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Décisions

Cass. soc., 16 février 2011, n° 09-43.364

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Distribution Casino France (SAS)

Défendeur :

Léger (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mazars (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Frouin

Avocat général :

M. Foerst

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin

Cons. prud'h. Arras, du 15 mai 2009

15 mai 2009

LA COUR : - Vu la connexité, joint les pourvois n° 09-43.365 et 09-43.364 ; - Sur les deux moyens communs réunis du pourvoi principal : - Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 30 octobre 2009), que la société Casino Distribution a conclu avec M. et Mme Léger un contrat de cogérance portant sur un magasin à l'enseigne Spar situé à Arras ; qu'après des arrêts de travail pour maladie, M. Léger et Mme Léger ont respectivement saisi, le 15 avril 2009 et le 21 avril 2009, la formation de référé de la juridiction prud'homale pour demander qu'il soit ordonné à l'employeur de faire procéder à un examen médical de reprise du travail les concernant par la médecine du travail, M. Léger demandant en outre paiement d'un rappel de salaire ;

Attendu que la société fait grief aux arrêts de dire que les demandes ne se heurtent à aucune contestation sérieuse et de lui ordonner d'organiser pour M. Léger et pour Mme Léger la visite médicale de reprise du travail dans le ressort de la ville d'Arras, alors, selon le moyen : 1°) que la formation de référé ne peut en cas d'urgence, ordonner toutes mesures qu'elle estime utiles, qu'à la condition que celles-ci ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 7322-1 du Code du travail que le bénéfice pour les gérants mandataires non salariés des succursales de commerce de détail alimentaire, des dispositions de la quatrième partie du Code du travail relative à la santé et à la sécurité au travail, est subordonné à la fixation par l'entreprise propriétaire de la succursale des conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, ou à son agrément ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de M. Léger tendant à voir condamner la société à lui organiser une visite médicale de reprise, la société Casino faisait valoir qu'elle ne déterminait unilatéralement ni ses conditions de travail, ni les règles de santé et de sécurité applicables au sein de l'établissement ; qu'en analysant précisément la convention conclue par les parties, les règles régissant leurs relations contractuelles, ainsi que les conditions d'exercice par les gérants de leur activité, pour conclure que les conditions de travail, comme les mesures d'hygiène et sécurité au sein du magasin étaient fixées ou à tout le moins recevaient l'agrément de la société Casino, et faire ainsi droit à la demande du gérant, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse en violation de l'article R. 1455-5 du Code du travail ; 2°) que l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des mandataires gérants non salariés de la quatrième partie relative à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son agrément ; que le respect par les gérants mandataires des directives résultant du contrat de gérance qu'ils ont conclu avec l'entreprise propriétaire de la succursale concernant la gérance du fonds, ne saurait caractériser la détermination unilatérale par cette dernière de leurs conditions de travail, et des règles d'hygiène et de sécurité qui s'appliquent à eux ; qu'en se fondant sur le fait qu'en application du contrat de cogérance conclu par les cogérants M. et Mme Léger, avec la société Casino Distribution France, cette dernière supportait la charge des frais de loyers des locaux, d'assurance du matériel et des marchandises, mettait à disposition le matériel nécessaire aux besoins de l'exploitation, prenait l'initiative de la réfection des locaux, conservait la maîtrise de l'exécution de tous travaux, décidait des jours et heures de livraison des produits, leur imposait de ranger le magasin selon une charte précise, leur donnait, en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire des instructions sous forme de recueils de protocoles, et en contrôlait la bonne exécution par l'intermédiaire de son manager commercial, la cour d'appel qui n'a nullement caractérisé que la société Casino déterminait unilatéralement les conditions de travail des gérants ni les règles d'hygiène et de sécurité qui leur étaient applicables, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7322-1 du Code du travail ; 3°) que ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation sans donner à ses constatations de fait une précision suffisante ; que la cour d'appel a cru pouvoir affirmer que la société Casino veillait au respect, sous menace de "reconsidérer les relations contractuelles", des jours et heures d'ouverture du magasin définis selon un engagement écrit du gérant, sans indiquer les éléments qui lui permettaient de justifier une telle affirmation; qu'en statuant ainsi lorsque la société Casino contestait formellement contrôler les jours et horaires d'ouverture du magasin en soulignant qu'un tel contrôle ne résultait d'aucune des pièces versées aux débats par les gérants, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ; 4°) que concernant la prise des congés, la société Casino faisait valoir que les gérants étaient libres de fixer leurs dates de congés à charge pour eux d'organiser leur remplacement, et que ce n'était que de manière facultative qu'elle avait mis en place un système de remplacement par des gérants intérimaires qui nécessitait qu'elle interroge les gérants sur leurs dates de congés ; qu'en affirmant que la société exigeait communication sous forme de souhait des dates de congé et en appréciait le bien-fondé, ayant organisé un système de remplacement par des gérants intérimaires, pour en déduire que la société donnait son agrément aux prises de congés, sans cependant vérifier si ce système n'était pas facultatif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7322-1 du Code du travail ; 5°) qu'en relevant que la société Casino procédait à des mutations de gérants, sans cependant constater qu'au cas d'espèce, les époux Léger avaient été mutés à la demande de la société Casino, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 7322-1 du Code du travail ; 6°) qu'en relevant enfin que la rémunération globale brute mensuelle des cogérants s'élevant à 3 000 euro environ, outre la jouissance d'un logement, ne permettait pas dans les faits le recrutement d'un salarié même rémunéré au SMIC, pour en déduire que les conditions de travail étaient bien fixées par Casino Distribution France, la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 7322-1 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant exactement rappelé que les dispositions de l'article L. 7322-1 du Code du travail subordonnent l'application au profit des gérants non salariés des dispositions de la quatrième partie du Code du travail relatives à la santé et à la sécurité au travail à la fixation par l'entreprise propriétaire de la succursale des conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou à son agrément, la cour d'appel a relevé, d'une part, que la société décidait de la réfection des locaux et contrôlait l'exécution de tous travaux d'entretien ou de transformation, veillait au respect des jours et heures d'ouverture du magasin, décidait des jours et heures de livraison et des modalités de rangement du magasin, et fixait ainsi les conditions de travail et de sécurité au travail dans l'établissement, d'autre part, que la société donnait des instructions précises en matière d'hygiène et de sécurité et s'assurait de leur bonne application en soumettant la tenue du magasin à un contrôle particulier de propreté et de mise en œuvre des normes sanitaires, et fixait ainsi les conditions de santé au travail dans l'établissement ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu décider que l'obligation de l'employeur d'organiser la visite de reprise ne se heurtait à aucune contestation sérieuse et a légalement justifié sa décision ;

Et attendu que le moyen unique du pourvoi incident n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette les pourvois tant principaux qu'incident.