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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 février 2011, n° 08-18087

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Contracting and Trading Co. Ltd (Sté)

Défendeur :

The Walt Disney Company France

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Touzery-Champion, Pomonti

Avoués :

SCP Duboscq-Pellerin, SCP Moreau

Avocats :

Me Levy, Thorne

T. com. Paris, du 3 sept. 2008

3 septembre 2008

La société The Walt Disney Company France (TWDCF), venant aux droits de la société Buena Vista Home Entertainment France (BVHE), filiale française du Groupe Disney, a pour objet social et activité la fabrication, l'exploitation et la commercialisation par vidéogrammes de toutes œuvres audiovisuelles Disney.

Le 1er février 1995, elle a conclu un contrat aux termes duquel elle a concédé à la société Contracting and Trading Co (CTC), de droit Saoudien dont le président est M. Jawa, le droit non exclusif et l'autorisation de fabriquer, vendre, faire la publicité, commercialiser, promouvoir, distribuer et exploiter commercialement les vidéogrammes Disney, moyennant la vente aux détaillants, dont les activités comprennent la vente et/ou la location de vidéocassettes au public, à usage domestique exclusivement, et ce dans un certain nombre de pays du Moyen-Orient, l'Arabie Saoudite, Bahreïn, Les Emirats Arabes Unis, Oman, le Qatar, Koweït, et sous certaines réserves, l'Egypte, le Liban, le Soudan, la Syrie, l'Iran, l'Irak, la Jordanie et le Yémen.

Cette convention, d'une durée initiale de 38 mois, a fait l'objet d'avenants successifs jusqu'au 30 septembre 2001. Le 13 juin 2001 un protocole d'accord dénommé Short Form Agreement a été signé par la société CTC puis en août 2002 par la société BVHE, avec effet rétroactif à compter du 1er octobre 2001, d'une durée de trois années expirant le 30 septembre 2004.

Par lettre du 20 février 2004, la société BVHE a informé la société CTC que le contrat se terminerait comme prévu au 30 septembre suivant et qu'il ne serait pas renouvelé.

S'estimant victime d'une rupture brutale des relations commerciales et du comportement déloyal de la société BVHE, la société CTC l'a fait assigner par acte du 25 février 2005 devant le Tribunal de commerce de Meaux lequel, par jugement du 9 janvier 2007, a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris ; celui-ci par jugement en date du 3 septembre 2008 a:

- condamné la société CTC à payer la somme de 131 738,38 USD à la société BVHE au titre des redevances générées par l'écoulement des stocks,

- condamné la société BVHE à payer la somme de 336 800 USD à la société CTC,

- ordonné la compensation judiciaire de ces sommes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes.

La société CTC a fait appel de ce jugement le 22 septembre 2008, de même que la société BVHE le 29 septembre 2008.

Par ordonnance du 18 novembre 2008 le 1er Président de la Cour d'appel de Paris a refusé la suspension de l'exécution provisoire du jugement et ordonné la consignation par la société BVHE de la somme de 151 441,93 euro.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 4 novembre 2010, la société CTC sollicite, à propos de la demande de rupture brutale de la relation commerciale établie, la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'une relation commerciale avait été établie depuis 1995 entre les sociétés CTC et BVHE, aux droits de laquelle se trouve Walt Disney Company France (WDCF) et que cette rupture est intervenue brutalement avec préavis insuffisant. Elle réclame l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé le préavis qui aurait dû lui être accordé à huit mois. Elle estime que compte tenu de l'ancienneté, de l'exclusivité et de la qualité de la relation commerciale établie, un préavis de 3 ans aurait dû lui être accordé. Elle souhaite la condamnation de la société WDCF à lui payer la contre valeur en euro au jour du jugement de la somme de 5 861 993 USD à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

A propos de la demande de rupture abusive, elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté sa demande de rupture abusive de la relation commerciale établie. Elle considère que le comportement de la société BVHE, en raison des circonstances de la rupture et de l'organisation d'un simulacre d'appel d'offres constitue un comportement déloyal, de sorte que cette dernière a engagé sa responsabilité. Elle demande la condamnation de la société The Walt Disney Company France à lui verser la contre valeur en euro au jour du jugement de la somme de 2 000 000 USD à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive, la publication du dispositif de la présente décision aux frais de l'intimée dans dix journaux à concurrence de 10 000 euro HT par insertion et ce sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard, ainsi que la compensation de la contre valeur en euro de la somme de 131 738,38 USD si elle était condamnée à payer à la société TWDCF au titre des redevances générées sur les ventes de vidéogrammes lors de la période de liquidation arrêtée au 31 mars 2005 avec les sommes au paiement desquelles cette dernière sera condamnée au titre des dommages et intérêts à lui régler.

