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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 27 janvier 2011, n° 2010-17418

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fossier

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Tardif

Avoué :

SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Gudin, Agostini

Adlc, du 23 juill. 2010, n° 10-d-23

23 juillet 2010

Par lettre, enregistrée le 13 mai 2009 sous le numéro 10/00 12F, Monsieur Jean-Michel X, exploitant agricole, a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la Caisse de la Mutualité Sociale Agricole (ci-après "CMSA") de Gironde.

Monsieur Jean-Michel X qui, à la date de la saisine, exploitait, un domaine viticole dans le Bordelais et qui, à ce titre, était tenu, en sa qualité d'exploitant agricole non salarié, de cotiser à la Caisse de la Mutualité Sociale Agricole de Gironde, prétendait que celle-ci abuserait de sa position dominante, d'une part parce qu'un exploitant agricole non salarié est tenu d'y cotiser, d'autre part parce qu'elle pratiquerait des tarifs abusivement élevés.

C'est dans ces conditions que, par décision n° 10-D-23 du 23 juillet 2010, l'Autorité a décidé:

" Article unique : La saisine de Monsieur Jean-Michel X est déclarée irrecevable".

LA COUR :

Vu le recours tendant à l'annulation et à titre subsidiaire à la réformation de la décision de l'Autorité de la concurrence formé par M. X, le 27 août 2010 ;

Vu le mémoire, déposé le 28 septembre 2010 par M. X soutenu par son mémoire en réplique déposé le 15 novembre 2010 ;

Vu les observations écrites de l'Autorité de la concurrence en date du 25 octobre 2010;

Vu la lettre en date du 27 octobre 2010 du ministre chargé de l'Economie par laquelle il informe la cour qu'il n'usera pas de la faculté de présenter des observations orales qui lui est offerte par les articles R. 464-18 et R. 464-19 du Code de commerce ;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience;

Vu la note en délibéré déposée le 9 décembre 2010 à la demande de la cour par M.X ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 2 décembre 2010, le conseil du requérant qui a été mis en mesure de répliquer ainsi que la représentante de l'Autorité de la concurrence et le Ministère public;

Sur ce,

Considérant que M. X, maintient que le régime d'assurance obligatoire maladie, invalidité des personnes non salariées des professions agricoles tel qu'il ressort des dispositions de l'article L. 731-30 du Code rural n'est pas mis en œuvre directement par les services de l'Etat mais confié à des entités extérieures qui sont des entreprises au sens de la jurisprudence communautaire puisque le fait qu'aucun bénéfice ne doit être réalisé pour "la gestion desdits risques" au sens de l'article L. 731-34 du Code rural ne permet pas d'exclure a priori la qualité d'entreprise des organismes visés par l'article L. 731-30 auxquels il peut faire appel en application de cette disposition;

Que c'est dans ces conditions qu'il soutient que si de telles entreprises sont visées par les textes nationaux au même titre que "tous autres organismes d'assurance" pouvant assurer une personne comme lui-même en sa qualité de "personne mentionnée à l'article L. 722-10 du Code rural", c'est bien qu'il peut, au moins potentiellement, mettre en concurrence les organismes en question - en dehors de la CMSA de la Gironde - et que cette concurrence peut même jouer au plan communautaire en application des dispositions générales et fondamentales du traité FUE qui créent au profit des particuliers des droits subjectifs dont les juridictions et les autorités nationales doivent tenir compte;

Que, par ailleurs, ces organismes ou entreprises - en dehors de la CMSA de la Gironde - ont un réel intérêt économique, puisqu'il leur suffit de satisfaire aux conditions d'agrément ou aux autres conditions auxquelles se réfère l'article L. 731-30 du Code rural pour capter le marché des "personnes non salariées des professions agricoles" soumises au régime "d'assurance obligatoire maladie invalidité et maternité" tel que défini par un Etat membre, afin de leur proposer d'autres services d'assurance globalement plus intéressants ;

Que, dès lors, des entreprises agricoles importantes, comme celle qu'il dirige, pourraient confier à un seul assureur établi dans l'Union européenne la gestion de l'ensemble de ces risques, dont une partie relèverait du régime légal de sécurité sociale géré dans les conditions légales en droit interne et le reste de la liberté des parties ;

Qu'au surplus, si ces "assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale" n'entrent pas dans le cadre de la libéralisation du secteur des assurances non-vie au titre de la "nouvelle approche communautaire", elles n'en relèvent pas moins de l'application des règles du traité relatives à la libre circulation des services;

Que la Cour de justice des Communautés européennes l'a d'ailleurs expressément reconnu en ces termes : "Les entreprises d'assurances en cause exercent une activité économique de prestation de services qui peut-être harmonisée par une directive adoptée sur le fondement des articles 5,§ 2 et 66 du traité. Le fait qu'un Etat membre intègre de telles assurances dans son régime de sécurité sociale ne saurait faire obstacle à une telle harmonisation. " (Commission/Royaume de Belgique, aff. C-206-98)

Qu'ainsi, du seul fait qu'à l'instar des autres CMSA, la CMSA de la Gironde est une mutuelle d'assurances pouvant être mise en liquidation exerçant à ses "propres risques", il aurait pu soutenir que l'applicabilité des directives s'imposait en espèces et réclamer le bénéfice du "droit dérivé", ce qu'il s'abstient de faire, il peut cependant revendiquer l'application du "droit primaire" ;

Qu'en effet, rien n'interdit aux Etats-membres de l'Union d'harmoniser leurs régimes d'assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale et que la circonstance qu'ils ne l'aient pas fait à ce jour, ne leur permet pas, cependant, selon le droit communautaire, de violer les obligations qui s'imposent à eux en application de l'article 56 , alinéa 1 du traité FUE aux termes duquel : "Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation de services à l'intérieur de la communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation" ;

Qu'il était ainsi contraint de se référer non seulement aux dispositions du traité relatif aux règles de concurrence mais également, de façon concomitante, à celle interdisant aux Etats-membres d'édicter ou de maintenir des restrictions à la libre circulation des services d'assurance, raison pour laquelle sa plainte visait ces deux séries de dispositions communautaires et, en particulier, l'article 82 du traité CE devenue 102 du traité FUE, ainsi que l'article 49 devenu l'article 56 du traité FUE ;

Que raisonner autrement, comme l'a fait l'Autorité, a conduit celle-ci, d'une part, à ne pas correctement qualifier les faits ainsi soumis à son examen et, d'autre part, à ne pas appliquer la règle de droit qui s'impose à elle, donc à refuser d'appliquer en l'occurrence la règle adéquate;

