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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 19 janvier 2011, n° 08-05261

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ghimas SpA (Sté), Benax Srl (Sté)

Défendeur :

Sudimplant (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

M. Roger, Mme Salmeron

Avoués :

SCP Nidecker Prieu-Philippot Jeusset, SCP Château

Avocats :

Me Gach-Fori, Dublanche, Charruyer, SCP Costa & Associati

T. com. Toulouse, du 9 janv. 2008

9 janvier 2008

Faits et procédure

Créatrice d'un système d'implant dentaire dénommé TBR, la SA Sudimplant a concédé par contrat du 30 décembre 1996 la distribution de ce produit en Italie à la société Benax Srl dont la société Ghimas SpA va racheter la totalité du capital social à la fin de l'année 2004.

En raison du non-paiement de factures de livraison, la SA Sudimplant a saisi la juridiction consulaire toulousaine par acte du 11 janvier 2006 en paiement des factures impayées et résiliation abusive du contrat contre la société Benax Srl et en concurrence déloyale contre la société Ghimas SpA.

Par jugement en date du 9 janvier 2008, le Tribunal de commerce de Toulouse, s'est déclaré compétent et a :

- constaté la rupture abusive du contrat de concession par la société Benax Srl à ses torts exclusifs,

- condamné la société Benax Srl à payer à la SA Sudimplant la somme de 212 464,41 euro au titre des factures échues avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2005,

- dit que les agissements de la société Benax Srl et la société Ghimas SpA ont constitué des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme économique justifiant de les condamner solidairement à payer à la SA Sudimplant la somme de 100 000 euro en réparation de son préjudice,

- débouté la SA Sudimplant de son surplus de demandes,

- débouté la société Benax Srl et la société Ghimas SpA de l'ensemble de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné solidairement la société Benax Srl et la société Ghimas SpA à payer à la SA Sudimplant la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 20 octobre 2008, la société Ghimas SpA a interjeté appel enregistré sous le numéro 08-5261.

La société Ghimas SpA a déposé ses dernières écritures le 27 juillet 2010.

La SA Sudimplant a déposé des écritures le 28 juin 2010.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2010.

Le 17 février 2009, la société Benax Srl, représentée par M. Saverio Stancari, en sa qualité de liquidateur amiable, a interjeté appel enregistré sous le numéro 09-815.

La société Benax Srl a déposé ses dernières écritures le 27 juillet 2010.

La SA Sudimplant a déposé des écritures le 28 juin 2010.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2010.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses écritures, la société Benax Srl soutient en premier lieu que l'appel est recevable, le délai expirant selon elle le 27 février 2009 et l'appel ayant été interjeté le 12 février 2009. Elle invoque en deuxième lieu l'incompétence des juridictions françaises en faisant valoir que l'exécution du contrat a eu lieu sur le territoire italien alors que le contrat est nul pour illicéité de l'objet, les produits fabriqués par la SA Sudimplant étant démunis des conditions légales exigées en Italie et en termes de règlements communautaires en l'absence de feuillets d'utilisation en langue italienne, et abus de dépendance économique de la part de la SA Sudimplant envers elle. Elle précise que la liquidation judiciaire volontaire, décidée par l'assemblée générale, signifie simplement que la société est en fermeture mais non qu'elle est insolvable. Elle reste dotée de sa propre autonomie juridique et patrimoniale.

Elle conclut à l'infirmation de la décision de première instance ainsi qu'à la condamnation de la SA Sudimplant au paiement de la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle soutient à titre subsidiaire qu'elle n'a pas commencé la commercialisation de produits alternatifs ou concurrents de TBR mais qu'elle a subi un énorme dommage dérivant directement du comportement dommageable dolosif de la part de la SA Sudimplant. Elle souligne qu'aucune faute ne peut lui être imputée s'agissant de l'activité effectuée pour exécuter le contrat compte tenu du fait que les résultats espérés et non atteints étaient à imputer à des situations objectives, comme des prix appliqués par la concurrence devenant graduellement plus attractifs pour la clientèle, et difficiles du marché, plusieurs fois dénoncées à la SA Sudimplant sans réaction de sa part, notamment vis-à-vis d'un produit Anthogyr quasiment identique à l'implant TBR et commercialisé à des prix bien inférieurs. Elle affirme de plus avoir respecté ses obligations contractuelles alors que des produits fabriqués par la SA Sudimplant ont présenté de graves défauts, étant de plus dépourvus de notice en langue italienne, dont il est justifié par la production de nombreuses pièces et que la SA Sudimplant a été défaillant dans son obligation d'assistance.