En tout état de cause, elle souhaite le rejet de l'ensemble des prétentions de la société TWDCF, venant aux droits de BVHE, ainsi que sa condamnation à lui verser la somme de 80 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 24 novembre 2010, la société TWDCF, venant aux droits de la société BVHE, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CTC à lui payer la somme de 131 738,38 USD.

A titre principal elle fait valoir que les parties ont placé et encadré leurs relations d'affaires dans un contrat à durée déterminée venant à expiration au terme convenu du 30 septembre 2004, en excluant toute prorogation ou reconduction tacite, qu'elle a suivant correspondance en date du 20 février 2004 confirmé à la société CTC, que le contrat à durée déterminée alors en vigueur viendrait à expiration au terme convenu le 30 septembre 2004 et qu'elle ne le renouvellerait pas, que c'est de façon légitime et en respectant la convention liant les parties que le contrat est venu à expiration au 30 septembre 2004, cette expiration ayant été rappelée près de huit mois avant sa survenance ainsi que le fait qu'il n'y aurait pas de renouvellement. Elle considère qu'elle n'a fait qu'exercer ses droits contractuels de façon parfaitement légitime. Elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement et le rejet des prétentions de la société CTC.

A titre subsidiaire, elle rappelle que la relation des parties a été formalisée et encadrée dans deux contrats à durée déterminée, complexes et détaillés, ayant fait l'objet de négociations importantes et parfois conflictuelles, que les parties ont pris systématiquement soin de prévoir un terme exprès en excluant tout renouvellement, prorogation ou reconduction tacite. Elle en déduit que la relation commerciale établie n'est pas, dans ce contexte de prévisibilité d'un terme expressément convenu, caractérisée et que l'application de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce est exclue. Elle ajoute qu'elle a, au surplus, confirmé à la société CTC, près de huit mois avant le terme, sans y être tenue, que le contrat expirerait à son terme contractuel le 30 septembre 2004 et qu'il ne serait pas renouvelé.

Par ailleurs, si par impossible l'article L. 442-6-5° du Code de commerce trouvait à s'appliquer, elle conteste la brutalité de la rupture. Elle se prévaut du fait que la société CTC a bénéficié d'un délai de huit mois augmenté d'une période résiduelle de vente de six mois, le cumul de ces deux périodes, à savoir treize mois, représentant un préavis suffisant au regard de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce.

Elle soutient n'avoir commis aucune faute, dans la mesure où elle a informé la société CTC de ce qu'elle entendait faire, que seule cette dernière a compromis définitivement toute relation éventuelle à venir par son comportement et ses agissements à l'occasion de l'étude de marché au Moyen-Orient, à laquelle elle était invitée à participer comme ses concurrents et d'une réunion du 22 avril 2004, qu'elle a notifié le 28 mai 2004 à la société CTC qu'elle n'entendait pas donner suite à l'étude entreprise et à une relation nouvelle et s'est d'ailleurs retirée du marché du Moyen-Orient pendant près de deux années. Elle souhaite en conséquence le rejet des prétentions de la société CTC.

A titre infiniment subsidiaire, elle prétend que la société CTC n'apporte aucun élément permettant d'établir sérieusement le préjudice dont elle réclame réparation, qu'il s'agisse de son caractère personnel et direct ou de son montant et qu'il ne peut être fait droit à ses demandes de préjudices.

Enfin, elle réclame la condamnation de la société CTC à lui verser pour procédure abusive la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 50 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon écritures du 8 décembre 2010, la société CTC sollicite le rejet des débats des conclusions de la société TWDCF en date du 24 novembre 2010.