Que, par ailleurs, il lui apparaissait que, en ne tenant pas compte de l'article 49 CE, devenu l'article 56 du traité FUE, l'Autorité ferait une présentation incomplète des conditions d'application des règles de concurrence;

Que c'est ainsi que, d'une part, l'Autorité a transgressé directement la règle de droit applicable en l'espèce et, d'autre part, qu'elle a fait une présentation incomplète des conditions d'application de la règle de droit;

Considérant que c'est dans ces conditions qu'en premier lieu, M. X demande à la cour d'annuler la décision déférée en ce qu'elle a violé les dispositions du traité FUE ;

Que, selon le requérant, l'Autorité devait, en particulier, tenir compte du fait que l'activité confiée à la CMSA relève de la libre prestation de services en se référant au deuxième dispositif de l'arrêt de la CJCE cité par l'Autorité (Kattner Stahlbau, aff. C-350-07) ainsi libellé :

"Les articles 49 et 50 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une réglementation nationale telle que celles en cause au principal qui prévoit que les entreprises d'une branche d'activité et d'un territoire déterminé ont l'obligation de s'affilier à un organisme tel que la caisse professionnelle en cause au principal, pour autant qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif consistant à assurer l'équilibre financier d'une branche de la sécurité sociale, ce qu'il appartient la juridiction de renvoi de vérifier" ;

Qu'il convient également de se référer à l'affirmation suivante de la cour :

"Toutefois, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la cour, la finalité sociale d'un régime d'assurance n'est pas en soi suffisante pour exclure que l'activité concernée soit qualifiée d'activité économique." (Point 42 de l'arrêt) et par ailleurs au point 76 du même arrêt : "[un tel) régime d'affiliation obligatoire prévu par la réglementation nationale en cause principale doit être compatible avec les dispositions des articles 49 et 50 CE" ;

Qu'alors que ces deux affirmations ont des conséquences concrètes sur la manière dont l'Autorité de la concurrence aurait dû considérer la loi applicable à la situation du requérant vis-à-vis de la CMSA de la Gironde, elle s'est contentée d'appliquer le droit national - articles L. 410-1 et L. 420-2 du Code de commerce, point 7 de la décision - alors qu'elle aurait dû admettre le principe de primauté du droit communautaire, en particulier du droit communautaire de la concurrence, sur le droit national;

Qu'en l'espèce, la plainte ne demandait pas l'application par l'Autorité de la concurrence des dispositions du droit interne de la concurrence, mais du droit communautaire de la concurrence et plus particulièrement de l'article 86 du traité CE devenu l'article 106 du traité FUE en liaison avec l'article 82 CE devenu l'article 102 du traité FUE ;

Que le requérant souligne qu'il avait ainsi intérêt à se référer, outre aux règles de concurrence du traité qui visent directement les comportements anticoncurrentiels des entreprises ou groupes d'entreprises, à celles relatives à un élément caractéristique de ce dossier et qui tiennent au fait que la France, en sa qualité d'Etat-membre de l'Union européenne :

- a effectivement accordé au sens de l'article 106 § 1 du traité FUE à certains organismes ou entrepris habilités comme la CMSA de la Gironde des droits spéciaux ou exclusifs, en l'occurrence celui de pouvoir, à l'exclusion de tout autre entreprise ou organisme, gérer les risques d'assurance des personnes non salariées des professions agricoles et, en particulier, ceux des chefs d'exploitation agricoles - au sens de l'article 722-10 du Code rural - en matière de "maladie-maternité, retraite, accident du travail et famille" ;

- a confié la gestion de ces risques d'assurances à des "entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal" dans le cadre de l'article 106 § 2 du traité FUE;

Qu'il avait en effet axé l'essentiel de son argumentation devant l'Autorité sur la teneur de l'article L. 731-30 alinéa 1er du Code rural qui prévoit que "les personnes mentionnées à l'article L. 722-10 (dont le plaignant) sont assurées à leur choix, soit par les CMSA soit par tous les organismes d'assurances mentionnés à l'article L. 771-1 ou au Code de la mutualité ou par tous autres organismes d'assurances dès lors, d'une part, que lesdits organismes auront été habilités par arrêtés de leurs ministres de tutelle respectifs et, d'autre part, qu'ils auront adhéré au règlement prévu à l'article L. 731-34 (soulignement ajouté) " ;

Que la teneur de ce texte implique nécessairement une interchangeabilité absolue des prestations servies par les CMSA et "tous organismes d'assurances" ;

Qu'en conséquence, il n'est pas possible de soutenir que les CMSA ont une fonction économique différente de celle de leurs concurrents potentiels et qu'il en résulte que, si les organismes d'assurances constituent bien des entreprises au sens du droit communautaire, il en va exactement de même des diverses CMSA qui sont nécessairement soumises, au moins, au droit des traités que l'Autorité a refusé d'appliquer;

Que cette situation revêt en l'espèce une gravité particulière dès lors que, comme l'a rappelé la CJCE, les Etats-membres doivent prendre toutes mesures destinées à assurer l'exécution des obligations découlant du droit communautaire et s'abstenir de celles pouvant mettre en péril la réalisation des buts du traité, obligation qui s'impose de surcroît tant aux autorités administratives qu'aux juridictions proprement dites;

Qu'au surplus, la condition de l'affectation du commerce entre les Etats-membres que vise l'article 82 CE devenu article 102 du traité FUE, est ici respecté : en effet, l'article L. 731-30 du Code rural précité qui donne aux "personnes mentionnées à l'article L. 722-10" du même Code le droit de choisir entre différents organismes et entreprises d'assurances, ne peut être interprété que comme se référant à des organismes ou entreprises - ou à "tous autres organismes d'assurance" au sens de cette disposition - "établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation" au sens cette fois de l'article 49 CE - devenu l'article 56 CE - dont il avait demandé l'application directe;

Que, dès lors, ne pas appliquer cette disposition revient donc à le priver du droit subjectif que lui reconnaît le traité et qui lui permet de demander l'application directe de l'ensemble de ces dispositions à l'Autorité de la concurrence et, par suite, à la cour d'appel chargée de l'examen du recours, alors que le principe de primauté du droit communautaire au juridictions mais également aux autorités nationales, au risque pour l'Etat-membre concerné d'engager sa responsabilité pour non-respect du droit communautaire directement applicable;

Que, dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence ne pouvait ignorer l'article 56 du traité FUE - anciennement article 49 du traité CE - dont il avait demandé l'application directe, était applicable à un État membre comme la France, cette circonstance ne portant d'ailleurs aucunement atteinte au droit reconnu aux Etats-membres par le droit communautaire d'aménager comme ils l'entendent leur système de sécurité sociale;

