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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 20 janvier 2011, n° 09-02349

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

D Direct (SARL)

Défendeur :

Actilev (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Olivier

Conseillers :

M. Cagnard, Mme Valay Brière

Avoués :

SCP Cocheme Labadie Coquerelle, SCP Deleforge Franchi

Avocats :

Mes Weppe, Robin Roques

T. com. Arras, du 23 janv. 2009

23 janvier 2009

La SARL D Direct a créé un réseau de distributeurs auquel elle accorde le droit d'acheter et de vendre les matériels figurant dans le catalogue qu'elle édite chaque année et dans lequel sont répertoriés les adresses des fournisseurs (fabricants, importateurs...) qu'elle a référencés et le matériel qu'ils proposent.

La SARL Actilev est une société de négoce de fournitures industrielles.

Le 3 janvier 2002, elles ont signé un contrat de partenariat annuel, renouvelé d'année en année, le dernier en date du 19 janvier 2007.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 mars 2007, la SARL D Direct notifiait à la SARL Actilev la résiliation du contrat à effet immédiat.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 avril 2007, la SARL Actilev répondait, par l'intermédiaire de son conseil, en niant la totalité des faits reprochés et indiquant que le maintien de la décision et les interdictions en découlant lui causaient un préjudice certain, tant au niveau commercial que financier.

Sur assignation délivrée le 12 septembre 2007 à la requête de la SARL Actilev, le Tribunal de commerce d'Arras, par jugement rendu le 23 janvier 2009, a :

- reçu la SARL Actilev en son assignation,

- débouté la SARL D Direct de toutes ses demandes,

- dit que la résiliation mise en œuvre le 23 mars 2007 par la SARL D Direct constituait une rupture brutale et non fondée des accords contractuels,

- condamné la SARL D Direct à payer à la SARL Actilev la somme de 31 228,22 euro à titre de dommages et intérêts majorée d'intérêts au taux légal et capitalisés et celle de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la SARL D Direct aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 1er avril 2009 par la SARL D Direct ;

Dans ses dernières conclusions en date du 12 mai 2010, la SARL D Direct demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que c'est à bon droit qu'elle a notifié la résolution du contrat de partenariat, en toute hypothèse, de prononcer la résolution dudit contrat aux torts et griefs de la SARL Actilev, de la débouter de ses prétentions et de la condamner au paiement de la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts et de celle de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Elle fait valoir en substance que Monsieur X, gérant de la SARL Actilev a créé à compter de janvier 2007 une société PFI Distribution destinée à la concurrencer directement, que la SARL Actilev, comme la société PFI, ont eu un comportement parasitaire à son encontre, ce qui constitue un motif légitime justifiant une révocation sans indemnité, les deux entités ayant le même gérant.

Dans ses dernières conclusions en date du 24 mars 2010, la SARL Actilev demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la SARL D Direct de ses prétentions et de la condamner au paiement de la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts et de celle de 5 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Elle fait valoir que la rupture est intervenue de manière brutale, sans préavis et a emporté pour elle de graves conséquences susceptibles de compromettre sa pérennité. Tout en considérant que l'objet du débat ne se situe pas dans l'examen de la cause de la rupture, elle relève que la SARL Actilev et la société PFI Distribution sont deux entités distinctes, qu'il n'est pas justifié de démarchage de la SARL Actilev, que la SARL D Direct confond centrale de référencement et centrale d'achat, qu'elle ne démontre pas avoir subi de préjudice.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens selon ce qu'autorise l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 septembre 2010.

Motivation:

- Sur la rupture :

Aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords professionnels... Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

En l'espèce, il résulte de l'article 12 du contrat de partenariat que la société D Direct pourra résilier le contrat à tout moment, par simple lettre recommandée, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure préalable en cas de non-respect par le distributeur d'une des clauses du contrat ou en cas d'agissements du distributeur qui causeraient à D Direct un préjudice quelconque matériel ou moral.