Suivant conclusions du 9 décembre 2010, la société TWDCF réclame, à titre principal, le rejet de la demande susvisée formée par la société CTC. A titre subsidiaire, elle souhaite le rejet des débats des écritures de son adversaire en date du 4 novembre 2010 et des pièces n° 136 à 141.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

1 Sur la procédure :

Considérant que la société CTC sollicite le rejet des débats des pièces et des conclusions de la société TWDCF en date du 24 novembre 2010 communiquées la veille de l'ordonnance de clôture rendue le 25 novembre 2010, pour non-respect du principe du contradictoire ;

Mais considérant que les écritures litigieuses du 24 novembre 2010 ne sont que l'exacte reprise des conclusions antérieures du 8 octobre précédant, ne contenant aucun moyen nouveau ou demande nouvelle; que la société TWDCF ne les a prises que pour viser des pièces complémentaires n° 61 à 66 qu'elle avait omis de citer, bien qu'elles aient été communiquées précédemment depuis le 8 octobre 2010 ;

Que le principe du contradictoire n'a donc pas été violé, de sorte que la demande de la société CTC ne saurait prospérer ;

2 Sur le fond:

Sur les demandes de la société CTC :

Considérant que la société CTC, sur le fondement de l'article L. 442-6-I 5e du Code de commerce, impute, en premier lieu, à la société TWDCF une rupture brutale de leur relation commerciale établie depuis 10 ans ;

Que cette dernière conteste l'existence de relations commerciales établies avec la société CTC, dès lors qu'elles étaient liées par un contrat à durée déterminée, convenu sans renouvellement ni reconduction tacite possibles, dont le terme est survenu normalement et de façon prévisible, après d'ailleurs que confirmation en a été donnée près de huit mois avant la survenance du terme ;

Considérant que l'article L. 442-6-I 5e du Code de commerce dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...)

5) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant le durée minimale de préavis, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ;

Qu'au vu des pièces produites, la relation commerciale entre les deux sociétés a été matérialisée par un contrat de licence et de distribution daté du 1er février 1995 pour une durée de 38 mois, puis par une première lettre en date du 1er avril 1998 prévoyant une prorogation du contrat jusqu'au 30 septembre 1998, par un deuxième avenant en date du 1er octobre 1998 prolongeant d'une année les engagements des parties jusqu'au 30 septembre 1999, par une troisième prorogation selon avenant du 1er octobre 1999 pour une durée d'un an jusqu'au 30 septembre 2000, par une quatrième prorogation selon avenant du 1er octobre 2000, enfin par un protocole d'accord dénommé "Short Form Agreement" signé le 13 juin 2001 par la société CTC et en août 2002 par la société BVHE, applicable rétroactivement à compter du 1er octobre 2001 d'une durée de 3 ans ;

Que cette relation commerciale d'une durée globale de 9 années a ainsi été formalisée par un contrat initial en 1995, prorogé à quatre reprises, puis par un nouveau contrat signé en juin 2001 et août 2002 ;

Que la notion de relation commerciale établie est, contrairement à ce que prétend la société intimée, une notion économique et non juridique, qui ne saurait se confondre avec celle d'un contrat à durée déterminée, la loi ayant entendu viser une situation contractuelle née de la pratique instaurée entre des parties qui entretiennent des relations d'affaires suivies fondées sur un contrat ou une succession de contrats ;

Que la société TWDCF n'est donc pas fondée à revendiquer le non-respect de l'article 1134 du Code civil pour les conventions à durée déterminée signées avec son partenaire ;

Qu'elle ne saurait pas davantage se prévaloir du fait que le contrat de licence ne prévoyait aucune possibilité de reconduction ou de prorogation, dès lors que les contrats du 1er février 1995 et du 13 juin 2001 ne contiennent, contrairement à ses allégations, aucune clause excluant formellement tout renouvellement ou prorogation ou reconduction tacite et que pas moins de quatre prorogations ont été signées par les parties ;

Qu'il importe peu également que certaines clauses du contrat initial aient subi des modifications, dans la mesure où son objet essentiel (commercialisation des produits vidéo Disney à usage familial au Moyen orient) n'a pas varié et où il s'agissait principalement de prendre en compte les bouleversements technologiques et les évolutions du marché ; que les difficiles négociations qui ont entouré la conclusion du second avenant ou du second contrat de 55 pages sont justifiées au regard de la complexité de la relation commerciale tenant à l'étendue des territoires concernés au Moyen-Orient, au nombre de sous-licenciés, aux différences culturelles non comprises par le concédant et exigeant aux yeux du licencié des adaptations des vidéogrammes pour éviter la censure, à la nature des produits en constante évolution technique et technologique; que si le mail du 27 mai 2001 rédigé par Rob Jongmans (pour la société BHVE) témoigne, selon la société intimée, de la fragilité des relations entre les deux partenaires puisque l'idée d'y mettre un terme est évoquée, il doit être observé que ce message interne n'a pas été diffusé au partenaire, que par un mail précédent du 9 mai 2001 cette société avait confirmé à la société CTC son désir de continuer à travailler avec elle pour l'avenir, et qu'en définitive un nouveau contrat a été signé ; que les autres échanges de mails versés aux débats entre M. Jawa (pour la société CTC) et M. Onno Jongmans (Directeur des marchés émergents en charge de tous les marchés au Moyen-Orient, Europe et Afrique pour le groupe Disney) s'ils montrent des désaccords entre les parties sur des points précis, ne vont pas au-delà d'une vive discussion d'affaires entre dirigeants avisés ;