Que cependant, tout au long de la procédure, il a indiqué à l'Autorité que la reconnaissance d'une telle compétence et la liberté d'appréciation qui s'y applique pour les Etats-membres concernés, ne permettent pas pour autant d'échapper à l'application directe de l'article 49 CE devenu l'article 56 du traité FUE, comme l'a précisément indiqué la Cour de justice la Communauté européenne dans l'arrêt cité par l'Autorité (arrêt Kattner);

Qu'il pourrait lui être objecté que les termes de l'article L. 721-34 du Code rural - auquel renvoie l'article L. 731-30 du même Code - qui exige que la "gestion desdits risques" se fasse de sorte "qu'aucun bénéfice ne [soit] réalisé" par l'organisme l'entreprise concernée aurait pu interdire à l'Autorité de la concurrence de considérer qu'il ne s'agit pas d'une "prestation de services" au sens du traité, dès lors que l'article 65 du traité FUE définit "les services" comme des "prestations fournies normalement contre rémunération" ;

Que cependant, une telle objection serait vaine dans la mesure où il résulte de la jurisprudence communautaire qu'une telle exclusion n'est guère possible en l'absence de bénéfices réalisés par un tel organisme entreprise d'assurances dès lors en effet que la cour a toujours privilégié une approche très souple de la notion de "rémunération", ce qui lui a permis, par exemple, de l'appliquer à la totalité des soins médicaux;

Que cette position découle directement du fait que comme la CJCE l'avait indiqué dans son arrêt Höfner et Elser, "la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement", ce qui signifie que la réalisation d'un bénéfice n'est pas une condition nécessaire à l'existence d'une telle "entreprise", étant observé qu'une entrave à la libre circulation des services peut résulter de réglementations étatiques créant une discrimination entre les opérateurs de différents Etats-membres, mais également de celles dites "indistinctement applicables" aux nationaux et aux entreprises établies dans un autre Etat-membre;

Que, de plus, force est de constater que, désormais, les titulaires des droits résultant de la libre prestation de services sont non seulement des prestataires tels que les organismes désignés à l'article L. 731-30 du Code rural auprès desquels ils pouvaient choisir de s'affilier dans les conditions fixées à l'article L. 731-34 du même Code - notamment "tous autres organismes d'assurance" - mais également des entreprises ou des opérateurs économiques qui comme lui souhaitent pouvoir s'assurer auprès d'organismes ou d'entreprises d'assurances établies dans un autre Etat membre, dès lors qu'ils remplissent les conditions d'habilitation et de respect des normes légales imposées au titre de l'article L. 731-34, solution qui a été dégagée par la CJCE dans l'arrêt Luisi et Carbonne 5 CJCE, 31 janvier 1984) ;

Que l'Autorité de la concurrence a ainsi méconnu l'exigence fixée par la CJCE selon laquelle la liberté de prestation de services doit bénéficier tant au prestataire qu'au destinataire des services, alors pourtant que ce principe avait été appliqué en matière d'assurances obligatoires d'entreprises appartenant à une branche d'activité auprès d'une entité désignée par les dispositions légales d'un Etat-membre;

Que, dès lors, il appartenait à l'Autorité de la concurrence de se demander si une telle entrave était justifiée et qu'en ne le faisant pas, elle a commis "des erreurs dirimantes" :

- en ne recherchant pas si les entraves à la libre circulation des services d'assurances résultant du régime d'assurance obligatoire dont bénéficie la CMSA - en ce qu'elle est habilitée par l'Etat membre et qu'elle adhère au règlement prévu à l'article L. 731-34 du Code rural -pouvaient être effectivement justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général relatif à un objectif de politique sociale, ce qu'exige d'ailleurs la CJCE (Arrêt Freskot du 23 mai 2003) ;

- en ne vérifiant pas l'aptitude de la CMSA à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle est censée poursuivent au titre de son habilitation;

- en ne vérifiant pas que les mesures en question étaient bien proportionnées par rapport à l'objectif officiellement poursuivi et dont la CMSA était chargée de façon, en principe, non exclusive;

Qu'au surplus, sur la justification des entraves à la libre circulation des services d'assurances pour une raison d'intérêt général, il n' y aurait pas de risque d'atteinte grave ni même d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale si d'autres organismes ou entreprises d'assurances étaient habilités par les autorités nationales compétentes au sens de l'rticle L. 731-30 du Code rural : les autorités nationales seraient tenues de délivrer les habilitations demandées, sans aucune discrimination - et surtout pas de nationalité - entre les divers organismes candidats, même si ces derniers sont établis dans un autre Etat membre et qu'elles seraient d'autant plus tenues de le faire que ces organismes ou entreprises que la loi elle-même met - potentiellement - en concurrence avec les CMSA adhèrent aux exigences requises en matière de contrats types, tarifs et conditions imposés en matière de gestion desdits risques et qu'ils acceptent de ne faire aucun bénéfice sur cette gestion-là, comme le demande la loi;

Que, s'il existe une concurrence entre les CMSA et les organismes mentionnés par l'article L. 731-30 du Code rural, c'est qu'il y a nécessairement entre eux une égalité des chances d'accéder à la clientèle visée par l'article L. 722-10 du même Code;

Que, dès lors, puisque lesdits organismes sont indiscutablement des entreprises au sens de la concurrence, les CMSA en sont également, ou alors la concurrence serait rompue et ne serait affirmée que de manière théorique;

Qu'en effet, rien n'interdit de penser que la concurrence ainsi organisée par la loi elle-même entre ces divers organismes et entreprises - "tous organismes d'assurances" considérés dans le cadre du marché intérieur de l'Union comme l'ensemble des organismes et entreprises en question, y compris ceux établis dans un autre Etat membre est une concurrence effective même si à ce stade elle n'est que potentielle;

Que les organismes ou entreprises en question ont effectivement un intérêt économique à demander une habilitation - sachant qu'elle ne saurait leur être refusée du fait de leur situation dans un autre Etat-membre - et à adhérer au règlement prévu à l'article L. 731-34 du Code rural, dès lors qu'ils peuvent ainsi espérer capter la clientèle des chefs d'entreprise agricoles relevant d'un tel régime national pour d'autres activités d'assurance plus rentables, étant observé que cela est d'ailleurs conforme à l'article L. 731-30 alinéa 2 du Code rural selon lequel "les assujettis pourront contracter librement toutes les autres assurances complémentaires ou supplémentaires auprès des organismes de mutualité sociale agricole ou de tous organismes visés à l'article L. 771-1 ou du Code de la mutualité, ou de tous autres organismes d'assurance";

