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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 4 février 2011, n° 09-28469

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Tanneur & Cie (SA)

Défendeur :

Bottega Veneta International (SARL), Bottega Veneta France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Girardet

Conseillers :

Mmes Darbois, Nerot

Avoués :

SCP Arnaudy, Baechlin, SCP Moreau

Avocats :

Me Bertheux Scotte, Regnier

TGI Paris, 3e ch. sect. 4, du 12 nov. 20…

12 novembre 2009

La société Bottega Veneta, créée en 1966 et qui se présente comme une société de maroquinerie ayant concentré ses efforts sur la création de sacs souples, à l'origine de la création d'un tissage dénommé " intrecciato " et diffusant ses produits au sein d'un réseau de distribution qui comptait 86 boutiques de par le monde en 2006, commercialise depuis le mois de juillet 2002 un sac de deux tailles différentes référencé "Veneta" aux prix de 980 et de 1 180 euro.

Informée de la commercialisation, sous la référence "Vicky", par la société de maroquinerie "Le Tanneur" d'un sac ayant la forme et l'aspect du sac "Veneta", la société Bottega Veneta International a fait pratiquer une saisie-contrefaçon, le 16 janvier 2008, dans un magasin parisien à l'enseigne de cette société puis, conjointement avec la société Bottega Veneta France, a assigné celle-ci en contrefaçon de ses droits d'auteur et en concurrence déloyale.

Par jugement rendu le 12 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a, avec exécution provisoire :

- dit qu'en offrant à la vente et en vendant des sacs à main "Vicky" référence TVK 1401, la société Le Tanneur a commis des actes de contrefaçon du sac "Veneta" pour lequel la société Bottega Veneta International est titulaire de droits d'auteur ainsi que des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Bottega Veneta France, distributeur de la société Bottega Veneta International,

- dit qu'en offrant à la vente et en vendant des porte-monnaie "Vicky", la société Le Tanneur a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Bottega Veneta International et de la société Bottega Veneta France,

- condamné la société Le Tanneur à payer :

* à la société Bottega Veneta International la somme de 40 000 euro à titre de dommages-intérêts,

* à la société Bottega Veneta France la somme de 70 000 euro à titre de dommages-intérêts,

- interdit à la société Le Tanneur de fabriquer, faire fabriquer, offrir en vente, vendre le sac et le porte-monnaie "Vicky" sous astreinte de 400 euro par infraction constatée passé le délai de 15 jours suivant la signification du jugement, en s'en réservant la liquidation,

- enjoint à la société Le Tanneur de remettre les sacs et porte-monnaie "Vicky" restant en stock aux sociétés demanderesses qui procéderont à leur destruction une fois la décision devenue définitive,

- rejeté la demande de publication de la décision judiciaire,

- condamné la société Le Tanneur à payer aux sociétés Bottega Veneta International et Bottega Veneta France, ensemble, la somme de 10 000 euro ainsi que le coût du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 avril 2008 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 17 août 2010, la société anonyme Le Tanneur & Cie demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et :

- de constater que le sac "Veneta" revendiqué ne constitue pas une œuvre de l'esprit originale digne de bénéficier de la protection des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle,

- de constater qu'elle n'a commis ni actes de contrefaçon de droits d'auteur, ni actes de concurrence déloyale à l'encontre des deux intimées du fait de la vente du sac et du porte-monnaie "Vicky",

- de les déclarer irrecevables et/ou de les débouter en conséquence de toutes leurs demandes,

- subsidiairement, de constater l'absence de préjudice par elles subi et de rejeter en conséquence leurs demandes indemnitaires,

- en tout état de cause, de les condamner solidairement à lui verser la somme de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

En réplique et par dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2010, la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois Bottega Veneta International et la société par actions simplifiée Bottega Veneta France demandent à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions portant sur l'évaluation de leurs préjudices et sur la mesure de publication,

