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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 11 janvier 2011, n° 08-03425

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Thoron (EURL), Thoron, Leveille-Thoron

Défendeur :

SPBI (Sté), Chantiers Bénéteau (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapron

Conseillers :

MM. du Rostu, Ralincourt

Avoués :

SCP Paille-Thibault-Clerc, SCP Musereau-Mazaudon-Provost-Cuif

Avocats :

Me Reye, SCP Leloup-Misserey

T. com. La Rochelle, du 19 sept. 2008

19 septembre 2008

Vu le jugement du Tribunal de commerce de la Rochelle en date du 19/09/2008 qui a :

- rejeté la totalité des demandes de l'EURL Etablissements Thoron, de Jean-Pierre Thoron et de Jocelyne Thoron,

- admis la SA Chantiers Bénéteau au passif du redressement judiciaire de l'EURL Etablissements Thoron pour la somme de 160 347,81 euro,

- condamné l'EURL Etablissements Thoron, Jean-Pierre Thoron et Jocelyne Thoron solidairement à payer à la SA Chantiers Bénéteau une indemnité de 4 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné l'EURL Etablissements Thoron, Jean-Pierre Thoron et Jocelyne Thoron solidairement aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 09/10/2008 par l'EURL Etablissements Thoron, Jean-Pierre Thoron et Jocelyne Thoron,

Vu les dernières conclusions du 23/04/2010 de l'EURL Etablissements Thoron, Jean-Pierre Thoron et Jocelyne Thoron, demandant à la cour de :

- condamner la société SPBI, venant aux droits de la SA Chantiers Bénéteau, à payer :

* à l'EURL Etablissements Thoron les sommes de :

- 2 357 997,32 euro tous chefs de préjudice confondus,

- 15 000 euro par application de l'article 700 du Code de procedure civile,

* à Jean-Pierre & Jocelyne Thoron les sommes de :

- 357 972 euro en réparation de leur préjudice financier,

- 7 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* à Jean-Pierre Thoron la somme de 50 000 euro au titre de son préjudice moral,

* à Jocelyne Thoron la somme de 50 000 euro au titre de son préjudice moral,

- ordonner la publication du jugement (sic) à intervenir aux frais de la société SPBI venant aux droits de la SA Chantiers Bénéteau, dans la limite de 3 000 euro hors taxe par publication dans les revues Motor Boat, Annonces Marines, Annonces du bateau, Neptune, Voile Magazine, Voiles et voiliers, et dans les quotidiens le Courrier de l'Ouest et Sud-Ouest ;

Vu les dernières conclusions du 30/04/2010 de la SAS SPBI, aux droits de la SA Chantiers Bénéteau, demandant à la cour de :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- rejeter toutes demandes de l'EURL Etablissements Thoron et des époux Thoron,

- condamner l'EURL Etablissements Thoron et les époux Thoron solidairement au paiement d'une indemnité de 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 02/11/2010 ;

Par acte sous seing privé du 17/02/2004, la société Marina Europe a cédé à la société Thoron un fonds de commerce de négoce de bateaux et matériel nautique exploité à la Rochelle au prix de 20 580 euro, ledit fonds comprenant un contrat de concession conclu le 17/03/1997 avec la société Bénéteau.

L'entrée en jouissance du cessionnaire a été fixée au jour de l'acte (17/02/2004).

Par avenant audit contrat de concession en date du 3/05/2004 modifiant son article XIV § 1, la SA Chantiers Bénéteau a agréé l'EURL Etablissements Thoron en qualité de nouveau concessionnaire au lieu et place de la société Marina Europe.

Par document signé le 28/10/2004, la SA Chantiers Bénéteau et l'EURL Etablissements Thoron sont convenues de l'objectif suivant (volume hors taxe d'achats du concessionnaire auprès du concédant) pour l'exercice 2004/2005 : 2 329 832 euro (vente de 22 bateaux).

Par lettre recommandée du 16/09/2005, la SA Chantiers Bénéteau a notifié à l'EURL Etablissements Thoron la résiliation du contrat de concession, avec préavis de 4 mois conformément à l'article XIII § 1 dudit contrat.

Par lettre du 18/10/2005, la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Charente Maritime - Deux Sèvres (le Crédit Agricole), banque de l'EURL Etablissements Thoron, a notifié à cette dernière la dénonciation de ses concours avec effet immédiat.