Qu'en considérant que la CMSA de la Gironde échappe à la concurrence pour ce qui est des assurances comprises dans le régime légal de sécurité sociale comprise dans le régime légal de sécurité sociale, on prive "tous les organismes d'assurance" de possibilité de la concurrencer effectivement sur le marché des assurances complémentaires ou supplémentaires, marché sur lequel la CMSA se retrouve automatiquement et indûment en position dominante, au détriment des autres organismes ou entreprises que la loi autorise pourtant à concurrencer les CMSA;

Que, de même, les preneurs d'assurances complémentaires et supplémentaires, qui ne sont autres que les personnes soumises au régime de l'assurance obligatoire, se voient ainsi privés de la possibilité de se prévaloir directement du droit à la libre prestation de services dont ils sont bénéficiaires et pour lesquels l'article 56 du traité FUE leur reconnaît un droit direct et subjectif;

Que si de tels organismes demandaient l'habilitation aux autorités françaises compétentes et acceptaient de se soumettre aux conditions légales, notamment de la gestion des risques, des contrats types et des tarifs en vue d'obtenir d'autres avantages économiques rentables sur le marché des assurances complémentaires et supplémentaires, on ne voit pas pourquoi il faudrait appliquer le premier dispositif de l'arrêt Kattner, puisqu'il n'y a dès lors aucun risque de porter atteinte à l'équilibre financier d'une branche de la sécurité sociale;

Qu'en ce qui concerne la capacité de la CMSA à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle est censée poursuivre au titre de son habilitation, le requérant souligne que l'Autorité n'a pas apporté la preuve que cet organisme est en mesure de satisfaire les besoins sociaux en question - en l'occurrence la péréquation des produits des primes d'assurances ainsi perçues au titre de la protection sociale - mieux que ne le ferait n'importe quel autre organisme ou entreprises d'assurance - "tous autres organismes d'assurances" visé à l'article L. 731-30 du Code rural dès lors qu'ils adhéraient au règlement prévu à l'article L. 731-34 du même Code;

Qu'en fait, la loi ne prévoit pas d'adhésion obligatoire des personnes non salariées des professions agricoles à la CMSA mais à tout organisme ou entreprise visés à l'article L. 731-30 du Code rural, y compris ceux qui sont établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne : cela est confirmé par l'article L. 722-10 du Code rural qui vise expressément l'obligation pour les Etats membres de respecter les traités;

Que la loi française n'édicte pas d'adhésion obligatoire à la CMSA mais à l'un des organismes ou entreprise visés par l'article 731-30, du Code rural, donc à des organismes ou entreprises éventuellement sis dans un autre Etat membre;

Qu'il en résulte que l'obligation d'adhérer l'un de ces organismes ou entreprises d'assurances désignés par la loi doit s'entendre aussi de ceux établis dans les Etats-membres de l'Union européenne autres que la France, le requérant tenant directement ce droit de l'application de l'article 56 du traité FUE;

Qu'en effet, bien que les "assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale" ne ressortent pas de l'application des directives "nouvelle approche" en matière d'assurance non-vie, elles relèvent incontestablement de l'application des règles des traités CE et FCE et, en particulier, de celles relatives à la libre prestation de services;

Que, par ailleurs, la seule affirmation d'une liberté de choix de la part des assujettis impose une égalité de traitement ménagée aux intervenants;

Que, concernant la proportionnalité du système actuel par rapport à l'objectif officiellement poursuivi et dont la CMSA était ainsi chargée de manière non exclusive aux termes de la loi, il convient de rappeler que les restrictions à la libre prestation de services reposent sur un double fondement : celui de l'article du traité FUE - anciennement 46 du traité - qui établit expressément des dérogations, et celui des "raisons impérieuses d'intérêt général" qui trouve sa source dans la jurisprudence de la Cour de justice;

Qu'en effet, on ne peut exclure que la Cour de justice estime "qu'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale" puisse constituer une "raison impérieuse d'intérêt général" justifiant de la part de la CMSA de la Gironde une entrave à la libre circulation des services;

Que, plus généralement, une éventuelle entrave à la libre prestation des services pourrait être justifiée par une raison impérieuse relative à la poursuite par un tel organisme d'objectifs de politique sociale édictés par un Etat-membre;

Que cependant, de telles justifications ne sont jamais automatiques et nécessitent de la part des juridictions ou des autorités nationales qui sont directement saisies de l'application du droit communautaire l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, lequel est enfermé dans les limites suivantes définies par la Cour de justice : les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice ou le bénéfice par les particuliers de la libre prestation des services et plus généralement des libertés fondamentales garanties par le traité doive remplir une série de conditions:

- ces mesures doivent s'appliquer de façon non discriminatoire;

Elles doivent être propres à être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général;

- ces mesures doivent être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un tel objectif;

Qu'en ce qui concerne tout d'abord l'absence de discrimination, la CMSA de la Gironde n'est pas aux termes de l'article L. 731-30 du Code rural, le seul organisme ou entreprise auquel le plaignant pouvait faire également appel pour s'assurer contre les risques en question; que la loi elle-même prévoit que d'autres organismes ou entreprises et plus généralement "tous autres organismes d'assurance" puissent demander à être habilités et, à cette fin, choisir d'adhérer "au règlement prévu à l'article L. 731-34" du même Code;

Que cette possibilité est ouverte à tout organisme ou entreprise visé par la loi, dès lors qu'il est établi dans le territoire de l'Union et qu'il peut ainsi, en respectant l'obligation de recourir aux contrats types, aux tarif et aux conditions imposés par la loi, s'attirer la clientèle des personnes mentionnées à l'article L. 722-10 du Code rural;

Que relèvent de cette catégorie les chefs d'exploitation ou d'entreprises agricoles qui, comme le plaignant, ont une activité économique importante et donc des besoins spécifiques en assurances complémentaires ou supplémentaires - assurances qui, selon l'article L. 731-30 alinéa 2 du Code rural peuvent être librement souscrites auprès d'organismes ou d'entreprises établies au sein de l'Union européenne;

Que, s'agissant des organismes ou entreprises auxquelles les personnes mentionnées à l'article L. 722-10 du Code rural peuvent librement faire appel, toute autre interprétation du champ d'application de l'article L. 731-30 du Code rural serait nécessairement contraire au droit communautaire, car il y aurait alors une discrimination flagrante en raison de la nationalité, en violation du traité;

Que c'est ainsi de façon non discriminatoire que de tels organisme visés par la loi et établis sur le territoire de l'Union peuvent demander à être habilités par l'autorité compétente de l'Etat membre concerné et qu'ils peuvent, pour des raisons économiques indirectes, choisir d'adhérer au règlement prévu par l'article L. 731-14 du Code rural;