La SARL D Direct a mis en œuvre cette faculté dans la lettre de rupture du 23 mars 2007 adressée à la SARL Actilev et à son gérant, dans laquelle elle reproche notamment à ce dernier, par ailleurs co-gérant de la société PFI, d'avoir sous couvert de cette société, contacté des fournisseurs du réseau D Direct pour leur proposer des contrats de référencement, d'avoir adressé à certains d'entre eux des commandes à livrer chez Actilev en appliquant le tarif net négocié par D Direct et en leur demandant d'adresser la facturation à PFI, détournant ainsi la RFA due à D Direct au profit de PFI.

Au soutien de ces griefs, elle verse deux propositions de contrat d'édition datées des 5 et 13 mars 2007 libellées à l'en-tête de PFI Distribution, sous la signature de Monsieur X, gérant et adressées à la société BBA Emballages pour la première et à la société Timber pour la seconde (pièces n° 10 et 11), partenaires de D Direct et leur proposant le même système mis en place par elle, un courrier à l'en-tête de PFI adressé le 17 avril 2007 à EVP sous la signature de Monsieur X accompagné d'une attestation du gérant de cette société faisant état du contact pris par PFI par téléphone le 13 février 2007, le contact s'étant présenté comme un ancien de D Direct qui voulait créer sa propre centrale d'achat (pièce n° 14), une attestation de Monsieur Adenis, co-gérant de la société Whiptruck, qui indique avoir été contacté par téléphone dans le courant du 1er trimestre 2007 par Monsieur X se présentant comme responsable commercial de la société PFI Distribution afin de faire figurer ses matériels de manutention dans son futur catalogue. Ces pièces démontrent sans contestation possible le comportement déloyal de Monsieur X, gérant à la fois de la SARL Actilev et de la société PFI, envers la SARL D Direct qui a délibérément parasité l'activité de cette dernière, en démarchant systématiquement ses fournisseurs et, ayant une parfaite connaissance des tarifs et des produits, pouvant alors négocier au mieux des intérêts de la nouvelle structure mise en place, ainsi qu'il ressort de l'attestation de Monsieur Z, gérant de PFI, dont le témoignage ne saurait être écarté du seul fait de l'actuel conflit opposant les deux ex co-gérants, le contenu étant corroboré pour l'essentiel par les autres pièces et la SARL Actilev n'en démontrant aucunement la fausseté.

La rupture du contrat de partenariat sans préavis par la SARL D Direct apparaît justifiée au vu des éléments ci-dessus rapportés ; le jugement sera infirmé sur ce point et la SARL Actilev déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour rupture abusive.

- Sur la demande en dommages et intérêts de la SARL D Direct :

La SARL D Direct sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 15 000 euro en la présentant comme la contrepartie des agissements prouvés de Monsieur X et à la désorganisation momentanée du système mis en place, tout en précisant toutefois que son préjudice a été limité à quelques commandes et donc à la perte de BFA (!) sur ses commandes.

Il convient de relever qu'elle ne verse aucun élément à l'appui de cette demande et ne justifie d'aucune perte, ayant adressé dès le 26 mars 2007 une lettre-circulaire à ses fournisseurs pour les informer de la rupture d'avec les sociétés ADM et Actilev. Par ailleurs, Monsieur X qu'elle vise nommément dans ses écritures n'est pas dans la cause.

Elle sera déboutée de cette demande.

- Sur les demandes accessoires :

La SARL Actilev qui succombe à titre principal sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés par la SARL D Direct au cours de l'entière procédure ; elle sera déboutée de sa propre demande sur le même fondement.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Infirme le jugement déféré ; Statuant à nouveau : Dit la rupture mise en œuvre le 23 mars 2007 par la SARL D Direct intervenue pour juste motif; Déboute la SARL Actilev de l'ensemble de ses demandes ; Déboute la SARL D Direct de sa demande en dommages et intérêts ; Condamne la SARL Actilev à payer à la SARL D Direct la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL Actilev aux dépens de première instance et d'appel aux dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Cocheme Labadie Coquerelle conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.