La société Benax Srl conteste avoir reconnu devoir à la SA Sudimplant la somme de 212 464,41 euro. Au cours de transactions qui n'ont pas abouti, elle avait seulement proposé de verser un acompte de 100 000 euro. Elle fait valoir qu'en revanche la SA Sudimplant ne l'a pas indemnisée des investissements réalisés en faveur des produits TBR.

La société Benax Srl soutient qu'aucune preuve n'est rapportée d'actes de concurrence déloyale alors même que la SA Sudimplant l'a contrainte à la distribution d'un produit vicié, défectueux, illégal, non commercialisable et excessivement coûteux en comparaison avec ceux de la concurrence.

Dans ses écritures, la société Ghimas SpA conclut en premier lieu à l'incompétence des juridictions françaises et en deuxième lieu à l'infirmation de la décision de première instance ainsi qu'à la condamnation de la SA Sudimplant au paiement de la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Ghimas SpA soutient qu'elle n'est pas partie au contrat signé par la SA Sudimplant et la société Benax Srl alors que les deux sociétés italiennes ont des gestions séparées et des bilans autonomes. Etant un tiers, alors qu'elle n'a pas exprimé expressément un consentement valable à la dérogation de compétence de la juridiction italienne au profit de la juridiction française, elle estime que la compétence juridictionnelle appartient à l'Etat sur le territoire duquel est domicilié le défendeur, tout en faisant observer que les faits reprochés sont des actes de concurrence déloyale qui à les supposer établis se seraient produits en Italie.

Sur le fond, la société Ghimas SpA soutient tout d'abord que la société Benax Srl n'est pas une société insolvable, une société en liquidation étant une société en fermeture provisoire. Elle fait ensuite valoir qu'elle a eu un comportement d'une bonne foi exemplaire, que pour la première fois en 50 ans d'activité, elle a dû retirer de son catalogue un produit sans pouvoir offrir à ses clients de solution alternative, si ce n'est en les invitant à s'adresser directement à la SA Sudimplant. Elle souligne qu'elle était libre d'assumer la distribution d'une des centaines de produits concurrents du TBR. Elle ajoute que si elle a acquis 100 % du capital social en devenant unique associé à la fin de l'année 2004, elle n'a commencé à distribuer ses propres produits qu'à partir de fin septembre 2005, après la rupture des relations entre la société Benax Srl et la SA Sudimplant, pour faits et causes de cette dernière. Elle affirme au surplus que les implants TBR étaient illégaux en l'absence d'accompagnement d'une notice explicative traduite en italien et que l'intervention de l'un des principaux organismes de vérification mondiaux était une garantie de compétence et de rapidité d'obtention d'un avis indépendamment de la lettre du ministère de la Santé du 24 mai 2005 sommant la société Benax Srl de ne pas vendre le dispositif médical TBR sans feuillet d'accompagnement illustratif en langue italienne.

La société Ghimas SpA soutient que les implants qu'elle vend sont totalement différents des implants TBR, comme il résulte d'un rapport d'expertise produit aux débats. Elle reproche par ailleurs à la juridiction consulaire d'avoir pris en compte un rapport versé aux débats par la SA Sudimplant alors que le rédacteur n'a pas une autorité supérieure au rédacteur du rapport produit par elle-même. Elle conteste avoir procédé à des publicités comparatives négatives.

La société Ghimas SpA fait valoir que l'évolution de son chiffre d'affaires n'apporte aucune démonstration de la concurrence déloyale alléguée par l'intimée.

