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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 7 octobre 2010, n° 09-05115

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nouvelle Sartex (Sté)

Défendeur :

Dim (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Poinseaux, M. Testut

Avoués :

SCP Lefevre Tardy & Hongre Boyeldieu, SCP Bommart Minault

Avocats :

Me Guarrel, Cazals, Matteoli

T. com. Nanterre, 7e ch., du 3 avr. 2009

3 avril 2009

Vu l'appel interjeté le 15 juin 2009, par la société Nouvelle Sartex d'un jugement rendu le 3 avril 2009 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Dim la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 20 mai 2010, par lesquelles la société Nouvelle Sartex, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la cour de:

* constater l'abus de droit dans la rupture de la relation contractuelle par la société Dim,

* condamner la société Dim à lui payer la somme de 500 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier subi,

* la condamner au versement de la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 21 juin 2010, aux termes desquelles la société Dim prie la cour de:

* confirmer le jugement déféré,

* dire l'appel interjeté abusif au fondement de l'article 559 du Code de procédure civile,

* condamner la société Nouvelle Sartex au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 2 000 euro sur le fondement de l'article 559 du Code de procédure civile,

* condamner la société Nouvelle Sartex au versement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :

* par courrier du 21 septembre 1998, la société Dim a fait part à la société Nouvelle Sartex de son accord pour que cette dernière devienne distributeur exclusif de ses produits sur le secteur géographique des Antilles françaises et de la Guyane française pour une durée de trois années à compter du 1er juillet 2000, avec faculté de négocier un autre contrat au cours des six derniers mois, sous réserves de résultats satisfaisants, les négociations devant se terminer au plus tard le 31 décembre 2003,

* un contrat d'agent commercial a été également conclu entre la société Dim et la société Nouvelle Sartex, concernant les produits de prêt-à porter féminin sur les territoires de la Martinique, de la Guadeloupe y compris Saint-Martin et Saint-Barthélémy, de la Guyane française,

* le 21 juillet 2006, la société Dim a mis fin au contrat de distribution avec un préavis de six mois, soit à compter du 21 janvier 2007,

* afin d'organiser la fin des relations commerciales, une réunion s'est tenue dans les bureaux parisiens de la société Dim le 29 août 2006, aux termes de laquelle cette société a indiqué que sa décision relevait d'une stratégie de restructuration de groupe,

* le 5 septembre 2006, la société Dim a mis fin au contrat d'agent commercial à compter du 21 janvier 2007,

* les parties ont échangé plusieurs courriers au cours du mois de septembre 2006,

* le 21 décembre 2006, la société Nouvelle Sartex a mis en demeure la société Dim de réparer son préjudice en lui versant la somme de 500 000 euro à titre de dommages et intérêts représentant 50 % de son chiffre d'affaires,

* le 5 février 2007, la société Dim SAS, ayant absorbé la société Dim SA, a adressé à la société Nouvelle Sartex, au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial, une indemnité de 932 euro,

* c'est dans ces circonstances, que la société Nouvelle Sartex, estimant abusive la résiliation du contrat de distribution, a assigné la société Dim devant le Tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir l'allocation de la somme de 500 000 euro à titre de dommages et intérêts;

Sur la rupture de la relation contractuelle:

Considérant que la société Nouvelle Sartex soutient qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 1134 du Code civil, selon lesquelles les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi, la société Dim lui a notifié abusivement le 21 juillet 2006, sa volonté de mettre un terme à leur relation commerciale portant sur la distribution exclusive des produits commercialisés sur les territoires de la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane française, alors qu'elle l'avait entretenue dans la certitude d'un nouveau contrat à effet au 1er janvier 2005, pour se terminer le 30 juin 2008;

Considérant que le contrat de distribution, non daté, que les parties situent en 2000, énonce en son article 9 que l'accord est conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er juillet 2000, prendra fin le 30 juillet 2003, sans formalité ni préavis et qu'un contrat ultérieur pourra être négocié six mois avant la date d'échéance si les résultats du présent accord sont satisfaisants et si les parties se mettent d'accord sur les conditions; qu'il a été stipulé que les négociations devraient se terminer au plus tard le 31 décembre 2002;

