CA Pau, 2e ch. sect. 1, 20 janvier 2011, n° 09-01606
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Arkema France (SA)
Défendeur :
Legrand (ès qual.), Pyrénées Transports Compagnie (SARL), Adour Basque (SCI), Perry Euro Services (SARL), Perry (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauclair
Conseillers :
Mme Claret, M. Scotet
Avoués :
SCP Longin, Longin-Dupeyron, Mariol, SCP Piault, Lacrampe-Carraze
Avocats :
Mes Fleury, Froget
Exposé du litige
Vu l'appel interjeté le 30 avril 2010 par la SA Arkema France à l'encontre d'un jugement du Tribunal de commerce de Pau en date du 21 avril 2009.
Vu les conclusions de la SA Arkema France en date du 19 août 2010.
Vu les conclusions de Maître Legrand ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Pyrénées Transports Compagnie, de la SCI Adour Basque, de la SARL Perry Euro Services, de Monsieur Christian Perry et de Madame Françoise Rolando épouse Perry, et de Monsieur Christian Perry et de Madame Françoise Rolando épouse Perry en personne en date du 7 septembre 2010.
Vu l'ordonnance de clôture du 28 septembre 2010 pour l'audience fixée au 8 novembre 2010, reportée au 22 novembre 2010.
La SARL Pyrénées Transports Compagnie (PTC) dont les époux Perry sont les seuls porteurs de parts sociales, a pour activité le transport de produits chimiques. Elle déclare que depuis 1980, elle a développé un partenariat avec les sociétés chimiques issues du groupe Elf et en particulier en 2001 la société Atofina devenue Arkema France.
Les époux Perry ont en outre constitué:
- une SCI Adour Basque qui a acquis divers terrains à Bayonne et Orin. Sur ce dernier elle a édifié une station de lavage industriel de matériel de transports routiers spécialisée dans le nettoyage des citernes d'hydrocarbures, produits chimiques et dangereux, un immeuble de bureau et un garage pour l'entretien de poids lourds.
- la SARL Perry Euro Services (PES) qui a pour objet l'exploitation de la station de lavage en vertu d'un bail commercial.
Par jugement en date du 9 juillet 2001, le Tribunal de commerce d'Oloron Sainte-Marie a placé la SARL PTC en redressement judiciaire et désigné Maître Courrèges en qualité de représentant des créanciers. Par jugement en date du 22 octobre 2001, le même tribunal a désigné Maître Courrèges en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SARL PTC. Le 31 août 2001, la SA Perguilhem a déposé une offre de reprise du fonds de commerce proposant de conserver 5 salariés sur 8. Monsieur Perry a déclaré devant le tribunal ne pas s'opposer à cette offre et le fonds a été cédé le 22 octobre 2001.
La déconfiture de la SARL PTC a entraîné celle de la SARL PES, de la SCI Adour Basque et des époux Perry, l'ensemble étant lié par des garanties et cautions croisées. Par jugement en date du 14 avril 2003 le Tribunal de commerce d'Oloron Sainte-Marie a prononcé l'extension du redressement judiciaire de la SARL PTC aux époux Perry, puis par jugement du 28 avril 2003 prononcé la liquidation judiciaire de la SARL PES, par jugement du 15 septembre 2003 prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur Perry, par jugement du 4 octobre 2004 prononcé la liquidation judiciaire de Madame Perry et par jugement du 22 novembre 2004 prononcé la jonction de ces procédures et leur extension à la SCI Adour Basque, fixant la date de cessation des paiements au 5 juillet 2001.
Considérant que la SA Arkema est à l'origine de leur déconfiture, Maître Legrand ès qualités succédant à Maître Courrèges et les époux Perry ont assigné la SA Arkema devant le Tribunal de commerce de Pau qui, par jugement en date du 21 avril 2009, a:
- condamné la SA Arkema à payer à Maître Legrand ès qualités la somme de 1 350 000 euro à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier,
- condamné la SA Arkema à payer à Maître Legrand ès qualités la somme de 50 000 euro en réparation de leur préjudice moral,
- condamné la SA Arkema à payer à Maître Legrand ès qualités la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile outre les dépens.