Par lettre recommandée du 27/10/2005, la SA Chantiers Bénéteau a notifié à l'EURL Etablissements Thoron la résiliation de plein droit du contrat de concession pour manquement du concessionnaire à ses obligations contractuelles (rejet par le Crédit Agricole, le 06/10/2005, de deux chèques émis par l'EURL Etablissements Thoron à l'ordre de la SA Chantiers Bénéteau, d'un montant cumulé de 166 992,98 euro), en application de l'article XVI dudit contrat, avec préavis de 30 jours.

L'EURL Etablissements Thoron n'a pas payé cette somme pendant le préavis.

Par jugement du 06/06/2006, le Tribunal de commerce de la Rochelle a ouvert le redressement judiciaire de l'EURL Etablissements Thoron.

Par jugement du 29/01/2008, le même tribunal a arrêté son plan de redressement.

Par assignation du 21/04/2006, l'EURL Etablissements Thoron et les époux Thoron ont agi à l'encontre de la SA Chantiers Bénéteau en dommages et intérêts.

1 - Sur les griefs de pratiques contractuelles fautives imputées à la SA Chantiers Bénéteau.

1.1 - Sur le grief tiré de l'abus de dépendance économique.

L'EURL Etablissements Thoron fait valoir :

- que la SA Chantiers Bénéteau aurait imposé à sa nouvelle concessionnaire des objectifs démesurés, de nature à la priver du bénéfice des remises de fin d'année, conditionnées par l'atteinte de ces objectifs ;

- que l'objectif imposé à l'EURL Etablissements Thoron pour l'exercice 2004/2005 aurait été en augmentation de 24,43 % (conclusions page 15) ou de 52 % (conclusions page 26) par rapport à celui imposé à son prédécesseur Marina Europe pour l'exercice précédent 2003/2004 ;

- que l'incidence de cet objectif sur les remises de fin d'année se serait manifestée au détriment de l'EURL Etablissements Thoron, puisque le ratio volume d'achat/remises de fin d'année aurait avoisiné 7 % pour les trois derniers exercices de la société Marina Europe, alors que, concernant l'appelante, il n'aurait atteint que 2,10 % pour l'exercice 2004/2005 ;

- que l'imposition de ces objectifs démesurés relèverait de l'article L. 442-6 § 1° b du Code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur, qui sanctionne le fait d'abuser de la relation de dépendance dans laquelle un agent économique tient un partenaire, ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ;

- que l'état de dépendance de l'EURL Etablissements Thoron envers la SA Chantiers Bénéteau serait avéré dès lors que, d'une part, cette dernière détiendrait 30 % des parts de marché au plan mondial, et plus de 80 % du marché national et que, d'autre part, la SA Chantiers Bénéteau aurait représenté la quasi-intégralité du chiffre d'affaires de vente de l'EURL Etablissements Thoron ;

- que la SA Chantiers Bénéteau ne saurait prétendre s'exonérer de sa responsabilité en invoquant le prévisionnel d'activité élaboré par l'expert-comptable de l'EURL Etablissements Thoron, alors que la SA Chantiers Bénéteau aurait été impliquée dans l'élaboration de ce document ;

- qu'enfin, l'EURL Etablissements Thoron aurait, dès le 29/10/2004, contesté expressément et par écrit les objectifs imposés par la SA Chantiers Bénéteau pour l'exercice 2004/2005.

En application de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à l'EURL Etablissements Thoron de prouver l'abus de dépendance économique qu'elle impute à la SA Chantiers Bénéteau.

Aucun grief ne peut être articulé par l'EURL Etablissements Thoron à l'encontre de la SA Chantiers Bénéteau concernant la fixation des objectifs de l'exercice 2003/2004 qui ont été convenus, fin 2003, avec son prédécesseur Marina Europe.

