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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 4 février 2011, n° 09-05282

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hygie Médical (SARL)

Défendeur :

Microline Surgical Inc. (Sté), New Med Chirurgical (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leca

Conseillers :

Mmes Bourrel, Durand

Avoués :

SCP Cohen-Guedj, SCP Blanc-Cherfils

Avocats :

Mes Le Floc'h, Maréchal, SCP Sillard, Associés

T. com. Marseille, du 22 janv. 2009

22 janvier 2009

Faits, procédure, prétentions des parties

Le 9 septembre 2003 la société de droit américain Microline Inc., devenue Microline Pentax, a confié à la société de droit français Hygie Médical la distribution exclusive d'instruments laparoscopiques et " autres associés " qu'elle fabrique sur les départements des Bouches-du-Rhône, du Var, des Alpes-Maritimes, du Vaucluse, des Alpes de Haute-Provence et de Corse, auxquels a été ajouté en 2004 le département des Hautes-Alpes, s'interdisant de nommer un autre distributeur pour prospecter ou vendre ses produits sur le secteur géographique concédé.

Le contrat d'une durée de trois ans expirant le 1er septembre 2006 était renouvelable par tacite reconduction pour un an.

Le contrat fixait les obligations du vendeur et du distributeur notamment quant au paiement des commandes et des ventes des produits (démonstration, formation).

Le contrat pouvait être résilié par chacune des parties en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations non réparée dans les trente jours de la réception d'une mise en demeure écrite notamment en cas de non-réalisation des quotas de ventes définis en annexe C du contrat pendant six mois consécutifs.

Par courrier du 12 septembre 2005 la société Microline Pentax a résilié le contrat de distribution pour insuffisance de résultat avec effet du 30 septembre 2005.

Le 16 mars 2006 elle réclamait à la société Hygie Médical le paiement de la somme de 18 131 euro lui restant due, puis le 29 août 2007 la mettait en demeure de lui régler ladite somme.

La société Hygie Médical sollicitait à plusieurs reprises la poursuite du contrat, s'engageait à régler les sommes dues ainsi que les commandes à venir au comptant, se plaignait de la violation par Microline de la clause d'exclusivité et réclamait une négociation de fin de contrat.

Sur demande de la société Microline Pentax, " représentée en France par la société New Med Chirurgical International Sales Manager " le Président du Tribunal de commerce de Marseille a rendu le 14 novembre 2007 une ordonnance faisant injonction à la société Hygie Médical de lui payer la somme de 26 986,18 euro outre intérêts légaux à compter du 3 septembre 2007.

Le 20 décembre 2007 la société Hygie Médical a formé opposition à cette décision qui lui a été signifiée le 30 novembre 2007.

Par jugement du 22 janvier 2009 la juridiction consulaire :

S'est déclarée compétente pour statuer sur la demande reconventionnelle de la société Hygie Médical,

A débouté la SARL Hygie Médical de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société New Med Chirurgical,

A constaté que la société Microline Pentax était parfaitement en droit de résilier le contrat pour non-respect des objectifs et que cette résiliation n'a pas de caractère abusif,

A constaté que la SARL Hygie Médical prouve la violation de l'exclusivité consentie de la part de la société Microline Pentax sur le département du Vaucluse et sa complicité dans le non-respect de la clause d'exclusivité,

En conséquence,

A condamné la société Microline Pentax à payer à la société Hygie Médical la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts,

Rejeté pour partie l'opposition formée par la SARL Hygie Médical,

En conséquence,

A condamné la SARL Hygie Médical à payer à la société Microline Pentax la somme de 12 087 euro avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2007, ainsi que celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

A condamné en outre la société Hygie Médical aux dépens,

A rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

Par acte du 17 mars 2009 la SARL Hygie Médical a interjeté appel de cette décision intimant la société Microline Pentax, puis le 14 mai 2009 les sociétés Microline et New Med Chirurgical.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 30 novembre 2010 l'appelante demande à la cour de :

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu les articles L. 330-2 et L. 442-6 du Code de commerce,

Confirmer le jugement sur la compétence,

Constater la violation de la clause d'exclusivité,

Dire et juger que les sociétés Microline et New Med Surgical ont commis des fautes qui engagent leur responsabilité,