La SA Arkema demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de:
- à titre principal : constater que la liquidation judiciaire des SARL PTC, PES et SCI Adour Basque, et des époux Perry procède de la gestion fautive desdites sociétés et de la confusion des patrimoines de la SCI et des époux Perry tel qu'il a été jugé définitivement par le Tribunal de commerce d'Oloron Sainte-Marie aux termes de ses jugements des 14 avril 2003 et 22 novembre 2004,
- constater que la faute alléguée à l'encontre de la SA Arkema France n'est nullement établie et qu'en toute hypothèse, cette prétendue faute n'a aucun lien de causalité avec la liquidation judiciaire desdites personnes morales et personnes physiques,
- dire en conséquence irrecevables et mal fondés Maître Legrand ès qualités et les époux Perry en leurs demandes et les en débouter,
- à titre subsidiaire : constater qu'il n'a été communiqué par les demandeurs en première instance qu'il n'est produit devant la cour aucun élément justificatif permettant de retenir une quelconque condamnation à titre de dommages-intérêts à l'encontre de la société Arkema France,
- constater que le "dossier très complet" évoqué par le tribunal dans son jugement comme base des dommages-intérêts alloués n'a fait l'objet d'aucune communication régulière,
- dire en conséquence que ce jugement a été rendu au mépris des dispositions de l'article 16 du Code de procédure civile et l'infirmer en toutes ses dispositions.
- dire les demandes formulées à l'encontre de la société Arkema France non fondées en leur quantum et débouter Maître Legrand ès qualités et les époux Perry de leurs demandes et de leur appel incident au titre du préjudice moral,
- en tous les cas : condamner in solidum Maître Legrand ès qualités et les époux Perry à payer à la société Arkema France la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Longin.
La SA Arkema relève que le jugement ne fait aucune mention de ses écritures de première instance, bien qu'elle ait conclu par trois jeux successifs, et que le tribunal a rendu un jugement d'humeur non motivé en droit. Elle rappelle qu'elle a une personnalité distincte des autres sociétés du groupe Elf et qu'elle n'a jamais eu un partenariat privilégié avec la SARL PTC, conteste le caractère brutal de la rupture précédée d'une chute du chiffre d'affaires du transporteur, et du départ de ses autres donneurs d'ordres. Elle estime qu'elle avait un motif légitime à suspendre ses relations avec la SARL PTC ayant commencé à recevoir de sous-traitants des demandes en paiement par voie d'action directe de prestations qu'elle avait réglées à la SARL PTC antérieurement au redressement judiciaire. Enfin, elle fait valoir qu'il n'y a aucun lien de causalité entre la rupture alléguée et la déconfiture des entreprises du groupe Perry, reprenant les motifs des décisions d'extension de la procédure collective visant la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel, avec tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière, les comptes 2000 n'ayant pas été communiqués au tribunal. Elle conteste avoir reconnu qu'elle aurait donné consigne à tous les donneurs d'ordres de suspendre leur coopération avec la SARL PTC. Elle souligne que la SCI Adour Basque faisait l'objet d'un commandement aux fins de saisie immobilière dès le 25 juin 2001 mettant en évidence une situation irrémédiablement compromise dès avant le redressement judiciaire de la SARL PTC et qu'elle n'avait aucune relation avec la SARL PES. A titre subsidiaire sur les préjudices allégués, elle remarque qu'aucun document financier n'est versé aux débats pour expliquer le montant des dommages-intérêts réclamés, que l'état des passifs et actifs réalisés n'est pas produit et relève qu'on cherche à lui imputer un passif existant antérieurement à la faute qu'on lui reproche.
