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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 janvier 2011, n° 08-08300

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Logistique (SAS)

Défendeur :

La Poste

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Fanet-Serra, Me Cordeau

Avocats :

Mes Van Teskaar, Minier

T. com. Paris, du 28 févr. 2008

28 février 2008

LA COUR,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 février 2008 qui a débouté la SAS France Logistique de toutes ses demandes notamment celles tendant à voir condamner La Poste à lui restituer des pénalités retenues par cette dernière à hauteur de 93 391,04 euro;

Vu l'appel de la SAS France Logistique et ses conclusions du 5 janvier 2010 demandant notamment à la cour de constater que La Poste ne justifie pas du bien fondé des pénalités qu'elle lui a appliquées, en conséquence la condamner à lui verser la somme de 150 081,36 euro TTC au titre de la restitution de ces pénalités et subsidiairement modérer le montant de ces pénalités, avec intérêts à compter du 14 août 2007 et capitalisation, 40 000 euro de dommages-intérêts et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu les conclusions 9 février 2010 de La Poste qui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la SAS France Logistique au paiement de la somme de 30 000 euro pour procédure abusive et celle de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que La Poste a conclu avec la SAS France Logistique plusieurs " contrats de transport postal " pour une durée de un an renouvelable ayant pour objet l'acheminement de containers de courriers et colis entre les différents centres de tris postaux et bureaux de postes;

Sur la qualification juridique des contrats litigieux

Considérant que la SAS France Logistique demande à la cour de qualifier ces contrats en contrats de mise à disposition de véhicule avec chauffeur;

Mais considérant qu'il convient de relever d'une part que ces contrats mettent à la charge de la SAS France Logistique des "transports d'envois pour le compte de La Poste sur les lignes identifiées au cahier des charges", la SAS France Logistique ayant une obligation de résultat à l'égard de La Poste, d'autre part que si la SAS France Logistique devait respecter des délais et horaires de passage et de livraison fixés contractuellement, elle restait maître de l'organisation et de la direction des opérations, les chauffeurs employés par la SAS France Logistique ne recevant aucune directive de La Poste, enfin que les contrats litigieux stipulent que la SAS France Logistique est responsable de la perte ou de l'avarie des envois qui lui sont confiés;

Considérant qu'il résulte de ces éléments et des motifs pertinents et non contraires du premier juge que la cour adopte, que les contrats litigieux doivent être qualifiés de contrats de transport et non de contrats de mise à disposition de véhicule avec chauffeur;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Considérant que la SAS France Logistique reproche à La Poste au cours de l'exécution des contrats litigieux d'avoir prélevé indûment des pénalités en raison de prétendus retards de livraison ou défauts de passage en violation des dispositions des articles L. 442-6 1° et L. 442-6 8° du Code de commerce; qu'en conséquence, la SAS France Logistique demande la condamnation de La Poste à lui restituer le montant de ces pénalités qui ont été prélevées par compensations opérées avec des créances que détenait la première sur la seconde au titre de prestations effectuées en exécution de ces mêmes contrats;

Considérant que cette action visant une compensation effectuée par le donneur d'ordre entre des créances nées à l'occasion de l'exécution des contrats de transport litigieux, elle se trouve soumise à la prescription annale de l'article L. 113-6 du Code de commerce;

Considérant que le premier acte interruptif de la prescription étant l'assignation en référé délivrée le 14 aout 2007 à La Poste à l'initiative de la SAS France Logistique en restitution des pénalités susvisées, il s'ensuit que les demandes litigieuses formées au titre des restitutions des pénalités seront déclarées prescrites pour les opérations de transport antérieures au 14 aout 2006;

Sur les demandes de restitution des pénalités au titre des opérations de transport postérieures

Considérant que la SAS France Logistique demande la nullité des pénalités au visa de l'article L. 442-6 1° du Code de commerce qui dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par le commerçant de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la SAS France Logistique soutenant en outre être en situation de dépendance et de puissance d'achat par rapport à La Poste;

Mais considérant qu'il convient de relever que la part du chiffre d'affaires relatif à La Poste par rapport au chiffre d'affaires total de la SAS France Logistique était de 29,17 % en 2007, ne permettant pas ainsi de caractériser une situation de dépendance économique ou de puissance d'achat de La Poste; que par ailleurs le fait que les contrats litigieux étaient conclus pour une durée d'un an renouvelable, sauf si l'une ou l'autre des parties le demandait un mois avant la fin de la période en cours, n'est pas en soi constitutif d'un abus; qu'enfin que ces contrats stipulent des pénalités oscillant entre 10 % et 100 % du coût de la prestation en cas de retard ou de non-exécution de la prestation, ne caractérise pas davantage un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, étant relevé que la SAS France Logistique était tenue à une obligation de résultat et que ces pénalités visent des manquements à cette obligation ; qu'elles sont au surplus réductibles en application de l'article 1152 du Code civil, et donc sous le contrôle du juge ;

Considérant qu'il s'ensuit au regard de ces éléments et des motifs pertinents et non contraires du premier juge que la cour adopte, qu'aucune violation par La Poste des dispositions susvisées n'est établie et que les demandes formées de ce chef seront donc rejetées;

Considérant que la SAS France Logistique reproche à La Poste de ne pas apporter la preuve du bien-fondé des pénalités appliquées par cette dernière;

Mais considérant que La Poste verse aux débats les contrats de transport litigieux stipulant les clauses de pénalités appliquées ainsi que les courriers adressés par LRAR à la SAS France Logistique informant cette dernière de l'application de la pénalité contractuelle prévue pour les incidents (retard ou absence de passage) respectivement visés dans ces courriers qui précisaient la date et le lieu des manquements reprochés; que suite à l'envoi de ces courriers, la SAS France Logistique était mise à même le cas échéant de contester la réalité des faits reprochés avant la compensation opérée par La Poste; que la SAS France Logistique, n'a pas contesté la réalité des faits allégués dans ces courriers à leur réception ; qu'elle est mal fondée à exciper de la violation des dispositions de l'article L. 442-6 8° du Code de commerce;

Considérant qu'enfin il ne saurait être reproché à La Poste une violation de l'article L. 441-3 du Code de commerce, l'opération de compensation litigieuse n'entrant pas dans les cas de facturation prévus à cet article;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces éléments et des motifs non contraires et pertinents du premier juge, il y a lieu de considérer que La Poste justifie du bien-fondé des compensations qu'elle était en droit d'opérer entre les pénalités dues par la SAS France Logistique en exécution des contrats litigieux et des créances que détenait cette dernière à son encontre en exécution des mêmes contrats ; que les demandes formées au titre de la restitution des pénalités pour les opérations de transport seront donc rejetées;

Considérant que ces pénalités, au regard des circonstances de l'espèce, ne sont pas manifestement excessives; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande tendant à les voir modérer;

Considérant que la SAS France Logistique ne caractérisant aucune faute de La Poste, la demande en dommages et intérêts formée à l'encontre de cette dernière sera rejetée;

Considérant qu'il n'est pas établi que dans le cadre de la présente action, que la SAS France Logistique ait agi avec intention de nuire ou mauvaise foi; qu'en conséquence la demande en dommages et intérêts formée à l'encontre de cette dernière pour procédure abusive sera rejetée;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a retenu la prescription décennale. Statuant de nouveau, Déclare prescrites les demandes de la SAS France Logistique concernant les opérations de transport antérieures au 14 août 2006. Déboute la SAS France Logistique de ses demandes en restitution des pénalités et en dommages et intérêts. Rejette la demande de La Poste pour procédure abusive. Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SAS France Logistique au paiement des dépens de l'instance avec recouvrement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.