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Décisions

Cass. 1re civ., 17 février 2011, n° 10-13.980

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Méry

Défendeur :

Gérard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charruault

Rapporteur :

Mme Kamara

Avocat général :

Mme Petit

Avocats :

Mes Balat, Copper-Royer

T. com. Blois, du 4 juin 2004

4 juin 2004

LA COUR : - Attendu que, suivant acte sous-seing privé du 30 avril 1997, faisant suite à de précédents contrats signés en 1989 et 1994, Mme Méry a conclu avec Mme Gérard, responsable d'une agence immobilière, un contrat intitulé mandat d'agent commercial, lui confiant le soin de rechercher, au nom et pour le compte de l'agence, des acquéreurs et vendeurs d'immeubles ou de fonds de commerce ; que le contrat prévoyait qu'il pouvait prendre fin à tout moment, sans préavis ni indemnité ; que, par lettre recommandée du 12 mars 2002, Mme Gérard a mis fin au mandat, sans préavis ; que, se prévalant du statut des agents commerciaux, Mme Méry l'a fait assigner en paiement de diverses indemnités ; que la cour d'appel ayant débouté Mme Méry de ses demandes, la Cour de cassation a cassé sa décision (Civ. 1re, 31 janvier 2008, pourvoi 06-20.254), au visa de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 et de l'article L. 134-1, alinéa 2, du Code de commerce, au motif qu'en appliquant à Mme Méry le statut des agents immobiliers sans rechercher en quoi l'agent prêtait son concours de manière habituelle à la conclusion de contrats préliminaires, à la vente et à l'achat d'immeubles, de fonds de commerce ou de biens immobiliers, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que Mme Méry reproche à l'arrêt attaqué (Orléans, 4 mai 2009) de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à la condamnation de Mme Gérard à lui payer les sommes de 7 665 euro à titre d'indemnité de préavis et de 81 728 euro à titre d'indemnité de rupture, outre les intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que les juges du fond ne peuvent retenir le statut d'agent immobilier qu'après avoir constaté que l'agent prêtait son concours de manière habituelle à la conclusion de contrats préliminaires, à la vente et à l'achat d'immeubles, de fonds de commerce ou de biens immobiliers ; qu'en estimant que Mme Méry ne pouvait se prévaloir du statut des agents commerciaux, dès lors que son activité " consistait à prêter son concours à des opérations de vente ou de location immobilière, ce qui caractérise l'activité d'agent immobilier ", tout en relevant que Mme Méry n'avait " qu'exceptionnellement signé les compromis " concernant les opérations de vente et que son activité se bornait à faire " visiter les biens en vente " et à procéder " aux négociations conduisant à la signature de ces actes ", la cour d'appel, qui n'a en définitive caractérisé qu'une activité d'agent commercial et non d'agent immobilier, a violé l'article L. 134-1, alinéa 2, du Code de commerce par refus d'application et l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 par fausse application ; 2°) que, dans ses conclusions d'appel, Mme Méry faisait valoir que ses commissions étaient calculées au regard de celles perçues par l'agence ; qu'en ne procédant à aucune recherche sur cette question essentielle à la solution du litige, dès lors que le mode de rémunération décrit par l'intéressée n'était pas celui des agents immobiliers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1, alinéa 2, du Code de commerce et de l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que Mme Méry rappelle longuement dans ses propres conclusions comment elle a négocié avec les époux Pivont, en vertu du mandat que lui avait donné Mme Gérard, la vente de l'immeuble appartenant à son ami, M. Le Carpentier, et assure qu'elle a qualité pour consentir à ces acquéreurs la remise de la commission due à l'agence après en avoir simplement informé sa mandante, que Mme Gérard verse aux débats soixante-trois factures, émises par Mme Méry entre 1997 et 2002, dans lesquelles celle-ci a réclamé les commissions qui lui étaient dues après avoir procédé à la vente d'une maison, d'un appartement ou d'une propriété, ainsi que six factures faisant état de commissions dues après conclusion de locations, que le fait que Mme Méry n'ait qu'exceptionnellement signé les compromis concernant ces opérations est inopérant dès lors qu'elle ne se contentait pas de mettre en relations d'éventuels acquéreurs ou vendeurs avec l'agence de Mme Gérard mais qu'elle faisait visiter les biens en vente et procédait elle-même aux négociations conduisant à la signature de ces actes et que les pièces versées aux débats par Mme Gérard démontrent bien que l'activité principale de Mme Méry consistait à prêter son concours à des opérations de vente ou de location immobilière, ce qui caractérise l'activité d'agent immobilier et l'empêche de réclamer l'application à son profit de l'article L. 134-1, alinéa 2, du Code de commerce ; qu'ayant ainsi constaté que Mme Méry prêtait son concours de manière habituelle à la vente et à la location de biens immobiliers appartenant à autrui, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : - Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté Mme Méry de sa demande tendant à la condamnation de Mme Gérard à lui payer la somme de 35 000 euro à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, que les conventions doivent s'exécuter de bonne foi, qu'en estimant que Mme Gérard n'avait commis aucune faute en rompant brutalement et sans préavis le contrat qui la liait à Mme Méry, au seul motif que celle-ci avait déjà, dans la passé, usé de cette faculté, la cour d'appel, qui a examiné non pas le comportement de Mme Gérard mais celui de Mme Méry, s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le contrat signé entre les parties prévoyait que le mandat pouvait prendre fin à tout moment sans aucun préavis ni aucune indemnité de quelque nature que ce soit, par lettre recommandée adressée par la partie prenant l'initiative de la rupture, que Mme Méry avait elle-même usé de cette faculté à trois reprises en adressant à Mme Gérard des lettres recommandées datées des 17 janvier 1990, 31 décembre 1995 et 12 mars 2002 mentionnant que la rupture du contrat prendrait effet le jour de réception de ces courriers par sa mandante, et qu'elle ne saurait, dès lors, reprocher à Mme Gérard, qui n'avait jamais contesté la régularité de ces ruptures brutales, d'avoir elle aussi usé de la clause contractuelle les permettant ; qu'ayant, par ces motifs détaillés et pertinents, fait ressortir que la volonté des parties consistait à autoriser chacune d'elles à rompre le contrat sans préavis ni indemnité, ce que Mme Méry avait fait à trois reprises, et notamment le jour-même de la rupture décidée par Mme Gérard, de sorte que cette dernière avait pu user, de bonne foi et sans faute, de la faculté de rupture prévue contractuellement, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.