : il est difficile pour un élu de justifier la très forte présence d'un groupe sur l'ensemble des services de la municipalité (eau, transport, déchets...) ".

426. S'agissant plus spécifiquement de l'activité de la Caisse des dépôts et consignations (" CDC "), les parties notifiantes nient l'existence de liens entre les différents prêts de la CDC, consentis notamment pour le financement d'infrastructures de transport, ceux-ci n'étant pas liés à l'exploitation des services de transport et n'étant pas forcément consentis en même temps que l'attribution du contrat d'exploitation. Elles indiquent néanmoins que l'exploitation et le financement peuvent être liés dans le cadre de partenariats public-privé ainsi que dans celui de concessions de service public. Mais, concernant les premiers, les parties précisent que le financement éventuel de la CDC est accordé au groupement attributaire quelle que soit son identité. Elles expliquent par ailleurs que, dans les cas où la CDC prendrait un statut d'investisseur dans un groupement répondant à un appel d'offres pour des projets de partenariat ou de concessions de service public, elle le ferait dans les mêmes conditions que celles d'investisseurs internationaux majeurs participant habituellement à ce genre de groupements, en prenant des précautions pour préserver la confidentialité et respecter l'égalité entre candidats. Les parties estiment enfin que cette activité ne constitue pas un marché dans la mesure où il ne s'agit pas d'une prestation de services mais seulement d'un investissement financier.

427. En outre, s'agissant d'un éventuel renforcement du pouvoir d'influence que l'opération pourrait accorder à l'entité fusionnée, le Conseil de la concurrence a indiqué, dans sans avis 07-A-09 du 2 août 2007 (194) qu' " il est en effet concevable qu'un réseau bancaire à forte implantation locale recherche, à travers l'acquisition de titres de presse quotidienne régionale, au-delà de la rentabilité de son investissement, le moyen d'étendre son pouvoir d'influence sur la vie politique et économique locale, et que, malgré les déclarations assurant le Conseil de l'indépendance des rédactions, ce groupe puisse bénéficier d'une communication favorable dans les pages du titre. Toutefois, le risque de l'accroissement d'un tel pouvoir d'influence ne peut être assimilé, à lui seul, à une atteinte à la concurrence au sens de l'article L. 430-6 du Code de commerce qui précise la finalité du contrôle des concentrations ".

428. De la même manière, en l'espèce, s'il est concevable que le groupe Veolia puisse, par le biais des différentes activités exercées par ses filiales, bénéficier d'un certain pouvoir d'influence sur la vie politique et économique locale, l'accroissement éventuel d'un tel pouvoir à l'occasion du rapprochement de Veolia Transport et Transdev ne saurait être assimilé, à lui seul, à une atteinte à la concurrence au sens de l'article L. 430-6 du Code de commerce qui précise la finalité du contrôle des concentrations.

429. Sur ces points, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la question de l'existence d'un marché spécifique, il n'apparaît pas au vu des éléments au dossier que les interactions éventuelles entre la CDC et l'entité fusionnée répondent à la description des effets congloméraux relevant du contrôle des concentrations.

430. Il convient, en conséquence, d'exclure les risques d'atteinte à la concurrence liés à la présence du groupe Veolia et de la CDC dans le secteur de la distribution de l'eau et du traitement des déchets, pour la première, et dans le secteur du financement des collectivités locales, pour la seconde.

VI. Les gains d'efficacité

431. Les parties notifiantes considèrent que l'opération génère des gains d'efficacité économiques spécifiques, liés, d'une part, à la réalisation d'économies de coûts associés à l'exploitation des réseaux et, d'autre part, à la possibilité de proposer une offre de services plus étendue du fait de la mutualisation d'expérience entre les parties à l'opération. Elles avancent en outre que la nouvelle entité sera en mesure d'innover ou de se positionner sur des offres de mobilité plus globales, sur des segments de marché dérégulés, et satisferont de ce fait aux besoins de transport des AOT et des usagers.

432. Sur le premier point, les parties estiment à [...] millions d'euro les économies de coût rendues possibles par la combinaison de leurs périmètres d'exploitation respectifs, dont [...] millions seraient issus de la mutualisation des achats (carburant, pièces détachées, maintenance etc.) et [...] millions de la rationalisation des frais de structure. Selon les parties, ces moindres charges d'exploitation seront répercutées dans les offres remises aux AOT et aboutiront à des niveaux de compensation financière plus bas ou à un meilleur niveau de service pour l'AOT, notamment lorsque celle-ci réajuste le périmètre de la prestation de son opérateur en cours de contrat (par le biais d'avenants).

433. Mais l'incitation pour la nouvelle entité à utiliser ces économies comme un levier de négociation auprès des AOT dépendra de la pression concurrentielle à laquelle elle sera soumise lors des futurs appels d'offres. Or, ainsi qu'il a été exposé précédemment, l'opération projetée, sans les engagements proposés, a pour effet de réduire le nombre de candidats aux appels d'offres et de détériorer le niveau des offres remises sur le marché du transport urbain.

434. De plus, il est peu vraisemblable que la nouvelle entité transfère ces économies de coût aux AOT, alors même que les parties ont soutenu au cours de l'instruction que le taux de rentabilité des opérateurs de transport urbain est particulièrement faible en France, notamment en comparaison avec d'autres pays européens.

435. Enfin, les économies telles que chiffrées par les parties ne représentent que [...] % du chiffre d'affaires qu'elles ont réalisé en France en 2009. Dans l'hypothèse où une partie de ces gains seraient transférée aux AOT lors de la négociation de contrats, il est à craindre que ces transferts ne concernent qu'un nombre limité d'AOT ou ne soient pas suffisamment significatifs pour compenser les atteintes à la concurrence exposées plus haut.

436. Sur le second point, les parties estiment que leur offre de services sera qualitativement améliorée du fait de la réunion de savoir-faire complémentaires (expertise ferroviaire de Veolia Transport, expertise en matière de tramways et " modes doux " de Transdev) et d'un champ d'expérimentation élargi au niveau européen (Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Suède...). La mutualisation des expériences françaises et étrangères et des efforts de recherche et développement se traduiront selon elles par des innovations qui profiteront aux AOT comme aux utilisateurs de transports. La nouvelle entité entend ainsi poursuivre son développement dans les nouveaux modes de transport urbains (vélo en libre-service, auto-partage), les transports publics propres (biogaz, biofuel), les services de billettique et liés à l'intermodalité. A plus long terme et dans la perspective de la libéralisation du transport ferroviaire régional français, les parties soulignent que la nouvelle entité se positionnera comme un acteur crédible face à la SNCF.

437. Mais, si d'éventuels gains d'efficacité peuvent résulter d'un effort d'innovation plus soutenu, ainsi que le décrivent les parties, ces dernières fournissent peu d'éléments permettant de les quantifier.

438. Or, la disparition d'un acteur expérimenté sur le marché français du transport urbain serait plutôt de nature à créer une moindre émulation entre les opérateurs et ce, malgré la montée en puissance de RATP Développement, qui doit encore construire la crédibilité de son offre auprès des petites et moyennes agglomérations.

439. En tout état de cause, la matérialisation et la temporalité des gains d'efficacité économiques avancés ne sont pas de nature à contrebalancer les effets anticoncurrentiels potentiels de l'opération.

440. Au total, il y a donc lieu de considérer que l'opération n'apporte pas au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence identifiées.

CHAPITRE 4. LES REMÈDES PROPOSÉS

I. Les mesures correctives proposées

441. Les parties notifiantes ont présenté le 12 octobre 2010 un engagement concernant le marché du transport urbain et consistant en la création d'un fonds d'animation de la concurrence. Cette proposition a fait l'objet d'un test de marché auprès de l'ensemble des acteurs qui avaient répondu au test de marché de la Commission (concurrents, AOT, organisations professionnelles).