Maître Legrand ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Pyrénées Transports Compagnie, de la SCI Adour Basque, de la SARL Perry Euro Services, et des époux Christian Perry et Françoise Rolando, et les époux Christian Perry et Françoise Rolando en personne demandent à la cour de:
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Arkema à payer à Maître Legrand ès qualités la somme de 1 350 000 euro en réparation du préjudice subi,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu le principe de l'indemnisation du préjudice moral subi par les époux Perry,
- cependant faisant droit à leur appel incident, condamner la SA Arkema à payer à chacun des époux Perry la somme de 100 000 euro à titre de dommages-intérêts,
- à titre subsidiaire, ordonner l'audition de Monsieur Lesueur,
- à titre infiniment subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise comptable,
- condamner la SA Arkema à payer à Maître Legrand ès qualités la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de la SCP Piault.
Maître Legrand ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Pyrénées Transports Compagnie, de la SCI Adour Basque de la SARL Perry Euro Services, et des époux Christian Perry et Françoise Rolando, et les époux Christian Perry et Françoise Rolando en personne reprennent leurs écritures de première instance et font valoir que le partenariat commercial qui s'était instauré entre la SARL PTC et la SA Arkema présentait un caractère privilégié continu et majoritaire ; que dès le placement de la SARL PTC en redressement judiciaire le 9 juillet 2001, la SA Arkema a signifié par téléphone à la SARL PTC qu'elle ne lui confierait plus aucun transport imposant ainsi à la SARL PTC une rupture brutale des relations commerciales en l'absence de préavis. Elle soutient que cette rupture brutale en rendu illusoire toute poursuite d'activité entraînant la ruine en cascade des sociétés PES, SCI Adour Basque et des époux Perry. Ils chiffrent forfaitairement leur préjudice, sollicitant à titre subsidiaire une expertise. Ils précisent devant la cour que la SARL PTC réalisait 80 % de son chiffre d'affaires avec la SA Arkema et que la simple suspension des ordres entraînait la disparition du transporteur. Ils contestent les griefs formulés à leur encontre pour non-respect des horaires, pour un accident en date du 29 janvier 2001 qui serait imputable au chauffeur formé par la SA Arkema et au conditionnement exécuté par le donneur d'ordre. Sur le lien de causalité, ils précisent qu'ils agissent sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour les SARL PTC et PES et sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour les autres intimés, que le caractère brutal de la rupture suffit à démontrer le lien causal avec la liquidation judiciaire, précisent que Monsieur Perry ne pouvait s'opposer à la cession du fonds de commerce alors que le repreneur lui offrait un emploi qui ne durera que quatre mois ; que la SARL PES disposait de l'ensemble des certifications nécessaires à son activité de sorte qu'elle n'était pas tenue de rechercher l'agrément Aplica ; que la déconfiture des époux Perry est intervenue deux ans après celle de la SARL PTC, que les difficultés rencontrées par cette dernière depuis 1998 étaient en cours de résorption, que celles rencontrées par la SARL PES résultent de la suspension des demandes de services par la SA Arkema. Ils relèvent que si la SARL PTC a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, cela résulte du fait que ses difficultés étaient surmontables, alors que la SA Arkema avait réclamé de la SARL PTC l'acquisition de matériels spécialisés, imposé la formation des chauffeurs, et la réorganisation de la stratégie de ladite SARL au regard de la modification de la réglementation sociale. Sur le jugement de première instance, ils soutiennent que le tribunal a retenu que la SA Arkema reconnaissait avoir cessé du jour au lendemain tous ordres à la SARL PTC et donné instruction à tout donneur d'ordre potentiel d'en faire de même sur le territoire, et que l'activité a été immédiatement transférée au repreneur. Enfin sur le préjudice, ils relèvent que les premiers juges ont fait preuve de bon sens et de logique appuyant leur estimation sur un montant de passif au jour de la liquidation. La demande des époux Perry se justifie par l'effondrement de l'effort de toute une vie et de leurs projets de retraite.
Motifs de la décision.
1- Sur la qualification de la rupture.
Aux termes de l'article L. 442-6 du Code de commerce. I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé de fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels... A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure...
