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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 18 novembre 2010, n° 09-06127

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Elan (SAS)

Défendeur :

SACB (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maron

Conseillers :

Mmes Brylinski, Beauvois

Avoués :

SCP Keime Guttin Jarry, SCP Tuset-Chouteau

Avocats :

Mes Humbert, Gantelme

T. com. Nanterre, 3e ch., du 20 mai 2009

20 mai 2009

Faits et procédure:

Par acte en date du 21 décembre 2006, la société SACB a assigné la société Elan devant le Tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 17 875,92 euro - représentant selon le solde restant dû, après compensation entre la valeur d'un stock de 27 774,47 euro et une dette de 9 898,55 euro correspondant à trois factures en date du 17 novembre 2004 - avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2005 et 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par le jugement déféré, en date du 20 mai 2009, cette juridiction a condamné Elan à payer à SACB la somme de 17 875,92 euro avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2005 et 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Elan a interjeté appel de cette décision.

Sur ce, LA COUR,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile et les conclusions des parties en date des 21 avril 2010 en ce qui concerne Elan et 31 mai 2010 en ce qui concerne SACB,

Attendu que SACB fait valoir qu'Elan a été l'importateur en Russie de ses produits (notamment le calvados Boulard), produits qu'elle lui achetait et qu'elle revendait aux acheteurs russes; en exécution d'un accord de distribution, qui avait pris effet au 1er novembre 2002 pour une durée devant se terminer le 31 décembre 2004; que cet accord n'a pas alors été renouvelé, chacune des parties convenant du bien-fondé de ce non-renouvellement compte tenu du litige, Elan ne disposait pas de la surface financière, de la force de vente et de la logistique nécessaires à l'importation, au financement et à la diffusion de ses produits;

Attendu que SACB ajoute qu'Elan a alors accepté de mettre en œuvre les mesures propres à " trouver un distributeur plus adapté, assurer la passation et lui transmettre l'exclusivité de la distribution " et que la société Vinicom, déjà en contact avec elle trois années auparavant, a finalement été retenue comme devant succéder à la société Elan; qu'en contre partie du service ainsi rendu par Elan (organisation des rendez-vous de présélection, transmission des informations au nouveau distributeur), il a été convenu que celle-ci, en la qualité " d'agent ", percevrait une commission sur les ventes réalisées entre les sociétés SACB et Vinicom au cours de l'année 2005, et que le tarif de cession du stock à Vinicom serait majoré, de façon à permettre à Elan de faire une marge confortable sur cette opération; que c'est dans ces conditions qu'un contrat, dit d'agence, a succédé, début 2005, à l'accord de distribution existant entre les parties qui avait pris fin le 31 décembre 2004, et que ce contrat d'agence a lui même pris fin, d'un commun accord entre les parties, au début de l'année 2006, à effet du 20 avril 2006;

Attendu que SACB fait par ailleurs valoir que, pour paiement de ventes qui lui avaient été consenties dans le cadre de l'accord de distribution ayant pris fin le 31 décembre 2004, Elan restait redevable envers elle d'une somme de 27 774,47 euro correspondant au montant global de trois factures en date du 17 novembre 2004 et rappelle que les parties ont mis fin à leur accord de distribution, à la fin de l'année 2004, elles sont convenues que le stock en la possession d'Elan serait transféré à Vinicom (nouvel importateur russe de SACB) et lui serait réglé par cette dernière et que c'est dans ces conditions que le 2 mai 2005, par courrier électronique, Elan lui avait indiqué que Vinicom avait " enlevé le stock la semaine dernière ", ajoutant que cependant une partie du stock devait rester en possession d'Elan puisque cette dernière lui indiquait, le 25 mai 2005 qu'il avait " été convenu avec la SACB que (son) stock de produits en provenance de la SACB serait repris par le nouvel importateur, la société Vinicom ", précisant qu'elle règlerait " les factures (...) lorsque (elle aurait) effectivement transféré la totalité du stock encore en (sa) possession et que celui-ci (lui aura été) réglé ".