- subsidiairement, de dire que les sacs à main et les porte-monnaie "Vicky" offerts en vente et vendus par la société Le Tanneur portent atteinte aux droits d'auteur dont dispose la société Bottega Veneta International sur son " intrecciato ",

- de l'infirmer pour le surplus et :

* de porter à la somme de 300 000 euro le montant des dommages-intérêts venant réparer le préjudice subi par la société Bottega Veneta International,

* de porter à la somme de 300 000 euro le montant des dommages-intérêts venant réparer le préjudice subi par la société Bottega Veneta France,

* de les autoriser à faire publier l'arrêt à intervenir, par extraits, dans trois journaux ou périodiques de leur choix, aux frais avancés, sur simple présentation de devis, de la société Le Tanneur & Cie pour un montant total hors taxes pouvant atteindre la somme de 15 000 euro,

- de débouter l'appelante de toutes ses prétentions,

- de condamner la société Le Tanneur à leur verser une somme complémentaire de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Sur ce,

Considérant que les sociétés Bottega Veneta qui ne revendiquaient la titularité de droits d'auteur que sur le modèle de sac référencé "Veneta" soutiennent en cause d'appel que l' "intreciatto" qui en constitue l'une des caractéristiques est tout autant éligible à la protection par le droit d'auteur ;

Sur l'originalité du cuir tressé ou " intrecciato " :

Considérant que la société Le Tanneur appelante, soulignant que le tribunal évoque " l'utilisation " et non la création dès le milieu des années 70 de la technique du cuir tressé, fait valoir que le droit d'auteur protège les créations de forme originale et non les techniques de création, que la matière du cuir tressé existe depuis longtemps dans le domaine de la maroquinerie et relève du domaine public en observant que les intimées ne caractérisent pas son originalité, que l'utilisation de ce terme, pour désigner un mode de travail du cuir donnant un aspect visuel inhérent à son tressage, est banale, ainsi qu'elle entend en attester, et qu'une matière n'est pas en elle-même protégeable ;

Qu'elle soutient que le droit d'auteur n'a pas vocation à protéger l'image de marque d'une société et qu'elle a, elle-même, du fait du rachat, en 1997, d'une société utilisant antérieurement cette technique et commercialisant ses créations sous la marque " Stéphane Kelian ", une légitimité particulière à utiliser le cuir tressé, seule la taille des lanières constituant une différence entre le cuir tressé utilisé par l'une et l'autre ;

Que les intimées rétorquent que leurs créations utilisent l' " intrecciato " depuis le milieu des années 1970 et que des créations postérieures ne peuvent leur être opposées, qu'elle n'entendent pas revendiquer un monopole sur le cuir tressé ou une technique de fabrication mais seulement bénéficier d'un droit exclusif sur "la manière précise et bien particulière avec laquelle les bandes de cuir, d'une certaine largeur, sont disposées sur les productions Bottega Veneta pour former un décor de petits losanges qui, depuis 30 ans, a fait sa notoriété" ajoutant que, déclinée sur ses différents produits, elle constitue leur "marque de fabrique" ;

Qu'elles estiment que les imitations de quelques fabricants ne peuvent les priver des droits qu'elles invoquent ;

Considérant, ceci exposé, que si l'appelante dénonce à bon droit le caractère pour le moins lacunaire de la définition de l'originalité revendiquée en raison de la généralité même de la description précitée, il demeure qu'elle ne soutient pas que cette insuffisance l'aurait privée de la possibilité de faire valoir ses moyens de défense ;

Que l'imprécision de la définition de l'œuvre ne rend pas irrecevables les prétentions émises au titre de la contrefaçon mais conduisent la cour à en circonscrire l'originalité ; qu'à cet égard, les intimées indiquent en préambule de leurs conclusions (pages 4 et 5) que sont entrecroisées de fines bandes de cuir de plus d'un mètre de long et que les lanières du sac type besace litigieux, disposées en losanges, ont une largeur d'environ un centimètre ; que son originalité se caractérise par conséquent par le tressage à plat de longue bandes de cuir d'environ un centimètre de large entrecroisées de manière régulière afin de donner un décor de losanges réguliers de petite taille ;