Considérant que dans son compte rendu de visite daté du 14 août 2003, Sylvie Albaret, représentant la société Dim, écrivait à la société Nouvelle Sartex : Notre contrat étant échu depuis le 30 juin 2003, je t'envoie un draft du nouveau contrat pour étude, l'objectif étant de le signer en septembre;

Qu'aux termes du rapport de visite du 13 décembre 2004, Sylvie Albaret indique: Suite à la relecture du contrat, je te renvoie le contrat modifié... Afin de finaliser le contrat, merci de me confirmer les éléments manquants: n° d'immatriculation registre du commerce, liste des marques distribuées comme agent/distributeur;

Que ce second contrat est resté au stade des négociations et n'a pas été signé par les parties, de sorte que celui conclu au cours de l'année 2000, s'est poursuivi à compter du 1er juillet 2003, par tacite reconduction pour une durée indéterminée;

Que dans ces circonstances, la société Nouvelle Sartex ne peut sérieusement prétendre avoir été amenée à croire que la relation contractuelle aurait été renouvelée pour une période déterminée du 1er janvier 2005 au 30 juin 2008;

Considérant que cette société fait également valoir que la rupture est intervenue sans juste motif alors qu'ayant contribué au développement de la clientèle Dim sur le marché antillais, le contrat de distribution est un mandat d'intérêt commun;

Considérant que l'article 2 du contrat de distribution stipule que le distributeur achète et revend en son nom et pour son compte et à ses risques et périls; que s'il n'est pas contesté que la société Nouvelle Sartex a développé aux Antilles des efforts qui ont permis la représentativité de la marque Dim, il n'en demeure pas moins que le premier juge n'a pas dénaturé la relation juridique existant entre la société Nouvelle Sartex et la société Dim en retenant que la convention ne peut être qualifiée de mandat d'intérêt commun lequel suppose qu'un mandataire agisse pour le compte d'un mandant, ce qui n'est pas le cas en l'espèce;

Qu'il s'ensuit que la société Dim pouvait résilier à tout moment le contrat de distribution à durée indéterminée, sans justifier d'un motif, sous réserve de respecter un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce;

Considérant qu'il n'est pas démenti qu'un préavis écrit de six mois a été consenti le 21 juillet 2006, à la société Nouvelle Sartex afin de lui permettre d'organiser sa reconversion; que cette dernière ne prétend nullement que ce délai ne serait pas raisonnable;

Considérant que la société Nouvelle Sartex estime néanmoins abusive la résiliation, contraire à l'obligation de loyauté, dès lors qu'elle n'aurait pas été préalablement avertie par la société Dim de ses intentions prises de longue date et qu'à l'occasion de sa visite annuelle au cours de l'été 2006, quinze jours avant la notification de la rupture des relations contractuelles, Sylvie Albaret, responsable du secteur DOM de la société Dim, n'a nullement évoqué une quelconque réorganisation du groupe Dim et n'a eu pour dessein que de récupérer son fichier client afin d'en tirer directement profit;

Mais considérant que la résiliation d'un contrat de concession n'est pas constitutive d'un abus lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation du réseau du concédant; qu'il ne peut être fait grief à la société Dim, qui a choisi de réduire le nombre de ses interlocuteurs, d'avoir retenu pour la zone des DOM un distributeur situé sur le territoire de la Réunion; que la société Dim n'a pas usé de motifs fallacieux pour résilier le contrat, la restructuration de la distribution de ses produits étant avérée;

Que la société Dim n'avait aucune obligation d'annoncer sa volonté de résilier le contrat antérieurement aux six mois de préavis; que si une décision de restructuration est réfléchie au sein du groupe, les distributeurs ne sont pas nécessairement associés à ces réflexions;

Qu'il ne saurait être reproché davantage à la société Dim d'avoir fait réaliser un état des lieux au cours de l'été 2006, ainsi qu'il était d'usage les années précédentes, alors qu'il n'est nullement démontré que la société Nouvelle Sartex aurait communiqué son fichier clientèle à la société Dim laquelle se serait ainsi indûment appropriée sa clientèle;

Considérant que la société Nouvelle Sartex ajoute être dans une situation de dépendance économique;

Mais considérant que cette société n'était tenue à aucune exclusivité à l'égard de la société Dim et disposait d'autres fournisseurs concurrents; qu'elle ne démontre nullement que la société Dim lui aurait demandé des investissements particuliers, les moyens évoqués dépendant de son activité générale de distributeur; qu'en tout état de cause, la société Nouvelle Sartex a bénéficié d'un délai de préavis de six mois dont elle ne critique pas la durée et qui lui a permis de se réorganiser;

