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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 1 février 2011, n° 10-14977

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Vinohrady (SARL), Manthe (Epoux), Endurance Real Estate Management Company (SA), Orco Property Group (SA)

Défendeur :

Direction générale des finances publiques, Direction nationale d'enquêtes fiscales

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tardif

Avocats :

Mes Chatelain, Schinazi, Hebrard Minc

TGI Paris, JLD, du 6 juill. 2010

6 juillet 2010

Par ordonnance en date du 6 juillet 2010 rendue sur requête de l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder, conformément à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après où des documents et supports d'information illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver, à savoir :

- les locaux et dépendances sis <adresse>, susceptibles d'être occupés par la SARL Vinhorady et/ou Orco Property Group SA et/ou Endurance Real Estate Management Compagny SA et/ou SCI La Praguoise et/ou SCI Pra Gaillard et/ou SCI Ottan et/ou SARL Mala Strana et/ou SAS Manue Financière1 et /ou SAS Manue Financière 2,

- les locaux et dépendances sis <adresse>, susceptibles d'être occupés par M. Christoph Manthe et/ou Mme Ingrid Manthe née Niederlechner ;

Les opérations de visite et saisie ainsi autorisées se sont déroulées le 8 juillet 2010. Des documents ont été saisis.

Usant de la faculté offerte par l'article 164-IV-I de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, les sociétés Orco Group Property, la société Endurance Real Estate Management Compagny, M. et Mme Manthe et la SARL Vinohrady ont formé un recours contre les conditions de visites domiciliaires, inventaires et saisies par actes des 21 et 30 juillet 2010 enregistrés sous les numéros 10-14977, 10-14978, 10-14979, 10-14980, 10-14981, 10-14982, 10-14983 et 10-14985.

Ils fournissent également des indications sur le sens et les vices de l'ordonnance qui a autorisé les visites. Ces arguments juridiquement distincts font l'objet d'une autre procédure et d'une autre ordonnance de ce jour qui valide l'ordonnance en question.

S'agissant des conditions même de visite domiciliaire, par conclusions déposées les 24 novembre et 30 novembre 2010, ils font valoir à titre préliminaire qu'un dire a été annexé au procès-verbal de visite et de saisie en date du 8 juillet duquel il ressort que les services fiscaux auraient procédé à des saisies de pièces de manière massive, indifférenciée et ne se rapportant pas aux sociétés dont la fraude était présumée puis ils invoquent l'absence de conformité entre l'autorisation de visite et de saisie et l'exécution de la mesure de visite et de saisie.

Après avoir rappelé quelles étaient les sociétés visées par l'ordonnance, ils soutiennent que des documents ne visant pas spécifiquement les sociétés présumées ont pourtant été saisis à savoir au <adresse>, différentes pièces :

- dans le bureau de Mme Albelo,

- dans le bureau de M. Tommasini,

- dans le bureau de M. Jean-François Ott,

- dans le bureau de M. Christoph Manthe, dont des pièces non horodatées,

- dans le bureau des juristes dont des pièces non eurodatées,

- dans le bureau open space,

- dans le bureau de passage face à la sortie de secours,

-et dans le meuble du couloir, dont une pièce non eurodatée.

Les requérants demandent ainsi que soit annulé le procès-verbal de saisie du 8 juillet 2010 afférent aux locaux sis <adresse> occupés par les sociétés Orco Property Group SA et la SARL Vinohrady et que soit ordonnée la restitution des documents saisis lors de ces opérations ;

En réponse, par écritures déposées le 29 novembre 2010, le Directeur général des finances publiques, après avoir répondu point par point aux arguments des appelants, conclut au rejet de la demande d'annulation du procès-verbal et de l'ensemble des saisies opérées et demande que lui soit donné acte de son accord pour voir écartées des saisies les pièces compostées sous les numéros 013402 à 013411 ;

Sur ce :

Attendu que les recours en date des 21 et 30 juillet 2010 font l'objet du même jeu d'écritures, présentent des moyens identiques et ont un lien de connexité évident ;

Qu'il y a lieu pour une bonne administration de la justice et ainsi que le sollicitent les requérants de les joindre ;

Sur le dire faisant l'objet d'observations préliminaires des requérants:

Attendu que le dire annexé au procès-verbal du 8 juillet 2010 concernent les réserves formulées par Mme Anna Albelo et M. Brad Taylor portant sur :

- l'indication et la confirmation de M. Ott selon laquelle les locaux seraient indistinctement occupés par les sociétés Orco Property Group SA et Vinohrady SARL,

- les pièces qui malgré les remarques formulées avant compostage, ont été saisies alors que non visées directement ou indirectement par l'ordonnance du 6 juillet 2010 ;

Mais attendu d'une part qu'il ressort du procès-verbal de saisie que les agents ont été reçus, à leur arrivée sur place par Anna Albelo, responsable administrative, qui leur a déclaré que les locaux étaient indistinctement occupés par les sociétés Orco Property Group et Vinohrady (cf: PV de visite p. 2, 4e §) ;

Qu'ils ont joint par téléphone Jean-François Ott qui leur a confirmé que les locaux étaient indistinctement occupés par ces deux sociétés, avant de désigner pour le représenter en sa qualité de dirigeant de celles-ci Anna Albelo et Brad Taylor directeur juridique (cf: PV de visite 6e §) ;

