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Décisions

TUE, 4e ch., 3 février 2011, n° T-33/05

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Compañía española de tabaco en rama SA

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Czúcz

Juges :

Mme Labucka, M. O'Higgins (rapporteur)

Avocats :

Mes Araujo Boyd, Buendía Sierra, Givaja Sanz

TUE n° T-33/05

3 février 2011

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

Antécédents du litige

1 La requérante, Compañía española de tabaco en rama, SA (Cetarsa), est l'une des quatre entreprises de première transformation de tabac brut en Espagne (ci-après les " transformateurs "). Elle est une entreprise publique créée en 1987 dont le capital est détenu à 79,18 % par la Sociedad estatal de participaciones industriales (ci-après la " Sepi ") et à 20,82 % par Altadis, SA (auparavant Tabacalera). Jusqu'au milieu des années 90, elle vendait la quasi-totalité du tabac qu'elle transformait à Tabacalera, l'entreprise publique qui détenait jusqu'en 1998 le monopole de la fabrication, de la distribution en gros et de l'importation des cigarettes en Espagne.

1. Procédure administrative

2 Les 3 et 4 octobre 2001, la Commission des Communautés européennes, disposant d'informations selon lesquelles les transformateurs et les producteurs espagnols de tabac brut auraient commis des infractions à l'article 81 CE, a effectué des vérifications au titre de l'article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de trois de ces transformateurs, à savoir la requérante, Agroexpansión, SA et World Wide Tobacco España, SA (ci-après " WWTE "), ainsi que de l'Asociación Nacional de Empresas Transformadoras de Tabaco (ci-après l'" Anetab ").

3 La Commission a également procédé à des vérifications dans les locaux de la Maison des métiers du tabac et de la Fédération européenne des transformateurs de tabac, le 3 octobre 2001, et de la Federación nacional de cultivadores de tabaco (ci-après la " FNCT "), le 5 octobre 2001.

4 Par lettre du 16 janvier 2002, la requérante, Agroexpansión, WWTE, l'Anetab et le quatrième transformateur, à savoir Tabacos Españoles, SL (ci-après " Taes "), invoquant la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération "), ont fait connaître à cette dernière leur volonté de coopérer.

5 Par lettre du 21 janvier 2002, ils ont fourni certaines informations à la Commission.

6 La requérante, Agroexpansión et WWTE, par lettres du 15 février 2002, et Taes, par lettre du 18 février 2002, ont fourni certaines informations supplémentaires à la Commission.

7 Par la suite, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements aux transformateurs, à l'Anetab et à la FNCT sur le fondement de l'article 11 du règlement n° 17. Elle a également demandé des renseignements au ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation espagnol (ci-après le " ministère de l'Agriculture ") à propos de la réglementation espagnole en matière de produits agricoles.

8 Le 11 décembre 2003, la Commission a engagé la procédure à l'origine de la présente affaire et a adopté une communication des griefs qu'elle a adressée à 20 entreprises ou associations, dont les transformateurs, l'Anetab, la FNCT et Deltafina SpA, une société italienne qui a pour activités principales la première transformation de tabac brut et la commercialisation de tabac transformé.

9 Les entreprises et associations en cause ont eu accès au dossier d'instruction de la Commission sous la forme d'une copie sur CD-ROM, qui leur a été envoyée, et ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs soulevés par cette dernière.

10 Une audition s'est tenue le 29 mars 2004.

11 Après avoir consulté le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté, le 20 octobre 2004, la décision C (2004) 4030 final, relative à une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 - Tabac brut - Espagne) (ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 19 avril 2007 (JO L 102, p. 14).

2. Décision attaquée

12 La décision attaquée concerne deux ententes horizontales conclues et mises en œuvre sur le marché espagnol du tabac brut.

13 La première entente, qui impliquait les transformateurs et Deltafina, avait pour objet de fixer, chaque année, pendant la période 1996/2001, le prix moyen de livraison (maximal) de chaque variété de tabac brut, toutes qualités confondues, ainsi que de répartir les quantités de chaque variété de tabac brut que chacun des transformateurs pouvait acheter auprès des producteurs (voir notamment considérants 74 à 76 et 276 de la décision attaquée). De 1999 à 2001, les transformateurs et Deltafina étaient également convenus des fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut figurant dans les tableaux annexés aux " contrats de culture " ainsi que des " conditions complémentaires ", à savoir le prix minimal moyen par producteur et le prix minimal moyen par groupement de producteurs (voir, notamment, considérants 77 à 83 et 276 de la décision attaquée).

14 Il sera fait référence ci-après à l'entente décrite au point 13 ci-dessus par les termes " entente des transformateurs ".

15 La seconde entente identifiée dans la décision attaquée impliquait les trois syndicats agricoles espagnols, à savoir l'Asociación agraria de jóvenes agricultores (ci-après l'" ASAJA "), l'Unión de pequeños agricultores (ci-après l'" UPA ") et la Coordinadora de organizaciones de agricultores y ganaderos (ci-après la " COAG "), ainsi que la Confederación de cooperativas agrarias de España (ci-après la " CCAE "). Cette entente avait pour objet de fixer chaque année, pendant la période 1996/2001, les fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut figurant dans les tableaux annexés aux " contrats de culture " ainsi que les " conditions complémentaires " (voir, notamment, considérants 77 à 83 et 277 de la décision attaquée).

16 Il sera fait référence ci-après à l'entente décrite au point 15 ci-dessus par les termes " entente des représentants des producteurs ".

17 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que chacune de ces ententes constituait une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, CE (voir notamment considérants 275 à 277 de la décision attaquée).

18 À l'article 1er de cette décision, elle a imputé la responsabilité de l'entente des transformateurs à neuf entreprises, dont les transformateurs et Deltafina, et celle de l'entente des représentants des producteurs à l'ASAJA, à l'UPA, à la COAG et à la CCAE (ci-après, prises ensemble, les " représentants des producteurs ").

19 À l'article 2 de la décision attaquée, la Commission a ordonné à ces entreprises et aux représentants des producteurs de mettre immédiatement fin, s'ils ne l'avaient pas déjà fait, aux infractions visées à l'article 1er et de s'abstenir désormais de toute pratique restrictive ayant un objet ou un effet identique ou équivalent.

20 À l'article 3 de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes aux entreprises visées aux points 18 et 19 ci-dessus ainsi qu'aux représentants des producteurs (voir points 56 et 57 ci-après).

3. Détermination du montant des amendes

21 Aux considérants 404 à 458 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question des amendes à infliger aux destinataires de celle-ci.

22 Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée des infractions en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l'article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) et à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui était, aux termes de la décision attaquée, applicable au moment de ces infractions (considérants 404 et 405 de la décision attaquée).

23 Aux fins de fixer le montant de l'amende infligée à chacun des destinataires, la Commission a fait application de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices "), même si elle ne s'y est pas explicitement référée. Dans la décision attaquée, la Commission a également apprécié si, et dans quelle mesure, les destinataires satisfaisaient aux exigences fixées par la communication sur la coopération.

Montant de départ des amendes

Gravité

24 S'agissant de l'évaluation de la gravité des infractions en cause, la Commission a tenu compte, aux considérants 407 à 414 de la décision attaquée, de la nature propre de celles-ci, de leur impact concret sur le marché, de l'étendue du marché géographique en cause et de la taille du marché.

25 Ainsi, tout d'abord, au considérant 408 de la décision attaquée, la Commission a constaté que " [l]a production de tabac brut en Espagne représent[ait] 12 % de la production communautaire ", que " [l]a superficie de culture dans ce pays [était] de 14 571 hectares et se concentr[ait] dans les Communautés autonomes d'Estrémadure (84 %), d'Andalousie (11,5 %) et de Castille-Léon (3 %) " et que " [l]a taille du marché [était] assez réduite et plutôt concentrée dans une seule région d'Espagne ".

26 Ensuite, au considérant 409 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que " [l]'infraction [était] toutefois considérée comme très grave, parce qu'elle consist[ait] dans la fixation des prix des variétés de tabac brut en Espagne et la répartition des quantités ".

27 S'agissant, plus particulièrement, des représentants des producteurs, elle a relevé, au considérant 410 de la décision attaquée, que ceux-ci avaient participé à des accords et/ou à des pratiques concertées ayant essentiellement pour objet la fixation de fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut - à l'intérieur desquelles ils négociaient ensuite le prix final du tabac brut à la livraison - et du prix minimal moyen par producteur et par groupement de producteurs. Elle a ajouté que, si les marges à l'intérieur de ces fourchettes de prix étaient très larges et pouvaient varier de 100 à 380 % entre le minimum et le maximum de chaque grade qualitatif pour une même variété de tabac brut, toutefois, en convenant du niveau minimal du prix moyen - par producteur et par groupement de producteurs -, les représentants des producteurs visaient à relever le prix de vente final de leur tabac brut au-dessus du niveau qui aurait résulté du libre jeu de la concurrence.

28 En ce qui concerne les transformateurs et Deltafina, la Commission a souligné, au considérant 411 de la décision attaquée, que ceux-ci, outre le fait qu'ils s'étaient également entendus sur les fourchettes de prix par grade qualitatif et les conditions complémentaires, " [s'étaient] mis d'accord en secret sur plusieurs autres aspects des prix et des quantités à vendre, et notamment le prix de livraison moyen (maximal) de chaque variété de tabac brut (toutes qualités confondues) et les volumes de tabac brut à acheter par chaque transformateur ". Elle a ajouté que, à partir de 1998, ils avaient également adopté des mécanismes complexes de compensation et de transfert afin d'assurer le respect de leur entente secrète sur les prix et les quantités.

29 Enfin, au considérant 412 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu'elle " ne [possédait] pas de preuves concluantes des effets réels des infractions commises par les producteurs et les transformateurs sur le marché " dès lors qu'" il serait impossible de déterminer a posteriori le niveau des prix qui aurait été appliqué sur le marché du tabac brut en Espagne en l'absence des pratiques en cause ". Au considérant suivant, elle a exposé que " l'[o]n [pouvait] néanmoins considérer que, depuis 1998 au moins, sous l'effet de leur coordination secrète sur les prix et les quantités avant et après la conclusion des contrats de culture et jusqu'à la conclusion des transactions finales, l'entente des transformateurs [avait] été pleinement mise en œuvre et respectée [...] et devait avoir un effet réel sur le marché ".

30 Au considérant 414 de la décision attaquée, la Commission a conclu des considérations qui précèdent que les deux infractions devaient être qualifiées de " très graves ". Elle a précisé, toutefois, qu'elle " tiendra[it] compte de la dimension relativement réduite du marché de produit ".

Traitement différencié

31 Au considérant 415 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu'il convenait de " tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise et donc de l'incidence réelle de son comportement illicite sur la concurrence afin que l'effet dissuasif de l'amende infligée à chaque entreprise soit proportionné à sa contribution au comportement illégal à sanctionner ".

32 La Commission a distingué entre, d'une part, l'entente des transformateurs (considérants 416 à 424 de la décision attaquée) et, d'autre part, celle des représentants des producteurs (considérants 425 à 431 de la décision attaquée).

33 S'agissant de l'entente des transformateurs, en premier lieu, la Commission a estimé que " les amendes [devaient] être échelonnées eu égard à la contribution au comportement illégal et à la position sur le marché occupée par chaque partie en cause " (considérant 416 de la décision attaquée).

34 À cet égard, la Commission a déclaré que " c'[était] Deltafina qui [devait] recevoir le montant de départ de l'amende le plus élevé en raison de sa position de premier plan sur le marché en tant qu'acheteur principal du tabac transformé espagnol [...] ". Elle a indiqué qu'" il résult[ait] de ce pouvoir d'achat que Deltafina avait plus de capacité que personne d'autre pour influer sur le comportement des transformateurs espagnols " (considérant 417 de la décision attaquée).

35 En ce qui concerne les transformateurs, la Commission a jugé que la " contribution " de ceux-ci aux pratiques illégales " [pouvait] être considérée en gros comme similaire " (considérant 418 de la décision attaquée). Elle a estimé qu'il convenait, toutefois, de tenir compte de leur taille différente et de leurs parts de marché respectives et, sur cette base, les a répartis en trois catégories.

36 Ainsi, la Commission a placé la requérante dans une première catégorie, qualifiée de " particulière ", au motif qu'elle était " de loin le premier transformateur espagnol " et devait, de ce fait, se voir imposer le montant de départ le plus élevé (considérant 419 de la décision attaquée). Elle a placé Agroexpansión et WWTE dans une deuxième catégorie en indiquant qu'elles avaient chacune une part de marché de 15 % environ et devaient se voir imposer le même montant de départ (considérant 420 de la décision attaquée). Enfin, Taes a été placée dans une troisième catégorie au motif qu'elle n'avait qu'une part de marché de 1,6 % et devait, dès lors, se voir imposer le montant de départ le plus bas (considérant 421 de la décision attaquée).

37 En second lieu, afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif, la Commission a considéré qu'il y avait lieu d'appliquer un coefficient multiplicateur de 1,5 - soit une majoration de 50 % - au montant de départ déterminé pour WWTE et un coefficient multiplicateur de 2 - soit une majoration de 100 % - au montant de départ déterminé pour Agroexpansión (considérants 422 et 423 de la décision attaquée).

38 Eu égard à ces différents éléments, la Commission a fixé comme suit le montant de départ des amendes pour les transformateurs et Deltafina au considérant 424 de la décision attaquée :

- Deltafina : 8 000 000 euro ;

- requérante : 8 000 000 euro ;

- Agroexpansión : 1 800 000 euro x 2 = 3 600 000 euro ;

- WWTE : 1 800 000 euro x 1,5 = 2 700 000 euro ;

- Taes : 200 000 euro.