Que la CMSA de la Gironde est donc soumise à la concurrence - au moins potentielle - de ces organismes ou entreprises auprès desquels le plaignant a le droit de s'assurer pour les risques visés dans la décision rendue par l'Autorité, étant observé que le droit de la concurrence admet que la prise en compte de la concurrence potentielle suffit à permettre d'envisager l'existence d'une atteinte à la concurrence en cause;

Qu'en ce qui concerne ensuite la justification par l'intérêt général, la Cour de justice a elle-même a rappelé dans l'arrêt Kattner précité que "la finalité sociale d'un régime d'assurance n'est pas en soi suffisante pour exclure que l'activité concernée soit qualifiée d'activité économique";

Que dès lors que les organismes et entreprises - "tous organismes d'assurance" au, sens de l'article L. 731-30 du Code rural - sont habilités par les autorités compétentes de l'Etat membre concerné, qu'ils adhèrent au règlement prévu à l'article L. 731-34 du Code rural - respect des contrats types, tarifs et conditions imposés ainsi que de la comptabilité spéciale pour la gestion desdits risques, qui ne doit pas entraîner de la réalisation de quelque bénéfice et qu'ils ne réalisent des bénéfices que sur d'autres marchés libres comme les assurances complémentaires et supplémentaires, aucun "risque grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale" ne peut être invoqué pour justifier les entraves rencontrées par le plaignant dans le libre accès que lui reconnaît la loi de tels organismes ou entreprises d'assurances, établis dans l'un des Etats membres de l'Union;

Que le fait que "le régime des CMSA est soumis au contrôle de l'État en application des articles L. 721-1 et suivants du Code rural" comme le rappelle la décision déférée, ne permet pas de justifier certaines entraves à la libre circulation des services d'assurances - et cela même si de telles assurances sont comprises dans un régime légal de sécurité sociale - dès lors que :

- la loi elle-même article L. 730-30 alinéa 1 du Code rural - donne aux "personnes mentionnées à l'article L. 722-10" du Code rural le droit de s'assurer "à leur choix" auprès de la CMSA dont ils relèvent ou auprès de "tous autres organismes d'assurance" ; que cette disposition s'étend incontestablement à l'ensemble des organismes ou entreprises en question établies dans un Etat-membre pouvant être légalement habilités par les autorités compétentes de l'Etat membre où existe un tel régime légal, et que ces organismes ou entreprises peuvent avoir objectivement un intérêt économique à demander à être ainsi habilités et placés sous le contrôle de l'Etat pour les contrats types, tarifs et conditions imposées ainsi que pour la gestion desdits risques sans pouvoir réaliser de bénéfices sur ce marché dès lors que cela leur permettrait de conquérir une nouvelle clientèle en concurrence avec la CMSA de la Gironde sur le marché distinct et libre des assurances complémentaires et supplémentaires des risques en question ou d'autres risques;

- ces organismes et entreprises visés par l'article L. 730-30 alinéa 1 du Code rural doivent s'entendre, en droit communautaire, comme des organismes et entreprises d'assurances établis dans l'Union européenne et pas seulement des organismes et entreprises d'assurances établis en France;

- ces organismes et entreprises disposent, selon le droit communautaire, d'un droit subjectif dont elles peuvent se prévaloir directement devant les juridictions et les autorités nationales, qui doivent accepter la primauté du droit communautaire directement applicable;

- en tant que preneurs d'assurances, les assurés bénéficient, selon le droit communautaire, d'un droit subjectif parallèle leur permettant de se prévaloir devant les juridictions et les autorités nationales du principe de la libre circulation des services; que, dans ce cadre, ils peuvent aussi invoquer les limites imposées par la Cour de justice aux Etats membres, aux juridictions ou encore aux autorités nationales qui voudraient justifier de telles entraves à la libre circulation des services;

Que le fait que les cotisations versées par le plaignant à la CMSA "sont fondées sur les revenus professionnels permettant une mutualisation des risques, dans la mesure où les prestations sont indépendantes du niveau des cotisations" a permis à l'Autorité de la concurrence de décliner sa compétence pour connaître de la plainte, au motif que la CMSA de la Gironde poursuivrait, au sens de la jurisprudence Kattner, "une fonction à caractère exclusivement social, alors qu'un tel organisme opère dans le cadre d'un régime qui met en œuvre le principe de solidarité et que ce régime est soumis au contrôle de l'Etat" ;

Que l'Autorité de la concurrence a cependant effectué une application erronée de la jurisprudence de la Cour de justice qui, par surcroît, vise à protéger les CMSA dans leur ensemble:

- en ne mentionnant pas que la CMSA ne dispose pas d'un monopole légal dans la mesure où elle n'est qu'un des organismes ou entreprises auprès desquels une "personne mentionnée à l'article L. 722-10" du Code rural peut s'assurer pour les risques en cause;

- en refusant systématiquement de tenir compte de la primauté du droit communautaire dont l'application directe était pourtant demandée par le plaignant; qu'en particulier, elle omet de mentionner que l'article L. 731-30 du Code rural ne peut être interprété que comme permettant aux "personnes mentionnées à l'article L. 722-10 du Code rural" de s'assurer à leur choix, sans aucune discrimination possible, auprès de n'importe lequel de ces organismes ou entreprises d'assurances établis sur le territoire d'un Etat membre de l'Union;

- en ne tenant pas compte du fait que, dès lors qu'il existe dans l'Union européenne une concurrence potentielle, reconnue par la loi interdit même pour fournir aux "personnes mentionnées à l'article L. 722-10" du Code rural des services d'assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale aux conditions déterminées par la loi, on ne peut soutenir que la concurrence desdits organismes, fussent-ils établis dans un autre Etat-membre, serait illégale, dès lors que le fait, pour la CMSA, de fournir au plaignant des prestations d'assurances ainsi comprise dans un régime légal de sécurité sociale ne suffit pas à exclure, a priori, l'application du principe général de la libre prestation des services affirmés par le droit communautaire ;

Qu'en l'espèce, l'Autorité de la concurrence n'a pas tenu compte du deuxième articulat de l'arrêt Kattner selon lequel : "Les articles 49 CE et 50 CE doivent être interprétés en ce sens qu'il ne s'opposent pas à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui prévoit que les entreprises d'une branche d'activité et d'un territoire déterminé ont l'obligation de s'affilier à un organisme tel que la caisse professionnelle en cause au principal, pour autant que ce régime n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif consistant à assurer l'équilibre financier d'une branche de la sécurité sociale, ce qu'il appartient la juridiction de renvoi de vérifier" ;

Que, ce faisant, l'Autorité a privé le plaignant du droit de se prévaloir :

- du fait que la CMSA de la Gironde n'est pas le seul organisme ou entreprise d'assurances auprès duquel il a le droit de s'assurer pour de tels risques "compris dans un régime légal de sécurité sociale" ;