Dans ses écritures, la SA Sudimplant sollicite la jonction des deux procédures. Elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Benax Srl et son liquidateur, comme étant hors délai. Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence en se référant à la clause relative à la loi applicable dans le contrat de concession signé avec la société Benax Srl et par application de la connexité concernant la société Ghimas SpA en raison de son ingérence dans les relations contractuelles. Elle conclut encore à la confirmation du jugement qui a condamné les deux appelantes à réparer le préjudice subi par leurs agissements qui constituent des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme économique. Elle conclut en revanche à sa réformation sur le quantum en réclamant la condamnation des deux appelantes à lui verser la somme de 5 millions d'euro à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice financier lié à la quantité de marchandises que devait acquérir la société Benax Srl pour l'année 2005, la perte de clientèle et de réseau de distribution. Elle sollicite également la condamnation de la société Ghimas SpA d'avoir à publier en Italie dans un ou plusieurs journaux du ressort des deux sociétés la condamnation pour concurrence déloyale à leurs frais et d'en justifier. Elle sollicite enfin la condamnation de la société Ghimas SpA à lui payer la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée expose qu'elle a été créée en 1987 et que le 30 décembre 1996, elle a conclu un contrat de concession exclusive avec la société Benax Srl pour la distribution des produits développés par elle et notamment le système d'implant dentaire dénommé TBR et son matériel ancillaire ainsi que la membrane Biotane et qu'à compter de la prise de contrôle de la société Benax Srl par la société Ghimas SpA à la fin de l'année 2004, elle a assisté à un déferlement de contestations injustifiées provenant de la nouvelle direction. Elle fait ensuite valoir que ces pseudo-difficultés, notamment exprimées dans un fax du 22 mars 2005, sont liées à la volonté de la société Ghimas SpA de commercialiser directement sur le marché italien des implants concurrents. Elle soutient que la société Benax Srl a mis unilatéralement un terme à la distribution des produits Sudimplant en se prétendant libérée de ses engagements en agissant en collusion frauduleuse avec la société Ghimas SpA, agissement caractérisé par une facture du 31 janvier 2005 émanant de la société Ghimas SpA ayant pour objet la vente d'implants TBR alors même que seule la société Benax Srl possédait une concession exclusive avec la SA Sudimplant. Elle explique qu'aucune mise en demeure prévue au contrat n'a été réalisée, qu'aucun manquement grave ne peut lui être imputé à faute alors qu'en revanche, la société Benax Srl a manqué à ses obligations contractuelles en ne réglant pas certains achats, en ne fournissant pas de garantie de paiement en 2005 et en n'exécutant pas de bonne foi le contrat de concession. La SA Sudimplant ajoute qu'à titre principal, la société Ghimas SpA a commis des actes de concurrence déloyale en vendant des implants TBR sans son accord express ou tacite et en tentant de désorganiser l'entreprise rivale en saisissant le ministère de la Santé italien d'une difficulté concernant la traduction des notices relatives aux implants fabriqués par la SA Sudimplant. Elle poursuit en reprochant à la société Ghimas SpA des actes de dénigrement en publiant une information malveillante dans son catalogue de produits. Subsidiairement, la SA Sudimplant allègue, par l'examen critique du catalogue publié par la société Ghimas SpA, des actes de parasitisme économique en contrefaisant ses produits, en se plaçant dans son sillage et celui de son réseau de distribution. La SA Sudimplant indique enfin que la société Ghimas SpA ayant contrefait ses produits en portant atteinte au droit des brevets, elle demande qu'il lui soit donné acte qu'elle se réserve le droit d'intenter une action en contrefaçon sur le fondement des articles L. 615-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La SA Sudimplant affirme que tous ces actes imputables à la société Benax Srl et la société Ghimas se sont traduits par une forte perte de clientèle sur le territoire italien et par la nécessité de la mise en place d'un nouveau réseau de distribution, préjudices estimés à hauteur de 5 millions d'euro.

Motifs de la décision

Sur la jonction des procédures

La société Benax Srl et la société Ghimas SpA ont interjeté appel de la même décision rendue par le Tribunal de commerce de Toulouse le 9 janvier 2008 dans une procédure les opposant à la SA Sudimplant. Il convient en conséquence d'ordonner la jonction des deux recours pendants devant la juridiction du second degré en raison de leur lien.

Sur la recevabilité de l'appel interjeté par la société Benax Srl

Le 17 février 2009, la société Benax Srl, par l'intermédiaire de son liquidateur amiable, a interjeté appel du jugement rendu le 9 janvier 2008. La SA Sudimplant soutient l'irrecevabilité de l'appel en raison de sa tardiveté. Cependant, comme le soutient la société Benax Srl, il résulte des pièces produites que parmi les significations produites celles en date des 11 septembre et 4 novembre 2008 sont nulles, notamment car ne mentionnant pas que l'appel doit être interjeté devant la Cour d'appel de Toulouse.