39 S'agissant de l'entente des représentants des producteurs, la Commission a considéré qu'il n'y avait lieu d'infliger à chacun de ceux-ci qu'une amende symbolique de 1 000 euro (considérants 425 et 430 de la décision attaquée). Elle a justifié sa position par le fait que " le cadre réglementaire entourant la négociation collective des contrats types pouvait entraîner un degré considérable d'incertitude quant à la légalité du comportement des représentants des producteurs et des transformateurs dans le contexte bien précis de la négociation collective des accords types " (considérant 428 de la décision attaquée), et ce en se fondant sur certains éléments mentionnés au considérant 427 de la décision attaquée. Elle a également relevé que " l'existence et les résultats des négociations sur les contrats types étaient généralement dans le domaine public et [...] aucune autorité n'a[vait] jamais mis en cause leur compatibilité avec soit le droit communautaire, soit le droit espagnol avant l'ouverture de la présente procédure " (considérant 429 de la décision attaquée).

Montant de base des amendes

40 Aux considérants 432 et 433 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de la durée de l'infraction reprochée aux transformateurs et à Deltafina.

41 Tout d'abord, renvoyant au considérant 92 de la décision attaquée, la Commission a relevé que l'entente des transformateurs avait commencé le 13 mars 1996 (considérant 432 de la décision attaquée).

42 Ensuite, elle a indiqué que, selon les déclarations des transformateurs, cette entente avait cessé le 3 octobre 2001. Toutefois, constatant que la " dernière preuve " dont elle disposait était une réunion du 10 août 2001, mentionnée au considérant 260 de la décision attaquée, elle a retenu cette dernière date comme date de fin de l'infraction (considérant 432 de la décision attaquée).

43 Eu égard à ces éléments, la Commission a fixé la durée de l'infraction à cinq ans et quatre mois, ce qui correspondait à une infraction de longue durée. Par conséquent, au considérant 433 de la décision attaquée, elle a majoré de 50 % le montant de départ de l'amende infligée à chacun des transformateurs et à Deltafina.

44 Partant, les montants de base des amendes infligées aux destinataires de la décision attaquée se sont établis comme suit :

- Deltafina : 12 000 000 euro ;

- requérante : 12 000 000 euro ;

- Agroexpansión : 5 400 000 euro ;

- WWTE : 4 050 000 euro ;

- Taes : 300 000 euro ;

- l'ASAJA : 1 000 euro ;

- l'UPA : 1 000 euro ;

- la COAG : 1 000 euro ;

- la CCAE : 1 000 euro (considérant 434 de la décision attaquée).

Circonstances aggravantes et atténuantes

45 Le montant de base de l'amende infligée à Deltafina a été majoré de 50 % au titre des circonstances aggravantes au motif que cette entreprise aurait joué un rôle de meneur dans le cadre de l'entente des transformateurs (considérants 435 et 436 de la décision attaquée).

46 Au titre des circonstances atténuantes, la Commission a relevé, au considérant 437 de la décision attaquée, que " [l]es mêmes facteurs exposés aux considérants 427 à 429 [de la décision attaquée pouvaient] s'appliquer au comportement des transformateurs en ce qui concerne uniquement leurs négociations publiques et la conclusion de contrats types (notamment les négociations sur les fourchettes de prix et les conditions complémentaires) avec les représentants des producteurs ".

47 Au considérant 438 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que, s'agissant des accords " secrets " relatifs au prix moyen de livraison (maximal) et à la répartition des quantités de chaque variété de tabac brut conclus par les transformateurs, les pratiques de ces derniers étaient " allées nettement au-delà de ce que prévoyait le cadre juridique applicable, les négociations publiques et les accords avec les représentants des producteurs ". Elle a toutefois reconnu que " les négociations publiques entre les représentants des producteurs et les transformateurs [avaient] déterminé, tout au moins dans une certaine mesure, le cadre matériel (en particulier en ce qui concerne les occasions de se concerter et d'adopter une position commune) dans lequel les transformateurs [avaient] pu développer, outre la position commune qu'ils adopteraient dans le contexte des négociations publiques, leur stratégie secrète sur les prix de livraison moyens (maximaux) et les quantités ".

48 Eu égard aux éléments mentionnés aux points 46 et 47 ci-dessus, la Commission a décidé de réduire à concurrence de 40 % les montants de base des amendes infligées aux transformateurs et à Deltafina (considérant 438 de la décision attaquée). Le montant de base de l'amende infligée à la requérante a, ainsi, été porté à 7 200 000 euro (considérant 439 de la décision attaquée).

Limite maximale de l'amende prévue à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003

49 Aux considérants 440 à 447 de la décision attaquée, la Commission a examiné s'il y avait lieu d'adapter les montants de base ainsi calculés pour les différents destinataires afin qu'ils n'excèdent pas la limite de 10 % du chiffre d'affaires prévue par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003. Elle a estimé qu'une telle adaptation ne s'imposait que dans le cas de la requérante, qui avait réalisé, en 2003, un chiffre d'affaires s'élevant à 48 420 000 euro (considérant 444 de la décision attaquée). Le montant de l'amende de la requérante, avant application de la communication sur la coopération, a, ainsi, été ramené à 4 842 000 euro (considérants 444 et 447 de la décision attaquée).

Application de la communication sur la coopération

50 Aux considérants 448 à 456 de la décision attaquée, la Commission s'est prononcée sur l'application de la communication sur la coopération dans le cas des transformateurs et de Deltafina.

51 En premier lieu, elle a notamment indiqué que ces derniers avaient demandé à bénéficier de l'application de cette communication avant que la communication des griefs leur soit notifiée (considérant 449 de la décision attaquée).

52 En deuxième lieu, elle a constaté que le point D de la communication sur la coopération était applicable aux transformateurs. Elle a relevé que, même si elle avait déjà en sa possession la plupart des éléments essentiels prouvant l'existence de l'infraction, les renseignements que ces derniers lui avaient fournis l'avaient aidée à clarifier et à établir celle-ci (considérants 450 et 451 de la décision attaquée).

53 En troisième lieu, la Commission a considéré que Taes, eu égard à sa coopération " particulièrement utile " pendant la procédure, notamment en ce qui concernerait la participation de Deltafina à l'infraction, et au fait qu'elle n'avait jamais contesté les faits tels qu'établis dans la communication des griefs, devait bénéficier d'une réduction de 40 % de l'amende en application du point D, paragraphe 2, premier et second tirets, de la communication sur la coopération (considérant 452 de la décision attaquée).

54 En quatrième lieu, la Commission a estimé que les renseignements fournis par la requérante et WWTE, bien qu'étant significatifs, ne s'étaient pas avérés aussi utiles pour ses investigations que ceux fournis par Taes (considérant 453 de la décision attaquée). Elle a ajouté que, dans leur réponse à la communication des griefs, la requérante et WWTE avaient affirmé que " l'entente des transformateurs sur les prix de livraison moyens (maximaux), d'une part, et les différents accords passés par les producteurs et les transformateurs sur un prix moyen par groupement de producteurs, d'autre part, étaient identiques et que, par conséquent, les effets anticoncurrentiels potentiels du comportement des transformateurs et des producteurs se [neutralisaient] ", avant de relever que cette affirmation ne correspondait pas à la réalité des faits. Eu égard à ces éléments, la Commission a décidé d'accorder à ces deux transformateurs une réduction d'amende de 25 % conformément au point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération.

55 En cinquième lieu, la Commission a accordé une réduction d'amende de 20 % à Agroexpansión (considérant 454 de la décision attaquée) et de 10 % à Deltafina (considérants 455 et 456 de la décision attaquée).

Montant final des amendes

56 Conformément à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, la Commission a fixé les montants des amendes à infliger aux entreprises et associations d'entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :

- Deltafina : 11 880 000 euro ;

- requérante : 3 631 500 euro ;

- Agroexpansión : 2 592 000 euro ;

- WWTE : 1 822 500 euro ;

- Taes : 108 000 euro ;

- l'ASAJA : 1 000 euro ;

- l'UPA : 1 000 euro ;

- la COAG : 1 000 euro ;

- la CCAE : 1 000 euro (considérant 458 de la décision attaquée).

57 Les sociétés mères de WWTE ont été déclarées solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à WWTE et la société mère d'Agroexpansión du paiement de celle infligée à Agroexpansión (considérant 458 et article 3 de la décision attaquée).

Procédure et conclusions des parties

58 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2005, la requérante a introduit le présent recours.

59 La procédure écrite a été close le 4 juillet 2005, la requérante n'ayant pas déposé de mémoire en réplique dans le délai fixé.

60 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

61 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est tenue le 9 septembre 2009.

62 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- à titre subsidiaire, réduire le montant de l'amende ;

- condamner la Commission aux dépens.

63 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- augmenter le montant de l'amende ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

64 À l'appui du recours, la requérante invoque six moyens, tirés :

- le premier, d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce qui concerne l'infliction d'une amende symbolique ;

- le deuxième, d'une violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne l'appréciation de la gravité de l'infraction ;

- le troisième, d'erreurs d'appréciation de la durée de l'infraction ;

- le quatrième, du défaut de prise en compte par la Commission, lors de la fixation du montant de départ de l'amende, de certaines particularités qui distinguent le cas de la requérante de celui des autres transformateurs ;

- le cinquième, d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en ce qui concerne la fixation du montant de départ de l'amende ;

- et le sixième, d'une application erronée de la communication sur la coopération.

65 Le premier moyen est invoqué à titre principal et les cinq suivants à titre subsidiaire.

1. Sur le premier moyen, tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement en ce qui concerne l'infliction d'une amende symbolique

Arguments des parties

66 La requérante fait valoir que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement dans la mesure où elle a traité plus favorablement les représentants des producteurs que les transformateurs, en n'imposant aux premiers qu'une amende symbolique de 1 000 euro, alors que les secteurs de la production et de la première transformation de tabac brut se trouvaient dans une situation comparable s'agissant du cadre réglementaire espagnol et de l'attitude des autorités espagnoles et que les deux ententes avaient été qualifiées d'infractions très graves. Elle prétend que, au considérant 428 de la décision attaquée, la Commission a reconnu que les motifs justifiant l'infliction d'une telle amende valaient tant pour les représentants des producteurs que pour les transformateurs.

67 La Commission considère que le premier moyen est manifestement dénué de fondement, les représentants des producteurs et les transformateurs ne se trouvant pas dans la même situation. Elle souligne, plus particulièrement, que les seconds, à la différence des premiers, avaient également conclu des accords secrets concernant les prix moyens (maximaux) de livraison du tabac brut et les quantités à acheter.

Appréciation du Tribunal

68 Selon une jurisprudence constante, le principe d'égalité de traitement n'est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106-83, Rec. p. 4209, point 28, et du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311-94, Rec. p. II-1129, point 309).

69 En l'espèce, force est de constater que les transformateurs et les représentants des producteurs ne se trouvaient pas dans une situation comparable et que cette différence objective de situation explique et justifie que la Commission n'ait pas jugé approprié de n'imposer qu'une amende purement symbolique dans le cas des premiers.

70 Il est vrai que, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que le cadre réglementaire espagnol avait pu engendrer un " degré considérable d'incertitude quant à la légalité du comportement des représentants des producteurs et des transformateurs " (considérant 428 de la décision attaquée), et ce en se fondant sur les éléments suivants mentionnés au considérant 427 de cette décision :

- les contrats types négociés entre 1995 et 1998 et homologués par le ministère de l'Agriculture prévoyaient que l'ensemble des représentants des producteurs négocieraient collectivement avec chaque transformateur les tableaux de prix (à savoir les fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut) et les conditions complémentaires (à savoir le prix minimal moyen par producteur et le prix minimal moyen par groupement de producteurs) ;

- en 1999, le ministère de l'Agriculture a même homologué les tableaux de prix qui avaient déjà été négociés collectivement par l'ensemble des représentants des producteurs et les quatre transformateurs ;

- ces tableaux ont été annexés au contrat type publié au Boletín Oficial del Estado cette année-là ;

- en 2000 et en 2001, le ministère de l'Agriculture a invité les représentants des deux secteurs à plusieurs réunions, dont certaines se sont tenues au ministère lui-même, afin de convenir des tableaux de prix, encourageant, de la sorte, les parties à poursuivre leurs négociations collectives relatives à ces tableaux.

71 Dans le même sens, la Commission a ajouté, au considérant 429 de la décision attaquée, que l'existence et les résultats des négociations sur les contrats types étaient généralement dans le domaine public et qu'aucune autorité n'avait jamais mis en cause leur compatibilité avec soit le droit communautaire, soit le droit espagnol avant l'ouverture de la procédure administrative.

72 Il est vrai également que la Commission a estimé que les constatations exposées aux points 70 et 71 ci-dessus valaient tant pour les représentants des producteurs (voir considérants 425 à 430 de la décision attaquée) que pour les transformateurs (voir considérants 428 et 437 de la décision attaquée), mais que ce n'est toutefois qu'aux premiers qu'elle a infligé une amende purement symbolique en raison desdites constatations.

73 Cependant, la requérante omet de mentionner que, d'une part, les constatations en cause visaient le " contexte bien précis de la négociation collective des accords types " (considérant 428 de la décision attaquée) - négociation qualifiée de " publique " par la Commission (voir considérants 411, 429, 437 et 438 de la décision attaquée) - et, d'autre part, les transformateurs avaient, en outre, " secrètement " pris part, en dehors de ce contexte, à certaines pratiques anticoncurrentielles.

74 S'agissant de ce dernier point, il doit être rappelé (voir points 12 à 18 ci-dessus) que la décision attaquée concerne deux ententes horizontales - la première impliquant les transformateurs et Deltafina, et la seconde les représentants des producteurs - et que chacune de ces ententes se caractérise par un ensemble d'accords et/ou de pratiques concertées et constitue une infraction unique et continue à l'article 81, paragraphe 1, CE.

75 L'entente des représentants des producteurs concernait la période 1996/2001 et visait, en substance, à fixer, chaque année, les fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut ainsi que les conditions complémentaires qu'ils proposaient ensuite aux transformateurs lors des négociations collectives entre les deux secteurs (voir notamment le résumé figurant aux considérants 277 et 318 de la décision attaquée).