442. Le 16 novembre 2010, elles ont présenté des engagements de cession concernant le marché du transport interurbain. Ces engagements ont à nouveau été testés auprès des concurrents.

443. A la suite de la séance du 30 novembre 2010, elles ont présenté le 7 décembre 2010 des engagements de cession sur le marché du transport urbain.

444. Le contenu de l'ensemble des engagements a fait l'objet de discussions, portant à la fois sur leur substance et sur leur forme, avant d'être reformulé de manière définitive par une lettre du 23 décembre 2010. C'est dans cette dernière version qu'ils sont présentés ci-après.

A. SUR LE MARCHÉ DU TRANSPORT URBAIN

445. Les parties notifiantes ont présenté sur le marché urbain des engagements de cession (1) ainsi qu'un engagement d'animation de la concurrence par la création d'un fond (2).

1. ENGAGEMENTS DE CESSION DES RÉSEAUX URBAINS DANS LA RÉGION PACA : LES VILLES D'AUBAGNE, SALON-DE-PROVENCE, FRÉJUS- SAINT RAPHAËL ET CARPENTRAS

446. Les parties notifiantes s'engagent à céder :

- la totalité du capital (détenue à 70 % par la Société Varoise de Transport (VeoliaTransport) et à 30 % par Sud Cars (VeoliaTransport)) du GIE Autobus Aubagnais, exploitant le réseau urbain d'Aubagne ;

- la part du capital détenue par la société VeoliaTransport (70 %) de la société Autobus Auréliens, exploitant le réseau urbain de Salon-de-Provence au sein d'un groupement momentané d'entreprises dont elle est mandataire et qui comprend également les sociétés Trans Azur et Société Nouvelle des Transport Suma ;

- la totalité du capital (détenue par la société VeoliaTransport) de la société Estérel Cars, exploitant le réseau urbain de Fréjus-Saint-Raphaël au sein d'un groupement momentané d'entreprises dont elle est mandataire et qui comprend également la société Rafaël Bus SARL ;

- le contrat de délégation de service public du réseau de la communauté d'agglomération Ventoux - Comtat Venaissin (Carpentras), exploité en groupement par la société Sud Est Mobilités, filiale de Transdev SA, et par la société Voyages Arnaud.

447. Les parties notifiantes s'engagent pour chacun des actifs urbains à céder l'intégralité des immobilisations corporelles et incorporelles qu'elles détiennent et qui sont attachées aux services de transport urbain et à transférer tous les personnels nécessaires à leur bon fonctionnement et qui y sont aujourd'hui affectés. Les personnels mis à disposition se verront proposer le transfert de leur contrat de travail. Le détail des actifs urbains est décrit en annexe de la présente décision.

448. [Confidentiel]

449. [Confidentiel]

450. Dans l'hypothèse où les cessions décrites ci-dessus seront irréalisables, les parties notifiantes prennent l'engagement que, ni la nouvelle entité issue de la fusion, ni aucune de ses filiales contrôlées au sens du droit de la concurrence, ne candidatera lors du prochain renouvellement du contrat concerné par la cession et visé au § 446.

2. CRÉATION D'UN FONDS D'ANIMATION DE LA CONCURRENCE

a) Objectifs du fonds d'animation de la concurrence

451. Les parties s'engagent à verser une somme d'argent, selon un modèle analogue à celui des fonds de concours, à un fonds qui sera géré par un gestionnaire indépendant, agréé par l'Autorité et agissant sous la supervision d'un mandataire. Ce fonds aura pour mission de permettre aux AOT de financer des actions et des mesures visant à accroître l'intensité concurrentielle lors des appels d'offres portant sur les réseaux de transport urbain dont Transdev, VeoliaTransport, ou leurs filiales, sont les actuels exploitants :

- en couvrant, en tout ou partie, les coûts de réponse auxdits appels d'offres de deux opérateurs répondants offensifs afin de favoriser l'augmentation du nombre de participants aux appels d'offres et mieux faire jouer la concurrence entre ces participants ;

- en couvrant, en tout ou partie, les frais de recours à l'assistance à maîtrise d'ouvrage (ci-après " l'AMO ") par les AOT afin de renforcer le rôle joué par celles-ci dans l'efficacité des procédures de mise en concurrence.

452. Les appels d'offres concernés sont ceux dont la date d'échéance interviendra au cours de la période de cinq années à compter de la date de réalisation de l'opération, soit au total 44 appels d'offres.

453. En ce qui concerne l'indemnisation des coûts de réponse, celle-ci vise à couvrir tout ou partie des coûts de préparation d'une réponse à un appel d'offres urbain. La part des coûts indemnisée sera dégressive en fonction de la taille du réseau. La détermination de l'enveloppe budgétaire nécessaire a été faite sur l'hypothèse d'une indemnisation de deux candidats perdants par appel d'offres mais les AOT seront libres d'indemniser un nombre plus important de candidats en baissant les montants alloués par candidat.

454. En ce qui concerne la couverture des frais d'AMO, la détermination de l'enveloppe budgétaire destinée à couvrir les frais d'AMO s'appuie sur l'hypothèse d'une couverture à 100 % de ces frais pour les réseaux dont le chiffre d'affaires est inférieur à 40 millions d'euro. Au-delà de 40 millions d'euro, les AOT disposent en général de capacités importantes en interne.

455. Au total, le fonds devrait être doté de 6,54 millions d'euro. [Confidentiel].

b) Gestion du fonds d'animation de la concurrence

456. Le fonds d'animation de la concurrence sera géré par un gestionnaire indépendant agréé par l'Autorité de la concurrence, sous la supervision d'un mandataire dont les missions sont précisées ci-après aux paragraphes 468 à 470.

457. Le gestionnaire du fonds devra notamment s'assurer de l'éligibilité des appels d'offres au bénéfice du fonds et mettre en œuvre le versement des sommes prévues aux AOT dont les appels d'offres sont éligibles.

458. Le gestionnaire aura également pour tâche d'informer les AOT et les concurrents de la nouvelle entité de l'existence du fonds d'animation de la concurrence. Les parties se sont par ailleurs engagées à ce que la publicité relative à l'existence du fonds ne fasse pas la promotion de Veolia Environnement, de la Caisse de dépôts et consignations, de la nouvelle entité ou de l'une de leurs filiales.

B. SUR LES MARCHÉS DU TRANSPORT INTERURBAIN

459. Les parties ont présenté des engagements de cessions d'actifs (1), un engagement consistant à ne pas présenter d'offres en groupement (2) et un engagement de non acquisition d'actifs en Haute-Savoie (3)

1. CESSION D'ACTIFS DANS QUATRE DÉPARTEMENTS

460. Afin de supprimer tout chevauchement entre les activités interurbaines de Transdev et VeoliaTransport dans l'Eure-et-Loir (28), le Loir-et-Cher (41), le Var (83) et le Vaucluse (84), les parties notifiantes s'engagent à céder :

- les établissements de Draguignan et Fayence de la société Les Lignes du Var SAS, actifs en matière de transport interurbain de voyageurs dans le département du Var (83) ;

- la part de 50 % détenue par la société VeoliaTransport dans le capital de la société Rubans Bleus SARL, active en matière de transport interurbain de voyageurs dans le département du Vaucluse (84) ;

- les activités de la société Rapides du Val de Loire SAS, exercées en matière de transport interurbain de voyageurs dans les départements de l'Eure-et- Loir (28) et du Loir-et-Cher (41).

461. Les parties notifiantes s'engagent pour chacun de ces actifs à céder l'intégralité des immobilisations corporelles et incorporelles attachées aux services de transport interurbain dans les départements concernés et à transférer tous les personnels nécessaires à leur bon fonctionnement et qui y sont aujourd'hui affectés.

462. Le détail des actifs interurbains est décrit en annexe à la présente décision.

463. Les parties notifiantes disposent d'un délai de [...] à compter de la date de réalisation de l'opération pour conclure un accord de cession contraignant de chacun de ces actifs.