- du fait que l'article L. 731-30 alinéa 1 du Code rural donne le droit aux organismes et entreprises d'assurances qu'il vise, de concurrencer les CMSA dès lors qu'ils sont habilités par les autorités compétentes et qu'ils adhèrent au règlement visé par l'article L. 731-34 du Code rural;

- du fait qu'objectivement, il doit pouvoir s'assurer auprès de l'Autorité de la concurrence de ce que d'autres organismes ou entreprises que la CMSA sont en droit de lui fournir des prestations équivalentes aux conditions définies par la loi dans le cadre du régime légal de sécurité sociale;

- du fait que, conformément aux principes ci-avant évoqués, il dispose d'un droit subjectif à pouvoir s'adresser à "tous autres organismes d'assurance" lui proposant des services d'assurance complémentaires ou supplémentaires non compris dans un régime de sécurité sociale en concurrence avec ceux de la CMSA;

Que, dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence a ainsi implicitement couvert une discrimination entre les organismes ou entreprises visés à l'article L. 731-30 du Code rural selon qu'ils sont ou non établis dans le même Etat-membre que la personne mentionnée à l'article L. 722-10 du Code rural alors pourtant qu'une telle discrimination, est formellement interdite au titre de l'article 18 du traité FUE, principe qui s'oppose à l'Etat membre mais aussi aux juridictions et autorités nationales qui ont le devoir d'assurer l'effectivité des droits subjectifs découlant des dispositions directement applicables comme l'actuel article 56 du traité FUE ;

Que, dès lors, saisi d'un tel recours contre la décision entreprise, la cour ne pourra qu'écarter toute interprétation qui interdirait à une personne placée dans sa situation de s'assurer pour les risques sociaux auprès de toute entreprise d'assurance visée par l'article L. 731-30 du Code rural, qu'elle soit établie en France ou dans le ressort d'un autre Etat-membre de l'Union, du moment qu'elle a:

- la possibilité légale être habilitée par les autorités nationales sans discrimination en raison de la nationalité;

- un intérêt économique à adhérer pleinement au règlement prévu à l'article L. 731-34 du Code rural pour pouvoir proposer à la clientèle captive des chefs d'entreprise agricole des prestations d'assurances complémentaires attractives qu'ils doivent pouvoir contracter librement aux termes de l'article L.731-30 alinéa 2 du même Code;

Que c'est délibérément que l'Autorité de la concurrence n'a pas tenu compte des règles communautaires applicables au cas du plaignant, dans la mesure où l'éclairage particulier qu'elles donnent à l'article L. 731-30 alinéa 1 du Code rural implique que celui-ci était en droit de recourir aux services d'assurances d'organismes autres que la CMSA établis en France ou sur le territoire de l'Union européenne du moment qu'ils ont juridiquement la possibilité :

- de demander une habilitation aux autorités nationales compétentes en l'absence de toute discrimination et selon des critères objectifs;

- d'adhérer au règlement prévu à l'article L. 731-4 du même Code relatif aux contrats types, tarifs et conditions imposées pour ce type de prestations d'assurances;

- tout en restant libre de leur proposer alors des prestations d'assurances complémentaires ou supplémentaires qui ne relèvent pas du régime légal de sécurité sociale et pour lesquels il était bien membre de "contracter librement" en application de l'article L.731-30, deuxième alinéa;

Qu'il incombait enfin à l'Autorité de la concurrence de contrôler l'aptitude de la CMSA de la Gironde à réaliser l'objectif en cause, troisième condition imposée par la Cour de justice consistant à demander aux juridictions ou aux autorités nationales de vérifier in concreto que la réglementation en cause - dont la CMSA peut se prévaloir - est apte à protéger l'intérêt général invoqué, en particulier si les règles en question sont "objectivement nécessaires en vue de garantir" l'objectif poursuivi;

Que, pour pallier la défaillance de l'Autorité, il revient à toute juridiction nationale de le faire sous le contrôle de la cour, le cas échéant en ordonnant un sursis à statuer afin de lui poser une question préjudicielle;

Qu'il n'en demeure pas moins qu'il convient de contrôler l'efficacité des mécanismes mis en place, dès lors que ce n'est pas l'Etat lui-même qui gère les assurances compris dans le régime légal de sécurité sociale en question puisqu'il en confie la gestion à des organismes ou même à des entreprises susceptibles de répondre aux conditions objectives et non discriminatoires d'une habilitation;

Que, tant en droit communautaire qu'en droit interne la concurrence, les règles ci-dessus visées sont susceptibles de s'appliquer à toute activité économique comme le précise l'article 410-1 du Code de commerce invoqué par la décision attaquée;

Qu'en conséquence de ce texte, si la gestion des services d'assurances comprises dans le régime légal de sécurité sociale était confiée une personne publique dans le cadre de conventions de délégations de service public, les règles de concurrence lui seraient applicables;

Que, dès lors, il est contraire à ces principes de décider si la gestion d'une telle mission d'intérêt social est confiée sur la base d'une simple habilitation et de l'adhésion des entreprises concernées aux règlements prévus à l'article L. 731-34 du Code rural, que les règles de concurrence ne seraient plus applicables au motif que les activités d'assurance seraient fournies "sous le contrôle de l'Etat" et que le régime légal emporte la mise en œuvre du principe de solidarité;

Que c'est donc manifestement en raison de la seule nature du régime légal de sécurité sociale en question, contrôlé par la loi et permettant au moyen d'organismes ou d'entreprises habilités et respectueux d'un certain nombre de règles relatives aux contrats d'assurances - contrats types, tarifs et conditions imposées - et à la gestion de ces risques comptabilité spéciale et absence de bénéfice sur les risques en question, mise en œuvre du principe de solidarité au moyen de la répartition des couvertures d'assurance entre tous les assurés indépendamment du montant de leurs primes - que l'Autorité a considéré, au seul vu du premier dispositif de l'arrêt Kattner précité, que la CMSA de la Gironde n'était pas une entreprise au sens du droit de la concurrence;

Que, pour déterminer si l'obligation invoquée par le plaignant contribue efficacement à la réalisation de l'objectif social invoqué, il convient de se référer à la loi, qui prévoit non pas une délégation de service public aux CMSA mais un système d'habilitation de divers organismes d'assurances en concurrence sur le plan communautaire, couplé avec un système fondé sur l'adhésion volontaire desdits organismes ou entreprises au règlement visé à l'article L. 731-34 du Code rural;