76 L'entente des transformateurs comportait, elle, deux volets :

- d'une part, pendant la période 1996/2001, les transformateurs et Deltafina ont, secrètement, conclu des accords et/ou participé à des pratiques concertées visant, en substance, à fixer chaque année le prix moyen de livraison (maximal) de chaque variété de tabac brut, toutes qualités confondues, ainsi qu'à répartir les quantités de chaque variété de tabac brut que chacun des transformateurs pouvait acheter auprès des producteurs (voir notamment le résumé figurant aux considérants 276 et 278 de la décision attaquée et, pour ce qui est de la qualification de " secret " de ce volet de l'entente, les considérants 411, 413, 438 et 454 de la décision attaquée) ;

- d'autre part, pendant la période 1999/2001, les transformateurs et Deltafina ont également conclu des accords et/ou participé à des pratiques concertées ayant pour objet de fixer les fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut ainsi que les conditions complémentaires qu'ils proposaient aux représentants des producteurs lors des négociations collectives entre les deux secteurs (voir notamment le résumé figurant aux considérants 276 et 280 de la décision attaquée).

77 En d'autres termes, l'entente des transformateurs allait bien plus loin que l'entente des représentants des producteurs, puisque, en plus des accords et des pratiques concertées intervenus dans le contexte des négociations collectives publiques, elle comprenait des accords et des pratiques concertées " secrets " portant non seulement sur le prix moyen de livraison (maximal) de chaque variété de tabac brut, mais aussi sur les quantités de tabac brut à acheter. Il doit notamment être relevé que, alors que, dans le cadre de l'entente des représentants des producteurs et du second volet de l'entente des transformateurs, la concertation portait, en substance, sur des fourchettes de prix et des prix moyens minimaux, les transformateurs, en se mettant d'accord sur des prix moyens de livraison (maximaux) dans le cadre du volet secret de leur entente, parvenaient à " uniformiser au maximum les prix finaux qu'ils paieraient aux producteurs et à les réduire à leur profit " (considérant 301 de la décision attaquée). En effet, ainsi qu'il est expliqué aux considérants 74 et 301 de la décision attaquée, le prix moyen de livraison (maximal) détermine directement le prix final payé pour chaque variété de tabac brut donnée. Il importe de noter que la requérante ne conteste nullement l'existence ou l'étendue du volet secret de l'infraction reprochée aux transformateurs ni ne prétend que les représentants des producteurs ont participé à des arrangements de même nature.

78 Or, ainsi qu'il ressort des considérants 351 à 354, 426, 427 et 438 de la décision attaquée, dont le bien-fondé n'est nullement remis en cause par la requérante, le volet secret de l'entente des transformateurs ne présentait pas un lien aussi direct avec le cadre réglementaire espagnol et l'attitude des autorités espagnoles que les accords et pratiques intervenus dans le contexte de la négociation collective et publique des contrats types. À cet égard, il convient notamment de constater que, ainsi que la Commission le souligne au considérant 351 de la décision attaquée, " tant la loi que la pratique ministérielle [étaient] restées entièrement muettes au sujet [des] prix moyens de livraison (maximaux) et des quantités ". En revanche, tel n'était pas le cas en ce qui concerne les tableaux de prix et les conditions complémentaires (voir notamment les éléments mentionnés au considérant 427 de la décision attaquée, tels que repris au point 70 ci-dessus).

79 Dans ces circonstances, la Commission était fondée à considérer que l'incertitude engendrée par le cadre réglementaire espagnol et l'attitude des autorités espagnoles avait eu un impact plus direct et plus important sur le comportement des représentants des producteurs que sur celui des transformateurs et, partant, à n'imposer qu'aux premiers une amende purement symbolique sur ce fondement.

80 Il convient de souligner que la Commission n'a pas pour autant fait abstraction de ladite incertitude lorsqu'elle a déterminé le montant des amendes à imposer aux transformateurs. En effet, elle s'est fondée sur cet élément, et ce par rapport aux deux volets de leur entente, pour réduire à concurrence de 40 %, au titre des circonstances atténuantes, le montant de base des amendes qui avait été fixé dans leur cas et dans celui de Deltafina (voir considérants 437 et 438 de la décision attaquée). S'agissant, plus particulièrement, du volet " secret " de cette entente, il ressort du considérant 438 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte de ce que " les négociations publiques entre les représentants des producteurs et les transformateurs [avaient] déterminé, tout au moins dans une certaine mesure, le cadre matériel (en particulier en ce qui concerne les occasions de se concerter et d'adopter une position commune) dans lequel les transformateurs [avaient] pu développer, outre la position commune qu'ils adopteraient dans le contexte des négociations publiques, leur stratégie secrète sur les prix de livraison moyens (maximaux) et les quantités ".

81 Le premier moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

2. Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne l'appréciation de la gravité de l'infraction

Arguments des parties

82 Dans le cadre du deuxième moyen, soulevé à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que l'infraction reprochée aux transformateurs aurait dû être qualifiée de " grave ", et non de " très grave ", et que, partant, la Commission a méconnu le principe de proportionnalité en fixant le montant de départ de son amende à 8 000 000 euro.

83 Au soutien de cette allégation, en premier lieu, la requérante invoque le fait que le cadre réglementaire espagnol et l'attitude du ministère de l'Agriculture ont suscité, chez elle, une confiance quant à la légalité des comportements qui lui sont reprochés. Elle prétend que, dans des décisions antérieures, la Commission a tenu compte de ce type de situation pour qualifier l'infraction en cause de " grave " seulement.

84 En deuxième lieu, la requérante prétend que la présente affaire est la première affaire dans laquelle la Commission a appliqué les règles de concurrence à des pratiques mises en œuvre " à la première étape de la commercialisation d'un produit agricole, à savoir [celle] dans laquelle interviennent les producteurs et les premiers transformateurs du produit " et étroitement liées à des mécanismes prévus par une organisation commune de marché, en l'occurrence celle du tabac brut. S'agissant de ce dernier point, elle avance que ce sont ces mécanismes qui sont à l'origine des comportements reprochés aux transformateurs.

85 En troisième lieu, la requérante invoque la taille limitée du marché géographique en cause. Elle relève que, de manière générale, les relations entre producteurs et transformateurs se déroulent dans un cadre tout au plus national, les coûts élevés du transport de tabac brut empêchant les seconds d'acquérir du tabac brut importé et les obligeant à établir leurs installations à proximité des exploitations.

86 En quatrième lieu, la requérante invoque la très faible taille du marché de produit en cause tant en termes de valeur qu'en termes de volume.

87 En cinquième lieu, la requérante fait valoir que les comportements sanctionnés n'ont pas eu d'effets ou n'ont eu que des effets négligeables sur le marché.

88 À cet égard, tout d'abord, elle prétend que lesdits comportements n'ont pas pu avoir d'effets sur le " marché intracommunautaire de l'achat de tabac brut " dès lors que ce produit ne fait pas l'objet d'échanges entre les États membres. De surcroît, le marché espagnol serait lui-même composé de marchés locaux.

89 Ensuite, la requérante conteste le bien-fondé de la conclusion figurant au considérant 317 de la décision attaquée, selon laquelle l'entente des transformateurs pouvait avoir des effets sur le marché de la vente de tabac transformé. Elle expose que ce marché a une dimension mondiale, est très concentré et se caractérise par la présence d'un nombre très réduit de " négociants internationaux/transformateurs " qui exercent une grande influence sur les prix du produit. Elle relève également que l'Union ne représente que 5 % de la production mondiale de tabac brut et que " la production de tabac en Espagne ne pourrait potentiellement atteindre [...] que 3,6 à 2,4 % du tabac consommé dans l'[Union] ". Elle considère que, eu égard à ces éléments, le prix du tabac transformé en Espagne ne saurait influer sur les prix sur les marchés internationaux.

90 Enfin, la requérante reproduit les considérants 412 et 413 de la décision attaquée (voir point 29 ci-dessus), avant d'indiquer qu'il ressort d'éléments figurant au dossier et du fonctionnement du secteur que, contrairement aux affirmations de la Commission, " il existe des preuves démontrant que les pratiques attribuées au secteur de la transformation ont eu des effets sensiblement limités les années suivantes " et de reprocher à la Commission de ne pas avoir effectué une " analyse économétrique sophistiquée ". Dans ce contexte, elle ajoute que " divers éléments permettent de douter de l'existence d'un quelconque impact sensible des accords sur les échanges communautaires, à tel point qu'il est permis de douter que l'article 81 CE leur soit applicable ".

91 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, la requérante demande au Tribunal de réduire son amende, en fixant à 4 000 000 euro au maximum le montant de départ déterminé en fonction de la gravité de l'infraction.

92 La Commission estime qu'elle n'a commis aucune erreur en qualifiant l'infraction reprochée à la requérante de " très grave " et, partant, que le montant de départ de l'amende fixé pour cette dernière est entièrement justifié. Elle souligne que la présente affaire porte sur l'une des infractions les plus graves au droit communautaire de la concurrence, avant de relever qu'elle a, toutefois, tenu compte de certaines particularités du cas d'espèce pour ne retenir qu'un montant de départ de 8 000 000 euro pour la requérante alors que, selon les lignes directrices, elle pouvait envisager d'adopter un montant de départ d'au moins 20 000 000 euro.

93 La Commission rappelle que, pour apprécier la gravité de l'infraction, elle a pris en considération, outre la nature de celle-ci (considérants 409 et 411 de la décision attaquée), la taille réduite du marché en cause sur les plans géographique et économique (considérants 408 et 414 de la décision attaquée) ainsi que les effets concrets des accords litigieux (considérants 412 et 413 de la décision attaquée). Elle rappelle également qu'elle a tenu compte, au titre des circonstances atténuantes, de l'incertitude qui avait pu être engendrée par le cadre juridique qui entourait la négociation collective des contrats types (considérants 428, 437 et 438 de la décision attaquée).

94 Par ailleurs, la Commission fait valoir que les lignes directrices ne prévoient pas que constitue une circonstance atténuante le fait qu'un secteur économique donné fasse l'objet, pour la première fois, d'une enquête de sa part.

95 Elle ajoute que le fait que le secteur du tabac brut soit étroitement lié à une organisation commune de marché n'est pas une circonstance dont elle doit tenir compte pour déterminer la gravité de l'infraction commise.

96 Enfin, la Commission rejette l'allégation de la requérante selon laquelle les comportements sanctionnés n'ont pas eu d'effets, ou n'ont eu que des effets négligeables, sur le marché. Elle relève que l'argumentation de la requérante se concentre sur une question qui est dénuée de pertinence dans le présent contexte, en l'occurrence celle de la prétendue absence d'affectation sensible du commerce entre États membres. La Commission ajoute que, par cette argumentation, la requérante remet en cause, pour la première fois devant le Tribunal, la véracité de certains faits essentiels retenus lors de la procédure administrative et que, partant, le montant de l'amende qui lui a été infligée doit être majoré. En tout état de cause, aux considérants 315 à 317 de la décision attaquée, elle aurait établi à suffisance de droit que les comportements sanctionnés affectaient sensiblement le commerce entre États membres.

Appréciation du Tribunal

97 Avant d'examiner les différents arguments formulés par la requérante, il y a lieu d'exposer quelques considérations générales sur la détermination du montant des amendes et, plus particulièrement, sur l'appréciation de la gravité de l'infraction.

Considérations générales

98 Aux termes de l'article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1-2003, " [p]our déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci ". La même indication figurait à l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17, qui était applicable au moment de l'infraction en cause.

99 Selon une jurisprudence constante, la Commission dispose d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59 ; du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49-95, Rec. p. II-1799, point 53, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229-94, Rec. p. II-1689, point 127).

100 Il est également de jurisprudence constante que la gravité des infractions au droit communautaire de la concurrence doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 241, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C-407-04 P, Rec. p. I-829, point 129).

101 En l'espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a déterminé le montant de l'amende infligée aux différents destinataires sur la base de la méthode générale qu'elle s'est imposée dans les lignes directrices, et ce même si elle ne fait pas explicitement mention de ces dernières dans ladite décision.

102 Les lignes directrices, si elles ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l'observation de laquelle l'administration serait, en tout cas, tenue, énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l'administration ne peut s'écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d'égalité de traitement (arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397-03 P, Rec. p. I-4429, point 91). Le fait que la Commission ait précisé, par les lignes directrices, son approche quant à l'évaluation de la gravité d'une infraction ne s'oppose pas à ce qu'elle apprécie ce critère globalement en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris des éléments qui ne sont pas expressément mentionnés dans les lignes directrices (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, point 237).

103 Selon la méthode prévue par les lignes directrices, la Commission prend comme point de départ pour le calcul du montant des amendes à infliger aux entreprises concernées un montant déterminé en fonction de la gravité " intrinsèque " de l'infraction. L'évaluation de ladite gravité doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa).

104 Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les " infractions peu graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 et 1 000 000 euro, les " infractions graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables est compris entre 1 000 000 et 20 000 000 euro, et les " infractions très graves ", pour lesquelles le montant des amendes envisageables va au-delà de 20 000 000 euro (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret). En ce qui concerne les infractions très graves, la Commission précise qu'il s'agira pour l'essentiel de restrictions horizontales de type " cartels de prix " et de quotas de répartition des marchés, ou d'autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux, ou d'abus caractérisés de position dominante d'entreprises en situation de quasi-monopole (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret).

105 Il convient de relever que les trois aspects de l'évaluation de la gravité de l'infraction mentionnés au point 103 ci-dessus n'ont pas le même poids dans le cadre de l'examen global. La nature de l'infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions " très graves ". À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment à la fixation des prix ou à la répartition des marchés peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de " très grave ", sans qu'il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l'impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d'impact concret sur le marché ni de production d'effets sur une zone géographique particulière (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, point 178, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 150).

106 Il convient d'ajouter qu'il existe une interdépendance entre les trois aspects de l'évaluation de la gravité de l'infraction en ce sens qu'un degré élevé de gravité au regard de l'un ou de l'autre des aspects peut compenser la gravité moindre de l'infraction sous d'autres aspects (arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 102 supra, point 241).

107 Enfin, il importe de relever que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l'Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l'amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l'infraction et qu'elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T-43-02, Rec. p. II-3435, points 226 à 228).

Sur la taille limitée du marché géographique en cause et du marché de produit en cause

108 Il ressort du considérant 408 de la décision attaquée que la Commission a pris en compte, dans son évaluation de la gravité de l'infraction, la taille limitée tant du marché géographique en cause que du marché de produit en cause.

