CA Montpellier, 1re ch. B, 18 janvier 2011, n° 10-01974
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Martinez
Défendeur :
Groupe Esarc Cefire Montpellier (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Desaint Denis
Conseillers :
Mme Bresdin, M. Andrieux
Avoués :
SCP Salvignol-Guilhem, SCP Argellies-Watremet
Avocat :
SCP Bertrand
Faits et procédure
Par assignation en date du 4 juin 2008, M. Gérard Martinez invoquant des prestations de formation pendant une dizaine d'années et une rupture brutale verbalement en octobre 2007 par la société Groupe Esarc Cefire, a fait citer cette société aux fins de la voir condamner à lui payer une indemnité de rupture de 18 000 euro, une indemnité de 5 000 euro pour défaut de préavis, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, outre 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par le jugement entrepris en date du 27 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Montpellier a déclaré irrecevables les prétentions émises contre la SAS Esarc Cefire et a condamné M. Martinez à payer une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration au greffe en date du 11 septembre 2010, M. Martinez a interjeté appel à l'encontre de cette décision. L'appelant demande à la cour, dans ses dernières conclusions en date du 5 mai 2010 de : faire droit à sa demande ; à titre subsidiaire dire que le changement de cocontractant est inopposable à M. Martinez ; en toutes hypothèses, condamner le groupe Esarc Cefire SAS à lui payer la somme de 18 000 euro à titre de dommages-intérêts, 5 000 euro pour absence de préavis, avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il invoque l'inopposabilité du changement de cocontractant dont il n'a pas été informé. Il souligne qu'il a continué à être payé par le groupe postérieurement à la réalisation du prétendu apport à l'EURL, il produit pour en justifier ses extraits de compte d'avril 2007 à juillet 2007.
Il déclare produire les justificatifs de son activité, l'absence de préavis en août et le bien-fondé de ses demandes d'indemnisation.
La SAS groupe Esarc-Cefire Montpellier, intimée sur l'appel interjeté par M. Martinez, conclut le 2 décembre 2010 en demandant à la cour de : confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué, juger irrecevables les demandes faites à son encontre, en tout état de cause, débouter le demandeur de ses demandes ; à titre subsidiaire, juger inapplicable à une relation non commerciale les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de débouter M. Martinez de l'ensemble de ses demandes ; encore plus subsidiairement, constater le respect d'un préavis suffisant au regard des relations liant les parties, débouter M. Martinez de l'ensemble de ses demandes ; à titre infiniment subsidiaire, constater l'absence de démonstration de tout préjudice, débouter M. Martinez de l'ensemble de ses demandes ; encore plus subsidiairement, ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités au titre du préjudice prétendument subi ; en tout état de cause, le condamner à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée reprend les moyens d'irrecevabilité, l'existence d'un préavis en août, et conteste les sommes sollicitées pour s'en tenir au préjudice réellement subi à ramener à de plus justes proportions au vu de l'activité effective de M. Martinez pendant les 4 dernières années.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité des demandes de M. Martinez
Par l'assignation introductive du 4 juin 2008, M. Martinez a fait citer la société SAS groupe Esarc-Cefire aux fins de paiement d'indemnités de la rupture sans préavis du contrat les liant.
Cette société a été intimée sur l'appel interjeté par M. Martinez à l'encontre du jugement de rejet de ses demandes et a conclu à la confirmation du jugement de rejet en invoquant l'acte d'apport partiel d'actif en date du 18 mai 2007 avec un effet rétroactif au 1er avril 2007 et en sollicitant le rejet des demandes contre la SAS groupe Esarc Cefire comme irrecevables par confirmation du jugement déféré.
Toutefois, la SAS groupe Esarc Cefire qui ne produit pas le traité d'apport partiel, n'est pas fondée en son moyen d'irrecevabilité des demandes de M. Martinez qui communique de nombreuses pièces sur les relations entretenues par lui avec l'organisme de formation groupe Esarc-Cefire qui a connu plusieurs modifications sociales n'ayant pas eu d'effet sur les relations contractuelles entre les parties. Il communique plus particulièrement ses relevés bancaires où apparaît à deux reprises, après l'apport partiel à l'EURL Esarc-Cefire, le paiement des prestations qu'il a fournies pour l'organisme de formation, avec la mention expresse que le paiement est effectué par la SA groupe Esarc-Cefire avec lequel il a poursuivi ses relations contractuelles.