Il n'est pas contesté que les relations commerciales entre la SARL PTC et les sociétés aujourd'hui dénommées SA Arkema sont nées vers 1980 et se sont poursuivies jusqu'en juillet 2001. Il existait donc une relation commerciale établie au sens de l'article susvisé entre les parties.
La rupture de cette relation commerciale établie est intervenue courant juillet 2001, peu de temps après le prononcé du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL PTC. Il n'est pas contesté que cette rupture est intervenue oralement, et sans préavis écrit, aucune pièce annonçant la rupture ou donnant un préavis n'est produite aux débats. La SA Arkema déclare qu'elle a provoqué cette rupture à la réception d'une demande en paiement par action directe d'un sous-traitant de la SARL PTC, donc aux environs du 13 juillet 2001.
Il revient donc à la SA Arkema de rapporter la preuve que cette rupture relève de la résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure, au sens du texte susvisé.
La SA Arkema verse aux débats un article de presse relatant un accident de la circulation survenu le 29 janvier 2001 dans les virages de Haut de Gan au cours duquel un camion de la SARL PTC s'est renversé sur la chaussée, des fûts contenant de l'acide ont roulé sur la chaussée et l'un d'eux a fui, jusqu'à ce qu'il soit remis dans une position verticale, et une lettre d'Atofina en date du 1er février 2001 dans laquelle le donneur d'ordre invoque au chapitre des conséquences de l'accident ses relations avec le client, les dégâts causés à l'environnement et les frais de son intervention. Elle précise qu'elle considère le transporteur responsable et lui demandera réparation du préjudice. Les documents relatifs à l'analyse de l'accident mettent en évidence une faute de conduite et une fuite dans les ouvertures de remplissage des contenants d'acide. N'est pas versée aux débats la facture de réparation du préjudice dont il n'est pas contesté qu'elle a été prise en charge par une compagnie d'assurances.
La SA Arkema verse un relevé en date du 1er février 2001, des statistiques en pourcentage pour l'année 2000 correspondant au chargement des camions à l'usine de Mourenx. Il ressort de cette pièce que pour l'ensemble des chargements pour l'ensemble des tautliners ou containers et pour la société PTC, respectivement, les horaires respectés ou avancés représentent 80,28 % ; 81,84 % et 78,05 % : les retards signalés : 4,37 % ; 1,15 % et 2,44 %; et les retards non signalés : 15,35 % ; 17,01 % et 19,51 %. Atofina réclame par ce courrier que le transporteur l'informe plus tôt des retards par fax.
La société Arkema verse quatre demandes en paiement par voie d'action directe en application de la loi Gayssot en date respectivement des 13 juillet 2001, 28 août 2001, 21 novembre 2001 et 12 décembre 2001 pour des transports exécutés et respectivement avril 2001, mars 2001, janvier et mars 2001, et mars 2001. Une seule de ces demandes est présentée au moment où intervient la rupture.
Aucun de ces événements, ni même leur combinaison, ne constitue, au mois de juillet 2001, une inexécution de ses obligations par la SARL PTC d'une gravité telle qu'elle puisse justifier une rupture des relations commerciales sans préavis.
La rupture imposée par la SA Arkema à la SARL PTC en juillet 2001 est donc imputable à faute à la première.
Cette rupture brutale a causé par elle-même un préjudice à la SARL PTC consistant en la perte du manque à gagner pendant la durée du préavis qui devait précéder la rupture.
Dans la présente affaire qui concerne l'activité spécifique de transports de produits chimiques, il peut être fait référence aux délais de préavis appliqués dans les contrats de sous-traitance en matière de transport : pour des relations commerciales d'une durée de plus d'un an, 20 ans en l'espèce qui nous occupe, le délai de préavis est de trois mois sauf s'il ressort des circonstances particulières de l'espèce que le donneur d'ordre a créé un état de dépendance du prestataire de service.