2. ENGAGEMENT DE NE PAS PRÉSENTER D'OFFRES EN GROUPEMENT

464. Les parties notifiantes prennent l'engagement que la nouvelle entité issue de l'opération, et aucune de ses filiales contrôlées au sens du droit de la concurrence, ne candidatera à aucun appel d'offres pour des services de transport interurbain de voyageurs :

- en groupement, quelle que soit la forme juridique de celui-ci, avec les sociétés Kéolis, RATP Développement, Carpostal et Vectalia ou une entreprise contrôlée par celles-ci au sens du droit de la concurrence ;

- ou en tant que donneur d'ordre ou sous-traitant déclaré des sociétés Kéolis, RATP Développement, Carpostal et Vectalia ou d'une entreprise contrôlée par celles-ci au sens du droit de la concurrence. Il est précisé que cet engagement est sans préjudice de la possibilité pour l'entité fusionnée, ou l'une de ses filiales contrôlées au sens du droit de la concurrence, d'être donneur d'ordre ou sous-traitant de l'une des sociétés précitées si cette relation est établie postérieurement à l'attribution de l'appel d'offres.

465. Cet engagement s'applique pendant une durée de cinq années pour tous les appels d'offres dont la procédure sera lancée à compter de la date de réalisation de l'opération par des collectivités locales pour des services de transport interurbain de voyageurs, dans les départements suivants :

- Eure-et-Loir (28) ;

- Loir-et-Cher (41) ;

- Haute-Savoie (74) ;

- Var (83) ;

- Vaucluse (84).

3. ENGAGEMENT DE NE PAS ACQUÉRIR D'ENTREPRISES ACTIVES SUR LE MARCHÉ DU TRANSPORT INTERURBAIN EN HAUTE-SAVOIE

466. Les parties notifiantes prennent l'engagement qu'elles et leurs filiales, en ce comprises la nouvelle entité issue de l'opération et ses propres filiales, ne procéderont à l'acquisition d'aucune société :

- soit réalisant, directement ou indirectement, un chiffre d'affaires annuel sur le marché du transport interurbain en Haute-Savoie supérieur à 3 millions d'euro ;

- soit détenant, directement ou indirectement, sur le marché du transport interurbain en Haute-Savoie une part de marché en valeur supérieure à 2 %.

467. Cet engagement s'applique pendant une durée de cinq années à compter de la date de réalisation de l'opération. Les seuils de 3 millions d'euro et de 2 % mentionnés ci- dessus sont des limites maximales que les parties notifiantes ne peuvent dépasser, durant la période précitée de cinq ans, pour l'ensemble des éventuelles acquisitions de sociétés actives dans le transport interurbain dans le département de la Haute-Savoie.

C. LE MANDATAIRE

468. Les engagements déposés par les parties prévoient la nomination d'un mandataire agréé par l'Autorité de la concurrence. Ce mandataire veillera à l'application de l'engagement relatif au fonds d'animation de la concurrence et s'assurera de la bonne exécution de la mission confiée au gestionnaire du fonds. Le mandataire établira un rapport sur la base des informations fournies par le gestionnaire et qui sera adressé à l'Autorité tous les trois mois.

469. De plus, le mandataire sera chargé, au cours des [...] premiers mois de son entrée en fonction, de superviser la cession des actifs urbains et interurbains cités ci-avant. Au terme de ce délai, le mandataire conduira lui-même les négociations pour la cession des actifs concernés par les engagements et rendra compte mensuellement de son activité à l'Autorité.

470. Enfin le mandataire veillera au respect des engagements pris par les parties et relatifs à l'interdiction de présenter des offres en groupement et d'acquérir des entreprises actives sur le marché du transport interurbain en Haute-Savoie.

II. Appréciation des mesures correctives proposées

A. SUR LE MARCHÉ DU TRANSPORT URBAIN

471. Sur le marché du transport urbain, l'opération entraîne la disparition de l'un des principaux acteurs du marché. Sur un marché d'appels d'offres présentant des caractéristiques telles que le marché en cause, il en résultera une diminution du nombre de candidatures reçues et donc une baisse de l'effectivité de la mise en concurrence recherchée par les AOT. En outre, l'opération renforce la présence de la nouvelle entité dans la région PACA, avec le risque d'entraîner une raréfaction des candidatures offensives sur les appels d'offres de la région.

472. Les mesures correctives proposées consistent en premier lieu en des cessions de contrats et des actifs affectés à leur exploitation, visant d'une part à permettre le renforcement ou l'émergence d'un candidat crédible, et d'autre part, à desserrer le verrouillage géographique de la région PACA.

1. LES CESSIONS D'ACTIFS

473. Sur un marché d'appel d'offres, les cessions d'actifs ne peuvent avoir pour objet de réduire ou d'annuler un incrément de parts de marché dans la mesure où les parts de marché ne jouent qu'un rôle indirect dans la probabilité qu'une entreprise remporte les appels d'offres futurs. De même, la détention de capacités de production susceptibles d'être cédées, telles que le matériel roulant, ne joue qu'un rôle secondaire dans la capacité à gagner des appels d'offres, dans la mesure où les barrières à l'entrée de nature capitalistique sont faibles. En effet, d'une part, le matériel roulant est la propriété des collectivités publiques pour les réseaux les plus importants, d'autre part, si les opérateurs investissent de plus en plus dans l'achat de matériel roulant pour les réseaux de moindre taille, il s'agit de biens de reprise, c'est-à-dire de biens dont il est convenu entre le délégataire et la collectivité qu'ils seront repris à un prix déterminé en cas de changement d'opérateur.

474. Ce sont l'expérience des transporteurs acquise sur le réseau concerné ou sur d'autres, ainsi que leur réputation auprès des AOT qui constituent les principaux facteurs qui déterminent le résultat des appels d'offres. Ces critères sont particulièrement difficiles à satisfaire pour les opérateurs qui ne sont pas sortants et encore plus pour des opérateurs étrangers. L'entrée de ces derniers est en outre rendue difficile par la faible transparence des critères de sélection des candidats.

475. Les engagements proposés, consistant en la cession des délégations de service public détenues par Veolia Transport pour trois d'entre elles, et par Transdev pour la dernière, permettront à l'un des acteurs de la frange concurrentielle ou à un nouvel entrant de contourner ces barrières à l'entrée et d'acquérir avec l'exploitation de ces réseaux une expérience qu'ils pourront valoriser lors des mises en concurrence futures pour ces mêmes réseaux ou pour d'autres. Ces cessions devraient donc avoir pour effet d'augmenter à terme le nombre de candidatures crédibles reçues par les AOT en favorisant l'émergence d'un opérateur susceptible de se substituer à l'un des deux opérateurs disparaissant du fait de l'opération dans le jeu concurrentiel du marché du transport urbain.

476. Par ailleurs, le choix de quatre réseaux situés en Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) (Aubagne, Salon de Provence, Fréjus-Saint Raphaël et Carpentras) et dont les caractéristiques (taille, durée restant à courir, etc.) répondent aux critères d'efficacité fixés pour les remèdes par l'Autorité, permet de résoudre le problème de verrouillage de cette région par la nouvelle entité qui, en l'absence de ces engagements, détiendrait l'exploitation de la quasi-totalité des réseaux urbains de Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse. En effet, l'acquisition de ces réseaux devrait permettre à l'opérateur qui les exploitera de déposer des offres suffisamment attractives pour concurrencer efficacement la nouvelle entité. La position de cette dernière en région PACA ne sera par ailleurs plus suffisamment élevée pour réduire l'incitation des opérateurs concurrents à déposer des offres dans le cadre de mises en concurrence dans cette région.