109 Il résulte d'une lecture conjointe de ce considérant et du considérant 409 de la décision attaquée (voir point 26 ci-dessus) et, en particulier, de l'emploi de l'adverbe " toutefois " dans ce dernier considérant que la Commission a estimé que, malgré la taille limitée de l'un et de l'autre de ces marchés, l'infraction devait être qualifiée de " très grave " dès lors qu'elle " consist[ait] dans la fixation des prix des variétés de tabac brut en Espagne et la répartition des quantités ".

110 Tout d'abord, force est de constater que cette appréciation est bien fondée.

111 Ainsi, s'agissant de l'étendue du marché géographique, celle-ci ne représente que l'un des trois critères pertinents, selon les lignes directrices, aux fins de l'appréciation globale de la gravité de l'infraction. Parmi ces critères interdépendants, la nature de l'infraction joue un rôle primordial (voir points 105 et 106 ci-dessus).

112 Or, il est clair que l'infraction reprochée aux transformateurs et à Deltafina, qui consiste dans la fixation des prix des différentes variétés de tabac brut en Espagne et dans la répartition des quantités de tabac brut à acheter auprès des producteurs, constitue une infraction très grave de par sa nature. Il importe de rappeler, à cet égard, que l'article 81, paragraphe 1, sous a), b) et c), CE déclare expressément incompatibles avec le marché commun les accords et pratiques concertées qui consistent à, respectivement, fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements et répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement. Les infractions de ce type, notamment lorsqu'il s'agit d'ententes horizontales, sont qualifiées par la jurisprudence de " particulièrement graves " dès lors qu'elles comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141-94, Rec. p. II-347, point 675), ou d'infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence (arrêt BPB de Eendracht/Commission, point 68 supra, point 303). Il importe également de rappeler que les infractions très graves, au sens du point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices, sont composées " pour l'essentiel de restrictions horizontales de type 'cartels de prix' et de quotas de répartition des marchés ". À cela s'ajoute le fait, relevé au considérant 411 de la décision attaquée, que l'entente des transformateurs comportait un volet secret, ce qui constitue une circonstance susceptible d'accentuer la gravité de l'infraction.

113 En outre, l'étendue du marché géographique n'est pas un critère autonome en ce sens que seules des infractions concernant la plupart des États membres seraient susceptibles de recevoir la qualification de " très graves ". Ni le traité CE, ni le règlement nº 17 ou le règlement n° 1-2003, ni les lignes directrices, ni la jurisprudence ne permettent de considérer que seules des restrictions géographiquement très étendues peuvent être qualifiées ainsi (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T-241-01, Rec. p. II-2917, point 87).

114 Partant, la taille limitée du marché géographique en cause ne s'oppose pas à la qualification de " très grave " de l'infraction constatée en l'espèce.

115 Cette solution s'impose a fortiori pour ce qui est de la taille limitée du marché de produit en cause, la taille du marché de produit n'étant en principe pas un élément devant obligatoirement être pris en compte, mais seulement un élément pertinent parmi d'autres pour apprécier la gravité de l'infraction et fixer le montant de l'amende (voir, en ce sens, arrêt Dalmine/Commission, point 100 supra, point 132).

116 Ensuite, il y a lieu de relever que, si la Commission a considéré que la taille limitée du marché géographique en cause et du marché de produit en cause n'empêchait pas que l'infraction soit qualifiée de très grave, elle a néanmoins pleinement tenu compte de cette taille limitée lors de la fixation du montant de départ des amendes, déterminé en fonction de la gravité de l'infraction (voir notamment considérant 414 de la décision attaquée). Ainsi, la Commission n'a retenu qu'un montant de départ de 8 000 000 euro pour la requérante, alors que, selon les lignes directrices, elle pouvait, s'agissant d'une infraction très grave, envisager d'adopter un montant de départ d'au moins 20 000 000 euro.

117 Eu égard à ce qui précède, les arguments que la requérante tire de la taille limitée du marché géographique en cause et du marché de produit en cause doivent être rejetés comme non fondés.

Sur les effets de l'entente sur le marché

118 En premier lieu, il convient de relever que, par son argumentation, la requérante met davantage en cause l'existence d'effets sur le commerce entre États membres que l'appréciation de la Commission relative aux effets de l'entente des transformateurs sur le marché. Or, la question de savoir si une entente ou pratique a - ou est de nature à avoir - des effets sur les échanges intracommunautaires n'est pas pertinente lorsqu'il s'agit d'apprécier la gravité de cette infraction, mais constitue l'une des conditions d'application de l'article 81 CE. Il doit être rappelé à cet égard que le but de cette condition est de déterminer, en matière de réglementation de la concurrence, le domaine du droit communautaire par rapport à celui des États membres. C'est ainsi que relèvent du domaine du droit communautaire toute entente et toute pratique susceptibles de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre ceux-ci, notamment en cloisonnant les marchés nationaux ou en modifiant la structure de la concurrence dans le marché commun (arrêts de la Cour du 31 mai 1979, Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers/Commission, 22-78, Rec. p. 1869, point 17, et du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475-99, Rec. p. I-8089, point 47).

119 En deuxième lieu et en tout état de cause, il convient de considérer que, dans la décision attaquée, la Commission a établi à suffisance de droit que la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres était remplie en l'espèce.

120 Pour être susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêts de la Cour du 28 avril 1998, Javico, C-306-96, Rec. p. I-1983, point 16, et Ambulanz Glöckner, point 118 supra, point 48).

121 Ainsi, une incidence sur les échanges intracommunautaires résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (arrêts de la Cour du 21 janvier 1999, Bagnasco e.a., C-215-96 et C-216-96, Rec. p. I-135, point 47, et du 29 avril 2004, British Sugar/Commission, C-359-01 P, Rec. p. I-4933, point 27).

122 La jurisprudence a également précisé que l'article 81, paragraphe 1, CE n'exigeait pas que les ententes visées à cette disposition affectent sensiblement les échanges intracommunautaires, mais demandait qu'il soit établi que ces ententes soient de nature à avoir un tel effet (voir arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C-238-05, Rec. p. I-11125, point 43, et la jurisprudence citée).

123 En l'espèce, force est de constater que c'est à bon droit que la Commission a conclu, au considérant 316 de la décision attaquée, que cette condition d'application de l'article 81 CE était remplie eu égard au fait que l'entente des transformateurs était de nature à avoir un effet sur les exportations de tabac transformé au départ de l'Espagne vers les autres États membres.

124 À ce propos, il convient de relever que, ainsi qu'il ressort de différents passages de la décision attaquée (voir notamment considérants 20, 23, 27, 32 et 84 de la décision attaquée), d'une part, le prix d'achat du tabac brut influe directement sur le prix du tabac transformé et, d'autre part, le tabac transformé espagnol est principalement destiné à l'exportation. Ces éléments, au demeurant non contestés par la requérante, suffisent pour démontrer que l'entente des transformateurs était de nature à avoir un effet sur l'exportation du tabac transformé espagnol.

125 Certes, en appréciant si la condition relative aux effets sur le commerce entre États membres était remplie, la Commission a tenu compte d'un produit - le tabac transformé - se situant sur un marché en aval du marché en cause. Toutefois, cette approche est conforme non seulement à la jurisprudence, laquelle considère que l'influence sur les courants d'échanges entre États membres peut être indirecte (voir point 120 ci-dessus), mais aussi aux lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2004, C 101, p. 81). Ainsi, le point 38 de ces lignes directrices indique notamment qu'" [i]l n'est pas rare que l'influence indirecte soit en rapport avec des produits apparentés à ceux qui sont concernés par l'accord ou la pratique ", que " l'influence indirecte peut avoir lieu lorsqu'un accord ou une pratique a une incidence sur les activités économiques transfrontalières d'entreprises qui utilisent d'une manière ou d'une autre les produits concernés par l'accord ou la pratique " et que " [c]ette influence peut par exemple survenir lorsque l'accord ou la pratique concerne un produit semi-fini qui ne fait pas lui-même l'objet d'un commerce entre États membres, mais est utilisé dans la fourniture d'un produit final qui, lui, est commercialisé ".

126 S'agissant du caractère sensible de l'affectation des échanges par l'entente des transformateurs, il convient de constater que, au considérant 317 de la décision attaquée, la Commission a relevé que ladite entente rassemblait tous les transformateurs reconnus en Espagne, que ces derniers achetaient la quasi-totalité du tabac brut produit en Espagne chaque année, que l'entente portait sur tout le tabac brut ainsi acheté et que le tabac brut, une fois qu'il était transformé, était principalement vendu à l'exportation. Ces différents éléments établissent à suffisance de droit que l'entente des transformateurs était de nature à avoir un effet sensible sur les échanges intracommunautaires.

127 Si l'argumentation de la requérante relative à l'absence d'effets de l'entente des transformateurs sur les échanges intracommunautaires doit ainsi être rejetée, le Tribunal estime, toutefois, que, à supposer même qu'il soit exact qu'elle n'avait pas fait valoir ladite argumentation au cours de la procédure administrative, il n'y a pas lieu pour autant d'exercer le pouvoir de pleine juridiction qui lui est confié en vertu de l'article 31 du règlement n° 1-2003 en majorant l'amende infligée à la requérante, ainsi que le demande la Commission (voir point 96 ci-dessus). Il y a lieu de relever à cet égard que, s'agissant de l'application des articles 81 CE et 82 CE; aucune disposition du droit de l'Union n'impose au destinataire de la communication des griefs de contester ses différents éléments de fait et de droit, au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle.

128 En troisième lieu, s'agissant de la question des effets de l'entente sur le marché, il convient de constater que la requérante se contente de reproduire les considérants 412 et 413 de la décision attaquée et d'énoncer quelques affirmations générales nullement explicitées ni étayées, en confondant, de surcroît, cette question avec celle des effets sur les échanges intracommunautaires (voir point 90 ci-dessus).

129 Or, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer, notamment, l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels il se fonde, ressortent d'une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête même (voir ordonnance du Tribunal du 19 mai 2008, TF1/Commission, T-144-04, Rec. p. II-761, points 28 et 29, et la jurisprudence citée). Des exigences analogues sont requises lorsqu'un grief est invoqué au soutien d'un moyen (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352-94, Rec. p. II-1989, point 333).

130 Partant, le grief tiré d'une prétendue absence d'effets de l'entente des transformateurs sur le marché doit être rejeté comme irrecevable.

131 En tout état de cause, ce grief ne saurait remettre en cause l'appréciation portée par la Commission sur la gravité de l'infraction reprochée à la requérante.

132 À cet égard, à titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon les termes du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, " [l]'évaluation du caractère de gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné ".

133 Il doit être rappelé également que la nature de l'infraction joue un rôle primordial pour caractériser les infractions très graves et que des accords ou des pratiques concertées visant à la fixation des prix ou à la répartition des marchés peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de " très grave ", sans qu'il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers (voir point 105 ci-dessus).

134 Dans la décision attaquée, la Commission a tenu compte, lors de l'évaluation de la gravité de l'infraction, du fait que, à partir de 1998, l'entente des transformateurs avait eu des effets concrets sur le marché même si, d'une part, elle avait déjà qualifié cette infraction de " très grave " sur la base de sa nature propre (considérants 409 à 411 de la décision attaquée) et, d'autre part, elle estimait que lesdits effets ne pouvaient être quantifiés avec précision (considérant 412 de la décision attaquée).

135 Si la Commission choisit ainsi de tenir compte de l'impact concret de l'infraction sur le marché, elle doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d'apprécier l'influence effective que l'infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T-322-01, Rec. p. II-3137, points 73 à 75).

136 Or, en l'espèce, dans la partie de la décision attaquée consacrée à l'appréciation de la gravité de l'infraction (voir considérant 413 de la décision attaquée), la Commission, pour conclure à l'existence d'effets réels de l'entente des transformateurs sur le marché à partir de 1998, n'a pas fourni de tels indices, mais s'est bornée à se référer au fait que cette entente avait été pleinement mise en œuvre et respectée à partir de cette date, ce qui ne saurait constituer qu'un début d'indice de l'existence de tels effets (voir point 139 ci-après).

137 Toutefois, le fait que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit, dans cette partie de la décision attaquée, que l'entente des transformateurs avait eu un impact concret sur le marché est sans incidence sur la qualification de l'infraction de " très grave ". Cette qualification demeure, en effet, tout à fait appropriée eu égard à la nature propre de ladite infraction (voir points 105, 111, 112 et 133 ci-dessus).

138 En outre, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, que cette absence de démonstration suffisante d'un impact concret sur le marché n'est pas susceptible de remettre en cause le montant de départ de l'amende, fixé par la Commission en fonction de la gravité de l'infraction.

139 Premièrement, il y a lieu de considérer que, eu égard au fait que l'entente des transformateurs rassemblait tous les transformateurs reconnus en Espagne, que ceux-ci achetaient la quasi-totalité du tabac brut produit chaque année dans ce pays et que cette entente portait sur tout le tabac brut acheté par lesdits transformateurs, la mise en œuvre effective de ladite entente constitue un début d'indice de l'existence d'effets sur le marché.

140 Deuxièmement, il convient de constater que la décision attaquée, dans d'autres parties que celle consacrée à l'appréciation de la gravité de l'infraction, contient des indices d'un impact concret de l'entente sur le marché.

141 Ainsi, au considérant 173 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, en 1998, " l'escalade de prix connue les années précédentes s'[était] arrêtée et les prix [avaient] même baissé ". Elle a ajouté que, dans une déclaration en date du 15 février 2002, Agroexpansión lui avait indiqué que, " [p]endant la campagne 1998/1999, les transformateurs espagnols [avaient] respecté d'une manière générale les compromis décrits " et que, " [a]insi, [ils étaient] parvenus à donner au marché pour la première fois une certaine stabilité qui [avait] ralenti l'escalade des prix d'achat des années précédentes et [avait] contrebalancé le pouvoir de négociation conjointe du secteur de la production ".