Dire et juger que la société Hygie Médical a droit à réparation de son entier préjudice,

Dire et juger que la rupture du contrat est abusive et brutale,

Débouter les sociétés Microline et New Med Chirurgical de leur demande à en paiement,

Les condamner solidairement au paiement de la somme de 245 000 euro,

Les condamner solidairement au paiement de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 2 décembre 2010, la société Microline Surgical Inc., anciennement dénommée Microline Pentax, et la société New Med Chirurgical, demandent à la cour de :

Vu le contrat de distribution,

Vu les dispositions du Code de commerce (sic),

Vu la directive 86-653-CEE du 18 décembre 1986 et son interprétation par la CJCE par décision du 17 janvier 2008,

Déclarer l'appel du 14 mai 2009 irrecevable,

Déclarer recevable l'appel du 17 mars 2009,

Recevoir la société Microline Surgical Inc. en son appel incident,

Rejeter les demandes de la société Hygie Médical dirigées contre la société Microline,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société New Med Chirurgical,

Constater en conséquence la mise hors de cause de la société New Med Chirurgical,

Confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la société Microline était en droit de résilier le contrat pour non-respect des objectifs et que cette résiliation n'a pas de caractère abusif,

Condamner la société Hygie Médical au paiement de la somme de 13 259 euro outre intérêts légaux à compter du 29 août 2007, ainsi qu'aux dépens,

Infirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la SARL Hygie Médical prouve la violation de l'exclusivité consentie de la part de la société Microline Pentax sur le département du Vaucluse et sa complicité dans le non-respect de la clause d'exclusivité et a condamné la société Microline Pentax à payer à la société Hygie Médical la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts,

Constater que la société Microline n'a pas violé la clause d'exclusivité, ni n'a été complice d'une telle violation,

Condamner la société Hygie Médical au paiement de la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique,

La condamner au paiement de la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire, d'accord des parties, a été clôturée en l'état le 3 décembre 2010.

Motifs

Sur la mise hors de cause de la société New Med Chirurgical :

Attendu que la société New Med Chirurgical, personne morale distincte de la société Microline Surgical Inc., mentionnée par celle-ci comme étant sa représentante en France, n'a été personnellement ni partie au contrat, ni partie au jugement ;

Attendu en conséquence qu'aucune demande dirigée à son encontre n'est recevable et qu'il convient de la mettre hors de cause ;

Sur la résiliation du contrat de distribution exclusive :

Attendu que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu que le contrat du 9 septembre 2003 concédait à la société Hygie Médical la distribution exclusive des produits Microline sur les départements de la région Paca et de la Corse, et fixait les quotas annuels à réaliser par le distributeur à 212 169 DUS ;

Attendu que ces quotas ont été réduits pour 2005, d'accord des parties devant les difficultés d'Hygie Médical à atteindre les chiffres précités, à la somme de 135 400 DUS ;

Attendu qu'il est constant que la société distributrice n'a pu atteindre cet objectif, ce qu'elle a reconnu dans un courriel du 13 avril 2005 en réponse à celui du fabricant lui faisant part de son inquiétude devant les résultats insuffisants, lui demandant de confirmer sa "position réelle pour fin juillet 2005" ;

Attendu que le chiffre d'affaires réalisé d'août 2004 à fin août 2005 a été de 72 320 DUS, soit 53,4 % de l'objectif fixé ;

Attendu que dans un courriel du 3 juillet 2005 adressé à Microline la SARL Hygie Médical précise avoir été informée de sa décision de cesser leur collaboration et de lui retirer la distribution des produits Microline en raison des résultats insuffisants ;

Attendu que la société Microline, face à cette situation persistante malgré la réduction de quota consentie, pouvait résilier le contrat en application de l'article 9 du contrat, alors qu'au surplus celle-ci ne s'acquittait pas du prix des commandes dans les délais prévus ;

Attendu que la rupture du contrat intervenue effectivement au 30 septembre 2005 par courrier du 12 septembre 2005, soit trois mois plus tard, n'est ni abusive ni brutale, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges ;