Qu'ainsi rien ne permettait à l'Autorité d'affirmer implicitement que seule la CMSA peut fournir de telles prestations d'assurances au plaignant et que le contrôle par la loi de ces activités, ainsi que la gestion des risques allant de pair avec celles-ci, exclut toute possibilité de concurrence entre ces organismes en application même du principe de la libre circulation des services; que ce principe de libre circulation permet de considérer que les organismes et entreprises d'assurances visés à l'article L. 731-30 alinéa 1 ne sont pas seulement des organismes ou entreprises établis en France mais bel et bien en application du principe de la libre circulation des services toute entreprise d'assurances établie sur le territoire de l'Union européenne;

Que, selon le deuxième dispositif de l'arrêt Kattner, le principe de la libre circulation des services s'appliquant à des prestations de services d'assurances comprises dans un régime légal de sécurité social sous réserve de l'obligation pour les juridictions ou les autorités nationales de vérifier in concreto si de telles entraves peuvent néanmoins être justifiées on peut considérer que le plaignant peut également faire appel - article L. 731-30, alinéa 1 du Code rural - à des organismes et entreprise d'assurances établies en France ou dans d'autres pays de l'Union européenne;

Qu'en conséquence, le régime des contrats d'assurances visés à l'article L. 731-34 du Code rural et la gestion des risques inhérents à ceux-ci n'excluent nullement l'application des règles de concurrence ;qu'il faut par conséquent considérer que des organismes ou des entreprises d'assurances établis au sein de l'Union européenne ont un intérêt économique à accepter les contraintes légales attachées aux assurances comprises dans le régime légal de sécurité sociale et donc demander l'habilitation leur permettant de proposer aux personnes concernées des services d'assurances plus lucratifs, notamment en matière d'assurances complémentaires ou supplémentaires dont la fourniture est libre;

Qu'il existait donc bien une concurrence effective que l'Autorité de la concurrence a refusé d'envisager dans sa décision;

Considérant, en second lieu, que le requérant poursuit également l'annulation de la décision déférée en ce qu'elle a opéré une présentation incomplète des conditions d'application de la règle de droit, en faisant valoir, en l'occurrence :

- en ce qui concerne la vérification des faits allégués dans la plainte, que le refus de l'Autorité de la concurrence de prendre en considération, au sens de l'article L. 730-30 alinéa 1 du Code rural, la concurrence potentielle entre les organismes et entreprises établis dans l'Union européenne équivaut à l'impossibilité, affirmée implicitement, pour le plaignant de pouvoir s'adresser à la concurrence;

- en ce qui concerne la qualification des faits pouvant être considérés comme prouvés, qu'en raisonnant comme si le plaignant remettait directement en cause le régime légal de la sécurité sociale, l'Autorité de la concurrence n'a pas tenu compte du fait qu'il ne cherchait qu'à dénoncer le caractère abusif, dès lors que l'interprétation officiellement reçue ne lui permet pas d'exercer les droits que lui reconnaît la loi française de faire appel à d'autres organismes ou entreprises visés par l'article L. 731-30 alinéa 1 du Code rural et cela même s'ils sont situés en dehors même du territoire national;

- en ce qui concerne l'énonciation de la règle et son application au plaignant, qu'il convient d'annuler ou à défaut de réformer la décision de l'Autorité de la concurrence qui a omis de faire application du principe de la libre circulation des services figurant à l'article 56 du traité FUE alors que:

* cette disposition, qui prime le droit national, crée en sa faveur un droit subjectif, dont il peut se prévaloir devant les juridictions et les autorités nationales;

* seule la prise en considération de cette règle impérative permettait de déterminer le champ d'application des règles de concurrence communautaires résultant de l'article L. 731-30 alinéa 1 du Code rural ;

* en conséquence, la concurrence potentielle organisée par ce texte entre les diverses entités intéressées devait être prise en considération par l'Autorité la concurrence :

¤ dès lors qu'elle ne met pas en cause le principe du contrôle de l'État et la mise en œuvre du principe de solidarité;

¤ que ces organismes ou entreprises ont également la possibilité de rechercher ainsi une clientèle comme celle du plaignant pour les assurances complémentaires et supplémentaires qui sont de libres accès en application de l'article L. 731-30, alinéa 2 ;

¤ que le principe de la libre circulation des services dont le plaignant peut lui-même revendiquer l'application à sa situation personnelle en sa qualité de preneur d'assurance en application de la jurisprudence Luisi et Carbonne de la Cour de justice UE, lui permet donc de revendiquer le droit d'accéder auprès desdits organismes ou entreprises d'assurance établis dans un Etat-membre de l'Union à des prestations d'assurances complémentaires ou supplémentaires aux dites assurances comprises dans le régime légal;

Sur l'application de l'article L. 462-8 du Code de commerce

Considérant que l'article L. 462-8 du Code de commerce dispose notamment que : " L'Autorité de la concurrence peut déclarer par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ou de qualité à agir de l'auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l'article L. 462-7, ou si elle estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence" ;

Considérant que M. X reprochant à la CMSA de Gironde, dans sa saisine, d'abuser de sa position dominante en infraction avec les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce, c'est à bon droit que l'Autorité a rappelé, à titre liminaire, d'une part, que l'article 410-1 du Code de commerce dispose : "Les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public" et, d'autre part, que l'article L. 420-2 du même Code dispose également, dans son premier alinéa : "Est prohibée, dans les conditions prévues au L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci";

Considérant que la Mutualité Sociale Agricole (MSA), organisme de protection sociale obligatoire des salariés et exploitants du secteur agricole en France, couvre les risques "maladie-maternité", "retraite", "accident du travail" et "famille" pour plus de six millions de bénéficiaires de ses prestations et que cet organisme mutualiste est structuré en réseau décentralisé de caisses départementales, telle la Caisse de la Mutualité Sociale Agricole de Gironde (CMSA), qui sont les interlocutrices locales des ressortissants du régime;

Considérant que la prohibition de l'article L. 420-2 ne visant que les entreprises, c'est à juste titre que, afin de vérifier si cette qualité peut être reconnue à la CMSA de Gironde, l'Autorité s'est référée à la jurisprudence communautaire, la Cour de justice des Communautés européennes ayant en effet été amenée à se prononcer sur la question de savoir si un organisme auprès duquel les entreprises relevant d'une branche d'activité et d'un territoire déterminé ont l'obligation de s'affilier au titre de l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles constitue une entreprise au sens des articles 101 et 102 TFUE ;

Que la Cour de justice a ainsi considéré qu'un tel organisme ne constituait pas une entreprise au sens de ces dispositions, mais remplissait "une fonction à caractère exclusivement social dès lors qu'un tel organisme opère dans le cadre d'un régime qui met en œuvre le principe de solidarité et que ce régime est soumis au contrôle de l'Etat" (Aff. Kattner C-350-07 du 5 mars 2009, point 68) ;