142 De même, au considérant 301 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que le prix moyen de livraison maximal, sur lequel les transformateurs et Deltafina se mettaient d'accord, " détermin[ait] très directement le prix final payé pour chaque variété de tabac brut donnée " et que " [l'] impact de [l'] infraction sur la concurrence [avait] été significatif dans la mesure où, en se concertant sur le prix moyen de livraison [maximal] à payer aux producteurs, les transformateurs parvenaient ainsi à uniformiser au maximum les prix finaux qu'ils paieraient aux producteurs et à les réduire à leur profit, et ce en dessous du niveau qui résulterait du libre jeu de la concurrence ".

143 Enfin, au considérant 314 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu'il ressortait du tableau figurant au considérant 38 de cette décision que, à partir de 1998, " les prix [s'étaient] stabilisés et [avaient] même baissé (en 1998, la baisse de prix a été de 4,8 % toutes variétés confondues) ". Renvoyant au considérant 173 de la décision attaquée, elle a répété qu'Agroexpansión avait également confirmé l'existence d'un lien entre l'entente des transformateurs et la baisse des prix.

144 Troisièmement, il convient de constater que, si la Commission a certes déterminé, dans la décision attaquée, la gravité de l'infraction en prenant en compte les effets réels de l'entente des transformateurs sur le marché, le fait que de tels effets n'aient concerné qu'une partie de la période infractionnelle, en l'occurrence à partir de 1998, est un élément qui, avec celui tenant à la taille limitée du marché géographique en cause et du marché de produit en cause, a conduit la Commission à ne retenir qu'un montant de départ de 8 000 000 euro pour la requérante, alors que, selon les lignes directrices, elle pouvait, s'agissant d'une infraction très grave, envisager d'adopter un montant de départ d'au moins 20 000 000 euro.

Sur le cadre réglementaire espagnol et l'attitude du ministère de l'Agriculture

145 Ainsi qu'il a déjà été exposé au point 112 ci-dessus, l'infraction reprochée à la requérante a trait à une entente, comportant notamment un volet secret, qui avait pour objet la fixation de prix et la répartition du marché. Ce type d'entente constitue une infraction très grave de par sa nature.

146 Certes, le cadre réglementaire espagnol et l'attitude des autorités espagnoles ont créé une certaine incertitude quant à la légalité du comportement reproché aux transformateurs et à Deltafina.

147 Toutefois, ainsi qu'il a déjà été relevé aux points 77 à 80 ci-dessus, s'agissant de l'entente des transformateurs, ladite incertitude concernait principalement le volet relatif à la négociation collective des contrats types, son impact sur le volet secret de cette entente - lequel était particulièrement nocif pour le jeu normal de la concurrence - étant beaucoup plus limité.

148 En outre, ni le règlement n° 17, ni le règlement n° 1-2003, ni les lignes directrices n'imposent à la Commission de tenir compte d'une telle circonstance lorsqu'elle évalue la gravité d'une infraction et fixe le montant de départ de l'amende.

149 S'il est possible que, dans d'autres décisions, la Commission, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, ait pris en considération une circonstance semblable à celle invoquée par la requérante pour qualifier une infraction de " grave " plutôt que de " très grave ", cela ne l'obligeait toutefois pas à suivre la même approche en l'espèce. Il doit, en effet, être rappelé que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 100 supra, points 169 à 171, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 292, et la jurisprudence citée).

150 Par ailleurs, il convient de rappeler que l'incertitude engendrée par le cadre réglementaire espagnol et l'attitude du ministère de l'Agriculture est un élément qui a été dûment pris en compte par la Commission pour réduire de 40 %, au titre des circonstances atténuantes, le montant de base des amendes qui avait été fixé dans le cas des transformateurs et de Deltafina (voir point 80 ci-dessus).

151 Enfin, il y a lieu de rappeler également que la Commission n'a retenu qu'un montant de départ de 8 000 000 euro pour la requérante, alors que, en vertu des lignes directrices, elle aurait pu envisager, s'agissant d'une infraction très grave, d'appliquer un montant de départ dépassant les 20 000 000 euro. Dans le même sens, il convient de relever que, même si l'infraction n'avait été qualifiée que de " grave ", la Commission aurait été autorisée, en vertu des lignes directrices, de retenir un montant de départ de 8 000 000 euro.

152 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n'a pas méconnu le principe de proportionnalité en qualifiant de " très grave " l'infraction reprochée aux transformateurs en dépit de l'incertitude créée par le cadre réglementaire espagnol et l'attitude du ministère de l'Agriculture.

Sur le caractère nouveau de la présente affaire

153 Tout d'abord, il convient d'examiner l'allégation de la requérante selon laquelle ce sont les mécanismes prévus par l'organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut qui sont à l'origine des comportements illicites reprochés aux transformateurs.

154 À cet égard, il y a lieu de relever que, aux considérants 337 à 347 de la décision attaquée, la Commission a analysé en détail la question de l'application, en l'espèce, du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 30, p. 993), et que, dans ce contexte, elle s'est prononcée sur les rapports entre l'organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut et les deux ententes en cause dans la présente affaire.

155 La Commission a rappelé que l'article 1er du règlement n° 26 disposait notamment que l'article 81 CE s'appliquait à tous accords, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l'annexe I du traité CE, parmi lesquels figurait le tabac brut. Elle a ajouté que l'article 2, paragraphe 1, de ce règlement prévoyait cependant une exception à cette règle générale en déclarant l'article 81, paragraphe 1, CE inapplicable dans trois hypothèses, notamment celle dans laquelle les accords, décisions ou pratiques en cause étaient nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 CE.

156 La Commission a considéré que l'entente des transformateurs ainsi que celle des représentants des producteurs n'étaient couvertes par aucune de ces hypothèses.

157 S'agissant, plus particulièrement, de l'hypothèse décrite au point 155 ci-dessus, tout d'abord, la Commission a relevé que ces ententes ne figuraient en aucune manière au nombre des moyens prévus par le règlement constitutif de l'organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut pour la réalisation des objectifs visés par l'article 33 CE. Ensuite, elle a rejeté l'affirmation faite par les représentants des producteurs lors de la procédure administrative, selon laquelle la conclusion d'accords collectifs était de toute façon susceptible d'atteindre certains ou la totalité desdits objectifs, tels que développés dans l'organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut. À cet égard, elle a exposé que les réformes de cette organisation commune intervenues en 1992 et, surtout, en 1998 visaient à encourager la production de tabac de meilleure qualité pouvant être vendu à des prix plus élevés et à rendre la culture du tabac moins dépendante des primes communautaires à moyen ou à long terme et que, par conséquent, la concurrence par les prix était essentielle pour atteindre les objectifs de ces réformes. Elle a précisé que la réforme de 1998, en établissant un lien entre la partie variable de la prime communautaire et les prix commerciaux obtenus a encore renforcé le rôle de ladite concurrence. Enfin la Commission a conclu de ces différentes considérations que " la fixation commune de prix communs (sous la forme de fourchettes de prix, de prix minimaux ou de prix minimaux moyens) [était] totalement contraire aux objectifs poursuivis par la réforme, puisqu'elle [avait] eu pour effet de réduire le rôle de l'un de ses instruments essentiels, à savoir la concurrence par les prix " (considérant 344 de la décision attaquée).

158 La Commission a ajouté que les représentants des producteurs n'avaient pas indiqué les raisons pour lesquelles ils estimaient que les accords litigieux de fixation des prix étaient proportionnés à l'objectif poursuivi. Elle a souligné que de tels accords ne pourraient être considérés comme nécessaires et proportionnés aux objectifs visés par l'article 33 CE que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles (considérant 345 de la décision attaquée).

159 Force est de constater que la requérante ne fait valoir aucun argument de nature à remettre en cause l'analyse ainsi opérée par la Commission. Il convient, par conséquent, d'écarter son allégation selon laquelle les comportements qui lui sont reprochés trouvent leur origine dans les mécanismes prévus par l'organisation commune de marché dans le secteur du tabac brut.

160 Il convient d'ajouter que la requérante, en invoquant ainsi l'existence d'un cadre réglementaire qui limiterait déjà la concurrence, ne fait que souligner la gravité de l'infraction qui lui est reprochée, dans la mesure où, à travers leur concertation, les transformateurs et Deltafina ont cherché à éliminer ou, à tout le moins, à restreindre la concurrence effective qui pouvait subsister sur le marché.

161 Ensuite, il y a lieu de rejeter l'argument que la requérante tire du caractère prétendument nouveau de la présente affaire.

162 À cet égard, d'une part, il convient de relever que l'infraction reprochée à la requérante ne présente en soi aucun caractère nouveau. Bien au contraire, l'entente des transformateurs, ayant pour objet la fixation de prix et la répartition du marché, correspond à un type d'infraction classique et particulièrement grave au droit de la concurrence et à un comportement dont l'illégalité a été affirmée par la Commission à maintes reprises depuis ses premières interventions en la matière. La requérante devait nécessairement avoir conscience que son comportement constituait une infraction. Le fait que l'entente à laquelle elle a participé comportait un volet secret confirme d'ailleurs que tel était bien le cas.

163 D'autre part, le fait, à le supposer avéré, que la décision attaquée représente le premier cas d'application des règles de la concurrence dans un secteur donné de l'économie n'est pas un élément dont la Commission est obligée de tenir compte en vertu du règlement n° 17, du règlement n° 1-2003 ou des lignes directrices lorsqu'elle évalue la gravité d'une infraction et fixe le montant de départ de l'amende. Par ailleurs, eu égard à la nature très grave de l'infraction imputée à la requérante, la Commission n'aurait pas méconnu le principe de proportionnalité en ne jugeant pas opportun, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de retenir un tel élément pour ne qualifier cette infraction que de grave. Ce principe est d'autant moins susceptible d'avoir été violé en l'espèce que la Commission n'a adopté qu'un montant de départ de 8 000 000 euro pour la requérante, alors que, selon les lignes directrices, elle pouvait, s'agissant d'une infraction très grave, envisager d'adopter un montant de départ d'au moins 20 000 000 euro.

164 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

3. Sur le troisième moyen, tiré d'erreurs d'appréciation de la durée de l'infraction

Arguments des parties

165 Dans le cadre de son troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, la requérante considère que l'appréciation de la Commission selon laquelle l'entente des transformateurs a duré plus de cinq ans et quatre mois, à savoir du 13 mars 1996 au 10 août 2001, et selon laquelle le montant de départ de l'amende doit, en conséquence, être majoré de 50 % est erronée à un double titre.

166 En premier lieu, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de l'intensité variable de l'entente au cours de sa durée. Elle expose que, au cours des années 1996 et 1997, les accords conclus par les transformateurs n'ont été respectés par aucun de ceux-ci et que, en 1996, les discussions portant sur les quantités n'ont pas abouti à un véritable accord. Elle ajoute que l'" escalade des prix " qui s'est produite en 1996 et en 1997 démontre que, malgré les contacts qu'ils avaient eus entre eux, les transformateurs s'étaient fait âprement concurrence afin d'augmenter leur part de marché. Enfin, à partir de 1998, les transformateurs auraient entretenu des contacts beaucoup plus " sophistiqués " à travers la conclusion d'un accord-cadre relatif au prix moyen (maximal) et aux quantités, qui était accompagné de mesures d'application particulières et qui comportait également la fixation de fourchettes de prix par grades qualitatifs pour chaque variété de tabac brut.

167 En second lieu, la requérante fait valoir que l'infraction a pris fin non le 10 août, mais le 31 mai 2001. Elle prétend que la réunion qui s'est tenue le 10 août 2001 entre les représentants des producteurs et les transformateurs avait pour objet de discuter de la " date de début des achats [de tabac] ", à savoir un comportement qui ne fait pas partie de ceux analysés dans la décision attaquée et qui correspond à un " mécanisme de fonctionnement du marché ". Selon la requérante, la fin de l'infraction aurait, en réalité, dû être fixée au 31 mai 2001, qui est la date à laquelle les contrats de culture ont été signés et à laquelle ont eu lieu les derniers contacts entre les représentants des producteurs et les transformateurs ainsi que les derniers contacts " anticoncurrentiels " entre les transformateurs.

168 Eu égard aux considérations qui précèdent, la requérante estime que le montant de départ de l'amende - qu'elle propose de fixer à 4 000 000 euro au maximum (voir point 91 ci-dessus) - ne saurait être majoré que de 40 % au maximum au titre de la durée. Le montant de base de son amende ne saurait, dès lors, excéder 5 600 000 euro.

169 La Commission conclut au rejet du présent moyen.

Appréciation du Tribunal

170 Conformément au point 1 B des lignes directrices, la Commission a la possibilité, en ce qui concerne les infractions de longue durée (au-delà de cinq ans), de majorer le montant retenu pour la gravité de l'infraction d'un taux pouvant aller jusqu'à 10 % par année d'infraction.

171 En l'espèce, la Commission a relevé, au considérant 432 de la décision attaquée, que l'entente des transformateurs avait commencé le 13 mars 1996 et que, selon les déclarations des transformateurs, elle avait cessé le 3 octobre 2001. Toutefois, constatant que la " dernière preuve " dont elle disposait était une réunion du 10 août 2001, mentionnée au considérant 260 de la décision attaquée, elle a retenu cette dernière date comme date de fin de l'infraction. En conséquence, elle a fixé la durée de l'infraction à cinq ans et quatre mois, ce qui correspondait à une infraction de longue durée et, au considérant 433 de la décision attaquée, elle a majoré de 50 % le montant de départ de l'amende infligée à chacun des transformateurs et à Deltafina.

172 Ce faisant, la Commission a respecté les règles qu'elle s'était imposées dans les lignes directrices lors de l'augmentation du montant des amendes retenu au titre de la gravité de l'infraction, en fonction de sa durée.

173 L'argument de la requérante selon lequel la date de fin de l'infraction aurait, en réalité, dû être fixée au 31 mai 2001 ne saurait prospérer.

174 En effet, d'une part, cet argument est inopérant aux fins de la contestation du montant de l'amende dès lors que, à supposer même que la date de fin de l'entente des transformateurs doive être fixée au 31 mai 2001, l'infraction serait toujours d'une durée supérieure à cinq ans, à savoir de longue durée selon les lignes directrices et, partant, la Commission serait également autorisée à appliquer une majoration de 50 %.

