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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 mai 2010, n° 08-07733

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bricorama (SA), Bricorama France (SA)

Défendeur :

Metronic (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Duboscq-Pellerin, SCP Lamarche-Bequet-Regnier-Aubert-Regnier-Moisan

Avocats :

Mes Chardon, Jourdan

T. com. Créteil, du 1er avr. 2008

1 avril 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 1er avril 2008 du Tribunal de commerce de Créteil qui a condamné la SAS Bricorama France à payer à la SAS Metronic la somme de 159 443,55 euro avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002 au titre de créances commerciales, l'a condamné solidairement avec la société Bricorama SA à payer à Metronic 171 470,70 euro avec les mêmes intérêts pour rupture sans préavis des relations commerciales, accordé à la SAS Metronic 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'a débouté de sa demande de publicité, a débouté Bricorama et Bricorama SA de leurs demandes reconventionnelles et ordonné l'exécution provisoire, sous réserve de caution bancaire;

Vu l'appel de la SA Bricorama et de la SAS Bricorama France et leurs conclusions du 23 mars 2010 par lesquelles elles demandent notamment à la cour d'infirmer le jugement; débouter la société Metronic de toutes ses demandes ; subsidiairement fixer la rupture à l'initiative de Metronic au 18 octobre 2002, à 3 mois la durée du préavis et dire que les préjudices ne pourront être calculés que sur la marge haute réalisée au cours des douze derniers mois précédents le 18 octobre 2002 ; condamner Metronic à payer à Bricorama France 437 350 euro pour perte de marge sur chiffre d'affaires, 100 000 euro pour perte d'exploitation liée aux affaires en cours, 136 000 euro pour le coût financier afférent à la création et au fonctionnement de la plate-forme de Chalon-sur-Saône, 75 000 euro pour perte enregistrée sur stocks, 150 000 euro pour perte d'image et de notoriété et à Bricorama SA 50 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Vu les conclusions du 30 mars 2010 de la SAS Metronic qui demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement ; débouter les sociétés Bricorama et Bricorama France ; condamner la société Bricorama France à lui payer au titre des créances commerciales la somme totale de 237 492,82 euro soit 215 902,52 euro au titre des intérêts conventionnels de retard, 21 590,26 euro au titre de l'indemnité forfaitaire conventionnelle, à titre subsidiaire les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2002, avec capitalisation des intérêts ; condamner solidairement les société Bricorama et Bricorama France à lui payer à titre de dommages et intérêts 72 444 euro pour les moyens humains qu'elle a été contrainte de mettre en œuvre avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation ; pour la perte de marge en raison de la rupture brutale des relations commerciales la somme de 798 182,10 euro calculée sur un préavis de 18 mois ; subsidiairement 532 212,40 euro pour un préavis de 12 mois; plus subsidiairement 266 106,20 euro pour un préavis de 6 mois ; 36 745 euro pour le coût de développement de la marque de distributeur Bricorama; 11 589 euro pour le coût du stock de ladite marque; 150 000 euro pour préjudice commercial ; 30 000 euro pour appel abusif; 3 270,45 euro en remboursement de frais au titre des frais engagés dans le cadre de l'exécution du jugement; 30 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que les appelantes exposent que Bricorama SA est une centrale de référencement auprès d'environ 800 fournisseurs proposant environ 70 000 références de produits de bricolage, outillage, décoration, article de maison et jardinage, négociant les prix avec les fournisseurs ; que Bricorama France exploite les fonds de commerce des magasins portant les enseignes Batkor, Bricorama et Bricostore ; que Batkor a été absorbée par Bricorama le 29 mars 2002 ; que des relations entre Batkor et Metronic ont débuté en 1992 ; que des accords de coopération ont été passés entre la centrale de référencement Batkor et Metronic en 1993 et 1994, des accords de partenariat annuels avec Bricorama en 1995, puis de 1996 à 2002 à l'exception de 1997 et 2000 ; que Metronic reproche à Bricorama France des défauts de règlement de factures intervenus à partir de 2001 et à Bricorama un déréférencement brutal et sans préavis intervenu en 2002;

Considérant sur les sommes dues à Metronic au titre de ses créances commerciales que les rigidités et les autres difficultés liées à la mise en place par Bricorama SA de son nouveau système informatique SAP n'ont eu pour effet ni d'éteindre les créances de Metronic, ni d'en diminuer le montant, ni de justifier les retards ou défauts de paiement; que c'est Bricorama France, exploitant des magasins, qui est débiteur du fournisseur Metronic;