Attendu que la société Hygie Médical ne peut justifier cette insuffisance de résultat par la violation de la clause d'exclusivité, ne produisant des éléments probants que pour deux cliniques du Vaucluse pour des produits d'un coût réduit, alors que son territoire de distribution, celui de la région Paca et de la région Corse, était doté d'un fort potentiel de développement lui permettant de réaliser un chiffre d'affaires important ;

Attendu qu'elle n'est pas non plus fondée à soutenir que le seuil fixé était irréalisable, alors qu'il a été réduit en cours d'exécution du contrat et que, professionnelle de ce secteur d'activité, elle a accepté de réaliser sur le vaste territoire concédé ces quotas sans observation ni réserve ;

Attendu que la société Hygie Médical sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnisation, la rupture du contrat lui étant imputable ;

Sur la violation de la clause d'exclusivité :

Attendu que la société Hygie Médical se plaint d'avoir été victime sur son territoire pendant la durée de son contrat, de faits de concurrence déloyale de la part des sociétés Mitex et Roncin Médical, cette dernière ayant été choisie pour lui succéder par Microline ;

Attendu cependant, que si les procès-verbaux de constat de Me Tarbouriech des 17 et 20 octobre 2008 établissent le démarchage et la vente par la société Mitex à partir d'octobre 2004 de produits Microline à la Clinique Saint Roch de Cavaillon et à partir de février 2005 à la Clinique Urbain V d'Avignon, il résulte de celui du 20 octobre 2008 dressé par Me Sibut Sourde qu'aucun produit Microline n'a été vendu à la Clinique Fonvert de Sorgues ;

Attendu par ailleurs que le constat de Me Caputo huissier de justice à Nice ne démontre pas que la société Roncin Médical, alors distributeur exclusif Comeg, ait distribué des produits Microline au groupe Azur Clinique de Nice ;

Attendu que les premiers juges ont justement retenu que la société Microline, avisée par courrier du 23 décembre 2004 par son distributeur des faits de concurrence déloyale constatés de la part de la société Mitex, n'avait pas réagi pour faire respecter cette exclusivité comme il lui appartenait de le faire, notamment en ne livrant pas à cette société ses produits, et que, ce faisant, elle s'était rendue complice de la société Mitex ;

Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, au regard du montant des commandes passées par Hygie Médical à la société Microline et du caractère limité dans l'espace de ces faits, les premiers juges ont évalué justement le préjudice subi par la société Hygie Médical à la somme de 10 000 euro ;

Sur les sommes dues par la société Hygie Médical :

Attendu que depuis le 25 novembre 2005 la société Microline réclamait à la société Hygie Médical le paiement de la somme de 18 131 Dollars US lui restant due au titre de commandes ;

Attendu que par des motifs adoptés par la cour les premiers juges ont considéré que la société Microline ne démontrait pas être créancière d'une somme supérieure et ont en conséquence condamné la société Hygie Médical à lui payer la somme de 12 087 euro ;

Attendu que les intérêts au taux légal seront dus à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2007 ;

Sur les dommages et intérêts :

Attendu que la société Microline, qui a confié à un nouveau distributeur la vente de ses produits sur le territoire antérieurement concédé à la société Hygie Médical, ne justifie pas du préjudice économique qu'elle invoque, l'insuffisance de la société appelante dans la réalisation des objectifs ayant été sanctionnée par la résiliation du contrat ;

Attendu qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée de ce chef ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que la société appelante sera condamnée au paiement d'une somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que, partie succombante, elle sera condamnée aux entiers dépens ;

Par ces motifs, LA COUR statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière commerciale, Déclare l'appel interjeté à l'encontre de la société New Med Chirurgical, non partie à l'instance, irrecevable, Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions, excepté celles relatives aux intérêts au taux légal, Sur ce seul point statuant à nouveau, Dit que sur la somme de 12 087 euro les intérêts au taux légal seront dus à compter de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2007, Y ajoutant, Déboute la SARL Hygie Médical de ses demandes, fins et conclusions, Déboute la société Microline Surgical Inc. de son appel incident, Condamne la SARL Hygie Médical au paiement de la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP Blanc Cherfils, avoué, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.