En l'espèce, il ressort de la pièce 135 de la SARL PTC que la part de ATO Total Fina Elf dans le chiffre d'affaires de la SARL PTC est inférieure ou égale à 35 % de janvier à juin 2000 puis supérieure à 50 % de juillet 2000 à juin 2001, cependant que le chiffre d'affaires mensuel était divisé par deux dès juillet 2000 et que la part de ces donneurs d'ordres connaît de faibles variations.
Aucun élément n'est produit aux débats mettant en évidence que les sociétés dont est issue la SA Arkema ont imposé à la SARL PTC des obligations excédant celles de tout transporteur de produits chimiques de sorte que la part grandissante prise par la SA Arkema dans le chiffre d'affaires de la SARL PTC ne correspond pas à l'apparition d'un état de dépendance imposé, mais au maintien de la demande de la SA Arkema alors que les autres clients de la SARL PTC disparaissent.
Il n'y a donc pas lieu de retenir un délai de préavis de plus de trois mois. Parmi ses 171 pièces Maître Legrand ès qualités ne produit aucun compte ou bilan de la SARL PTC. Le préjudice sera donc indemnisé sur la base d'une perte de marge brute 10 % du chiffre d'affaires mensuel moyen sur les six premiers mois de 2001 tel qu'il ressort de la pièce 135, soit 3 000 euro par mois soit pour trois mois la somme de 9 000 euro.
2- Sur le lien de causalité entre la rupture des relations commerciales et la liquidation judiciaire.
2-1 Concernant la SARL PTC
Maître Legrand ès qualités et les époux Perry soutiennent que la rupture brutale des relations commerciales entre la SA Arkema et la SARL PTC a eu pour conséquence directe la déconfiture du groupe des sociétés Perry et des époux Perry eux-mêmes.
Il ne peut être soutenu que le tribunal, en ordonnant par jugement du 9 juillet 2001, un redressement judiciaire de la SARL PTC, et non de liquidation, était parfaitement informé alors que les comptes 2000 n'étaient pas établis. Il convient de relever que Monsieur Perry avait gardé la direction de l'entreprise après le redressement judiciaire, en l'absence de désignation d'un administrateur, et a présenté le plan de cession de l'entreprise à la société Perguilhem.
Il ressort du jugement du Tribunal de commerce d'Oloron Sainte-Marie en date du 14 avril 2003, que les époux Perry ont poursuivi une activité déficitaire depuis 1998 dans le seul but de ne pas voir mettre en œuvre par les créanciers les garanties personnelles qu'ils avaient fournies aux tiers, ce qui a justifié l'extension de la procédure collective à leurs personnes. En outre, la gestion de Monsieur Perry était désastreuse et irrégulière, les comptes pour l'année 2000 étant toujours inconnus du mandataire judiciaire en 2003.
D'autre part, il ne peut être soutenu que les difficultés rencontrées en 1998 étaient passagères. En effet le déficit 1998 d'un montant de 477 486 F est passé à la fin de l'exercice 1999 à 1 133 232 F pour un chiffre d'affaires de 10 805 123 F hors taxes. Les résultats 2000 sont inconnus, seul le chiffre d'affaires, indiqué par la seule SARL PTC dans sa pièce 135 non certifiée, serait de 6 803 070 F soit une baisse de 40 % qui s'est accrue au cours du premier trimestre 2001.
Or face à cette dégradation de la situation de l'entreprise, la SARL PTC ne justifie d'aucune mesure de redressement entre 1998 et 2000.
Il convient en outre de relever que, par le jugement en date du 22 novembre 2004 par lequel il joint les diverses procédures collectives du groupe et des époux Perry, le Tribunal de commerce d'Oloron Sainte-Marie fixe la date de cessation des paiements pour l'ensemble de ces procédures le 5 juillet 2001 soit antérieurement à la première demande en paiement par voie d'action directe du sous-traitant de la SARL PTC en date du 13 juillet 2001, ayant provoqué la rupture.
Il est reproché à la SA Arkema d'avoir précipité la chute de la SARL PTC.