En revanche, des significations régulières ont été délivrées les 26 novembre et 15 décembre 2008, la première au liquidateur amiable de la société Benax Srl, la seconde à la société elle-même. En prenant en considération la première date et les prorogations de délai prévues par l'article 643 du Code de procédure civile, le délai pour interjeter appel expirait le 27 février 2009. En conséquence, le recours interjeté le 17 février 2009 est recevable.

Sur l'exception d'incompétence

L'article 3.1 de la Convention de Rome applicable en l'espèce dispose que le contrat est régi par la loi choisie par les parties, que ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause et que par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

L'article 19 du contrat de concession exclusive signé par la société Benax Srl et la SA Sudimplant mentionne qu'il est régi exclusivement par la loi française et qu'en cas de différend sur l'interprétation ou l'exécution de ses dispositions, les tribunaux français sont seuls compétents, et singulièrement en première instance, le Tribunal de commerce de Toulouse.

L'article 20 dudit contrat dispose que la loi et la procédure applicables aux litiges relatifs aux dispositions du présent contrat sont la loi et la procédure française.

Contrairement à ce que tente de soutenir la société Benax Srl, le litige entre les parties porte non pas sur la forme de vente et de distribution des produits sur le territoire italien mais sur la rupture des relations contractuelles.

Concernant la société Benax Srl, le moyen invoqué est la nullité du contrat tenant à l'illicéité de son objet en l'absence de notices en langue italienne et à l'abus de dépendance économique à son détriment.

Comme le relève la juridiction consulaire par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, le contrat contesté a été signé le 30 décembre 1996 et a fait l'objet de deux renouvellements. De plus, les documentations techniques sur le protocole d'implantation des implants rédigés en langue italienne ont été distribués par la SA Sudimplant dès qu'elle a été avisée de la difficulté. Enfin, la société Benax Srl ne justifie pas d'un abus de dépendance économique alors que le contrat lui accordait l'exclusivité de la distribution des produits fabriqués par la SA Sudimplant sur tout le territoire italien, que le contrat lui permettait d'agir par l'intermédiaire de tout autre mandataire de son choix et qu'elle avait la possibilité de ne pas renouveler le contrat, étant observé qu'elle l'a fait à deux reprises chaque fois pour des périodes de trois ans.

Concernant la société Ghimas SpA, il est soutenu à juste titre que cette société n'est pas partie au contrat et que les deux sociétés italiennes ont des gestions séparées et des bilans autonomes. Mais, comme la société Ghimas SpA l'écrit dans ses dernières conclusions en page 9 la demande développée contre elle a pour objet des faits de concurrence déloyale au détriment de la SA Sudimplant.

Or, l'article 6 point 1 du règlement n° 44-2001 du 22 décembre 2000, applicable en l'espèce doit être interprété en ce sens qu'un défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant devant la juridiction saisie d'une demande dirigée à l'encontre d'un codéfendeur domicilié dans un Etat contractant dans la mesure où les procédures sont connexes.

En l'espèce, les faits de concurrence déloyale reprochés à la société Ghimas SpA sont intimement liés à la rupture des relations contractuelles par la société Benax Srl. Les juridictions françaises étant compétentes par l'effet du contrat signé par la société Benax Srl, elles le sont également pour apprécier les éventuels faits de concurrence déloyale pouvant engager la responsabilité délictuelle de la société Ghimas SpA, ces faits étant connexes aux obligations contractuelles à la charge de la société Benax Srl.

Il convient de préciser que le règlement du 11 juillet 2007, dit Rome II n'est applicable qu'aux actes de concurrence déloyale commis depuis le 11 janvier 2009.

Il y a lieu en conséquence de rejeter les exceptions d'incompétence présentées tant par la société Benax Srl que par la société Ghimas SpA.