Il résulte des pièces produites par l'EURL Etablissements Thoron :

- que son expert-comptable a établi un premier prévisionnel transmis à la SA Chantiers Bénéteau par courrier électronique du 19/09/2003 incluant, pour le poste "achats Bénéteau", un volume de 3 600 000 euro pour 2004 et de 3 780 000 euro pour 2005 (pièce n° 73) ;

- que le même expert-comptable a établi le 04/10/2003 un second prévisionnel incluant, pour le même poste, les volumes de 1 905 475 euro pour 2004 et 2 381 844 euro pour 2005 (pièce n° 72) ;

- que les parties sont convenues, le 28/10/2004, de la fixation d'un objectif, pour le même poste, de 2 329 832 euro pour l'exercice 2004/2005 (achat de 22 bateaux par le concessionnaire au concédant) (pièce n° 39 de l'appelante), cet objectif étant inférieur au second prévisionnel de l'expert-comptable de l'EURL Etablissements Thoron, puisque s'élevant à 98 % de ce dernier.

L'EURL Etablissements Thoron n'a produit aucun courrier échangé, avant le 29/10/2004, entre elle ou son expert-comptable et la SA Chantiers Bénéteau, relatif à la détermination des objectifs de l'exercice 2004/2005, et ne prouve donc aucunement son allégation selon laquelle la SA Chantiers Bénéteau se serait "impliquée" dans l'élaboration du second prévisionnel du 04/10/2003.

Il résulte des éléments qui précèdent que l'EURL Etablissements Thoron ne prouve, ni que les objectifs signés conjointement pour l'exercice 2004/2005 lui auraient "imposés" par la SA Chantiers Bénéteau, ni que ces derniers auraient été démesurés ou irréalistes, puisqu'ils étaient légèrement inférieurs au second prévisionnel établi par l'expert-comptable de l'EURL Etablissements Thoron.

Le grief tiré de l'abus de dépendance économique imputé par cette dernière à la SA Chantiers Bénéteau doit être écarté comme injustifié en fait, en confirmation du jugement entrepris.

1.2 - Sur le grief tiré de la violation de l'exclusivité territoriale imputée à la SA Chantiers Bénéteau.

L'EURL Etablissements Thoron fait valoir :

- que le territoire contractuel concédé exclusivement aurait inclus l'île de Ré, et que l'avenant du 03/05/2004 ne l'aurait pas restreint puisqu'il aurait seulement concerné le changement de concessionnaire ;

- que le concédant Bénéteau aurait violé l'obligation d'exclusivité territoriale en accordant une "pseudo-concession" à la société Océan Nautique ayant son siège à Saint-Martin-de-Ré ;

- que le site Internet de Bénéteau, consulté le 31/05/2006, ferait mention de sa nouvelle concession implantée à la Rochelle par Océan Nautique, après un partenariat de 10 ans ;

- que l'annuaire téléphonique de 2005, mentionnerait également Océan Nautique comme concessionnaire Bénéteau à Saint-Martin-de-Ré ;

- que la société Océan Nautique aurait participé, avec son propre stand, au salon nautique du "Grand Pavois" à la Rochelle en 2005 sous l'enseigne "Bénéteau" ;

- que la SA Chantiers Bénéteau invoquerait vainement un contrat de concession prétendument conclu le 15/03/2001 entre elle et la société Océan Nautique, faisant prétendument suite à une lettre adressée le 25/11/2000 par "Marina" à la société Bénéteau, faisant part de son souhait d'abandonner le territoire de l'île de Ré au profit de la société Océan Nautique, dès lors que l'avenant au contrat de concession de 1997 conclu le 30/04/2004 entre la SA Chantiers Bénéteau et l'EURL Etablissements Thoron ne mentionne aucunement la réduction du territoire contractuel qui serait consécutive au contrat de concession prétendument conclu avec la société Océan Nautique ;

- qu'en réalité, cette dernière n'aurait été que l'agent commercial de la société Marina Europe, unique concessionnaire Bénéteau, de sorte que le chiffre d'affaires réalisé par la société Océan Nautique aurait été intégré dans celui de Marina Europe pour le calcul des remises de fin d'année ;

- que le contrat de concession liant la SA Chantiers Bénéteau et la société Océan Nautique aurait en réalité été conclu postérieurement à l'avenant conclu avec l'EURL Etablissements Thoron le 03/05/2004, et non pas en 2001 ;

- qu'en application de l'obligation d'information précontractuelle imposée par l'article L. 330 (sic) du Code de commerce, la SA Chantiers Bénéteau aurait été tenue d'informer l'EURL Etablissements Thoron de l'existence de "pseudo concession" accordée à la société Océan Nautique sur une partie du territoire exclusif défini par le contrat de concession de 1997.