Qu'à 16h40, il est arrivé sur place mais n'a pas souhaité relever les représentants de leur mandat ;

Qu'il apparaît dès lors, que les opérations se sont bien déroulées dans les locaux dont la visite était autorisée et que ceux-ci étaient bien indistinctement occupés par les sociétés Orco Property Group et Vinohrady ;

Mais attendu d'autre part, concernant l'absence de conformité entre l'autorisation de saisie et l'exécution de la mesure de visite et saisie qu'il y a lieu de reprendre point par point les différents arguments développés par les requérants dans le corps de leurs écritures ;

Sur les sociétés visées par l'ordonnance :

Attendu que les requérants, après avoir rappelé les termes de l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et au motif que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention visait les sociétés Orco Property Group et Endurance Real Estate Management Company, soutient que seules des pièces permettant le cas échéant de corroborer les fautes présumées, concernant ces deux sociétés pouvaient être saisies ;

Mais attendu que l'autorisation donnée, qui désignait des sociétés susceptibles d'occuper les locaux et dépendances sis <adresse> dont notamment la SARL Vinhorady, permettait de procéder à la saisie des éléments comptables des personnes physiques ou morales pouvant être en relation d'affaires avec la société suspectée de fraude (Cass.com; 21 janvier 1997, pourvoi n° 94-18.855 BIV n° 19)

Qu'en l'espèce, l'activité de la SARL Vinohrady, étant présentée comme celle de support de l'activité opérationnelle de la société Orco Property Group, la saisie des pièces concernant cette société n'excédait pas l'autorisation accordée ;

Sur la régularité des saisies opérées :

Attendu que les requérants soutiennent tout d'abord que les saisies auraient été massives et indifférenciées et que certaines pièces concerneraient des tiers sans rapport avec la fraude recherchée, alors que certaines autres seraient isolées laissant supposer qu'elles sont sans rapport avec les sociétés visées ;

Mais attendu que l'inventaire des pièces saisies permet de constater que celles-ci ont été identifiées, décrites et numérotées et démontre que la saisie n'a été ni massive ni indifférenciée mais a au contraire portée sur des documents qui concernaient bien les sociétés visées par les présomptions de fraude ou en relation avec elles, étant précisé que les pièces dites isolées faisaient en fait, partie d'un groupe de documents ;

Que dans ces conditions, les requérants ne peuvent soutenir en invoquant l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui sanctionne l'ingérence de l'autorité publique lorsqu'elle n'est fondée ni sur la loi ni sur les nécessités d'ordre public, que ces saisies doivent être annulées au motif qu'elles seraient massives et indifférenciées et qu'elles constitueraient une ingérence disproportionnée dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance alors qu'il s'agissait de recueillir toutes les preuves de nature à confondre les fraudeurs et de garantir ainsi l'ordre public économique et l'égalité des citoyens ;

Attendu que les requérants soulignent ensuite que les services fiscaux ont saisi une correspondance d'avocat (pièce n° 013407) et sollicitent l'annulation de la saisie de cette pièce ;

Attendu que M. le Directeur général des finances publiques demande qu'il lui soit donné acte de son accord pour voir écartées les pièces compostées sous les numéros 013402 à 013411, l'examen de celles-ci concernant une demande d'information de l'Autorité des marchés financiers permettant de constater qu'il s'agit de mails échangés ou adressés en copie à un avocat étant précisé que les autres pièces concernant des avocats sont des factures qui ne sont pas couvertes par le secret professionnel ;

Attendu que les requérants prétendent également que certaines pièces n'auraient pas été compostées ;

Mais attendu que ces pièces n'apparaissant pas versées au débat, il n'est pas possible de vérifier si nonobstant l'absence de numéro sur un feuillet, le document était néanmoins identifiable;

Qu'en tout état de cause, l'appréhension de documents qui n'auraient pas été inventoriés n'est pas de nature à vicier la saisie des autres pièces (Cass. com; 12 janvier 1999 pourvoi n° 97-30.031) ;

Attendu que du tout, il s'évince que les recours sont mal fondés et qu'ils seront rejetés ;

Sur la restitution des documents :

Attendu que les requérants dans leurs écritures sollicitent la restitution des pièces saisies ;

Mais attendu qu'à l'audience de plaidoiries, il a été indiqué que la restitution avait été effectuée courant novembre ;

Que la demande est donc sans objet ;

Sur les frais irrépétibles et sur les dépens :

Attendu que les requérants sollicitent la condamnation du Directeur général des Finances publiques au paiement de la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Mais attendu que succombant en leur recours, ils seront déboutés de leurs demandes ;

Attendu que le Directeur général des Finances publiques sollicite la condamnation des requérants au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Que le Directeur général des Finances publiques est recevable et fondé dans ses demandes ;

Par ces motifs, Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 10-14977, 10-14979, 10-14980, 10-14981, 10-14982, 10-14983 et 10-14985, Déclare recevables en leur recours la SA Orco Property Group, la SA Endurance Real Estate Management Company, la SARL Vinohrady et M. et Mme Manthe, Les déboute de l'ensemble de leurs demandes, Donne acte au Directeur général des Finances publiques de son accord pour voir écartées des saisies les pièces compostées sous les numéros 013402 à 013411, Déclare sans objet, la demande de restitution des pièces saisies, Condamne les requérants à payer au Directeur général des finances publiques la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.