Maître Legrand ès qualités et les époux Perry invoquent l'existence d'un partenariat privilégié. La pièce 135 de la SARL PTC indiquant l'évolution du chiffre d'affaires, et la part dans celui-ci de l'ensemble des entités du groupe devenu Total qui excède largement la SA Arkema, met en évidence que la part habituelle, avant la fonte du chiffre d'affaires, des sociétés dudit groupe reste à 35 % environ du chiffre d'affaires, pour être portée à 57 % en fin de période.
La formation des chauffeurs est imposée par la réglementation européenne à tous les donneurs d'ordre en matière de transports de produits chimiques et les documents de 1991 produits de ce chef par Maître Legrand ès qualités sont établis au nom de la SNEAP et non de la société dont est issue la SA Arkema.
Aucun élément n'est produit aux débats de nature à établir que la SA Arkema aurait exigé l'acquisition de matériels spéciaux, les derniers achats de matériels dont il est justifié sont datés de 1996, soit cinq ans avant les faits. Aucun élément n'est en outre produit sur une réorientation imposée par la SA Arkema de la stratégie commerciale de la SARL PTC, par abandon d'autres clients au profit de la SA Arkema.
Aucun élément n'est produit relatif à un aveu devant le premier juge par la SA Arkema de la diffusion d'une interdiction de traiter avec la SARL PTC. D'ailleurs le document produit sous le nom de Monsieur Perry non daté non signé (pièce 150) qui mentionne cette interdiction ne vise que des établissements relevant d'Atofina et Sobegie Mourenx, et non les autres entités du groupe Total ou d autres clients de la SARL PTC.
Le lien de causalité entre la liquidation judiciaire de la SARL PTC et la rupture des relations commerciales à compter du 13 juillet 2001 n'est donc pas établi.
2-2 Concernant les sociétés PES, SCI Adour Basque et les époux Perry.
Aucune pièce de quelque nature que ce soit, facture, lettre, consigne ou directive, éventuellement adressée par la SA Arkema à la SARL PES n'est produite aux débats. Il n'est donc pas établi l'existence de relations commerciales entre la SA Arkema et la SARL PES. Ne sont en outre versées aucune pièces de nature à établir, en premier lieu la part de l'activité de la SARL PES consacrée au nettoyage des véhicules de la SARL PTC, et en second lieu, parmi ces derniers, la part des véhicules employés à des transports ordonnés par la SA Arkema. Ainsi n'est déterminé, ni d'une part le lien de causalité direct entre la liquidation de la SARL PES et la SA Arkema, la liquidation de la société PES résultant de celle de la SARL PTC ni d'autre part le lien de causalité entre la rupture des relations commerciales entre la SARL PTC et la SA Arkema et la liquidation de la SARL PES.
Il en est de même de la liquidation de la SCI Adour Basque qui faisait l'objet d'un commandement aux fins de saisie immobilière dès le 25 juin 2001 mettant en évidence une situation irrémédiablement compromise dès avant le redressement judiciaire de la SARL PTC, et de l'extension des procédures collectives aux époux Perry.
Il convient de rappeler que le tribunal de commerce a motivé cette extension par des fautes personnelles des époux Perry constituées dès 1998, qui conduisent à écarter la reconnaissance d'un quelconque préjudice moral ayant un lien de causalité avec la rupture des relations commerciales invoquées.
3- Sur les demandes accessoires
Chacune des parties succombant, les dépens seront supportés par les parties qui en ont fait l'avance.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau. Dit que la rupture des relations commerciales existant entre la SARL PTC et la SA Arkema est fautive, faute d'un préavis de trois mois. Condamne la SA Arkema à payer à Maître Legrand ès qualités de liquidateur de la SARL PTC la somme de 9 000 euro à titre de dommages-intérêts de ce chef. Déboute Maître Legrand ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Pyrénées Transports Compagnie, de la SCI Adour Basque de la SARL Perry Euro Services, et des époux Christian Perry et Françoise Rolando, et les époux Christian Perry et Françoise Rolando en personne de leurs plus amples demandes. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens de première instance et d'appel dont elle a fait l'avance.