Qu'au surplus, il n'est pas démenti que la société Dim a organisé une réunion le 29 août 2006, afin de discuter des modalités de la fin de ses relations commerciales avec la société Nouvelle Sartex ;

Qu'en dépit de l'article 13 du contrat poursuivi par tacite reconduction, stipulant que les parties conviennent expressément que la fin du présent accord, même si son exécution se poursuit après la période de 1 an précitée à l'article 9, ne donne pas droit au distributeur à une indemnité et particulièrement une indemnité de clientèle, la société Dim a proposé, par un courrier du 17 octobre 2006, à la société Nouvelle Sartex de racheter ses stocks et de l'indemniser éventuellement des investissements réalisés;

Que la société Nouvelle Sartex n'a pas donné suite à cette proposition faisant valoir par un courrier du 14 novembre 2006 : Nous sommes forcés de constater, compte tenu de ces circonstances, que le protocole d'accord que vous nous avez envoyé n'était qu'un stratagème pour couvrir vos manœuvres à l'égard de la société Sartex;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la rupture des relations commerciales n'est ni brutale, ni abusive, ni déloyale;

Sur l'exécution du préavis:

Considérant que la société Nouvelle Sartex soutient que la société Dim n'a pas exécuté le préavis de bonne foi;

Considérant qu'elle fait valoir que cette société n'a pas respecté l'accord d'exclusivité en vendant directement des produits à une société Ghanty;

Que toutefois, que la seule production aux débats d'un ticket de caisse lequel ne mentionne pas la marque Dim ne permet pas de démontrer un quelconque manquement imputable à la société Dim;

Considérant que la société Nouvelle Sartex prétend également que la société Dim aurait unilatéralement averti ses clients de la résiliation du contrat de distribution et leur aurait adressé les catalogues des nouvelles collections la privant ainsi des commandes jusqu'à la fin du préavis;

Que cependant, la société Dim avait proposé à la société Nouvelle Sartex lors de la réunion du 29 août 2006, deux options relatives à la présentation de la collection printemps/été 2007 et à la prise de commandes; que malgré deux relances en date des 25 septembre et 17 octobre 2006, la société Nouvelle Sartex n'a pas fait connaître l'option retenue, de sorte que cette dernière ne saurait reprocher à la société Dim d'avoir envoyé à des clients le 8 novembre 2006, les catalogues des nouvelles collections et de les avoir avertis de la résiliation du contrat de distribution consenti à la société Nouvelle Sartex, à effet au 21 janvier 2007, date d'expiration du délai de préavis et du terme du contrat d'agence commerciale;

Considérant enfin que force est de constater que la société Dim a offert à la société Nouvelle Sartex la reprise des stocks après le 21 janvier 2007, selon leur prix de revient (prix d'achat moyen HT + frais de transport depuis le lieu de prise en charge + frais d'octroi de mer); que cette proposition, à laquelle la société Dim n'était pas tenue, figurant dans un projet de protocole adressé à la société Nouvelle Sartex le 6 novembre 2006, n'a pas été acceptée par cette dernière, de sorte que celle-ci ne justifie d'aucun grief;

Considérant qu'il s'ensuit que la société Nouvelle Sartex ne démontre aucun comportement déloyal ou de mauvaise foi imputable à la société Dim lors de l'exécution du préavis;

Considérant par voie de conséquence, que la décision entreprise, qui a débouté la société Nouvelle Sartex de ses demandes, mérite confirmation;

Sur les autres demandes:

Considérant que l'on ne peut faire grief à la société appelante d'avoir voulu, par l'exercice des voies procédurales en cause, faire reconnaître ce qu'elle pouvait, sans mauvaise foi ni intention de nuire, estimer être ses droits, de sorte qu'elle ne serait être condamnée ni au paiement d'une amende civile au fondement de l'article 559 du Code de procédure civile, ni au versement de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société Nouvelle Sartex ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société Dim une indemnité complémentaire de 3 000 euro;

Par ces motifs, Statuant par décision contradictoire, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la société Nouvelle Sartex à payer à la société Dim la somme complémentaire de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation, Condamne la société Nouvelle Sartex aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.