Que l'appartenance au genre " cuir tressé " ne saurait priver l'" intrecciato " litigieux d'originalité dans la mesure où le tressage de cordelettes de cuir, et non point de lanières, ou de lanières de tailles inégales, et non point de même largeur, ne permettent pas d'obtenir l'aspect singulier de losanges réguliers, ainsi que le donnent à voir, notamment, les photographies de magazines versées aux débats (pièces 6, 7 et 8 de l'appelante en particulier) ;

Que les intimées situent " au milieu des années 70 " et, plus précisément en 1975, selon la copie d'un numéro du magazine " Vogue " évoquant " les indispensables de 76 " (en pièce 31), la différence introduite par ce genre dans l'"intrecciato" revendiqué ;

Qu'à admettre même que le sac photographié, figurant aux mesures de 2 x 3 cm dans un petit encadré, reprenne les éléments présentés par les intimés comme singularisant leur "intrecciato" et reflétant la personnalité de son auteur, l'œuvre revendiquée ne peut être considérée comme originale dès lors que l'appelante verse aux débats un document attestant de créations antérieures de nature à en détruire l'originalité ;

Qu'en effet, la revue " l'Officiel des métiers de la cordonnerie " d'avril-mai 2004 (pièce 34 de l'appelante) contient un article portant sur une collection de 39 paires de souliers tressés-main créés par Georges Gioucanovitch de 1923 à 1957 et divers modèles de souliers photographiés (référencés " Charles IX ", " Salomé ", " Lamballe ") ; que sont utilisées, selon le commentaire, des lanières de cuir en bandes de tailles similaires à celles qui sont approximativement données ; que ces lanières, tressées sur forme, sont croisées de telle sorte qu'elles forment un décor de petits losanges réguliers d'aspect identique à celui de l'"intrecciato" des sociétés Bottega Veneta ;

Que se retrouve, par conséquent, la même combinaison d'éléments présentée comme caractérisant l'originalité de l'"intrecciato" en sorte qu'il y a lieu de considérer que " cette manière précise et bien particulière " de tressage du cuir revendiquée n'est pas éligible à la protection du droit d'auteur ;

Sur l'originalité du modèle de sac référencé "Veneta" :

Considérant que les sociétés Bottega Veneta définissent l'originalité de ce modèle dont elles précisent qu'elles le commercialisent, notamment, en France depuis juillet 2002 en deux tailles différentes et en différentes couleurs par la combinaison des éléments suivants :

- un sac souple type besace dont les parois ont la forme d'un rectangle aux sommets arrondis et qui est réalisé conformément à l'"intrecciato" mis au point par la marque au milieu des années 1970,

- les lanières de cuir régulièrement entrelacées qui en constituent les parois extérieures ont une largeur d'environ un centimètre et sont disposées en diagonale lorsque le sac est posé sur un support,

- le sac comporte une anse en cuir de largeur relativement importante dont la partie centrale est lisse,

- une couture très apparente souligne, sur trois ou quatre côtés du rectangle, la liaison entre les deux parois extérieures du sac,

- le quatrième côté, qui est celui de l'ouverture située sur le côté supérieur du sac, est muni d'une fermeture à glissière visible de l'extérieur, qui est placée entre deux bourrelets qui s'étendent sur la totalité de l'espace qui sépare les deux bases de l'anse ;