En conséquence, M. Gérard Martinez qui n'a pas été informé par la SA groupe Esarc-Cefire, son co-contractant, d'une modification des relations commerciales établies les liant par changement d'une des parties au contrat, modification n'ayant pas eu d'effet quant au paiement de ses prestations, est recevable en ses demandes à l'encontre de la SAS groupe Esarc-Cefire.
Sur le fond
Toute relation commerciale établie, qu'elle porte sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation de service moyennant paiement d'honoraires, même par essence civile, entre dans le champ d'application de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce disposant que : Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé "le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers 5° de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels".
En l'espèce, il est constant au vu des pièces communiquées aux débats, et de l'absence de discussion des parties sur ce point, que M. Martinez a fourni à compter de l'année 2003 des prestations de formation pour le groupe Esarc-Cefire.
Il communique le récapitulatif des factures payées par la SA groupe Esarc-Cefire établissant un montant annuel moyen par année universitaire sur 6 ans, de 14 000 euro TTC représentant en dernier lieu 45 % de son revenu professionnel déclaré à l'administration fiscale.
M. Martinez produit son message électronique de réaction à l'information, non écrite, de ce que ses prestations prenaient fin, brusquement, dès le mois d'octobre 2007, c'est-à-dire après que l'année universitaire ait débuté ce qui rendait difficile le remplacement de cet organisme de formation représentant près de 50 % de ses prestations totales annuelles. Il n'est pas démontré en effet par les pièces au dossier qu'un préavis lui aurait été donné dès l'été 2007 comme l'a prétendu l'intimée, alors qu'il a continué à facturer et à percevoir ses prestations ensuite. En revanche, il n'est pas contesté par groupe Esarc-Cefire que les relations commerciales ont pris fin en octobre 2007, ce qui est confirmé par l'arrêt de la facturation et du paiement d'honoraires correspondants.
Il apparaît ainsi au vu des éléments d'appréciation soumis à la cour que la rupture des relations commerciales établies entre M. Martinez et la SA groupe Esarc-Cefire est intervenue de façon brutale en lui causant un préjudice certain.
En conséquence, il y a lieu de dire bien fondé M. Martinez en son action en responsabilité à l'encontre de la SAS groupe Esarc-Cefire et au vu de l'ensemble des documents comptables qui sont produits aux débats, de constater qu'à cause de la rupture brutale après que l'année universitaire ait déjà débuté, il n'a pas été mis en mesure de trouver d'autres cocontractants, ce qui lui a fait perdre un revenu de l'ordre de 8 000 euro pendant l'année 2007/2008.
En outre, les conditions mêmes de la rupture, abrupte et vexatoire, alors qu'il exécutait ses prestations de service depuis plusieurs années sans remise en cause de leur qualité, justifie qu'il lui soit alloué une somme de 2 000 euro à titre des conditions abusives de la rupture.
C'est ainsi un montant global de (8 000 + 2 000 =) 10 000 euro qui est alloué à M. Martinez en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies qu'il entretenait avec SAS groupe Esarc-Cefire, avec rejet du surplus des demandes comme n'apparaissant pas fondé.
L'équité commande de lui allouer la somme de 1.500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel, Le dit bien fondé, Infirme le jugement entrepris, Déclare M. Gérard Martinez recevable en sa demande à l'encontre de la SAS groupe Esarc-Cefire, Condamne la SAS groupe Esarc-Cefire à payer à M. Gérard Martinez la somme globale de 10 000 euro en réparation de son préjudice consécutif à la brusque rupture de leurs relations commerciales établies, Condamne la SAS groupe Esarc-Cefire à payer à M. Gérard Martinez la somme de 1 500 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes des parties, Condamne la SAS groupe Esarc-Cefire aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.