1.2.1 - Le contrat de concession initialement conclu le 17/03/1997 entre la SA Bénéteau et "Marina" stipulait, en page 4 § 5, la zone territoriale suivante : "le département de la Charente-Maritime : à partir de la frontière du département de la Vendée jusqu'à la ville de Rochefort".

En réplique au moyen articulé par l'EURL Etablissements Thoron, la SAS SPBI a produit :

- la correspondance suivante que lui a adressée son concessionnaire Marina le 25/11/2000 :

"Par la présente nous vous informons, dans le cadre de la signature prochaine de l'avenant du contrat de concession avec nous-mêmes pour la société Marina à la Rochelle, de notre désir d'apporter la modification suivante :

"Abandon du territoire de l'île de Ré au profit de Monsieur Gilles Mourat, société Océan Nautique basée à Saint-Martin-de-Ré.

"Cet abandon doit permettre à cette société, actuellement agent Marina, de se développer à titre individuel et de poursuivre la croissance des ventes de bateaux Bénéteau en harmonie avec le secteur et notre société" ;

- un contrat de concession daté du 15/03/2001 conclu entre la SA Chantiers Bénéteau et "Océan Nautique représentée par Monsieur Gilles Mourat", stipulant, en page 4 § 5, la zone territoriale suivante : "l'île de Ré dans le département de la Charente-Maritime", et disposant en son article XIV § 1 : "le présent contrat est conclu intuitu personnae en considération de la personnalité de Monsieur Gilles Mourat".

L'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés de la société Océan Nautique, produit par l'EURL Etablissements Thoron (pièce n° 51) révèle que ladite société, transformée de SARL en SAS en 2002, avait pour gérant Gilles Mourat en 2001, lequel a quitté la direction de la société le 30/08/2002.

Cet élément concordant avec la désignation de Gilles Mourat dans les lettres et contrats de concession précités, associé au principe général de présomption de bonne foi, conduit à retenir la sincérité de la date des deux pièces précitées invoquées par la SAS SPBI.

Il est dès lors établi qu'à compter du 15/03/2001, la société Océan Nautique, précédemment agent de la société Marina, elle-même concessionnaire de Bénéteau pour la partie Nord de la Charente Maritime y compris l'île de Ré, est devenue, avec l'accord exprès de la société Marina, concessionnaire de Bénéteau exclusivement pour l'île de Ré.

1.2.2 - La SAS SPBI ne disconvient pas qu'aucun avenant au contrat de concession du 17/03/1997 n'a été formalisé avec la société Marina pour exclure l'île de Ré la zone territoriale contractuelle.

Cette absence de formalisation a été sans conséquence juridique dans les rapports entre les sociétés Bénéteau et Marina Europe, compte tenu de leur commune intention, clairement exprimée dans la correspondance précitée du 25/11/2000 et dans le contrat de concession du 15/03/2001.

L'information de l'EURL Etablissements Thoron, concessionnaire succédant à la société Marina Europe, de cette réduction de la zone territoriale concédée par rapport à celle initialement convenue en 1997, a incombé juridiquement à la société Marina Europe en sa qualité de vendeur du fonds de commerce incluant le contrat de concession, dès lors que cette dernière ne pouvait céder plus de droits qu'elle n'en détenait elle-même, et qu'en vertu de l'article 1602 alinéa 1er du Code civil, le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, et donc, en l'occurrence, d'informer précisément son cessionnaire de l'étendue des droits cédés.

Aucun défaut d'information ne peut être imputé, à ce titre, à la SA Chantiers Bénéteau qui avait cessé, depuis mars 2001, de concéder le secteur de l'île de Ré à son concessionnaire de la Rochelle et qui, par l'avenant du 03/05/2004, s'est borné à formaliser le changement de ce concessionnaire, ledit avenant stipulant en outre que "toutes les autres dispositions contractuelles demeurent inchangées et gardent toute leur force et leurs effets".

Par ailleurs, l'EURL Etablissements Thoron oppose à tort à la SA Chantiers Bénéteau un manquement à l'obligation d'information précontractuelle sur le réseau du concédant, édictée par l'article L. 330-3 du Code de commerce, dès lors que cette obligation s'impose au concédant avant la conclusion du contrat de concession, et non lors d'une cession d'un contrat en cours entre concédants prédécesseur et successeur.