Considérant que la société Le Tanneur fait valoir, au soutien de son appel, que ce modèle n'est pas original dans la mesure où ces éléments se retrouvent dans les modèles de sac qu'elle produit aux débats, qu'il ne se distingue pas de réalisations antérieures à la date, non, comme l'a à tort retenu le tribunal, de 1970 mais à celle de 2002 et que n'est pas démontrée l'originalité du modèle revendiqué, c'est-à-dire l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Qu'en réplique, les sociétés Bottega Veneta soutiennent qu'aucun des modèles antérieurs produits par l'appelante ne combine l'ensemble des éléments caractérisant leur modèle de sac "Veneta", que c'est, notamment, vainement que leur sont opposés les modèles de besace commercialisés par les sociétés Antak ou Futura dès 1997 (figurant dans la revue Arpel n° 131 produite en pièce 8) puisqu'ils ne sont pas en cuir et ne reprennent pas l' " intrecciato " qu'elles ont créé "au milieu des années 1970", que le sac créé en 1997 figurant en pièce n° 9 ne constitue qu'une copie de l' " intrecciato " et que l'appelante ne peut contester l'originalité du modèle "Veneta" en séparant les caractéristiques de forme et de décor ;

Considérant, ceci exposé, que pour être originale, l'œuvre doit résulter d'un effort créatif de la part de son auteur et ainsi porter l'empreinte de sa personnalité ;

Que, par conséquent, l'originalité du modèle de besace doit être appréciée dans la forme que lui a donnée la société Bottega Veneta, résultant de la combinaison des éléments caractéristiques précités, sans que certains soient privilégiés, comme le préconisent les intimées ;

Que, produisant la copie du numéro du magazine " Vogue " sus-évoqué (pièce 31), les intimées ne peuvent revendiquer la création, dès 1975, du modèle de sac comportant le décor "intrecciato" tel que revendiqué dès lors que la qualité médiocre de la photographie et sa légende (" pochette de cuir ") ne permettent pas d'établir que sont réunies les éléments caractérisant le modèle de sac besace "Veneta" ;

Que ce modèle ayant été commercialisé à partir de juillet 2002, il convient de rechercher si la combinaison desdits éléments se retrouve dans les documents produits par l'appelante, observation étant faite qu'il ne suffit pas, pour détruire l'originalité de l'œuvre, que l'un des éléments qui la caractérise, pris isolément, soit connu ;

Qu'à cet égard, le modèle de sac présenté dans la pièce n° 9 communiquée par l'appelante (s'agissant du n° 132 de la revue " Arpel " présentant la collection automne hiver 1997) et qu'elle revendique comme antériorité comporte les caractéristiques suivantes : un sac de cuir souple de type besace dont les parois ont la forme d'un rectangle aux sommets arrondis, réalisé en cuir tressé de lanières régulières s'entrecroisant pour former les parois extérieures du sac et disposées en diagonales formant de petits losanges lorsque le sac est sur un support, une anse de cuir large, une couture sur les côtés du rectangle, une fermeture à glissière visible en sa partie supérieure placée entre deux bourrelets et s'étendant sur la totalité de l'espace qui sépare les deux bases de l'anse ;

Que c'est donc par une appréciation pertinente de la comparaison des deux modèles que la société Le Tanneur soutient que ce modèle, créé en 1997 par Valerio Valeriani selon ce que révèle la revue, adoptait dès cette date la combinaison des caractéristiques du modèle "Veneta" commercialisé en 2002, le mode de tressage du cuir de ce modèle et la technique de l' " intrecciato " qui forment les parois du sac "Veneto" produisant un effet visuel similaire et le choix de l' "intrecciato" qu'elles réalisent n'étant pas, comme les intimées le prétendent, suffisant pour conférer à l'ensemble, en regard de la combinaison déjà divulguée, son originalité ;

Que le modèle de sac référencé "Veneta", à défaut d'originalité, ne peut prétendre à la protection par le droit d'auteur si bien que le jugement doit être infirmé de ce chef ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que l'absence d'originalité tant de l'"intrecciato" que du modèle de sac besace référencé "Veneta" privent les sociétés Bottega Veneta intimées du droit de poursuivre la société Le Tanneur en contrefaçon de ce modèle de sac et de la technique du cuir tressé revendiquée ;

