CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 13 janvier 2011, n° 10-02932
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Helena Langevin (SARL)
Défendeur :
Levrague
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Touzery-Champion, Pomonti
Avoués :
SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Llamas, Genoyer
Faits constants et procédure
Monsieur Alain Levrague est agent commercial individuel pour la SARL Helena Langevin depuis 1999.
Le 8 juillet 2008, suite à son rachat, la SARL Helena Langevin a décidé de mettre fin à ces relations commerciales et a versé à Monsieur Levrague une indemnité compensatrice d'un montant de 9 000 euro.
Monsieur Alain Levrague n'est pas d'accord avec le montant des indemnités compensatrices versées.
Par acte délivré le 11 juin 2009, Monsieur Levrague a assigné la société Helena Langevin afin d'obtenir la condamnation de celle-ci au paiement d'un complément d'indemnité de rupture.
Par jugement en date du 6 janvier 2010, le Tribunal de commerce de Melun a condamné la société Helena Langevin à payer à Monsieur Levrague la somme de 44 712,42 euro avec intérêt au taux légal à compter du 6 janvier 2010.
LA COUR:
Vu l'appel de ce jugement interjeté par la SARL Helena Langevin le 15 février 2010.
Dans ses dernières conclusions du 14 octobre 2010, la SARL Helena Langevin demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris,
- dire et juger la résiliation du contrat de Monsieur Levrague fondée sur une faute grave,
- débouter Monsieur Levrague de sa demande formulée au titre de l'indemnité de cessation de contrat,
- ordonner à titre reconventionnel le remboursement de l'indemnité indûment versée à hauteur de 9 000 euro,
A titre subsidiaire
- dire et juger le préjudice de Monsieur Levrague intégralement indemnisé par l'octroi de l'indemnité susvisée,
- débouter en conséquence Monsieur Levrague de ses demandes,
- le condamner à payer à la SARL Helena Langevin la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL Helena Langevin soutient que Monsieur Levrague a commis des faits caractérisant sa déloyauté pendant l'exécution de son contrat pour avoir pratiqué des escomptes exagérés à certains clients et volontairement conservé des chèques appartenant à sa mandante. Elle estime à tout le moins qu'il n'a pas automatiquement droit à une indemnité égale à deux ans de commissions calculée sur la base moyenne des trois dernières années alors que son préjudice n'est pas caractérisé.
Aux termes de ses dernières conclusions du 27 octobre 2010, Monsieur Levrague demande à la cour de:
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société Langevin de toutes ses demandes,
- condamner la société Langevin à 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur Levrague considère qu'il a bien droit à une indemnité de rupture équivalente à deux ans de commissions calculées sur la base de la moyenne des trois dernières années pour réparer la perte des commissions qu'une poursuite normale des relations aurait rapporté à l'agent commercial alors que le contrat d'agent commercial a perduré pendant neuf ans.
Conformément aux articles 455 et 753 du nouveau Code de procédure civile (articles 11 et 13 du décret 98-1231 du 28 décembre 1998) pour l'exposé des prétentions des parties, la cour se réfère expressément par visa à leurs dernières écritures pour de plus amples développements.
Motifs
L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose, qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Cependant, aux termes de l'article L. 134-13 du même Code, cette réparation n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité du mandat commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.
C'est la SARL Helena Langevin qui a la charge de la preuve des fautes graves dont elle fait état pour la première fois en cause d'appel.
En effet, les deux fautes alléguées, à savoir l'octroi à certains clients d'un escompte supplémentaire de 10 % sur des produits faisant déjà l'objet d'une remise de 50 % pour cause de déstockage et la conservation volontaire de chèques appartenant au mandant pendant l'exécution du contrat et du préavis et même au-delà, n'étaient pas visées dans le courrier de la SARL Helena Langevin de rupture du contrat d'agent commercial.