Ainsi, l'article R. 330-1 § 6° du même Code, portant application de l'article L. 330-3, impose l'indication de la durée du "contrat proposé", des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession.

Le grief tiré de la violation de l'exclusivité territoriale imputée par l'EURL Etablissements Thoron à la SA Chantiers Bénéteau doit être écarté, en confirmation du jugement entrepris.

2 - Sur les griefs tirés du caractère fautif de la rupture du contrat de concession, imputé à la SA Chantiers Bénéteau.

2.1 - Sur le grief tiré de la durée du préavis.

L'EURL Etablissements Thoron fait valoir :

- qu'en droit, au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, le délai de préavis de rupture de relations commerciales suivies devrait, nonobstant la durée de préavis contractuellement stipulée, tenir compte de la durée des relations commerciales entre les parties et des autres circonstances de l'espèce et permettre à celui qui subit la résiliation de se réorganiser ;

- qu'en fait, la durée de la convention aurait été de 8 ans, depuis la conclusion du contrat de concession en date du 17/03/1997, et aurait justifié un délai de préavis d'environ 2 ans ;

- que le délai contractuel de résiliation de 4 mois aurait été manifestement insuffisant pour permettre au concessionnaire de se réorganiser et de trouver une autre concession ;

- que la résiliation "infligée" par la SA Chantiers Bénéteau à l'EURL Etablissements Thoron serait la cause exclusive de la dénonciation, par le Crédit Agricole, de ses concours financiers, et, par voie de conséquence, du dépôt de bilan de l'entreprise ;

- que la SA Chantiers Bénéteau aurait ensuite motivé la résiliation de plein droit du contrat de concession par le rejet de deux chèques émis par l'EURL Etablissements Thoron qui n'aurait pas eu les moyens et n'aurait plus eu le souhait de les couvrir.

La durée contractuelle du préavis (4 mois) assortissant la première résiliation du contrat de concession notifiée le 16/09/2005 par la SA Chantiers Bénéteau à l'EURL Etablissements Thoron a été rendue sans incidence sur la situation de cette dernière, par l'effet de la seconde résiliation de plein droit notifiée par la SA Chantiers Bénéteau le 27/10/2005, laquelle a nécessairement mis fin au délai de préavis alors en cours, quelle qu'en fût la durée légalement admissible.

Le Crédit Agricole a adressé le 18/10/2005 à l'EURL Etablissements Thoron la correspondance suivante :

"Nous faisons suite à nos récents entretiens pour vous informer que, conformément à nos conditions générales de prêt et aux modalités de déchéance du terme, il nous apparaît qu'à la suite de la dénonciation par le Groupe Bénéteau de votre contrat de concession, votre société a cessé de remplir les conditions qui ont permis l'obtention de concours court et moyen termes auprès de notre établissement.

"Le dépassement de votre autorisation de débit, malgré notre lettre d'injonction du 26 septembre dernier, nous a, en outre, conduit à refuser le règlement de deux chèques le 6 Octobre, qui a entraîné pour votre société une interdiction d'émettre des chèques. A ce jour, vous avez constitué la provision bloquée destinée à régulariser cette interdiction.

"L'ensemble de ces éléments est de nature à compromettre la pérennité des activités de votre société et nous conduit à dénoncer nos concours avec effet immédiat, ainsi qu'à vous mettre en demeure de rembourser les sommes dues (...)".

La SA Chantiers Bénéteau a notifié à l'EURL Etablissements Thoron la résiliation de plein droit du contrat de concession selon correspondance du 27/10/2005, dans les termes suivants :

"Par contrat en date du 17 mars 1997, et son avenant du 30 avril 2004, conclu entre nos deux sociétés et relatif à la distribution des produits de marque Bénéteau, vous vous êtes engagé, en vertu de l'article VI dudit contrat, à payer les produits que vous entendez nous acheter.

"Or, les deux chèques dont le montant total s'élève à 166 992,98 euro, que vous nous avez remis en paiement du solde de nos factures n° (...) nous sont revenus impayés.

"Le non-respect par vous du contrat de distribution précité est dès lors caractérisé et justifie que nous fassions application de l'article XVI dudit contrat ("résiliation de plein droit").

"Partant, la présente lettre vaut notification du préavis de trente jours exigé à l'article XVI du contrat précité (...).

"Ce préavis commencera à courir à la date de la réception par vous de la présente (...)".