175 D'autre part et en tout état de cause, c'est à bon droit que la Commission a fixé au 10 août 2001 la date de fin de l'infraction. En effet, il ressort des éléments du dossier et il est constant entre les parties que, à cette date, s'est tenue une réunion entre les transformateurs et les représentants des producteurs dont l'objet était de convenir de la date du début de la campagne des achats de tabac. Dans son mémoire en défense, la Commission a indiqué, sans être contredite par la requérante, que cette réunion faisait partie des négociations collectives entre les premiers et les seconds sur les prix des contrats de culture. Il ressort de deux télécopies du 26 juillet 2001, mentionnées à la note en bas de page du considérant 260 de la décision attaquée, que l'Anetab avait convoqué les représentants des producteurs à la réunion en cause et qu'elle avait ensuite adressé une copie de cette convocation aux transformateurs en les invitant à se rencontrer dans les locaux de la requérante une heure avant ladite réunion. Eu égard à ces éléments, la Commission était fondée à conclure que, ainsi qu'elle le fait valoir dans son mémoire en défense, les transformateurs s'étaient réunis le 10 août 2001 pour convenir d'une position commune vis-à-vis des représentants des producteurs et que ce comportement relevait du cadre de l'infraction.

176 Doit également être rejeté l'argument de la requérante selon lequel le calcul de la durée de l'infraction aurait dû s'opérer en tenant compte des variations d'intensité de l'infraction.

177 En effet, il ressort de la jurisprudence que la prise en compte de la durée de l'infraction se fait par l'application d'un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l'ensemble de l'infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l'infraction. Ainsi, il ne serait pas logique de prendre en compte, pour l'augmentation de ce montant au titre de la durée de l'infraction, une variation dans l'intensité de l'infraction pendant la période concernée (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T-53-03, Rec. p. II-1333, point 364).

178 En l'espèce, il convient de rappeler que la Commission a tenu compte des variations d'intensité de l'infraction lorsqu'elle a fixé le montant de départ de l'amende au titre de la gravité, en particulier lorsqu'elle a examiné la question des effets réels de l'entente des transformateurs sur le marché. Ainsi qu'il a déjà été constaté au point 144 ci-dessus, le fait que, durant les deux premières années de son existence, cette entente n'avait pas été pleinement mise en œuvre et respectée est l'un des éléments qui a conduit la Commission à ne retenir qu'un montant de départ de 8 000 000 euro pour la requérante, alors que, selon les lignes directrices, elle pouvait, s'agissant d'une infraction très grave, envisager d'adopter un montant de départ d'au moins 20 000 000 euro.

179 Il s'ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

4. Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de prise en compte par la Commission, lors de la fixation du montant de départ de l'amende, de certaines particularités qui distinguent le cas de la requérante de celui des autres transformateurs

Arguments des parties

180 La requérante prétend que la Commission a erronément omis de tenir compte, lors de la fixation du montant de départ de son amende, de certaines particularités qui la distinguent des autres transformateurs. Elle reproche à la Commission de s'être fondée uniquement sur les parts de marché des différents transformateurs sur le marché de l'achat de tabac brut pour leur appliquer un traitement différencié dans le cadre de la fixation du montant de départ. En agissant de la sorte, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité ainsi que le point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices.

181 En premier lieu, la requérante invoque une série de circonstances en rapport avec sa position sur le marché, qui établiraient que le fait, relevé par la Commission au considérant 419 de la décision attaquée, qu'elle détient une part de marché d'environ 67 % pour l'achat de tabac brut " n'est pas une référence objective de son pouvoir sur le marché ni de la manière dont son rôle a pu être déterminant dans le comportement reproché ".

182 À cet égard, premièrement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que sa part de marché sur le marché de l'achat de tabac brut avait progressivement diminué depuis 1990. Elle ajoute que, pour des raisons historiques et sociales, elle est le seul acheteur de tabac dans certaines zones où le produit est de qualité très inférieure, ce qui réduit sa productivité et élève sa part de marché, sans lui conférer un réel avantage concurrentiel ni un pouvoir de marché plus important face à ses concurrents.

183 Deuxièmement, la requérante prétend qu'elle ne détient aucun pouvoir de négociation à l'égard des producteurs et de ses clients. S'agissant des premiers, elle fait observer que ceux-ci " concentrent " leur pouvoir de négociation dans les organisations professionnelles agricoles et les groupements de producteurs de tabac et que, depuis 1996 au moins, ils négocient comme un seul et même interlocuteur. S'agissant des seconds, elle affirme que sa position sur le marché de la vente de tabac transformé est faible, un tiers de sa production étant destiné à Altadis en vertu d'un contrat pluriannuel conclu avec cette dernière et le reste étant vendu sur les marchés internationaux, où son pouvoir de négociation est très réduit. Dans ce contexte, elle indique notamment qu'elle vend principalement son tabac transformé à certains " négociants " - dont Deltafina et Dimon - qui sont simultanément présents sur les marché espagnol de l'achat de tabac brut. Elle prétend que, si elle devait tenter d'augmenter les prix du tabac transformé, " ses clients [pourraient] agir comme des concurrents en achetant directement ou indirectement le tabac aux fins de transformation ".

184 En deuxième lieu, la requérante soutient qu'elle a adopté un comportement indépendant vis-à-vis de ses concurrents. Elle fait valoir que, en 1996, elle a refusé de conclure des accords avec le " front commun " constitué par les autres transformateurs et que ces derniers ont eu des contacts entre eux en vue de faire pression sur elle et de l'inciter à collaborer. Elle prétend que, grâce à sa " résistance ", les accords n'ont eu aucun effet en 1996 et en 1997.

185 En troisième lieu, la requérante fait valoir que, en se fondant sur les parts de marché respectives des transformateurs sur le marché de l'achat de tabac brut pour fixer le montant de départ des amendes, la Commission lui a infligé une amende totalement disproportionnée, en particulier par rapport à celle imposée à Deltafina.

186 La requérante ajoute que le montant de l'amende fixé pour Deltafina avant application du plafond prévu par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 représentait moins de 10 % du chiffre d'affaires de cette dernière alors que, dans son cas, le même montant représentait 14,86 % de son chiffre d'affaires. Cette différence serait d'autant moins justifiée que la nécessité d'assurer un effet dissuasif suffisant s'imposerait moins dans son cas que dans celui de Deltafina, qui avait été qualifiée de meneur de l'entente des transformateurs.

187 Eu égard aux considérations qui précèdent, la requérante fait valoir que le montant de base de son amende - qu'elle estime devoir être fixé à 5 600 000 euro au maximum (voir point 168 ci-dessus) - doit être réduit de 50 % et, dès lors, être porté à 2 800 000 euro au maximum.

188 La Commission prétend n'avoir commis aucune erreur dans la fixation du montant de départ de l'amende de la requérante.

189 En premier lieu, la Commission renvoie aux considérants 415 à 424 de la décision attaquée, dans lesquels elle examine le poids spécifique de chacune des entreprises impliquées dans l'infraction. Elle considère que les éléments invoqués par la requérante n'auraient pas justifié de retenir, dans son cas, un montant de départ moins élevé.

190 En deuxième lieu, la Commission prétend que, lors de la détermination de la gravité de l'infraction et de la fixation du montant de départ de l'amende, elle a tenu compte du fait que les accords litigieux n'avaient pas été pleinement respectés durant les premières années de l'entente. Par ailleurs, elle avance que le fait que, dans certains cas, la requérante ait estimé qu'il était dans son intérêt de ne pas coopérer très étroitement avec ses concurrents ne saurait être suffisant pour lui octroyer une réduction du montant de son amende. Elle ajoute que la requérante ne saurait tirer argument de ce que certaines entreprises avaient exercé des pressions sur elle pour qu'elle s'associe à l'entente.

191 En troisième lieu, la Commission rejette les arguments que la requérante tire d'une comparaison de sa situation avec celle de Deltafina.

Appréciation du Tribunal

192 Le présent moyen se rapporte au traitement différencié des entreprises concernées opéré par la Commission lors de la fixation du montant de départ des amendes. Il comporte trois branches. Dans une première branche, la requérante fait grief à la Commission de s'être fondée uniquement sur les parts de marché de ces entreprises pour effectuer ce traitement différencié. Dans une deuxième branche, elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait qu'elle avait adopté un comportement indépendant vis-à-vis des autres transformateurs. Dans une troisième branche, elle fait valoir que l'amende qui lui a été infligée est disproportionnée par rapport à celle imposée à Deltafina.

193 Avant d'examiner les différents arguments formulés par la requérante, il y a lieu d'exposer quelques considérations générales.

Considérations générales

194 Selon les lignes directrices, il est nécessaire, lors de la fixation du montant de départ de l'amende, de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l'infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

195 Les lignes directrices prévoient également que, dans le cas d'infractions impliquant plusieurs entreprises (type " cartel "), il peut convenir de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l'intérieur de chacune des trois catégories d'infractions retenues (voir point 104 ci-dessus) afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature (point 1 A, sixième alinéa).

196 Il ressort des considérants 415 à 424 de la décision attaquée que, s'agissant des transformateurs et de Deltafina, la Commission a effectué une différenciation en deux étapes entre ces entreprises. Elle a, tout d'abord, opéré, en conformité avec le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices, une différenciation en fonction de la " contribution au comportement illégal " et de la " position sur le marché " de chacune desdites entreprises (considérants 415 à 421 de la décision attaquée). À cet égard, elle a fait état d'un souci de tenir compte du " poids spécifique de chaque entreprise et donc de l'incidence réelle de son comportement illicite sur la concurrence " (considérant 415 de la décision attaquée). Ensuite, en vertu du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, elle a appliqué un coefficient multiplicateur au montant de départ de l'amende infligée à WWTE et à Agroexpansión afin d'assurer à celle-ci un effet suffisamment dissuasif (considérants 422 et 423 de la décision attaquée).

197 Les critiques formulées par la requérante au soutien du présent moyen portent essentiellement sur la première des deux étapes du calcul de l'amende décrites au point 196 ci-dessus.

198 Dans le cadre de cette première étape, la Commission a distingué entre, d'une part, Deltafina et, d'autre part, les transformateurs. S'agissant de la première, elle a considéré que celle-ci devait se voir attribuer " le montant de départ de l'amende le plus élevé en raison de sa position de premier plan sur le marché en tant qu'acheteur principal du tabac transformé espagnol " (considérant 417 de la décision attaquée). Ce montant a été fixé à 8 000 000 euro (considérant 424 de la décision attaquée). S'agissant des transformateurs, tout d'abord, la Commission a estimé que leur contribution à l'infraction pouvait être considérée " en gros " comme similaire et, ensuite, elle les a répartis en trois catégories. Pour procéder à cette répartition, la Commission s'est fondée sur les parts de marché respectives des transformateurs sur le marché de l'achat de tabac brut espagnol au cours de l'année 2001. Elle a considéré que la requérante, avec une part de marché de plus de 67 %, était de loin le premier transformateur et devait, dès lors, être placée dans une première catégorie et se voir attribuer le montant de départ de l'amende le plus élevé, en l'occurrence 8 000 000 euro (considérants 20, 419 et 424 de la décision attaquée).

Sur la position de la requérante sur le marché

- Sur le fait que la Commission se soit fondée sur les parts de marché respectives des entreprises concernées

199 Tout d'abord, il doit être rappelé qu'il ressort de la jurisprudence que la part de marché de chacune des entreprises concernées sur le marché ayant fait objet d'une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la responsabilité de chacune des entreprises en ce qui concerne la nocivité potentielle de ladite pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 91, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 197).

200 En l'espèce, l'entente des transformateurs portant sur les achats de tabac brut et le marché géographique en cause étant national, la Commission était fondée à apprécier le poids spécifique de chacun de ces transformateurs - et à leur appliquer un traitement différencié - en fonction des parts de marché qu'ils détenaient en 2001 sur le marché espagnol de l'achat de tabac brut.

201 Ensuite, il convient de considérer que la part de marché de 67,6 % attribuée par la décision attaquée (voir considérants 20 et 419 de la décision attaquée) à la requérante donne une exacte représentation de sa position sur le marché, contrairement à ce que cette dernière fait valoir.

202 S'il est vrai que la part de marché de la requérante sur le marché espagnol de l'achat de tabac brut a progressivement diminué depuis que celle-ci a perdu, en 1990, le monopole de la transformation de tabac brut en Espagne, il doit être constaté, toutefois, que cette diminution n'a été que limitée. Ainsi, il ressort d'un tableau annexé à la requête, que, entre 1996 et 2001, la part de marché de la requérante est passée de 70 à 63 % en ce qui concerne le tabac de la variété Virginia (qui, ainsi qu'il est indiqué au considérant 36 de la décision attaquée, est la variété la plus importante) et de 54 à 53 % en ce qui concerne la variété Burley E. En ce qui concerne le tabac de la variété Burley F, la part de marché de la requérante est, selon ce même tableau, passée de 83 %, en 1996, à 94 %, en 2001. Par ailleurs, en dépit de la diminution susvisée, l'écart entre la part de marché de la requérante et les parts de marché des trois autres transformateurs est resté très important. Ainsi, en 2001, toutes variétés de tabac confondues, la part de marché de la requérante s'élevait à plus de 67 %, tandis que celles d'Agroexpansión et de WWTE étaient de 15 % environ chacune et celle de Taes de 1,6 % seulement (voir notamment considérants 20, 23, 25 et 28 de la décision attaquée).

203 Eu égard à ce qui précède, les critiques que la requérante formule à l'encontre de la prise en compte de sa part de marché doivent être écartées.

- Sur la prétendue absence de pouvoir de négociation de la requérante

204 Tout d'abord, il convient de rejeter l'allégation de la requérante selon laquelle elle ne dispose pas d'un pouvoir de négociation à l'égard des producteurs de tabac.

205 En effet, d'une part, une telle allégation n'est guère crédible eu égard à l'importante part de marché détenue par la requérante sur le marché espagnol de l'achat de tabac brut (voir points 201 et 202 ci-dessus).