Attendu que SACB ajoute qu'en exécution de cet accord (transfert de son stock par SACB à Vinicom et paiement de ce stock par Vinicom à SACB), Elan avait indiqué à Vinicom (courriel du 19 mars 2005), après avoir rappelé que le stock se composait d'une partie dédouanée immédiatement disponible et d'une partie sous douane, à dédouaner qu'elle proposait " de récupérer le stock dédouané dès que possible, avec un règlement de (sa) part à 60 jours, date de livraison (dans les entrepôt Vinicom) et de récupérer le stock sous douane dans 30 jours, avec un règlement de (sa) part à 60 jours, date de livraison (dans lesdits entrepôts) "; que, malgré les engagements pris, ses factures n'ont été réglées ni à la date indiquée, ni ultérieurement, alors même que Vinicom confirmait de son côté avoir tout récupéré et réglé; que ce n'est qu'en réponse à une mise en demeure du novembre 2005 qu'Elan a fait valoir, par lettre en date du 22 novembre 2005, en contradiction avec ce qu'elle indiquait précédemment qu'une partie seulement de son stock avait été repris par Vinicom et qu'elle demeurait en possession d'un stock pour une valeur d'environ 17 000 euro, ajoutant, ce qui n'a jamais été contesté, qu'elle était en droit de réclamer à SACB " une commission de 10 % sur la vente que cette dernière a réalisé auprès du nouvel importateur russe cette année " (vente qui fera l'objet d'une facture de la société SACB en date du 6 décembre 2005) et qu'au titre de la distribution des produits de SACB en Ukraine, cette dernière resterait lui devoir des commissions sur les ventes réalisées à destination d'une société Marcom;

Attendu que dans ces conditions, et eu égard au droit à commission d'Elan, SACB fait valoir que celle-ci reste lui devoir la somme en principal de 17 875,92 euro (27 774,47 euro (5 961,32 euro + 3 937,23 euro)); qu'elle ajoute qu'à supposer qu'un stock résiduel subsiste, contrairement aux affirmations précédentes d'Elan, celle-ci devait en assurer la transmission à Vinicom, conformément aux accords passés et n'était pas fondée à en imposer la reprise à SACB;

Attendu qu'Elan expose de son côté qu'après la résiliation du contrat de distribution exclusive en Russie, elle est devenue l'agent commercial en Russie de SACB pour Vinicom; qu'elle précise que le 28 avril, la SCAB lui avait demandé si les stocks et divers documents commerciaux avaient bien été transmis à Vinicom, ce qui confirme que le transfert des stocks d'Elan faisait partie de l'accord global avec SACB; que le 24 mars 2005, SACB avait confirmé qu'Elan était son agent vis-à-vis de Vinicom, le nouvel importateur et que cette dernière qualité, certes contestée par la suite, a finalement été confirmée par le courrier du conseil de SACB du 16 février 2006 qui a clairement reconnu la qualité d'agent à Elan pour Vinicom en Russie, et le bien-fondé des demandes de commissions; qu'elle ajoute que le 10 mars 2005, elle avait adressé au nouvel importateur, Vinicom, le détail des stocks à reprendre avec copie à SACB le 18 mars 2005, précisant qu'il y avait une partie sous douane restant à dédouaner; que par la suite, le 25 mars 2005, Vinicom avait indiqué à SACB qu'il avait bien reçu l'état des stocks à reprendre et l'avait retransmis à son bureau à " SP " qui devait s'occuper de "transaction et transport"; qu'Elan en déduit qu'il était ainsi établi que Vinicom avait accepté de reprendre ses stocks en accord avec SACB; qu'elle ajoute que pour autant la reprise matérielle n'intervenait pas immédiatement et que c'est dans ces conditions que le 22 novembre 2005, elle avait adressé un courrier à SACB en rappelant, d'une part, qu'il lui restait des stocks non repris en France et en Russie, en les détaillant, et en rappelant d'autre part que certaines commissions devaient lui être payées au titre du contrat d'agent en Ukraine pour 2004 et en Russie pour 2005; que, s'agissant du transfert des stocks, elle précise qu'elle ne pouvait pas l'organiser dès lors que, pour exporter en Russie, il faut déposer aux douanes russes le contrat écrit de distribution et qu'un simple contrat d'agent est insuffisant et que c'est la raison pour laquelle SACB avait accepté de reprendre les stocks qu'elle pouvait, de son côté, revendre au nouvel importateur sans difficulté particulière avec la douane puisqu'elle avait un contrat avec Vinicom;