Que le jugement, en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de contrefaçon sera, par conséquent, infirmé ;

Sur la concurrence déloyale " et/ou parasitaire " :

Considérant que l'appelante estime que ne peuvent lui être reprochés des actes de concurrence déloyale aux motifs que le sac qu'elle commercialise ne contrefait pas le sac "Veneta", que les intimées revendiquent, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, des faits strictement identiques à ceux revendiqués au titre de la contrefaçon alors qu'elles ne peuvent se prévaloir que de faits distincts, qu'en invoquant également des faits de concurrence déloyale en raison de la commercialisation d'un porte-monnaie en cuir tressé, les intimées revendiquent l'exclusivité sur une série de losanges qui n'est qu'une technique de tressage couramment utilisée dans leur secteur d'activité, ce qui exclut tout risque de confusion, qu'elles ne peuvent sérieusement prétendre que l'"intrecciato" est l'apanage de l'atelier Bottega Veneta alors qu'il est utilisé par des sociétés italiennes de maroquinerie qui le revendiquent comme l'une de leurs caractéristiques, qu'en France, c'est la " société Stéphane Kelian " aux droits de laquelle elle vient qui pourrait revendiquer le cuir tressé, qu'elle-même bénéfice d'une excellente réputation et n'a pas besoin de se placer dans le sillage des intimées pour assurer la promotion de ses productions et qu'enfin le préjudice n'est pas démontré ;

Qu'en réplique, les intimées exposent que la société Bottega Veneta France qui commercialise le sac " Veneta " sur le territoire français est victime d'actes de contrefaçon et que la commercialisation du porte-monnaie "Vicky" qui reproduit l'"intrecciato" est constitutive de concurrence déloyale à l'égard de leurs deux sociétés ;

Qu'elles font valoir que leurs produits sont aussitôt identifiables par leur décor d'"intrecciato", les amateurs de produits de luxe le considérant comme l'apanage de leur atelier vénitien, et qu'en commercialisant un sac et un porte-monnaie reprenant cet "intrecciato", laissant croire qu'il s'agit de produits issus de leurs ateliers ou s'y rattachant, la société Le Tanneur s'est placée dans leur sillage afin de bénéficier, sans bourse délier, de leur prestige et de leur image, commettant de la sorte des actes de concurrence déloyale " et/ou parasitaire " préjudiciables, tenant, en particulier, à la banalisation de leur signe distinctif ;

Considérant, ceci exposé, que l'appelante et les intimées sont en situation de concurrence sur le même marché ; que c'est donc au regard de la concurrence déloyale et non pas du parasitisme commercial que doit être appréciée la responsabilité de la société Le Tanneur ;

Que si l'appelante, qui ne débat pas de la vente du porte-monnaie " Vicky " incriminée, conteste la similitude des sacs de type besace en présence et tire argument de différences tenant à l'absence de coutures extérieures et à l'existence de poches intérieures dans le modèle "Vicky" ainsi qu'aux modalités de fabrication, ces éléments, eu égard à leur caractère mineur et à la reprise quasi identique, dans leur combinaison, des caractéristiques du modèle "Veneta", ne permettent pas d'exclure un risque de confusion ou d'association dans l'esprit du public ;

Que bien qu'en l'absence de droits privatifs le seul fait de commercialiser des produits similaires à ceux distribués par un concurrent ne soit pas, en soi, fautif, il résulte des pièces versées aux débats par les intimées (extraits d'études " Luxury Fashion Designer ", coupures de presse, catalogues, attestations émanant de personnalités impliquées dans le domaine de la mode) que la société Bottega Veneta était classée en tête des marques de luxe prestigieuses en 2006, précédant les sociétés Hermès ou Dior (classées 2e et 15e), que les sacs commercialisés dans leur décor d'"intrecciato" constituent leur produit emblématique et qu'elles réalisent, grâce à leur communication sur ce produit et à cette renommée, un chiffre d'affaires important ;