2. LE FONDS D'ANIMATION DE LA CONCURRENCE

a) Le remboursement des coûts de réponse aux appels d'offres

477. Les parties ont proposé de financer la création d'un fonds d'animation de la concurrence visant à inciter les opérateurs à déposer un nombre d'offres offensives plus important en facilitant le remboursement par les AOT d'une partie des dépenses engagées pour répondre aux appels d'offres. Certaines AOT, notamment les plus importantes, ont commencé depuis quelques années à mettre en place un tel système d'indemnisation.

478. Tel qu'indiqué précédemment au paragraphe 92, pour un transporteur, la décision de concourir pour l'obtention d'un contrat de DSP résulte d'un arbitrage entre d'une part le coût de la réponse à l'appel d'offres et, d'autre part, la probabilité de remporter le marché ainsi que le profit réalisé en cas de succès. L'indemnisation, totale ou partielle, des dépenses engagées pour répondre aux appels d'offres influe donc sur cet arbitrage et devrait inciter les transporteurs à déposer plus de candidatures offensives.

479. Par ailleurs, le remboursement des coûts de réponse aux appels d'offres devrait desserrer la contrainte de capacité des opérateurs de transports qui pourront ainsi augmenter leur nombre de candidatures offensives. En effet, la diminution des frais de réponses, pourra libérer des moyens financiers. Ces moyens pourront être consacrés à des offres offensives qui n'auraient pas pu être déposées en l'absence du fonds d'animation de la concurrence.

480. La systématisation d'un mécanisme de remboursement des coûts de réponse aux appels d'offres, pour un nombre important de mises en concurrence devant être organisées de 2012 à 2016, aura donc un impact positif sur le nombre moyen d'offres offensives déposées par les concurrents de la nouvelle entité. Elle contribuera ainsi à compenser la baisse du nombre de candidatures résultant de l'opération.

b) Le remboursement des frais de recours à l'assistance à maîtrise d'ouvrage par les AOT

481. Le fonds d'animation de la concurrence a également pour objet le remboursement des frais d'assistance à la maîtrise d'ouvrage (" AMO ") des AOT. Le recours par les collectivités organisatrices des appels d'offres à des services d'AMO est de plus en plus fréquent. Il contribue à réduire les asymétries d'information entre l'AOT et le candidat sortant sur les caractéristiques du réseau, les déterminants des coûts d'exploitation ou des solutions existantes dans d'autres réseaux de taille comparable. De ce fait, le recours à des services d'AMO réduit les barrières à l'entrée de nouveaux entrants liées à la bonne connaissance par le sortant : les AOT sont moins enclines à choisir le sortant parce qu' " il a fait et sait faire ".

482. Comme relevé au paragraphe 199, l'assistance à la maitrise d'ouvrage, en ce qu'elle peut conduire à l'amélioration de l'information mise à disposition des répondants aux appels d'offres (notamment par le biais de cahiers des charges plus clairs et plus sophistiqués), peut également avoir un impact positif en stimulant le nombre de candidats offensifs. En effet, en améliorant la qualité des renseignements qu'elles fournissent, les AOT réduisent les coûts d'acquisition d'informations supportés par les transporteurs qui déposent une offre offensive. Cette réduction de coûts peut influer positivement sur l'arbitrage présenté ci-dessus auquel sont confrontés les opérateurs de transport : elle est de nature à inciter ces derniers à déposer plus d'offres offensives.

483. En outre, les services d'assistance à la maitrise d'ouvrage peuvent permettre aux AOT, surtout lorsqu'elles relèvent de collectivités de petite ou moyenne taille, de mieux identifier leurs besoins en matière de transport urbain. L'AMO peut ainsi favoriser l'amélioration des critères de sélection employés dans le cadre d'appels d'offres. Une telle amélioration pourrait conduire à une meilleure allocation des contrats de DSP.

484. En facilitant le recours aux AMO pour de nombreux appels d'offres devant être organisés de 2012 à 2016, le fonds d'animation de la concurrence devrait donc également contribuer à augmenter le nombre moyen d'offres offensives. Il facilitera enfin l'adéquation entre les besoins de transport de l'AOT et les prestations délivrées par l'exploitant de son réseau.

c) Conclusion sur l'appréciation du fonds d'animation de la concurrence

485. Le montant prévu pour l'abondement du fonds a été calculé sur la base du nombre d'appels d'offres qui seront concernés, soit 44, et d'une estimation des dépenses moyennes engagées par les exploitants pour répondre à un appel d'offres ainsi que des dépenses moyennes d'assistance à la maîtrise d'ouvrage exposées par les AOT. La pertinence de ces estimations, faites par les parties, a été globalement confirmée par les déclarations recueillies dans le cadre du test de marché, notamment auprès des AOT. Les coûts de préparation des réponses aux appels d'offre ne seront cependant indemnisés que de façon partielle : le taux de couverture de ces coûts sera d'autant plus faible que la taille du réseau concerné est importante. Certains concurrents interrogés dans le cadre du test de marché ont de ce fait dénoncé l'insuffisance des remboursements prévus. Les systèmes d'indemnisation mis en place par les AOT fonctionnent cependant d'une façon équivalente, l'objectif poursuivi n'étant pas de permettre aux candidats de répondre à coût nul mais d'accroître leur incitation à déposer une offre.

486. Dans ses deux composantes (remboursement des dépenses de constitution d'offres et financement de l'assistance à maîtrise d'ouvrage), l'engagement de créer un fonds d'animation de la concurrence présente un caractère à la fois inédit et innovant. Sa bonne mise en œuvre est garantie par une gouvernance précisée par les engagements. Elle prévoit la séparation des fonctions de gestion (assurée par le gestionnaire indépendant) et de contrôle (qui relève du mandataire). Son intérêt est de contribuer à baisser les barrières à l'entrée pour des concurrents potentiels, que le coût de préparation d'une offre ou l'insuffisante qualité de l'appel d'offres peuvent dissuader de se présenter.

B. SUR LES MARCHÉS DÉPARTEMENTAUX DU TRANSPORT INTERURBAIN

487. Veolia Transport et Transdev ne sont simultanément présentes que sur un nombre limité de départements. Sur les départements du Var, du Vaucluse, de l'Eure-et-Loir et du Loir-et-Cher, en dépit d'incréments de parts de marché relativement modérés, la position acquise par la nouvelle entité au regard de la pression concurrentielle résiduelle restreint la capacité des concurrents à constituer une alternative crédible à la nouvelle entité pour l'obtention de marchés et rend celle-ci incontournable.

488. La cession de filiales ou de participations dans des filiales des parties actives dans les départements du Var, du Vaucluse, de l'Eure-et-Loir et du Loir-et-Cher supprime tout chevauchement entre les activités de Veolia Transport et de Transdev dans ces départements. Comme pour le marché urbain, la concurrence sur ces marchés s'organise autour d'appels d'offres lancés par les collectivités locales pour la fourniture de transports réguliers, scolaires et à la demande. Cependant, contrairement au transport urbain, la détention de capacités constituées du matériel roulant, des dépôts et des ateliers de réparation détermine l'entrée sur les marchés en cause : les opérateurs de dimension nationale qui ne sont pas présents sur un marché départemental donné n'y entrent pas en soumissionnant directement aux appels d'offres lancés par la collectivité mais en faisant l'acquisition d'entreprises de transport locales et de leurs capacités en matériel.

489. La cession d'entreprises de transport ou de certains de leurs établissements permet donc à des entreprises concurrentes des parties de s'implanter dans les départements concernés ou d'y renforcer leur présence. Les actifs cédés comprennent l'ensemble des actifs corporels et incorporels nécessaires à l'exploitation de services interurbains : le matériel roulant, les dépôts et ateliers, les personnels ainsi qu'un ensemble de contrats de transports publics. Ils garantissent que les activités cédés seront indépendantes, viables et compétitives.