Considérant qu'au regard de ces principes, c'est par des appréciations pertinentes, que la cour fait siennes:

- que l'Autorité a constaté que la CMSA de Gironde remplit bien ces deux conditions, dès lors, d'une part, que les cotisations sont fondées sur les revenus professionnels des ressortissants, permettant ainsi une mutualisation des risques, dans la mesure où les prestations sont indépendantes du niveau de cotisations et, d'autre part, que le régime des CMSA est soumis au contrôle de l'Etat, en application des articles L. 721-1 et suivants du Code rural;

- que, dès lors, la perception, par la CMSA de Gironde, des cotisations que doivent obligatoirement verser les exploitants agricoles au titre des risques ci-dessus décrits ne relève pas d'une activité économique au sens des dispositions précitées de l'article L. 410-1 du Code de commerce et qu'elle ne peut, en conséquence, être soumise aux dispositions de l'article L. 420-2 du même Code;

Considérant que, concernant la situation de concurrence potentielle alléguée par

M. X entre la CMSA et les autres organismes agréés qui lui permettrait de revendiquer une application directe des dispositions du traité CE devenu TFUE , il est vrai que l'article L. 731-30 du Code rural dispose : "Les personnes mentionnées à l'article L. 722-10 sont assurées, à leur choix, soit par les caisses de la mutualité sociale agricole, soit par tous organismes d'assurances mentionnés à l'article L. 771-1 ou au Code de la mutualité, ou par tous autres organismes d'assurances, dès lors, d'une part, que lesdits organismes auront été habilités par arrêtés de leurs ministres de tutelle respectifs et, d'autre part, qu'ils auront adhéré au règlement prévu à l'article L. 731-34" ;

Que force est cependant de constater que ces organismes d'assurances ne détiennent qu'une délégation de gestion du système de protection sociale agricole, dont ils font partie intégrante, et au sein duquel la MSA constitue un organisme central qui effectue les opérations de compensation et de contrôle nécessaires au fonctionnement du régime, en centralisant les informations;

Que, de leur côté, les CMSA contribuent à la coordination du système en centralisant et en contrôlant les informations relatives aux exploitations, aux immatriculations et radiations des intéressés, au calcul des cotisations et indiquent aux groupements d'assureurs quels sont les adhérents soumis au bénéfice de l'aide sociale et organisent pour tous les assurés le contrôle médical par les médecins-conseils;

Qu'en outre, l'intervention des organismes d'assurances visés à l'article L. 731-30 du Code rural est subordonnée à une habilitation par arrêté ministériel et au respect d'un certain nombre d'obligations, notamment l'adhésion à un règlement prévoyant des clauses et des contrats types, des tarifs et des conditions imposées, une comptabilité spéciale pour la gestion des risques couverts pour laquelle aucun bénéfice devra être réalisé et le contrôle médical commun;

Que ces organismes, qui doivent également faire parvenir aux caisses de mutualité sociale agricole les éléments nécessaires à l'exercice par celles-ci de la coordination du régime, sont ainsi tenus d'appliquer les mêmes règles de solidarité que les CMSA, notamment quant au calcul des cotisations et au versement des prestations, et sont, par ailleurs, soumis au contrôle de l'Etat;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'état des textes, M. X n'est pas fondé à soutenir que le Code rural organiserait une véritable concurrence entre la CMSA et les autres organismes éventuellement habilités dans les conditions fixées par l'article L. 731-30 du Code rural, étant d'ailleurs observé qu'au cas d'espèce, dans le département de la Gironde, la CMSA de Gironde est, de fait, le seul organisme pouvant assurer les exploitants agricoles au titre des risques maladie, invalidité, maternité;

Qu'au surplus, la simple possibilité d'intervention offerte à "tous autres organismes d'assurances" ne leur confère pas pour autant la qualité d'entreprise exerçant une activité économique dans des conditions déterminant l'application du droit de la concurrence ;

Qu'à cet égard, il est utile de rappeler que la CJC amenée a se prononcer sur la question de savoir si le caractère solidaire d'un régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles pouvait être remis en cause par le fait qu'il était mis en œuvre non par un seul organisme détenant une position de monopole mais par un ensemble d'organismes dans une situation d'oligopole a décidé :

"Le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. Or, lorsque, dans l'exercice de cette compétence, un Etat membre opte pour la répartition de la prise en charge d'un régime de sécurité sociale entre plusieurs organismes sur une base sectorielle et/ou géographique, il met effectivement en œuvre le principe de solidarité, même s'il restreint le cadre dans lequel celui-ci s'applique. Il en est d'autant plus ainsi lorsque, comme dans le régime en cause au principal, les caisses professionnelles opèrent entre elles, à l'échelle nationale, une péréquation des coûts et des risques" ; (arrêt CJCE Kattner précité, point 53) ;

Considérant, en définitive, que sous couvert d'une critique de la décision déférée en ce qu'elle aurait refusé de retenir la qualification d'entreprise au profit de la CMSA et l'exercice par celle-ci d'une activité économique au regard tant des dispositions du traité FUE que de la jurisprudence communautaire, M. X conteste, en réalité, la conformité des dispositions du Code rural relatives au régime ces CMSA au principe de la liberté circulation des services, question qui ne relève ni de la compétence de l'Autorité de la concurrence ni, à fortiori, de celle de la Cour d'appel de Paris saisie d'un recours contre une décision de l'Autorité de la concurrence ;

Qu'au demeurant, M. X qui, au titre de son activité d'exploitant de domaine viticole est tenu de cotiser à la CMSA de Gironde et se trouve, dès lors, dans la position d'un preneur d'assurance de personne à l'égard d'une caisse et non dans celle d'une entreprise vis-à-vis d'un fournisseur ou d'un client, ne peut se prévaloir, tant du fait de l'obligation de cotisation que du niveau des tarifs pratiqués par la CMSA, d'une atteinte à son activité provoquée par un comportement anticoncurrentiel de cette caisse avec laquelle, par surcroît, il n'est pas en concurrence sur un marché déterminé;

Qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que l'Autorité a décidé, en application de l'article L. 462-8 du Code de commerce précité, de déclarer irrecevable la saisine de M. X qui n'entre pas dans son champ de compétence, étant de surcroît observé que dès lors qu'elle déclarait cette saisine irrecevable, l'Autorité n'était pas tenue de vérifier en outre si la condition d'affectation du commerce entre les Etats membres était remplie ni de faire application de l'article 82 du traité CE devenu 102 TFUE ni de l'article 86 du traité CE devenu 106 T FUE qui ne relève pas de sa compétence ;

Par ces motifs, Rejette le recours, Condamne M. X aux dépens.