Qu'en faisant le choix de fabriquer, d'offrir à la vente et de vendre un produit qui reprend la même matière, pareillement traitée dans un "intrecciato" quasi-identique sur lequel la société Bottega Veneta a construit sa réputation et auquel elle a su attacher sa clientèle, la société Le Tanneur a détourné à son profit la notoriété acquise par le produit des sociétés Bottega Veneta et généré un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ;

Que, ce faisant, elle a commis un acte de concurrence déloyale ;

Que le jugement qui a imputé à faute à l'appelante des actes de concurrence déloyale portant sur la commercialisation du sac type besace "Vicky" préjudiciable à la société Bottega Veneta France sera confirmé en cette disposition ;

Qu'il sera infirmé en celle relative à la commercialisation du porte-monnaie " Vicky " qui ne fait l'objet d'aucune argumentation spécifique et n'est étayée par aucune pièce particulière tendant à établir que la société Le Tanneur a pu commettre des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Bottega Veneta France et Bottega Veneta International ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que les opérations de saisie ont permis de chiffrer à 2 055 le nombre de sacs livrés et à 640 le nombre en stock, soit un total de 2 695 unités ;

Que les intimées établissent que le sac "Veneta" était vendu au prix moyen de 1 080 euro nets, qu'elles réalisaient une marge brute d'environ 60 % en sorte que sa perte potentielle de marge brute pourrait s'établir à la somme de 1 460 690 euro ; que, par ailleurs, le bénéfice réalisé par l'appelante du fait de la vente de ses sacs (à un prix trois fois inférieur à celui du modèle "Veneta") peut être chiffré à environ 540 000 euro ;

Que les intimées justifient, en outre, de la vente de 6 169 sacs en France de 2003 à 2 009, soit une moyenne annuelle réduite, tenant notamment à ses modalités particulières de fabrication, d'environ 1 000 sacs ; qu'elles s'abstiennent, toutefois, de produire des éléments comptables permettant de chiffrer précisément le montant de leurs investissements pour assurer la promotion de ce produit ;

Qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, il convient d'allouer à la société Bottega Veneta qui se présente comme le distributeur, en France, des produits Bottega Veneta, la somme de 150 000 euro venant réparer le préjudice né des actes de concurrence déloyale ;

Considérant que le préjudice subi depuis 2007 étant réparé à suffisance par les mesures d'interdiction et les injonctions ordonnées par le tribunal, il y a lieu de les confirmer purement et simplement sans y ajouter la mesure de publication sollicitée ;

Sur les demandes complémentaires :

Considérant que l'équité conduit à allouer aux sociétés Bottega Veneta intimées une somme complémentaire de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Le Tanneur supportera les dépens d'appel ;

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions portant sur la reconnaissance d'actes de concurrence déloyale préjudiciables à la société Bottega Veneta France en raison de la commercialisation du sac "Vicky" ainsi qu'en celles portant sur les mesures d'interdiction et d'injonction, sur les frais non-répétibles et sur les dépens et, statuant à nouveau en y ajoutant : Déclare les sociétés Bottega Veneta France et Bottega Veneta International irrecevables à agir en contrefaçon tant du modèle de type besace "Veneta" que de la technique de l'" intreciatto " ; Dit qu'en commercialisant le modèle de sac type besace "Vicky", la société anonyme Le Tanneur & Cie a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société à responsabilité limitée Bottega Veneta France ; Condamne la société Le Tanneur & Cie à verser à la société Bottega Veneta France la somme de 150 000 euro en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale ; Condamne la société Le Tanneur & Cie à verser à la société Bottega Veneta France et à la société Bottega Veneta International une somme complémentaire de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes des parties ; Condamne la société Le Tanneur & Cie aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.