490. Dans le département de la Haute-Savoie, le problème de concurrence est moins lié à la position acquise par la nouvelle entité du fait de l'opération qu'à la fragilité de la pression concurrentielle résiduelle constituée en majeure partie d'opérateurs qui ne sont présents que dans ce département. L'engagement pris par les parties de ne pas faire d'acquisitions en Haute-Savoie pendant les cinq années à venir permet d'assurer que la nouvelle entité ne tire pas avantage de la situation créée par la fusion pour acquérir une position largement dominante sur ce marché.

491. Ces remèdes sont confortés par l'engagement de ne pas répondre, dans ces départements, à des appels d'offres pour des marchés de transport interurbain en groupement avec les principaux acteurs de dimension nationale ou internationale afin de préserver un nombre suffisant de candidatures et l'efficacité de ces mises en concurrence.

492. Ces engagements permettent de remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération tels qu'exposés ci-dessus.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0031 est autorisée sous réserve des engagements décrits aux paragraphes 441 à 492 ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 L'ordonnance n° 59-151du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs dans la Région parisienne, et le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France.

2 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 ainsi que la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5557 - SNCF-P/CDPQ/Keolis/Effia.

3 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 précitée.

4 Le transport urbain implique notamment de mobiliser un plus grand nombre de personnels et des conducteurs capables, pour les réseaux concernés, de conduire des tramways et des métros. En outre, l'optimisation des moyens de transport au sein d'un réseau urbain est plus complexe que dans l'interurbain, dans la mesure où dans ce dernier cas, le réseau est généralement moins dense (moins de correspondances entre les différentes lignes).

5 Voir décision 10-DCC-02.

6 Il convient de préciser que la société CarPostal estime ne pas avoir à ce jour les capacités suffisantes pour gérer des transports urbains ferrés ce qui n'exclut pas les Bus à Haut Niveau de Service.

7 Voir sur ce point le test de marché de la Commission européenne question n° 9 : " Si vous êtes un opérateur urbain exploitant uniquement des bus, dans quelles mesure êtes-vous capable de faire une offre de transport urbain comprenant l'exploitation d'un tramway ou d'un métro ? ".

8 Formulaire de notification, §325 à 329.

9 Voir sur ce point le test de marché de la Commission européenne.

10 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 et n° 10-DCC-83

11 Voir les décisions n° 10-DCC-02 et n° 10-DCC-83 précitées.

12 Décision de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de dépôt et placement du Québec.

13 Voir notamment les décisions du ministre de l'Economie n° C2000-39 et n° C2000-40 du 7 juin 2000 et n° C2002-06 du 3 mai 2002.

14 Etude XERFI, Transport routier de voyageurs, Avril 2009.

15 Selon le GART, 90 % des AOT urbaine ont recours à un opérateur de transport privé soit dans le cadre d'une délégation de service public (78 % de l'ensemble des AOT), soit dans le cadre d'un marché public (12 % des AOT).

16 Formulaire de notification § 674.

17 Formulaire de notification § 699.

18 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010.

19 OCDE, Table Ronde sur la concurrence dans les marchés d'enchères, 2006, Note de référence

20 Waehrer et Perry, 2003, cité dans la note de référence mentionnée ci-dessus

21 Formulaire de notification § 776-778.

22 Competition Commission, Bidding Markets, by Paul Klemperer, june 2005.

23 Réponse des parties du 12 août 2010, § 858.

24 Formulaire de notification § 815.

25 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.4367, APW/APSA/Nordic Capital/CAPIO du 16 janvier 2007. Voir également les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.2139, Bombardier/Adtranz du 3 avril 2001 et n° COMP/M.3038, GE/Instrumentarium du 2 septembre 2003.

26 Formulaire de notification, § 785.

27 La notification indique au § 972 5 groupements formés entre les parties et des opérateurs locaux indépendants des grands groupes.

28 Les parties prennent pour exemple l'agglomération de Bayonne dont le contrat de DSP de transport urbain génère, sur les sept années prévues, un chiffre d'affaires de [...] pour 44 mille habitants.

29 Voir Formulaire de notification § 786-796 ainsi que la réponse des parties du 23 novembre 2010 au rapport de l'Autorité de la concurrence § 44-66.

30 Formulaire de notification § 785.

31 Formulaire de notification, note de bas de page n°415, p234.

32 Question n°40 du questionnaire : " Lors d'un appel d'offres de transport urbain, l'opérateur en place dispose-t-il d'avantages concurrentiels par rapport aux autres candidats ? Si oui, lesquels ? ".

33 Voir les PV d'auditions correspondants.

34 Formulaire de notification, § 745.

35 Formulaire de notification § 674.

36 Observations des parties du 23 novembre 2010 au rapport des services d'instruction, § 480.

37 Formulaire de notification, § 674 : " s'agissant des marchés " défensifs ", la règle générale est que l'opérateur en place soit candidat ".

38 Selon la base de données fournie par les parties et relative aux appels d'offres passés entre 2004 et 2010 (réponses du 12 août 2010, annexe 1.1) Keolis, Veolia, Transdev, Vectalia et CarPostal ont candidaté sur la totalité de leurs appels d'offres défensifs.

39 Voir PV d'audition de la RATP Développement.

40 Formulaire de notification § 781.

41 Formulaire de notification, §785.

42 Voir le PV d'audition de Keolis.

43 Question n° 30 : " Quels sont, en général, les critères d'attribution d'un appel d'offres dans le domaine du transport urbain ? Veuillez les classer par ordre d'importance ".

44 Question n° 23.B. du questionnaire : " Si vous êtes opérateur établi hors de France, Veuillez expliquer les facteurs que vous prenez en considération (et pourquoi ses facteur sont importants), quand vous décidez de répondre ou non à un appel d'offres pour le transport urbain en France ".

45 Voir PV de Vectalia.

46 Voir formulaire de notification, § 290 à 293 et 970.

47 Dans le sens contraire, on relèvera que les villes de Chartres et La Rochelle ont contractualisé avec deux opérateurs différents pour les parties urbaine et périurbaine de leur réseau. Par ailleurs, la ville de Nancy fait la distinction entre son réseau urbain et son réseau suburbain, donnant lieu à deux contrats distincts correspondant chacun à une AOT spécifique.

48 Voir formulaire de notification, § 1000.

49 Voir les réponses du 1er octobre 2010, question n° 8.

50 Il convient cependant de souligner que les conventions collectives sont sensiblement différentes entre le transport urbain et le transport interurbain ce qui peut limiter la réaffectation du personnel entre ces deux activités.

51 Voir PV du GART en annexe.

52 On précisera que cet effet est indépendant de l'avantage que la satisfaction de l'AOT sur le contrat précédent peut offrir à l'opérateur sortant. Néanmoins, cette hypothèse, ainsi que l'hypothèse opposée selon laquelle l'opérateur sortant aurait un désavantage liée au manque de satisfaction de l'AOT, confirme que l'historique de l'exploitation du réseau peut influencer le résultat d'un appel d'offre.

53 GART, L'année 2008 des transports urbains, point 2.3. Le GART précise en outre que les exploitants sont propriétaires du matériel roulant de 40 % des réseaux urbains.

54 Anne Yvrande-Billon, revue d'économie industrielle, n°127, 3ème trimestre 2009

55 Arriva est présent au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Allemagne, en Pologne, en République Tchèque, en Slovaquie, en Hongrie, en Italie, en Espagne, au Portugal,

56 Formulaire de notification, § 750.

57 Vectalia, d'origine espagnole, est présente (ou a été présente) à Perpignan, Narbonne et Antibes. Elle a cependant gagné Amiens récemment (2009). CarPostal, d'origine suisse, est pour sa part présente (ou a été présente) à Dole, Obernai, Bourg-en-Bresse, Haguenau, Mâcon et Villefranche-sur-Saône.