206 D'autre part, il ressort du dossier, et notamment d'articles de la presse spécialisée mentionnés à la note en bas de page des considérants 74 et 76 de la décision attaquée, que la requérante, qui avait été pendant de nombreuses années la seule entreprise à acheter du tabac brut en Espagne, entretenait une relation privilégiée avec les producteurs. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, de 1996 à 1998, qui sont les années durant lesquelles les représentants des producteurs rencontraient chacun des transformateurs séparément pour négocier les fourchettes de prix par grade qualitatifs devant figurer dans les tableaux de prix et les conditions complémentaires (voir considérant 33 de la décision attaquée), la requérante a toujours été la première entreprise invitée à négocier et avec laquelle ces représentants sont parvenus à un accord (voir considérants 102, 123 et 175 de la décision attaquée).

207 Ensuite, doit également être rejeté l'argument que la requérante tire de ce qu'elle n'aurait qu'une faible position sur le marché de la vente de tabac transformé.

208 À cet égard, d'une part, il convient de relever que, l'entente des transformateurs portant sur les achats de tabac brut et visant à obtenir les prix les plus bas possibles pour ce produit, la position que ces derniers occupent sur le marché en aval de la vente de tabac transformé n'est pas un élément aussi pertinent que leur part de marché sur le marché de l'achat de tabac brut pour apprécier le poids spécifique de chacun d'entre eux par rapport aux autres et, partant, l'incidence réelle du comportement illicite de chacun d'entre eux sur la concurrence, et ce même si ces deux marchés sont interdépendants.

209 D'autre part, et dans le même sens, l'infraction imputée à la requérante ayant été commise en Espagne et le marché géographique en cause étant national, les considérations que cette dernière avance à propos de la faiblesse de sa position de négociation sur les marchés internationaux de la vente de tabac transformé ne sont que d'une pertinence très limitée dans le présent contexte.

210 L'allégation de la requérante selon laquelle, si elle devait tenter d'augmenter les prix de vente du tabac transformé, ses concurrents pourraient acheter directement ou indirectement le tabac brut aux fins de transformation (voir point 183 ci-dessus) relève de la pure conjecture. À cet égard, il convient de relever que la requérante entretenait des relations stables avec lesdits concurrents, ayant même conclu avec certains d'entre eux, qui ne disposaient pas des installations nécessaires, des contrats pour la transformation d'une partie du tabac brut qu'ils acquéraient auprès des producteurs. Ainsi qu'il est indiqué au considérant 20 de la décision attaquée et que la requérante le souligne dans la requête, cette dernière avait un important excédent de capacité de transformation.

211 Enfin, il y a lieu de relever que la thèse de la requérante selon laquelle elle n'a qu'un poids limité sur le marché est difficilement conciliable avec les allégations qu'elle formule au soutien du grief examiné aux points 212 à 218 ci-après et selon lesquelles elle a refusé, en 1996, de conclure des accords avec les autres transformateurs malgré les pressions qu'ils exerçaient sur elle et a eu un comportement qui avait empêché la " collaboration " entre les transformateurs de produire un quelconque effet en 1996 et en 1997.

Sur le prétendu comportement indépendant de la requérante

212 Tout d'abord, il convient de relever que la requérante n'a pas été le seul transformateur à ne pas pleinement respecter, pendant les premières années de l'entente des transformateurs, les accords conclus par ces derniers.

213 Ainsi, il ressort notamment des considérants 85, 88 et 112 de la décision attaquée que, en réalité, aucun des transformateurs n'avait respecté, lors de l'achat effectif du tabac brut en fin d'année, les accords auxquels ils étaient parvenus en 1996 et en 1997. De même, au considérant 140 de la décision attaquée, il est fait mention d'une télécopie envoyée par Agroexpansión à Deltafina au début du mois d'octobre 1997, dans laquelle la première se plaint du fait que WWTE paie des prix supérieurs à ceux qui avaient été convenus.

214 Il doit être rappelé, dans ce contexte, que la Commission avait pris en considération, lorsqu'elle a évalué la gravité de l'infraction et fixé le montant de départ de l'amende, le fait que l'entente n'avait pas été pleinement mise en œuvre et respectée avant 1998 (voir points 144 et 178 ci-dessus).

215 Ensuite, il y a lieu de souligner qu'il ressort du dossier que la requérante a participé activement à l'entente des transformateurs, et ce dès le début de celle-ci. S'agissant, plus particulièrement, des années 1996 et 1997, il apparaît de plusieurs considérants de la décision attaquée qu'elle était notamment présente aux différentes réunions au cours desquelles les transformateurs et Deltafina ont conclu des accords de fixation des prix et de répartition des quantités de tabac brut à acheter. Ainsi, la requérante était présente à la première réunion de cette entente, à savoir celle du 13 mars 1996 à Madrid, au cours de laquelle il a été discuté des prix et des volumes d'achats du tabac brut pour la campagne 1996/1997 et un accord sur les prix a été conclu (considérants 92 à 97 de la décision attaquée). Elle a également assisté à une réunion tenue en avril 1996, au cours de laquelle les transformateurs se sont concertés sur les quantités de tabac que chacun d'entre eux pouvait acheter auprès des producteurs (considérant 99 de la décision attaquée), ainsi qu'à une réunion tenue le 9 septembre 1996 à Madrid (considérant 117 de la décision attaquée). En ce qui concerne l'année 1997, il ressort du dossier que la requérante a participé à quatre réunions avec les transformateurs pendant le premier trimestre de cette année, dont l'objet était de discuter du prix moyen de livraison (maximal) du tabac brut et des quantités de tabac brut à acheter pour la campagne 1997/1998 (considérants 118 à 122 de la décision attaquée), ainsi qu'à une réunion le 29 septembre 1997 avec WWTE et Agroexpansión afin de convenir de la mise en place d'un échange d'informations (considérant 137 de la décision attaquée).

216 S'il est possible que certains des éléments invoqués par la requérante dans la requête indiquent que celle-ci a estimé, dans certaines circonstances, en 1996 et en 1997, qu'il était dans son intérêt de ne pas collaborer étroitement avec ses concurrents, ils ne suffisent toutefois pas à établir qu'elle se serait clairement opposée à la mise en œuvre de l'entente et aurait eu un comportement sur le marché réellement indépendant et concurrentiel.

217 Enfin, en ce qui concerne les pressions que la requérante aurait subies de la part des autres membres de l'entente, il convient de relever qu'il ressort de la jurisprudence que les pressions, exercées par des entreprises et visant à amener d'autres entreprises à participer à une infraction au droit de la concurrence, ne dégagent pas, quelle que soit leur importance, l'entreprise concernée de sa responsabilité pour l'infraction commise, ne modifient en rien la gravité de l'entente et ne sauraient constituer une circonstance atténuante aux fins du calcul des montants des amendes, dès lors que l'entreprise concernée aurait pu dénoncer les éventuelles pressions aux autorités compétentes et introduire auprès d'elles une plainte (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 100 supra, points 369 et 370 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T-17-99, Rec. p. II-1647, point 50, et du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T-62-02, Rec. p. II-5057, point 63).

218 Eu égard aux éléments qui précèdent, il ne saurait être considéré que la requérante avait fait preuve, dans le cadre de l'entente des transformateurs, d'un comportement réellement différent de celui des autres membres de cette entente.

Conclusion intermédiaire

219 Il ressort des considérations qui précèdent que c'est à bon droit, et sans méconnaître le principe de proportionnalité, que la Commission, se fondant sur les parts de marché respectives des transformateurs sur le marché de l'achat de tabac brut espagnol en 2001, a estimé que la requérante était " de loin le premier transformateur " et devait se voir attribuer le montant de départ de l'amende le plus élevé.

220 Contrairement à ce que soutient la requérante, la part de marché d'environ 67 % qu'elle détenait alors sur ce marché donne une exacte représentation de sa position sur celui-ci et de son poids spécifique par rapport aux autres transformateurs. Les allégations de la requérante selon lesquelles elle ne disposait pas d'un pouvoir de négociation à l'égard des producteurs, n'avait qu'une faible position sur le marché de la vente de tabac transformé et avait fait preuve d'un comportement indépendant dans le cadre de l'entente ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

221 Par ailleurs, ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième moyen (voir points 97 à 164 ci-dessus), c'est également à bon droit que la Commission a qualifié l'infraction reprochée à la requérante de " très grave " et sans méconnaître le principe de proportionnalité qu'elle a fixé le montant de départ de son amende à 8 000 000 euro.

222 Il convient d'ajouter que ce dernier montant est exactement proportionné à celui retenu pour les autres transformateurs, à savoir 1 800 000 euro, avant application du coefficient multiplicateur, dans le cas de WWTE et d'Agroexpansión, qui détenaient chacune une part de marché d'environ 15 %, et 200 000 euro dans le cas de Taes, qui avait une part de marché de 1,6 %.

223 Enfin, il convient également de rappeler que, afin d'assurer à l'amende un effet suffisamment dissuasif (voir point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices), la Commission a, aux considérants 422 et 423 de la décision attaquée, augmenté le montant de départ de l'amende infligée à WWTE et à Agroexpansión en l'affectant d'un coefficient tenant compte, d'une part, de la taille des groupes auxquels elles appartiennent et, d'autre part, de leur taille comparée par rapport aux autres transformateurs. Ainsi, elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 1,5 - soit une majoration de 50 % - au montant de départ déterminé pour WWTE et un coefficient multiplicateur de 2 - soit une majoration de 100 % - au montant de départ déterminé pour Agroexpansión.

224 S'agissant de la question de savoir si le montant de départ de l'amende de la requérante est également proportionné à celui fixé pour Deltafina, elle sera examinée aux points 225 à 235 ci-après.

Sur la comparaison avec Deltafina

225 Il ressort du considérant 424 de la décision attaquée, lu conjointement avec les considérants 417 et 419 de la même décision, que la requérante et Deltafina se sont toutes les deux vu attribuer le montant de départ de l'amende le plus élevé, à savoir 8 000 000 euro.

226 Ainsi qu'il a déjà été exposé aux points 196 et 198 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission, lorsque, conformément au point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices, elle a apprécié le poids spécifique de chacun des membres de l'entente des transformateurs, dans un premier temps, a distingué entre, d'une part, Deltafina et, d'autre part, les transformateurs et, dans un second temps, a réparti les transformateurs en trois catégories.

227 Tout d'abord, il convient de constater que la distinction ainsi opérée entre Deltafina, d'une part, et les transformateurs, d'autre part, était pleinement justifiée, ces deux groupes d'opérateurs ne se trouvant pas dans la même situation.

228 En effet, Deltafina, à la différence des transformateurs, n'est pas présente sur le marché en cause. En Espagne, qui constitue le marché géographique en cause en l'espèce, Deltafina n'achète pas de tabac brut auprès des producteurs ni n'exerce d'activités de première transformation de tabac brut. Dans cet État membre, Deltafina n'est active qu'au stade suivant de la filière, en l'occurrence celui de l'achat de tabac transformé en vue de sa revente aux manufactures de tabac.

229 Ensuite, il y a lieu de considérer que la Commission n'a nullement méconnu le principe de proportionnalité en attribuant à la requérante et à Deltafina le même montant de départ de l'amende, à savoir 8 000 000 euro.

230 Sur ce point, d'une part, il convient de relever que, Deltafina n'étant pas présente sur le marché en cause, la Commission a dû, dans son cas, tenir compte d'un autre critère que celui de la part de marché sur ledit marché pour apprécier son poids spécifique par rapport aux autres membres de l'entente des transformateurs. À cet égard, il ne saurait être contesté - et la requérante ne le fait d'ailleurs pas - que la Commission était parfaitement fondée à prendre en considération la position de Deltafina sur le marché de l'achat de tabac transformé espagnol.

231 D'autre part, dès lors qu'il apparaissait, sur la base du critère utilisé dans le cas de Deltafina, d'une part, et de celui utilisé dans le cas des transformateurs, d'autre part, que Deltafina et la requérante étaient, chacune dans la catégorie dont elles relevaient, les entreprises les plus importantes, la Commission pouvait, sans violer le principe de proportionnalité, attribuer à l'une et à l'autre le même montant de départ de l'amende.

232 Certes, ainsi que le relève la requérante, le fait d'avoir fixé, dans son cas comme dans celui de Deltafina, à 8 000 000 euro le montant de départ de l'amende a abouti, à ce que, avant application de la limite de 10 % prévue par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, le montant de base de son amende était, eu égard à leur chiffre d'affaires global respectif, proportionnellement plus élevé que celui retenu pour Deltafina.

233 Toutefois, cet argument ne saurait prospérer.

234 En effet, d'une part, le fait que la méthode de calcul exposée dans les lignes directrices n'est pas fondée sur le chiffre d'affaires global des entreprises concernées et permet, de ce fait, qu'apparaissent des disparités entre les entreprises en ce qui concerne le rapport entre leurs chiffres d'affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées est sans pertinence pour apprécier si la Commission a violé le principe de proportionnalité. La Commission n'est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction en cause, d'assurer, au cas où des amendes seraient infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global ou à leur chiffre d'affaires pertinent (arrêt Union Pigments/Commission, point 217 supra, point 159). Il s'ensuit que la Commission ne peut être tenue, à aucun stade de l'application des lignes directrices, d'assurer que les montants intermédiaires des amendes retenus traduisent toute différence existant entre les chiffres d'affaires globaux des entreprises concernées.

235 D'autre part, il convient de noter que, après application de la limite maximale de 10 %, le montant de base de l'amende de la requérante se situait proportionnellement au même niveau que celui retenu pour Deltafina, correspondant, en effet, à environ 10 % du chiffre d'affaires global dans les deux cas.

Conclusion sur le quatrième moyen

236 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la Commission a fait une application exacte des lignes directrices, en particulier du point 1 A, quatrième et sixième alinéas, de celles-ci, et n'a pas méconnu le principe de proportionnalité en fixant le montant de départ de l'amende de la requérante à 8 000 000 euro. Partant, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

5. Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation des principes de proportionnalité et d'égalité de traitement

Arguments des parties

237 Au titre de son cinquième moyen, soulevé à titre subsidiaire, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement en fixant le montant de départ de son amende à un niveau dépassant " considérablement " la limite de 10 % du chiffre d'affaires global qu'elle avait réalisé en 2003. Elle prétend que, de ce fait, les circonstances atténuantes retenues dans la décision attaquée n'ont eu aucune répercussion sur le montant final de son amende.