Que ces négociations, fussent elles animées ou âpres, ne pouvaient laisser présager une rupture de la relation, puisqu'à six reprises les partenaires avaient conclu un accord, et qu'en conséquence la société CTC pouvait légitimement espérer le maintien du partenariat ;

Qu'il peut être observé que la société intimée, qui se prévaut de sérieux motifs d'insatisfaction n'a pourtant pas cru utile de mettre en œuvre la procédure contractuelle de résiliation prévue en cas de manquements graves ;

Que si la licence de commercialisation des vidéogrammes consentie par la société BHVE à la société CTC n'avait pas contractuellement un caractère exclusif, les parties s'accordent néanmoins à reconnaître une exclusivité de fait, puisque pendant 9 ans la société BHVE n'a eu recours à aucun autre distributeur pour ce type de produits dans la région du Moyen-Orient et que la société CTC n'y distribuait pas d'autres produits ;

Qu'il est ainsi démontré que la relation entre les deux sociétés s'est inscrite dans la continuité et une exclusivité de fait, à travers la conclusion d'une succession ininterrompue de contrats ayant pour l'essentiel le même objet, pendant 9 années ;

Qu'il s'ensuit que le caractère établi des relations commerciales n'est pas contestable ;

Considérant que la société CTC se plaint de la brutalité de la rupture et de la durée insuffisante du préavis ;

Considérant que toute décision de mettre fin à des relations commerciales établies est subordonnée au respect d'un juste préavis écrit conforme aux usages du commerce ;

Considérant que par lettre du 20 février 2004, la société BHVE a écrit en ces termes à la société CTC : "A la suite des récentes conversations qui ont eu lieu entre Robert Jongmans (Exécutive Vice Président et gérant de la TWDCF) et M. Jawa, nous vous confirmons que le contrat (du 1er octobre 2001) expirera conformément à son terme avec effet à compter du 30 septembre 2004 et que BHVE ne souhaite pas le renouveler. (...)

BHVE effectue un bilan de son activité au Moyen-Orient (...)

Nous aimerions vous inviter à participer à cette étude (...) Nous prévoyons qu'une décision sera prise quant au futur projet de BHVE d'ici le 30 mai 2004. Nous serons alors en mesure de vous faire savoir si BHVE, sous réserve d'un accord, cherchera à conclure un nouveau contrat de distribution avec vous à l'expiration du contrat actuel" ;

Que selon courrier du 14 mars 2004, M. Jawa au nom de la société CTC a confirmé la réception dudit courrier au 10 mars 2004, s'est déclaré déçu de ce préavis selon lequel le contrat ne sera pas automatiquement renouvelé, mais impatient de prendre part au processus de renouvellement ;

Qu'enfin par une correspondance du 28 mai 2004, la société BHVE a informé la société CTC de son intention de ne pas conclure un nouveau contrat de distribution ou de licence avec elle, après l'expiration du contrat du 1er octobre 2001 à la date du 30 septembre 2004 ;

Que par conséquent le point de départ de ce préavis est constitué par la réception de la lettre du 20 février 2004, aux termes de laquelle la société BHVE fait connaître à son cocontractant sa décision arrêtée de mettre un terme au contrat du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2004, et non, comme l'ont retenu à tort les premiers juges, par la correspondance du 28 mai 2004 qui ne visait que le nouveau contrat éventuel ;

Que le fait que la société BHVE ait accordé à la société CTC trois mois supplémentaires par rapport à la période de vente résiduelle de 90 jours contractuellement prévue pour lui permettre d'écouler ses stocks ne saurait équivaloir à un mois de préavis, comme l'a retenu à tort le tribunal, alors que la nature et le but de ces deux délais diffèrent ;