58 De 2004 à 2009 : 1,67 soumissions par an pour Vectalia et 1,67 pour Carpostal

59 Dans une enchère pour acquérir un bien, plus le nombre de concurrents est élevé, plus chaque participant, ne connaissant pas les montants que leurs concurrents sont prêts à proposer, fera à l'équilibre une offre proche de la valeur maximale qu'il est disposé à offrir (59). L'intuition est ici la suivante : pour un participant donné, il est d'autant plus probable qu'un concurrent soit disposé à payer un montant élevé et donc fasse une offre agressive (élevée) que le nombre total de concurrents est important. Par conséquent, l'effort consenti par un participant pour remporter le contrat sera d'autant plus grand que les candidats adverses sont susceptibles d'être nombreux. Or, le mécanisme d'appel d'offres utilisé par les AOT peut être assimilé à un mécanisme d'enchère. (voir nomment Paul R. Milgrom et Robert J. Weber (1982), dans " A Theory of Auctions and Competitive Bidding ", Econometrica, vol 50, n°5,

60 Formulaire de notification deuxième partie section 2.2.1.1.

61 Voir la décision du Conseil de la concurrence n° 02-D-44 du 11 juillet 2002 relative à la situation de la concurrence dans les secteurs de l'eau potable et de l'assainissement, notamment en ce qui concerne la mise en commun des moyens pour répondre à des appels à concurrence, ainsi que la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5464 du 30 juillet 2009.

62 Voir notamment l'avis du Conseil de la Concurrence n° 00-A-17 du 4 juillet 2000 relatif à l'acquisition par la société Chep France de la société Logistic Packaging Return (LPR) , selon lequel l'autoconsommation ne doit pas être considérée comme faisant partie de l'offre sur un marché.

63 Comme l'a rappelé l'avis n° 97-A-10, l'utilisation des moyens du service public pour répondre à des besoins autres que ceux en vue desquels ils ont été constitués, et qui pourraient également être pourvus par le secteur privé, s'appuie sur la notion de prolongement de l'activité du service public. Voir l'avis n° 99-A-21 sur le champ d'application du droit de la concurrence aux activités relevant du prolongement de la mission de service public.

64 Arrêté du 22 juin 2001 relatif à l'acquisition du groupe GTM par la société Vinci.

65 Source : base de données fournie par les parties et relative aux appels d'offres passés entre 2004 et 2010 (réponses du 12 août 2010, annexe 1.1).

66 Sont ainsi concernées les agglomérations de Metz, Niort, Montauban, Thionville, Grenoble, Saint Denis de la Réunion, Fort de France, Montpellier, Saint Paul, Nantes, Limoges, Aurillac, Strasbourg, Maubeuge, Longwy et Saint Pierre.

67 Réponses du 12 août 2010.

68 Source : base de données fournie par les parties et relative aux appels d'offres passés entre 2004 et 2010 (réponses du 12 août 2010, annexe 1.1).

69 Source : base de données fournie par les parties et relative aux appels d'offres passés entre 2004 et 2010 (réponses du 12 août 2010, annexe 1.1).

70 Source : base de données fournie par les parties et relative aux appels d'offres passés entre 2004 et 2010 (réponses du 12 août 2010, annexe 1.1).

71 Source : base de données fournie par les parties et relative aux appels d'offres passés entre 2004 et 2010 (réponses du 12 août 2010, annexe 1.1).

72 Formulaire de notification § 847, modifié par la réponse des parties du 12 août 2010.

73 Source : formulaire de notification tableau 6-1-18.

74 Formulaire de notification § 825.

75 Sont ici exclus des 182 appels d'offres identifiés ceux correspondants à des créations de réseaux (3 appels d'offres) ainsi que ceux pour lesquels le sortant est une SEM ou une régie (21 appels d'offres)

76 La ville de Foix pour laquelle Keolis a remplacé Veolia Transport en 2009 n'apparaît pas dans le tableau 6-1-31 de la notification dressant la liste des changements d'opérateur depuis 2004. Le nombre de changements intervenus entre 2004 et 2009 est donc de 38 et non de 37.

77 Creusot-Montceau-Les-Mines, Menton, Saint-Avold et Saint-Dizier.

78 Agen, Bourg-en-Bresse, Mâcon, Creusot-Montceau-Les-Mines, Menton, Saint-Avold et Saint-Dizier.

79 Source : dossier de notification annexe 6-1-17-1.

80 Source : dossier de notification annexe 6-1-17-1.

81 Cette opération a été autorisée par l'Autorité par la décision n° 10-DCC-002 précitée sous réserve d'engagements permettant de remédier aux problèmes de concurrence identifiés, qui résultaient de l'adossement de l'opérateur de transport routier de voyageurs à l'opérateur historique de transport ferroviaire et de l'articulation entre ces deux modes de transport.

82 Formulaire de notification, § 706.

83 Formulaire de notification, deuxième partie, section 4.1.3.2.3.

84 Données extraites de la base " M.5741 - Données prix meilleures offres - Urbain France " transmise par les parties le 7 octobre 2010.

85 Ce réseau concerne quatre communes (Fort de France, Lamentin, Schoelcher et Saint-Joseph) soit près de la moitié des 400 000 habitants que compte l'île.

86 Question n° 29 précitée.

87 Observations des parties du 23 novembre 2010 au rapport des services d'instruction, § 163. 88 Source : base de données du CERTU, annexe 6_1_17_1_M5741_CDC_VE_TD_VT du dossier de notification.

89 La société Keolis est présente à Arles.

90 La RATP détenait 25,6 % du capital de Transdev.

91 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-83 du 27 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs des groupes Transdev et Veolia Transport par le groupe RATP.

92 Formulaire de notification, § 863 et suivants.

93 RATP Développement est présente au Royaume-Uni, en Italie, en Algérie, au Maroc, en Afrique du Sud, au Brésil, aux Etats-Unis

94 Voir formulaire de notification, § 668.

95 Celui-ci impose aux collectivités publiques souhaitant déléguer la gestion d'un service public de se prononcer sur le principe même de cette délégation préalablement au lancement d'une procédure.

96 Voir procès verbal d'audition du GART.

97 Question n° 15 du questionnaire de la Commission européenne.

98 Formulaire de notification § 706.

99 Voir notamment les observations des parties du 23 novembre 2010 au rapport des services d'instruction, § 205 à 214.

100 CJCE, C-430-06, Impala, 10 juillet 2008

101 Formulaire de notification, § 893.

102 Voir procès verbal de Keolis : " les grands réseaux/les villes importantes sont des " contrats vitrines " pour les grands opérateurs : on ne gagne pas nécessairement de l'argent mais on acquiert un savoir-faire, une référence. Pour Keolis, Lyon est ainsi un contrat vitrine, peu ou pas de bénéfices attendus pendant 6 ans mais un contrat vitrine important, une acquisition d'expérience pour notre équipe sur place. Pour Veolia, il s'agit de Rouen après la perte de Bordeaux. Veolia est très offensif sur Lille pour avoir un contrat vitrine en remplacement de Bordeaux. Exploiter un grand réseau, c'est capitaliser des compétences rares sur le marché (car peu de villes ont des réseaux élaborés mêlant modes lourds et autres), c'est tester des innovations diverses. Il y a un fort effet d'apprentissage lié à l'exploitation des grands réseaux ".

103 Montpellier ou Nantes par exemple.

104 Cf. point 1044 du formulaire de notification : " la demande de services de transport réguliers et scolaires émane en très grande majorité des conseils généraux et non des conseils régionaux, les services régionaux routiers représentant une très faible part de l'activité interurbaine. ".

105 Dans un réseau fortement alloti, il est probable de voir un certain nombre de lots arriver à échéance à des dates différenciées. Toutefois, et quelque soit le degré d'allotissement, au moins trois des onze départements affectés ayant répondu au test de marché de la Commission européenne disent remettre en concurrence l'ensemble du ou des lots interurbains de façon simultanée au terme de période allant de 6 à 10 ans.