Sur les sommes restant dues par la société Benax Srl

Dans ses écritures en page 18, la société Benax Srl reconnaît que les sommes restant dues s'élèveraient à 212 464,41 euro si l'on ne tient compte du dommage qu'elle invoque. Or, en page 33 et 34, la société Benax Srl revient sur ces sommes en indiquant ne pas avoir reconnu les devoir et en demandant à la cour de déterminer les sommes dues par la SA Sudimplant après avoir mentionné divers montants que la précision tenant à l'indication des décimales ne suffit pas pour autant à justifier.

La SA Sudimplant ne justifiant pas d'un montant supérieur à celui indiqué comme restant dû par la société Benax Srl, la condamnation prononcée de ce chef par le tribunal de commerce sera confirmée, sans qu'il soit possible de procéder à une compensation dans la mesure où la société Benax Srl demande à la cour de déterminer les sommes qui seraient dues par la SA Sudimplant sans chiffrer le montant précis de sa prétention.

Sur la rupture des relations contractuelles

Selon l'article 5 du contrat ayant lié la société Benax Srl et la société Ghimas SpA, il pouvait être résilié de plein droit avant le terme de l'une quelconque des périodes de trois années par l'une quelconque des parties au cas de manquement grave de l'autre partie à ses obligations contractuelles.

Pour que cette résiliation soit régulière, le contractant doit adresser une mise en demeure préalable. De plus, il doit justifier d'un manquement grave.

Il est à relever que les échanges de courrier entre la société Benax Srl et la SA Sudimplant, versés aux débats, ont été nombreux dans une brève période de temps, précédant la rupture des relations. Si la société Benax Srl a exprimé le 16 mars 2005 le souhait de ne pas perdre un marché important construit après des années de fatigue et de labeur, elle a ensuite adressé les 22 et 24 mars 2005 ainsi que les 1er, 5 et 19 avril 2005 divers courriers, auxquels la SA Sudimplant a répondu et qui ont conduit les parties à engager des négociations.

Alors qu'un protocole d'accord était en discussion, la société Benax Srl a adressé à la SA Sudimplant une télécopie le 27 avril 2005 contenant une lettre datée de la veille rédigée en ces termes : par la présente, faisant suite aux diverses contestations et sommations restées sans résultat, étant donné l'illégalité du produit et les vices et défauts graves et irréparables rencontrés, ainsi que la contestation de la non-activation du dispositif de production, l'accord entre les parties est résilié par le fait et la faute exclusive de la SA Sudimplant.

Il convient de constater qu'antérieurement à l'année 2005, aucune réclamation circonstanciée n'a été adressée par la société Benax Srl à la SA Sudimplant alors que leurs relations remontaient à l'année 1996, si ce n'est en 2004 au sujet d'un produit concurrent. Un tel changement dans les relations entre les parties ne peut s'expliquer que par la prise de contrôle de 100 % du capital de la société Benax Srl par la société Ghimas SpA à la fin de l'année 2004.

Selon l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Indépendamment du défaut de mise en demeure préalable, la société Benax Srl ne rapporte pas la preuve d'un manquement grave imputable à la SA Sudimplant. En effet, les quelques déclarations d'accident produites ne permettent pas de retenir indiscutablement la responsabilité du produit fabriqué par la SA Sudimplant, le non-respect du protocole d'implantation pouvant tout autant être la cause des désordres. Une liste, versée aux débats par l'intimée, des demandes d'échange de matériel mentionne d'ailleurs soit que la cause est inconnue soit que le désordre ressort de la responsabilité du praticien.

De même les critiques sur la baisse de qualité des produits fabriqués par la SA Sudimplant qui ne sont formulées qu'à compter du rachat par la société Ghimas SpA ne sont nullement établies contradictoirement.

Enfin, concernant l'absence de notices en langue italienne, il appartenait à la société Benax Srl, en sa qualité d'importateur de connaître la réglementation en vigueur dans son pays et d'exiger en tant que de besoin du fabriquant l'adaptation des produits importés, en l'espèce celle imposée par un décret datant de 1997, période où les relations ont débuté avec la SA Sudimplant. La société Benax Srl ne peut invoquer sa propre turpitude pendant de nombreuses années pour tenter de caractériser un manquement imputable à la SA Sudimplant pouvant justifier la rupture des relations.

Par ailleurs, les conditions contractuelles acceptées par la société Benax Srl et ayant fait l'objet de deux renouvellements ne donnent pas un caractère léonin au contrat sauf à remettre en cause le fondement même d'un contrat de concession. Si comme elle tente de le soutenir, l'augmentation des prix d'acquisition lui apparaissait injustifiée, il lui appartenait de ne pas renouveler le contrat.