238 La requérante critique le fait que, dans son cas, toutes les opérations de calcul de l'amende aient été effectuées " bien au-dessus " de la limite de 10 % prévue par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, le montant obtenu à l'issue de ces opérations n'ayant été ajusté pour respecter cette limite qu'avant que la Commission ne se prononce sur l'application de la communication sur la coopération, alors que, dans le cas des autres transformateurs et de Deltafina, ladite limite n'a été dépassée à aucun stade du processus de calcul.

239 Dans ce contexte, la requérante fait valoir une série de considérations tendant à démontrer que la méthode de calcul de la Commission, qui se fonde sur des montants de départ forfaitaires, a pour conséquence que les entreprises de petite ou de moyenne taille sont sanctionnées beaucoup plus sévèrement que les grandes entreprises.

240 Eu égard aux éléments qui précèdent et à l'importance attribuée, dans la décision attaquée, au cadre réglementaire espagnol et à l'attitude du ministère de l'Agriculture, la requérante considère que le montant de base de 2 800 000 euro qu'elle préconise (voir point 187 ci-dessus) doit être réduit au moins de 40 % et, dès lors, être porté à 1 680 000 euro au maximum.

241 La Commission conteste l'ensemble des arguments soulevés par la requérante.

Appréciation du Tribunal

242 Il est constant entre les parties que le chiffre d'affaires global réalisé par la requérante en 2003 s'élevait à 48 420 000 euro. Cette dernière a donc raison lorsqu'elle affirme que le montant de départ de son amende (8 000 000 euro), le montant de base de son amende avant diminution au titre des circonstances atténuantes (12 000 000 euro) et le montant de son amende avant application de la limite maximale de 10 % du chiffre d'affaires prévue par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 (7 200 000 euro) étaient sensiblement supérieurs à cette limite.

243 Toutefois, il ne saurait être considéré que, en retenant de tels montants, la Commission a violé les principes de proportionnalité et d'égalité de traitement.

244 À cet égard, il doit être rappelé que la limite maximale de 10 % s'applique au seul montant de l'amende finalement infligée par la Commission (voir, en ce qui concerne l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 100 supra, point 277).

245 Or, s'agissant de la présente affaire, il n'est nullement contesté que le montant final de l'amende infligée par la Commission à la requérante, à savoir 3 631 500 euro, est resté dans la limite maximale susvisée.

246 Il est d'autant plus manifeste que cette limite a été respectée que la Commission l'a appliquée avant même d'accorder à la requérante une réduction de 25 % du montant de l'amende au titre de la communication sur la coopération. À ce propos, il convient d'observer que le juge de l'Union a reconnu le bien-fondé d'une telle approche, consistant à prendre en considération le facteur relatif à la coopération après application de la limite maximale de 10 %, en ce qu'elle assure que la communication sur la coopération puisse produire son plein effet utile : si le montant de base excédait largement la limite de 10 % avant l'application de ladite communication sans que cette limite puisse être appliquée immédiatement, l'incitation de l'entreprise concernée à coopérer avec la Commission serait beaucoup plus faible, étant donné que l'amende finale serait ramenée à 10 % en toute hypothèse, avec ou sans coopération (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T-304-02, Rec. p. II-1887, point 123).

247 Par conséquent, l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 n'interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire dépassant 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée, pour autant que le montant de l'amende finalement imposée à cette entreprise ne dépasse pas cette limite maximale.

248 Enfin, il ne saurait être reproché à la Commission le fait que certains facteurs pris en considération lors de son calcul ne se répercutent pas sur le montant final de l'amende, étant donné que cela est la conséquence de l'interdiction prévue par la disposition précitée de ne pas dépasser 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 453, et du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T-52-02, Rec. p. II-5005, point 27).

249 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen comme non fondé.

6. Sur le sixième moyen, tiré d'une application erronée de la communication sur la coopération

Arguments des parties

250 Dans le cadre de son sixième moyen, soulevé à titre subsidiaire, la requérante fait valoir qu'elle aurait dû bénéficier, sur le fondement du point D de la communication sur la coopération, d'une réduction d'amende de 50 % ou, à tout le moins, identique à celle de Taes, à savoir 40 %.

251 La requérante conteste le bien-fondé des justifications avancées par la Commission, au considérant 453 de la décision attaquée (voir point 54 ci-dessus), pour lui appliquer une réduction ne s'élevant qu'à 25 %. À cet égard, premièrement, elle affirme que la Commission, d'une part, a erronément constaté que sa coopération n'était pas aussi utile que celle de Taes et, d'autre part, n'a pas motivé cette constatation. Deuxièmement, la requérante prétend ne pas avoir contesté la matérialité des faits, mais s'être contentée de nuancer certains de ceux-ci. En particulier, à aucun moment, elle n'aurait déclaré que les accords sur les prix moyens maximaux conclus par les transformateurs et les accords sur les prix moyens minimaux conclus par les représentants des producteurs se neutralisaient.

252 Eu égard aux éléments qui précèdent, la requérante considère que le montant de 1 680 000 euro visé au point 240 ci-dessus doit être réduit de 40 % au moins et que le montant final de son amende ne devrait donc pas excéder 1 008 000 euro.

253 La Commission considère que la réduction de 25 % du montant de l'amende qu'elle a accordée à la requérante est " adéquate et raisonnable ". Elle prétend que les informations que cette dernière lui a fournies lors de la procédure administrative n'étaient pas aussi pertinentes que celles qui lui avaient été communiquées par Taes. Par ailleurs, elle conteste l'allégation de la requérante selon laquelle, dans sa réponse à la communication des griefs, elle s'est contentée d'apporter quelques nuances aux faits exposés dans cette communication. En réalité, la requérante aurait remis en question certains aspects importants desdits faits.

Appréciation du Tribunal

254 Avant d'examiner les différents arguments formulés par la requérante, il y a lieu d'exposer quelques considérations générales.

Considérations générales

255 Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu'elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l'enquête conduite par les services de cette institution. La Commission jouit, à cet égard, d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, points 81 et 88).

256 Pour justifier la réduction du montant d'une amende au titre de la coopération, le comportement d'une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 499, et la jurisprudence citée) et témoigner d'un véritable esprit de coopération (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 100 supra, points 395 et 396).

257 Dans la communication sur la coopération, la Commission a précisé les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter (voir point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération).

258 Le point D de la communication sur la coopération, intitulé " Réduction significative du montant de l'amende ", prévoit :

" 1. Lorsqu'une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d'une réduction de 10 à 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si :

- avant l'envoi d'une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. "

259 En l'espèce, il y a lieu de relever qu'il est constant entre les parties que, conformément à ce qui a été constaté au considérant 450 de la décision attaquée, la requérante ne remplissait pas les conditions d'application des points B et C de la communication sur la coopération, de sorte que son comportement devait être apprécié au regard du point D de ladite communication.

260 Les différents arguments que la requérante soulève dans le cadre du présent moyen peuvent être regroupés en deux branches. La première branche concerne la qualité de la coopération fournie par la requérante en vertu du point D 2, premier tiret, de la communication sur la coopération en comparaison avec celle fournie par Taes. La seconde branche a trait à la non-application, à la requérante, du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération.

- Sur la qualité de la coopération fournie par la requérante en vertu du point D 2, premier tiret, de la communication sur la coopération en comparaison avec celle fournie par Taes

261 En premier lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a expliqué de manière suffisamment claire et précise, dans la décision attaquée, pourquoi elle estimait que la coopération apportée par cette dernière conformément au point D 2, premier tiret, de la communication sur la coopération n'était pas aussi utile que celle de Taes.

262 Ainsi, dans la décision attaquée, la Commission, tout d'abord, après avoir relevé que le point D de cette communication était applicable aux transformateurs (considérant 450 de la décision attaquée), a exposé que les renseignements fournis par ces derniers - et qui concernaient principalement le fonctionnement du marché, leurs activités et comportements respectifs et le contexte factuel en cause - l'avaient aidée à clarifier et à établir l'existence de l'infraction, même si elle disposait déjà de la plupart des éléments essentiels à cet égard (considérant 451 de la décision attaquée).

263 Ensuite, aux considérants 452 à 454 de cette décision, la Commission a apprécié plus spécifiquement le degré de coopération de chacun des transformateurs.

264 En ce qui concerne Taes, la Commission a estimé, au considérant 452 de la décision attaquée, que celle-ci pouvait bénéficier d'une réduction d'amende au titre des premier et second tirets du point D 2 de la communication sur la coopération. S'agissant, plus particulièrement, du premier tiret, elle a constaté que Taes avait fourni une coopération " particulièrement utile " pendant la procédure administrative, notamment pour ce qui est de la participation de Deltafina à l'infraction. Dans le même sens, au considérant 456 de la décision attaquée, la Commission, évaluant la coopération de Deltafina, a indiqué que " les renseignements fournis par Taes [avaient] été particulièrement utiles pour [son] enquête [...] et essentiels, notamment, pour établir la responsabilité de Deltafina ". En outre, dans la note en bas de page du considérant 452 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, dans sa lettre du 18 février 2002 (voir point 6 ci-dessus), Taes lui avait fourni la " description probablement la plus exacte des événements ".

265 S'agissant de la requérante, la Commission a estimé, au considérant 453 de la décision attaquée, que celle-ci pouvait bénéficier d'une réduction d'amende au titre du premier tiret du point D 2 de la communication sur la coopération. Elle a déclaré, à cet égard, que " [t]out en étant significatifs (pour les raisons expliquées ci-dessus), les renseignements fournis par [la requérante] ne se sont pas avérés aussi utiles pour [ses] investigations [...] que les renseignements fournis par Taes ".

266 Cette dernière déclaration, lorsqu'elle est lue en parallèle avec celles contenues aux considérants 451, 452 et 456 de la décision attaquée (voir points 262 et 264 ci-dessus), permet de comprendre que la Commission a considéré que les informations qui lui avaient été communiquées par la requérante, bien qu'étant utiles, ne faisaient en grande partie que confirmer ou clarifier des éléments dont elle disposait déjà et n'avaient donc qu'une faible valeur ajoutée, alors que Taes avait, en outre, apporté des éléments nouveaux permettant d'établir la responsabilité de Deltafina dans la commission de l'infraction.

267 En second lieu, force est de constater que la requérante ne fait valoir aucun argument de nature à démontrer que l'appréciation ainsi faite par la Commission de sa coopération en comparaison avec celle de Taes serait manifestement erronée. Elle se contente d'avancer quelques affirmations très générales, sans préciser en quoi les informations qu'elle a fournies avant l'envoi de la communication des griefs auraient une réelle valeur ajoutée par rapport à celles déjà en possession de la Commission ni contester le caractère décisif aux fins d'établir l'implication de Deltafina dans l'entente des transformateurs de certaines des informations apportées par Taes.

268 Eu égard à la différence de qualité et d'utilité entre la coopération apportée par la requérante, d'une part, et celle apportée par Taes, d'autre part, la Commission était fondée à accorder à la seconde, au titre du point D 2, premier tiret, de la communication sur la coopération, un taux de réduction supérieur à celui accordé à la première.

- Sur la prétendue absence de contestation de la matérialité des faits

269 Au considérant 453 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante avait déclaré qu'elle ne contestait pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fondait ses accusations. La Commission a néanmoins refusé de faire bénéficier la requérante de l'application du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération en faisant valoir que cette dernière avait affirmé que l'entente des transformateurs sur les prix de livraison moyens (maximaux), d'une part, et les différents accords passés par les producteurs et les transformateurs sur un prix moyen par groupement de producteurs, d'autre part, étaient identiques et que, par conséquent, les effets anticoncurrentiels potentiels du comportement des transformateurs et des producteurs se neutralisaient. Elle a renvoyé, à cet égard, aux pages 7 à 10 de la réponse de la requérante à la communication des griefs.

270 Force est de constater que les pages en question ne contiennent aucune affirmation du type de celle attribuée par la Commission à la requérante. Une telle affirmation ne saurait davantage être considérée comme inhérente aux développements figurant dans ces pages, contrairement à ce que la Commission a soutenu lors de l'audience. En réalité, auxdites pages, la requérante s'est bornée à donner quelques précisions sur le prix minimal moyen par groupement de producteurs qui faisait l'objet des négociations entre les transformateurs, d'une part, et les représentants des producteurs, d'autre part.

271 Il s'ensuit que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la requérante avait contesté la matérialité des faits au sens du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération. Partant, le sixième moyen doit être partiellement accueilli.

272 Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de fixer un taux de réduction approprié. Dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal considère qu'il convient d'accorder à la requérante, au titre de sa coopération, une réduction supplémentaire de 10 % à celle de 25 % déjà octroyée. Ainsi, il y a lieu d'appliquer une réduction de 35 % au montant de l'amende après l'application de la règle du plafond des 10 % du chiffre d'affaires, soit 4 842 000 euro, ce qui conduit à fixer le montant final de l'amende infligée à 3 147 300 euro.

7. Conclusion

273 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme non fondé, sauf en ce qui concerne la seconde branche du sixième moyen. Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande reconventionnelle présentée par la Commission (voir point 127 ci-dessus).

Sur les dépens

274 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

275 En l'espèce, le recours ayant été partiellement accueilli et la Commission ayant succombé en sa demande reconventionnelle, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera huit dixièmes de ses propres dépens et huit dixièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant deux dixièmes de ses propres dépens et deux dixièmes des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) Le montant de l'amende infligée à Compañía española de tabaco en rama, SA (Cetarsa) à l'article 3 de la décision C (2004) 4030 final de la Commission, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d'application de l'article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 - Tabac brut - Espagne), est fixé à 3 147 300 euro.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) La demande reconventionnelle formulée par la Commission européenne est rejetée.

4) Cetarsa supportera huit dixièmes de ses propres dépens et huit dixièmes des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant deux dixièmes de ses propres dépens et deux dixièmes des dépens exposés par Cetarsa.