Qu'eu égard à la durée des relations établies pendant neuf années et à leur exclusivité de fait, à la notoriété des produits, aux investissements engagés par la société CTC, au chiffre d'affaires réalisé, la durée du préavis raisonnable doit être fixée à une année correspondant au temps nécessaire à celle-ci pour prendre toute disposition utile afin de donner une nouvelle orientation à ses activités ou trouver d'autres partenaires commerciaux ;

Que l'indemnisation de la société CTC doit en conséquence porter sur trois mois d'activité et sera calculée sur une assiette correspondant à la moyenne du chiffre d'affaires hors taxes réalisé au cours des années 2002 à 2004, assiette à laquelle est affectée la marge brute bénéficiaire de 50 %, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, soit la contre valeur au jour du jugement de la somme de 252 600 US dollars à verser par la société TWDCF, la société TWDCF ne produisant pour sa part aucun élément contraire lui permettant d'asseoir sa critique ;

Que cette somme répare suffisamment le préjudice direct subi par la société CTC, qui ne peut obtenir que celui résultant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même; qu'il ne saurait donc être fait droit à la demande indirecte visant le dommage subi par la société Stallions, sous licenciée de la société CTC, (ces deux sociétés étant dirigées par la même personne, M. Jawa) ayant d'autres activités que la distribution des produits vidéo de Disney, en raison du licenciement du personnel de cette dernière; qu'au demeurant la société CTC ne justifie pas avoir réglé une quelconque somme à sa sous-licenciée ;

Qu'enfin la société CTC sollicite le remboursement d'une somme de 359 493 US dollars au titre de son préjudice matériel tenant aux coûts de fermeture de la division Home Vidéo ;

Mais considérant que les pièces qu'elle communique au soutien de cette prétention ne permettent pas de démontrer que les frais invoqués aient été exclusivement supportés par elle pour les besoins de la licence en cause et pendant la période du préavis ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces chefs de prétentions de la société appelante ;

Considérant que cette dernière soutient, en second lieu, que la rupture des relations commerciales avec la société BHVE revêt un caractère abusif, déloyal engageant la responsabilité délictuelle de celle-ci sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'à cet effet, elle reproche à la société intimée, alors qu'elle avait prémédité de longue date son éviction, de l'avoir tenue dans l'illusion du maintien de leurs relations commerciales par la poursuite des échanges pendant les années 2004 à 2006 et par la procédure d'appel d'offres; qu'elle prétend avoir été victime d'un simulacre d'appel d'offres lui faisant croire qu'elle avait des chances de voir leurs rapports commerciaux se poursuivre, et ce, dans le but inavoué de capter l'ensemble de ses informations confidentielles et de son savoir-faire, la privant ainsi définitivement des moyens de se reconvertir ;

Considérant qu'aux termes de sa correspondance du 20 février 2004 la société BHVE a fait savoir à la société CTC qu'elle effectuait un bilan de son activité au Moyen-Orient dans le but de déterminer sa future stratégie pour la croissance de l'activité et le meilleur schéma de distribution possible pour ses produits sur le territoire. A la suite de cela, elle sera en position de sélectionner son ou ses partenaires pour la mise en œuvre de sa stratégie. BHVE demande donc à des partenaires existants ou potentiels de lui présenter ses propositions relatives au développement de son activité.

"Nous aimerions vous inviter à participer à cette étude en nous fournissant certaines informations que nous demanderons à tous les participants.

Nous serons alors en mesure de vous faire savoir si BHVE, sous réserve d'un accord, cherchera à conclure un nouveau contrat de distribution avec vous à l'expiration du contrat actuel.

Si BHVE décidait de ne pas conclure de nouveau contrat de distribution avec vous, nous vous proposerons une réunion";

Que par ce courrier l'intimée n'a absolument pas cherché à faire croire à l'appelante, contrairement aux allégations de cette dernière, que leur relation commerciale allait nécessairement se poursuivre après le 30 septembre 2004, dès lors que la signature d'un nouveau contrat de distribution n'a été présentée que comme une éventualité; que dans un régime de liberté contractuelle, la pratique autorisée de la mise en concurrence de plusieurs partenaires lui a été clairement exposée ;

Que la société CTC n'apporte aucun élément pouvant démontrer l'existence d'un simulacre d'appel d'offres destiné à lui soutirer des informations et à l'empêcher de trouver d'autres débouchés; que la circonstance que la société BHVE se soit en définitive retirée du marché du Moyen-Orient pendant deux ans tend à prouver au contraire qu'elle a pris cette décision après avoir obtenu toutes informations utiles dans le cadre de son étude de marché ;