106 Cf § 1019 du formulaire de notification.

107 Parmi les départements affectés par l'opération, le Gard offre un lot unique pour l'ensemble de ses lignes alors que la Savoie propose un lot par ligne, soit plus de 500 lots.

108 Selon une étude Xerfi fournie par les parties, près d'une entreprise sur deux comptait moins de dix salariés dans le secteur interurbain en 2007. Voir également point 1029 du formulaire de notification.

109 Les groupes Lucien Kunegel (Haut-Rhin, Bas-Rhin), Suma (Bouches-du-Rhône), le groupe Blanc (Var). Voir également le formulaire de notification, §1089 : " certains acteurs indépendants sont des entreprises de taille importante comme par exemple les groupes Faure, Fast, Philibert, Ray FF, Aca Travel, Lacroix, Lucien Kunegel etc. "

110 Voir test de marché de la Commission européenne et les PV d'audition de Keolis, du GART, de Réunir. Voir §992 et suivants du formulaire de notification.

111 Voir § 1047 du formulaire de notification.

112 En DSP, le délégataire doit tirer l'essentiel de ses ressources de l'exploitation du service alors que la rémunération dans un marché public s'appuie sur la remise d'un bordereau de prix.

113 Voir les réponses au questionnaire de la Commission, voir le procès-verbal d'audition de Keolis.

114 Voir les procès-verbaux d'audition de Reunir et d'Agir et les " Actes du séminaire " Concentrations d'entreprises : les conséquences pour le transport scolaire " organisé par l'ANAATEEP le 13 janvier 2010 ".

115 Voir les PV d'auditions de Keolis et CarPostal.

116 Voir PV d'audition de Réunir et les réponses des concurrents à la question 5 du test de marché communautaire.

117 Voir les réponses du 1er octobre 2010 aux questions de l'Autorité de la Concurrence du 17 septembre 2010.

118 Voir PV d'audition de l'association Réunir.

119 Il ressort des auditions que les groupes nationaux se sous-traitent mutuellement des services, notamment lorsque leurs dépôts affichent des complémentarités géographiques par rapport à la ligne à exploiter.

120 La situation de sous-traitance n'est pas systématiquement portée à la connaissance de l'AOT : les soumissionnaires ne sont pas tenus d'indiquer dans leur offre la part du marché qu'ils ont l'intention de sous-traiter à des tiers, ni de mentionner l'identité de leur sous-traitants sauf si cela fait l'objet d'une demande expresse du pouvoir adjudicateur dans le cahier des charges de la consultation (cf. article 48 du Code des Marchés Publics). Voir également PV d'audition de Réunir.

121 Les groupements Blanc-Bagnis-Bourlin-Halbig et Blanc-Bourlin dans le Var.

122 Voir les PV d'auditions de Vectalia, Keolis, CarPostal, RATP Développement, Réunir, AGIR, GART ainsi que les réponses au test de marché de la Commission européenne.

123 Voir PV d'audition d'Agir.

124 Voir PV d'audition de Réunir sur. les normes récentes (systèmes d'attaches et de ceintures de sécurité, éthylotests anti-démarrage, équipements d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite).

125 Voir les réponses au questionnaire de la Commission.

126 Cf la récente acquisition de Dunois Voyages par RATP Développement en Eure-et-Loir, département frontalier de l'Eure où est déjà implantée RATP Développement.

127 Voir réponses au questionnaire de la Commission européenne et ainsi que l'avait relevé l'Autorité de la Concurrence dans sa décision n° 10-DCC-02 précitée.

128 Voir les lettres du ministre de l'Economie n° C2000-39 et n° C2000-40 du 7 juin 2000.

129 Voir la lettre du ministre de l'Economie n° C2002-06 du 3 mai 2002 et la décision de l'Autorité de la Concurrence n° 10-DCC-83 du 27 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs des groupes Transdev et Veolia Transport par le groupe RATP.

130 Données publiées par le ministère des transports au registre des voyageurs.

131 En excluant les licences correspondant à des bus urbains.

132 Voir point 1030 du formulaire de notification.

133 Voir notamment les avis du Conseil de la Concurrence du 12 novembre 1997 et du 4 juillet 2006, selon laquelle l'autoconsommation ne devait pas être considérée comme faisant partie de l'offre sur un marché.

134 La variation de l'indice IHH n'a pas été fournie par les parties pour les départements dans lesquels la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 15%. En tout état de cause, ceux-ci ne modifieraient pas l'analyse.

135 Il apparaît que dans 10 des 17 départements, l'opération entraîne, en nombre d'autocars, une concentration allant au-delà des seuils en-deçà desquels les autorités de concurrence considèrent usuellement qu'une opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence (IHH post-opération entre 1 000 et 2 000 et variation de plus de 250 ou IHH post-opération supérieur à 2000 et variation de plus de 150). Voir les lignes directrices de l'Autorité de la Concurrence.

136 Via la société " Les Rubans Bleus "

137 via sa filiale " Sud Est Mobilités "

138 L'exploitation de ce réseau est assurée par un groupement d'entreprises au sein duquel Transdev capte [...]% du chiffre d'affaires annuel.

139 Les services réguliers régionaux routiers sont inclus dans les parts de marché. Voir formulaire de notification § 1049.

140 Les informations actualisées transmises par les parties placent ce concurrent en 3eme position derrière Voyages Raoux et Cars Lieutaud, l'analyse demeure inchangée.

141 Les parties estiment le coût de réponse aux consultations interurbaines s'échelonne entre 50 000 et 200 000 euro selon la taille des lots, ordres de grandeur confirmés par le test de marché communautaire.

142 Transdev est membre de 10 groupements dans lesquels il capte entre [...]% et [...]% du chiffre d'affaires. Veolia Transport est mandataire d'un seul groupement au sein duquel il capte [...]% du chiffre d'affaires

143 Via sa filiale " Transports départementaux du Loir-et-Cher SA ",

144 Voir les réponses au test de marché de la Commission européenne.

145 Cf . le communiqué de presse de la RATP du 9 novembre 2010 concernant l'acquisition par RATP Développement de l'entreprise " Dunois Voyages " établie en Eure-et-Loir.

146 via ses filiales " Veolia Transport Rhône Alpes Interurbain (VTRAI) Thonon ", " VTRAI Châtel ", " VTRAI Annecy ", " VTRAI Rumilly " et " Savoie Tourisme "

147 via ses filiales " Dunand Voyages" et " Mont Blanc Bus ", " Voyages Guichard " et " Voyages Crolard ".

148 Voir notamment les PV d'audition de Keolis et de Réunir, et l'étude Xerfi pré-citée.

149 Voir la décision de l'Autorité de la Concurrence n° 10-DCC-83 du 27 juillet 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de certains actifs des groupes Transdev et Veolia Transport par le groupe RATP.

150 Delta de 700 pour un IHH post-opération supérieur à 2000.

151 Via ses filiales " Les lignes du Var " et " Société Varoise de transports ".

152 Via la société " Autocars Bremond ".

153 En 2009, le Conseil Général du Var a soumis à la concurrence 10 lots de lignes régulières restructurées, et 34 lots de lignes scolaires.

154 Régie de Saint-Tropez (8 autocars), régie de la Seyne-sur-Mer (6 autocars), régie de Six-Fours-les-Plages (5 autocars) et régie de Cavalaire-sur-Mer (3 autocars) selon les estimations des parties.

155 Via sa filiale " SAS Transports d'Eure-et-Loir ".

156 Via la société " Les Rapides du Val de Loire ".

157 Cf le communiqué de presse de la RATP en date du 9 novembre 2010.

158 Formulaire de notification, § 993 " il n'est pas envisageable d'évoquer une tendance qui serait récente : les départements du Calvados, du Loir-et-Cher, des Côtes d'Armor, de la Sarthe et de l'Eure-et-Loir sont sous forme de lot unique depuis plus de dix ans pour certains d'entre eux. "

159 Formulaire de notification §1106 : Communauté de Communes du Bonnevalais, SIS de la Région d'Arrou, Sivom de Tremblay- Serazereux, Service ITE de Brezolles, Communauté de communes du Perche, Syndicat intercommunal vocation scolaire canton d'Auneau, SI Secteur scolaire de Janville Toury, SIRPTS Senonches-La Ferté-Vidame totalisant 63 véhicules.