Sur la concurrence déloyale

L'action en concurrence déloyale est fondée sur la responsabilité civile délictuelle. La faute peut consister en un dénigrement en jetant le discrédit par la diffusion d'informations malveillantes sur les produits d'un concurrent. La victime du dénigrement doit nécessairement être identifiée ou identifiable par sa clientèle.

La SA Sudimplant produit la photocopie de la page 5 du catalogue des produits vendus par la société Ghimas SpA sur laquelle apparaissent deux implants.

Selon l'avis d'un chirurgien dentiste français, ces deux implants présentent des similitudes, à savoir un col lisse, une partie spiralée strictement analogue et une base cruciforme. De plus, les trois diamètres sont identiques entre les deux produits et les pièces prothétiques italiennes s'adaptent parfaitement aux pièces françaises grâce à une connexion octogonale interne.

Il est à noter que l'implant de référence est un implant fabriqué par la SA Sudimplant et qu'il présente des détériorations.

Bien que le nom de la SA Sudimplant n'apparaisse pas dans la légende, les professionnels auxquels le catalogue est destiné reconnaissent nécessairement la marque de ce produit compte tenu de sa spécificité.

La société Ghimas SpA verse aux débats une note établie par un scientifique italien faisant état de différences entre les implants vendus par la société Ghimas SpA et ceux fabriqués par la SA Sudimplant. Cependant l'examen des photocopies des pages de catalogue annexées à ce document montre que l'avis émis ne porte pas sur les deux implants comparés en France. Il n'y a donc pas lieu d'en tenir compte.

Ainsi la présentation comparative des deux implants caractérise un acte de dénigrement imputable à la société Ghimas SpA, constitutif d'un acte de concurrence déloyale.

Il est à relever que de façon contradictoire l'appelante soutient dans ses écritures avoir accompli une publicité comparative prévue par la loi italienne, en page 26, et à la page suivante que ses produits sont totalement différents des produits fabriqués par l'intimée. Les différences ainsi alléguées excluent donc toute possibilité de comparaison.

Il n'y a pas lieu pour autant, compte tenu de l'ancienneté des faits, d'ordonner la publication en Italie dans un ou plusieurs journaux du ressort des deux sociétés de leur condamnation à leurs frais et d'en justifier, comme le demande la SA Sudimplant.

Sur le préjudice

Selon l'article L. 442-6 du Code de commerce engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout commerçant de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce.

Le contrat a été renouvelé en dernier lieu à compter du 2 janvier 2003 pour une période de trois ans. La rupture des relations étant intervenue en mai 2005, la durée normale du contrat n'aurait été que de sept mois supplémentaires. Seule cette durée peut être prise en compte pour l'évaluation du préjudice subi par la SA Sudimplant. Les frais de création d'un filiale et les frais annexes ne peuvent être retenus, ces dépenses auraient dû être engagées par la SA Sudimplant dans le cas du non-renouvellement du contrat à compter de janvier 2006.

La SA Sudimplant, qui reprend en appel sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 millions d'euro, en visant à la fois la responsabilité contractuelle de la société Benax Srl et la responsabilité délictuelle de la société Ghimas SpA, n'apporte aucun élément nouveau devant la juridiction du second degré par rapport à ceux pris en compte de façon détaillée et pertinente par la juridiction consulaire qui a fixé à 100 000 euro le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, en prenant en compte la contribution pour collaboration scientifique non réglée par la SA Sudimplant.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris.

Enfin, la société Benax Srl et la société Ghimas SpA qui succombent seront condamnées aux dépens d'appel.

Par ces motifs, Ordonne la jonction de la procédure n° 09-815 à la procédure 08-5261, Déclare recevable l'appel interjeté par la société Benax Srl, Confirme le jugement du 9 janvier 2008, Y ajoutant, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Benax Srl et la société Ghimas SpA de leurs demandes de ce chef, Condamne la société Ghimas SpA à payer à la SA Sudimplant la somme de 3 000 euro de ce chef, Condamne in solidum la société Ghimas SpA et la société Benax Srl aux dépens d'appel, Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.