Il résulte de ces deux correspondances :

- que la seconde résiliation (de plein droit) du contrat de concession a été motivée par le rejet, en date du 06/10/2005, de deux chèques émis par l'EURL Etablissements Thoron à l'ordre de la SA Chantiers Bénéteau ;

- que ce rejet a lui-même été motivé par les difficultés financières de l'EURL Etablissements Thoron qui avait dépassé son autorisation bancaire de débit, et non par la dénonciation des concours du Crédit Agricole qui n'est intervenue que postérieurement, le 18/10/2005.

En conséquence, le grief tiré par l'EURL Etablissements Thoron d'un délai de préavis insuffisant ayant assorti la première résiliation du contrat de concession est inopérant dès lors qu'il dépourvu de lien de causalité directe avec les conséquences de la rupture du contrat de concession ayant pris effet le 30 novembre 2005 (délai contractuel de préavis de 30 jours à compter de la notification de la résiliation de plein droit).

Il est établi qu'à cette date l'EURL Etablissements Thoron n'avait pas régularisé la cause de la résiliation de plein droit et n'avait pas réglé le montant des deux chèques précédemment rejetés, puisque, par lettre postérieure du 19/12/2005, la SA Chantiers Bénéteau l'a mise en demeure de régler la somme concernée de 166 992,98 euro.

Par ailleurs, ainsi que le fait exactement valoir la SAS SPBI (conclusions page 20), ledit délai contractuel de préavis de 30 jours applicable à la résiliation de plein droit pour inexécution contractuelle du concessionnaire, n'est pas soumis à la prohibition de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, édictée par le § 5° de l'article L. 442-6 § I du Code de commerce, dès lors que ce texte stipule que cette prohibition "ne (fait) pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations".

2.2 - sur le grief tiré du caractère fautif de la résiliation du contrat de concession.

L'EURL Etablissements Thoron fait valoir :

- que la résiliation du contrat serait consécutive à des exigences inacceptables du concédant, aux motifs :

* qu'une enveloppe de financement de l'EURL Etablissements Thoron, initialement convenue à hauteur d'un crédit de 300 000 euro devant être consenti par la société de financement SGB, qui serait contrôlée par Bénéteau, n'aurait été débloquée qu'à hauteur de 100 000 euro ; "que cette attitude, nécessairement dictée par Bénéteau, ruine à l'évidence l'économie générale du prévisionnel du 3 octobre 2003" ;

* que les objectifs excessifs, imposés par la SA Chantiers Bénéteau pour l'exercice 2004/2005, auraient fait perdre à l'EURL Etablissements Thoron le bénéfice d'une part importante des remises de fin d'année, conditionnées par l'atteinte de ces objectifs ;

* que la SA Chantiers Bénéteau aurait violé l'exclusivité territoriale dont bénéficiait l'EURL Etablissements Thoron en ayant agréé la société Océan Nautique pour l'île de Ré ;

- que la résiliation du contrat serait intempestive et dolosive, aux motifs :

* qu'à la suite des commandes recueillies par l'EURL Etablissements Thoron lors du salon nautique du Grand Pavois à la Rochelle, clos le 12/09/2005, cette dernière a adressé le 14/09/2005 à la SA Chantiers Bénéteau, sur demande écrite de cette dernière en date du 13/09/2005, un chèque d'acompte de 10 210 euro ;

* que la SA Chantiers Bénéteau aurait ainsi sciemment entretenu l'illusion d'une normale pérennité des relations commerciales, mais aurait notifié la résiliation du contrat de concession immédiatement après, le 16/09/2005.

Comme énoncé supra, la première résiliation du contrat de concession notifiée par la SA Chantiers Bénéteau à l'EURL Etablissements Thoron le 16/09/2005 a été rendue sans incidence sur la situation de cette dernière, par l'effet de la seconde résiliation de plein droit notifiée par la SA Chantiers Bénéteau le 27/10/2005.

La critique, par l'EURL Etablissements Thoron, des motifs ou mobiles ayant présidé à cette première résiliation est donc inopérante.

La seconde résiliation "de plein droit" est sans lien de causalité avec la première dès lors qu'elle a été motivée par le rejet de deux chèques en date du 06/10/2005 lui-même causé par les difficultés financières de l'EURL Etablissements Thoron et le dépassement de son autorisation bancaire de débit, et non par la dénonciation par le Crédit Agricole de ses concours, laquelle, bien que motivée par la première résiliation du contrat de concession en date du 16/09/2005, n'est intervenue que le 18/10/2005, postérieurement au rejet des deux chèques.