160 Via sa filiale " STDG ".

161 Via sa filiale " Sud Est Mobilités ".

162 via ses filiales " CFTI Rapides de Lorraine " et " Schon et Brullard SA "

163 Via " Trans Fensch SA "

164 Soit 75 lots scolaires attribués sous forme de marchés publics et une DSP de lignes régulières allotie en 30 lots selon un critère géographique, mobilisant 450 véhicules et générant un chiffre d'affaires annuel de 30 millions d'euro.

165 Décision n° M.5855 - DB/Arriva.

166 Voir § 1136 du formulaire de notification : " la Deutsch Bahn (qui) a répondu à un grand nombre de lots lors de la récente consultation lancée par le Conseil général de la Moselle pour l'attribution de lignes régulières interurbaines. ".

167 Via ses filiales " CFTI " et " Veolia transports Est ".

168 Via ses filiales " Trans L " et " Transdev Nord Est ".

169 Via sa filiale " Kunegel ".

170 Via ses filiales " Transdev Alsace " et " Autocars Martinken ".

171 Via sa filiale " Veolia Transport Rhône Alpes Interurbain ",

172 Via ses filiales " Transavoie SA" et " Autocars Martin "

173 Voir les réponses du Conseil Général de Savoie à l'enquête de marché.

174 Via ses filiales " Transprovence " " TransPistes " " Société des Autocars Blanc ", " Cars du Pays d'Aix ", " Autocars Sabardu ".

175 Via ses filiales " Sud Est Mobilités " et " Compagnie des Autocars de Provence ".

176 Réunissant les sociétés nouvelles des Transport Suma et des Transports Pastouret, les Autocars Telleschi et l'Union des Transporteurs de Provence

177 Formulaire de notification, § 1105 : " Il convient de noter la présence d'une régie départementale très puissante (RDT 13) qui exploite 195 véhicules (soit 13 % des véhicules exploitées dans le département) sur des lignes telles qu'Aix-Marseille, Aix-Vauvenargues et Marseille- ZI Les Mines. "

178 Soit, depuis 1964, pour les réseaux de Paris et de l'ancien département de la Seine, Paris et l'actuelle petite couronne : Val de Marne, Seine Saint Denis et Hauts de Seine, et pour les lignes concédées ou affermées à l'époque de cette loi aux sociétés de transport dont la RATP, la Seine et Marne et les départements ayant succédé à la Seine et Oise : Yvelines, Val d'Oise et Essonne.

179 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (dite loi SRU), article 117 : " En dehors de la région d'Ile-de-France et à l'étranger, la Régie autonome des transports parisiens peut également, par l'intermédiaire de filiales, construire, aménager et exploiter des réseaux et des lignes de transport public de voyageurs, dans le respect réciproque des règles de concurrence. Ces filiales ont le statut de société anonyme. Leur gestion est autonome au plan financier dans le cadre des objectifs du groupe ; elles ne peuvent notamment pas bénéficier de subventions attribuées par l'Etat, le Syndicat des transports d'Ile-de-France et les autres collectivités publiques au titre du fonctionnement et de l'investissement des transports dans la région d'Ile-de-France. "

180 Voir décision de l'Autorité de la Concurrence n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010, SNCF-P/ CDQ/ Keolis/ EFFIA précitée, dans un cas où ne posant pas de problème de concurrence alors que ce mode de calcul représentait le cas le plus défavorable. Dans la présente affaire, la décision de renvoi de la Commission a visiblement suivi le même mode de calcul et a ainsi conclu que les parties notifiantes détiendront environ [50-60] % de parts sur le marché de transport routier de l'Île de France.

181 Voir les lettres du ministre de l'Economie n° C2000-39 et n° C2000-40 du 7 juin 2000 et n° C2008-33 du 28 mai 2008, Transdev/ Espaces.

182 Loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a modifié l'ordonnance de 1959. L'article 5 de cette loi précise que les nouveaux contrats de transport public, intervenant à partir du 3 décembre 2009, doivent être passés conformément à la LOTI. Les contrats en cours se poursuivent conformément aux règles applicables avant le 3 décembre 2009, jusqu'au 1er janvier 2025 pour les services routiers de transport (sauf convention contraire).

183 Règlement communautaire n° 1370-2007 du 23 octobre 2007.

184 On relèvera à cet égard que, dans la décision n° 10-DCC-02 précitée, l'Autorité va plus loin et estime que la mise en œuvre du règlement OSP " devrait aboutir à une convergence graduelle de la réglementation applicable en Ile-de-France et dans les autres régions françaises : le STIF sera en effet tenu de procéder à une mise en concurrence des opérateurs routiers à l'occasion de l'attribution des marchés de transport de voyageurs " et que " compte tenu de l'évolution de la réglementation, il ne peut être exclu qu'il n'y ait plus lieu, à terme, d'opérer une distinction entre le transport public de voyageurs en l'Ile-de-France et hors Ile-de-France. Néanmoins, cette segmentation demeure actuellement encore pertinente ".

185 On relèvera qu'actuellement, aucun autre opérateur que la RATP société privée n'exploite de ligne à l'intérieur de Paris.

186 Voir procès verbal d'audition du STIF.

187 Les parties ont par ailleurs indiqué qu'en plus de cette compensation d'un montant de 570 millions d'euro environ en 2008 et 520 millions d'euro environ en 2007 s'ajoutaient des subventions directement versées par les collectivités locales de l'ordre de 80 millions d'euro et non pris en compte dans les chiffres, faute de données publiques sur leur répartition.

188 Elles représentent en activité routière environ [...] millions de chiffres d'affaires en 2008 (estimations des parties, voir formulaire de notification, tableau 6-3-1 dont serait déduit l'activité hors monopole, tableau 6-3-2), soit l'équivalent de la somme du chiffre d'affaires réalisé au titre des compensations STIF et redistribué par Optile à ses adhérents et des estimations des parties sur les activités hors monopole de la RATP.

189 Par exemple, lignes express pôle à pôles, projet de lignes de bus en site propre (lignes " T'zen "), voir PV d'audition du STIF.

190 Voir procès verbal d'audition de Keolis : " Le STIF est en recherche d'alternatives potentiellement crédibles à la RATP. En faisant émerger un acteur tel que la nouvelle entité, nous n'aurons pas nos chances. Si on laisse des déséquilibres trop gros s'installer entre Veolia- Transdev et d'autres, nous n'aurons pas la taille critique crédible pour discuter. C'est une conviction profonde et ce, avant même la fusion. Le jeu de l'opération, c'est de créer un déséquilibre qui est difficile à combler : pas d'appels d'offres, pas d'entreprises à racheter (...). Pour nous, aujourd'hui, le marché s'ouvre seulement, jusqu'à présent on ne peut pas être en IdF. Quand la région va s'ouvrir il faudra y être. (...) Les synergies urbain/interurbain jouent beaucoup plus en région IDF qu'en province On a racheté des lignes de bus déficitaires (Ex : Vélizy/Pont de Sèvres) à Veolia Transport parce que celles-ci nous amenaient aux portes de Paris. C'est important d'être présent en première couronne. "

191 Source : formulaire de notification, tableau 6-4-1.

192 Formulaire de notification, § 1912.

193 Source : formulaire de notification, tableau 6-6-1.

194 Avis n° 07-A-09 du 2 août 2007 relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Delaroche par la société L'Est Républicain et la Banque Fédérative.