Considérant sur le montant des créances commerciales que le tribunal l'a déterminé après expertise judiciaire contradictoire ; que l'expert a tenu compte des observations de toutes les parties et analysé leurs calculs respectifs ; que Bricorama prétendait retenir certains paiements en raison de prétendus " litiges " relatifs à la marchandise ; que l'expert, qui n'a pas outrepassé sa mission, a eu raison de ne pas tenir compte de ceux qui n'étaient pas justifiés ; qu'elle a pris en considération la non-production de l'ensemble des bons de livraison ; que le rapport est clair et complet et que c'est à juste titre que le tribunal en a entériné les conclusions ; que Metronic ne justifie pas du bien-fondé de son calcul d'intérêts, pas plus que de l'acceptation de sa clause pénale, qui doit être expresse ou en tout cas non ambigüe et ne peut résulter de la seule présence de cette clause au dos de factures; qu'en définitive le jugement sera entièrement confirmé quant à la condamnation de Bricorama France au titre de ses dettes commerciales;

Considérant qu'il en sera de même en ce qui concerne la condamnation des appelantes à dommages et intérêts; que la centrale de référencement est coresponsable du déréférencement, même si elle n'était pas partie aux contrats de vente ; que le tribunal a clairement démontré par des motifs que la cour adopte que l'initiative de la rupture définitive revient à Bricorama; que Metronic, non payée normalement, était fondée à opposer l'exception d'inexécution en ce qui concerne les livraisons ; qu'il est constant qu'il n'y a pas eu de préavis de Bricorama qui a pris l'initiative du déréférencement ; qu'eu égard aux diverses circonstances de l'espèce, notamment la durée des relations contractuelles, mais aussi leur intermittence et leur diminution au cours des derniers mois en raison de diverses difficultés, qui rendaient prévisible la rupture, ce qui permettait à Metronic d'anticiper, c'est à juste titre que le tribunal a retenu la durée de 6 mois du préavis raisonnable et calculé la marge brute sur le chiffre d'affaires moyen des années 1999-2002 et en considération des éléments du rapport d'expertise;

Considérant sur les autres demandes de Metronic que cette dernière ne produit pas d'éléments démonstratifs de la réalité ni du montant des investissements qu'elle invoque ni du fait qu'ils n'aient pu être utilisés pour le développement d'autres marques ; qu'elle n'établit pas plus l'impossibilité d'écouler son stock ni qu'elle ait subi un préjudice d'image qui résulterait notamment d'une interrogation, purement hypothétique et injustifiée, de sa clientèle sur sa crédibilité et celle de ses produits ; que les " moyens humains " qu'elle a mis en œuvre dans le cadre de ses difficultés sont normalement ceux de ses salariés et qu'elle n'établit pas de coûts spécifiques;

Considérant que les frais résultant des difficultés d'exécution seront inclus dans les frais irrépétibles; que la demande n'est pas irrecevable comme nouvelle puisque fondée sur un fait postérieur au jugement;

Considérant qu'il n'est pas établi que l'appel soit abusif;

Considérant sur les demandes reconventionnelles de Bricorama France que celles-ci ne sont pas fondées, la cour ne constatant pas la commission de fautes en lien de causalité avec un préjudice indemnisable de Bricorama France; qu'au surplus celle-ci ne justifie ni même n'explique sérieusement ses prétendus préjudices ; qu'alors que ses conclusions font plus de 80 pages, elle fait sur une page des demandes d'un montant total de l'ordre de 800 000 euro sur la base de simples affirmations, en alléguant elle-même un préjudice seulement " indirect " pour 437 435 euro, sans dire ce que sont les " affaires en cours " pour lesquelles les pertes se cumuleraient avec les autres pertes, sans justifier ni même affirmer que son investissement prétendument de 136 000 euro pour la plate-forme de Chalon-sur-Saône serait devenu inutile du fait de la fin des relations avec Metronic ; qu'elle ne justifie pas plus que son adversaire d'une perte de réputation, d'image ou de notoriété auprès de sa clientèle;

Considérant que la cour n'estime pas utile la publication du présent arrêt dans des journaux ou revues;

Considérant qu'il est équitable d'accorder à Metronic 25 000 euro pour ses frais irrépétibles d'appel ; que le tribunal a déjà inclus les frais d'expertise dans les dépens de première instance;

Considérant que le jugement ayant apparemment été exécuté avant que la capitalisation des intérêts ne soit demandée, il n'y a pas lieu de l'accorder;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris. Condamne in solidum la SA Bricorama et la SAS Bricorama France à payer à la SAS Metronic la somme supplémentaire de 25 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs autres demandes. Met à la charge des appelantes les dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.