En conséquence, le moyen tiré par l'EURL Etablissements Thoron des circonstances dans lesquelles la SA Chantiers Bénéteau lui a notifié le 16/09/2005 la première résiliation du contrat de concession, est inopérant.

Il résulte des motifs qui précèdent que l'action en responsabilité engagée par l'EURL Etablissements Thoron à l'encontre de la SA Chantiers Bénéteau impose à l'appelante de démontrer que ses difficultés financières d'octobre 2005, ayant provoqué le rejet de ses deux chèques émis à l'ordre de la SA Chantiers Bénéteau puis la résiliation de plein droit du contrat de concession motivée par ce rejet, auraient été directement causées par des fautes commises par la SA Chantiers Bénéteau.

Le moyen tiré de l'insuffisance du crédit octroyé par la société SGB est inopérant dès lors que, d'une part, cette société est distincte de la SA Chantiers Bénéteau et n'a pas été attraite à la présente instance et que, d'autre part, l'EURL Etablissements Thoron ne prouve aucunement son allégation selon laquelle l'attitude de la société SGB aurait été "dictée" par la SA Chantiers Bénéteau, prétendument pour nuire à l'EURL Etablissements Thoron.

Les moyens tirés par cette dernière de l'imposition par la SA Chantiers Bénéteau d'objectifs excessifs pour l'exercice 2004/2005 et d'une violation de l'exclusivité territoriale, doivent être écartés dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent qu'aucune faute n'est imputable à la SA Chantiers Bénéteau à ces titres (cf . supra § 1.1 et 1.2).

2.3 - Sur le moyen tiré du vrai motif de résiliation allégué par l'EURL Etablissements Thoron.

L'appelante fait valoir qu'il résulterait des conclusions de la SAS SPBI que le véritable motif de la résiliation du contrat de concession aurait résidé dans une prétendue inadaptation de Jean-Pierre Thoron aux méthodes commerciales de la société Bénéteau, et dans l'absence de pertinence de sa stratégie commerciale.

En premier lieu, comme énoncé supra, la première résiliation du contrat de concession notifiée par la SA Chantiers Bénéteau à l'EURL Etablissements Thoron le 16/09/2005 a été rendue sans incidence sur la situation de cette dernière, par l'effet de la seconde résiliation de plein droit notifiée par la SA Chantiers Bénéteau le 27/10/2005.

En second lieu, et en tant que de besoin, en droit, le contrat de concession à durée indéterminée est résiliable à tout moment, sans indemnité, sauf abus de droit.

En fait, la SA Chantiers Bénéteau a pu légitimement et sans abus résilier le contrat de concession en considération objective de l'insuffisance des résultats commerciaux de l'EURL Etablissements Thoron, puisque le document produit par cette dernière (pièce n° 65) intitulé "soldes intermédiaires de gestion", repris en page 17 des conclusions de l'appelante, mentionne, pour l'exercice clos le 30/09/2005, à la rubrique "achat de bateaux neufs", une somme de 1 429 422 euro, ne représentant qu'environ 61 % de l'objectif contractuel de 2 329 832 euro convenu pour l'exercice 2004/2005.

Le moyen doit donc être écarté comme non pertinent.

3 - Sur les dépens et les frais de procédure.

L'EURL Etablissements Thoron et les époux Thoron, parties succombantes, supporteront les dépens d'appel.

Il convient d'accueillir, à hauteur de 4 000 euro, la demande indemnitaire fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, formée par la SAS SPBI.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de la Rochelle en date du 19/09/2008, sauf à préciser que les dispositions prononcées au profit de la SA Chantiers Bénéteau bénéficient à la SAS SPBI, venant aux droits de la société susnommée. Y ajoutant, Condamne solidairement l'EURL Etablissements Thoron et les époux Jean-Pierre & Jocelyne Thoron à payer à la SAS SPBI une indemnité de 4 000 euro (quatre mille euro) par application, en cause d'appel, de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne solidairement l'EURL Etablissements Thoron et les époux Jean-Pierre & Jocelyne Thoron aux dépens d'appel. Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.