Que la société CTC ne justifie nullement de pourparlers avancés entre elles et abusivement rompus pendant les mois de mars à mai 2004 ou d'un accord intermédiaire définissant des points d'entente en vue d'un nouveau contrat ; qu'il ressort des mails échangés entre les parties à cette époque et notamment du message électronique du 31 mars 2004 d'Onno Jongmans à M. Jawa qu'une réunion importante devait être tenue à Dubaï les 21 et 22 avril "dont le but était de permettre à la société BHVE d'améliorer sa compréhension du marché de la vidéo à usage domestique au Moyen-Orient et d'évaluer le rôle que la société CTC pourrait jouer", la société BHVE n'envisageant pas de "signer d'accord ou d'entamer des négociations lors de notre prochaine visite" ;

Qu'il n'apparaît pas des pièces produites que l'éviction de la société CTC ait été décidée de longue date, comme elle le prétend ; qu'ainsi dans un message électronique du 14 juin 2001 destiné à sa hiérarchie Rob Jongmans se réjouissait d'avoir prolongé la relation commerciale avec sa partenaire, après un jour et demi de débats animés à Dubaï, en mettant en exergue le fait que M. Jawa "fait bien fonctionner les choses, est vraiment passionné par son travail" ;

Que la société CTC n'apporte donc pas la preuve, qui lui incombe, d'un comportement déloyal ou abusif de la société BHVE qui l'a toujours clairement informée de ses intentions, sans qu'il soit utile d'évoquer, dans ce cadre, les motifs pour lesquels cette dernière n'a pas entendu signer un nouveau contrat de licence et de distribution, à l'issue du contrat de 2001, dont le terme était précisément fixé et dont le non-renouvellement était annoncé ;

Qu'elle doit être déboutée de ce chef de demande; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant qu'aucun motif particulier ne permet d'ordonner la publication du dispositif de la décision dans dix journaux au choix de la société CTC ;

Sur les demandes de la société TWDCF :

Considérant que celle-ci réclame la somme de 131 738,38 US dollars au titre des royalties générées sur les ventes de vidéogrammes effectuées par la société CTC pendant la période de liquidation de son stock ;

Qu'aux termes du contrat de licence du 1er octobre 2001, il est prévu à l'article 21 qu'après l'expiration du contrat les stocks peuvent être vendus pendant une période de liquidation d'une durée de 90 jours (étendue par la suite à 6 mois, soit jusqu'au 31 mars 2005), sous réserve du paiement pour le licencié des royalties afférentes à ses ventes ;

Que sans contester ni le principe ni le montant de cette dette, la société CTC remarque simplement que le mail de réclamation du 4 août 2005 a été envoyé à M. Vyne Sheshadri, son directeur financier, à une époque où il avait quitté la société ; que cette objection ne peut avoir aucune incidence sur la dette ;

Qu'en conséquence, la société CTC sera condamnée à verser ladite somme ; que le jugement mérite confirmation de ce chef ;

Considérant que la société TWDCF sollicite également la restitution des masters, sans aucune autre précision ;

Que faute d'une énumération précise du matériel manquant et eu égard au fait que la société Deluxe détient également des masters, selon les propres courriers ou mail de l'intimée des 24 janvier, 23 septembre, 8 octobre 2004 et de la société Deluxe du 20 janvier 2005, cette demande ne saurait prospérer; que le jugement sera encore confirmé de ce chef ;

Considérant qu'il ne saurait être alloué à la société TWDCF des dommages et intérêts pour procédure abusive, la défense en justice de ses intérêts légitimes constituant un droit qui pour l'appelante n'a pas dégénéré en abus ;

Considérant qu'aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ;

Que les dépens de première instance et d'appel, seront partagés par moitié entre les parties, qui succombe chacune partiellement en ses prétentions.

Par ces motifs, Déboute la société CTC de sa demande tendant à voir rejeter des débats les conclusions du 24 novembre 2010 de la société TWDCF, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la durée du préavis, au montant de l'indemnisation en résultant et aux dépens, Statuant à nouveau de ces seuls chefs, Fixe la durée du préavis raisonnable visé à l'article L. 442-6-I 5e du Code de commerce à une année, Condamne en conséquence la société TWDCF à verser à la société CTC la somme de 252 600 US dollars, Déboute les parties du surplus de toutes leurs demandes, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre les parties.