Ce courrier, en date du 8 juillet 2008, fait simplement état d'une insuffisance caractérisée des réalisations lui causant un préjudice dans son développement commercial et d'une nécessité de réorganiser le réseau pour remédier à cette situation défaillante.
D'ailleurs, la SARL Helena Langevin avait spontanément versé une indemnité de rupture à Monsieur Alain Levrague, seul le montant de cette indemnité étant en discussion entre les parties.
En tout état de cause, les escomptes de 10 % figurant sur les deux seules factures produites par la SARL Helena Langevin, respectivement en date des 27 et 28 août 2008, n'apparaissent pas comme ayant été pratiqués en plus d'un premier escompte de 50 %.
Par ailleurs, les quelques chèques que la SARL Helena Langevin estime avoir été remis tardivement par Monsieur Alain Levrague, n'ont pas été conservés au-delà du préavis et, surtout, ne pouvaient être encaissés avant la date convenue avec les clients, figurant au dos des chèques.
Tel est incontestablement le sens de la réponse faite par Monsieur Alain Levrague dans son courrier adressé à la SARL Helena Langevin le 29 octobre 2008 " Au sujet des chèques, ils vous parviendront en temps et en heure, n'ayant aucune confiance dans vos paroles ".
Monsieur Alain Levrague a également régulièrement informé la SARL Helena Langevin de ce qu'il tenait à sa disposition la collection confiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2008, soit à l'issue de son préavis.
D'une manière générale, la SARL Helena Langevin ne démontre aucune déloyauté de Monsieur Alain Levrague à son égard pendant la durée du contrat d'agent commercial.
Il apparaît que seule la volonté de la SARL Helena Langevin de réorganiser son réseau, suite à des difficultés économiques qui la concernent et qui ne sauraient être imputées à Monsieur Alain Levrague, est a l'origine de la rupture du contrat d'agence.
Enfin, la diminution du chiffre d'affaires entre 2006 et 2007 (104000 euro en 2006 / 83 663 euro en 2007) n'est pas suffisamment significative pour constituer la faute grave qui justifierait la rupture sans indemnité d'une relation de neuf ans, l'année 2008 n'étant pas significative compte tenu de la rupture du contrat au 8 juillet 2008.
Ainsi, les fautes graves qui auraient été commises par Monsieur Alain Levrague et qui justifieraient l'absence d'indemnité de rupture ne sont pas établies par la SARL Helena Langevin.
L'indemnité de rupture due à l'agent commercial doit réparer le préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.
Il est d'usage de calculer l'indemnité de cessation du contrat sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat.
En l'espèce, rien ne permet de déroger à cet usage en calculant l'indemnité sur une base plus réduite.
En l'espèce, le préjudice subi par Monsieur Alain Levrague est évident et important dès lors que la relation contractuelle a perduré neuf années.
Ni les difficultés économiques de la SARL Helena Langevin, dont il n'est pas démontré qu'elles seraient imputables à l'intimé, ni le fait que Monsieur Alain Levrague ait pu retrouver une activité professionnelle ne constituent des critères à prendre en considération pour réduire l'indemnité de rupture.
La perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 20 000 euro entre 2006 et 2007 est prise en compte dans le calcul du préjudice subi par Monsieur Alain Levrague puisque l'indemnité est calculée sur la base moyenne des trois dernières années et tient donc compte des fluctuations de chiffre d'affaires sur une période relativement longue.
En conséquence, l'indemnité égale à deux ans de commissions calculée sur la base moyenne des trois dernières années allouée par les premiers juges correspond à la juste indemnisation du préjudice subi par l'intimé et est conforme aux usages en la matière.
L'équité commande d'allouer à Monsieur Alain Levrague une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute la SARL Helena Langevin de toutes ses demandes, Condamne la SARL Helena Langevin à payer à Monsieur Alain Levrague la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Helena Langevin aux dépens d'appel, Autorise la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, avoués, à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.