Attendu qu'Elan ajoute encore que, le 6 janvier 2006, puis le 17 mai 2006, SACB avait confirmé l'accord entre les parties sur la reprise des stocks appartenant à Elan par le nouvel importateur Vinicom et que le 17 mars 2006, " elle " a donné son accord à Elan pour le transfert à Vinicom de la totalité des stocks en sa possession; que s'il reste un stock en France, son transfert doit être organisé par Elan à destination de Vinicom;

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'Elan a été le distributeur en Russie de SACB à compter du 1er novembre 2002 pour une durée devant se terminer le 31 décembre 2004; qu'à ce terme, le contrat n'a pas été renouvelé;

Attendu que les négociations entre Elan et SACB se sont, à l'approche du terme du contrat, déroulées dans un climat de collaboration et qu'il résulte des courriers échangés entre les deux sociétés les 14 et 29 septembre 2004 que la seconde nommée, qui indiquait avoir la volonté de réussir en Russie et que la mise en place d'un schéma dans lequel figurerait Elan lui conviendrait a chargé cette dernière de trouver un distributeur plus adapté pour assurer la passation et lui transmettre l'exclusivité de la distribution;

Attendu que si aucun contrat n'a été alors signé entre SACB et Elan, il résulte des différentes pièce produites (notamment pièce 12 d'Elan - courriel de SACB à Vinicom, pièces 25 et 26 de SACB - courriers de SACB à Elan mettant fin aux contrats d'agent " de fait ") qu'Elan est devenu l'" agent " de SACB pour la Russie et l'Ukraine; que ce contrat a pris fin le 20 avril 2006, d'accord entre les parties, comme cela résulte des deux pièces précédemment mentionnées et de la pièce suivante communiquée par SACB (pièce 27, courriel d'Elan à SACB);

Attendu, sur la demande de SACB en paiement des factures à hauteur de 17 875,92 euro, qu'Elan ne conteste pas ce montant mais fait valoir que ces factures correspondent à des stocks qu'elle a encore en sa possession et qui doivent, au terme des accords passés avec SACB, être repris par Vinicom; qu'elle ajoute que cette société ne les a pas repris et qu'il appartient, si elle ne les reprend pas, à SACB de le faire; qu'elle précise que si elle a effectivement, indiqué, notamment dans sa télécopie du 6 septembre 2005, qu'elle avait livré l'intégralité du stock en sa possession à Vinicom, il s'agit d'une erreur de fait résultant de ce que lesdits stocks étaient entreposés en divers endroits avec une partie sous douane; qu'elle ajoute qu'elle se heurte à une impossibilité administrative pour transférer lesdits stocks en Russie, comme cela résulte de l'attestation d'un ancien salarié; qu'elle fait enfin valoir que SACB s'est portée fort de la reprise des stocks par Vinicom (1 884 bouteilles), " selon la liste annexée (à ses) conclusions " et qu'elle doit dès lors lui payer la somme de 10 714,28 euro au titre de leur reprise et subsidiairement à titre de dommages intérêts;

Attendu cependant qu'Elan ne justifie pas de l'erreur qu'elle allègue, la seule liste communiquée en pièce 9, seulement certifiée par le président de cette société, ne pouvant apporter la preuve du stock allégué; qu'au surplus, il n'est pas justifié de l'impossibilité alléguée d'exporter le stock, à supposer qu'il existe, la simple attestation d'un salarié sur l'existence de règles douanières (au demeurant communes) à la Russie et au Kazakhstan ne pouvant justifier de ces règles, précision étant au surplus apportée que ladite attestation est muette sur les règles qui régissent les importations à destination de l'Ukraine;

Attendu enfin et surabondamment qu'il ne ressort d'aucun élément que SACB se serait portée fort de la reprise des stocks par Vinicom et qu'il n'est démontré aucune faute de sa part dans la non reprise du stock à supposer qu'il existe;

Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu''il a condamné Elan à payer à SACB la somme de 17 875,92 euro avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2005;

Attendu, sur la demande d'Elan en paiement d'une indemnité de fin de contrat que les parties divergent sur la nature du contrat convenu entre elles, Elan faisant valoir qu'il s'agirait d'un contrat d'agent commercial et SACB estimant qu'il s'agissait d'un contrat de service (recherche, par Elan, d'un nouveau distributeur et formation de celui-ci) en contrepartie duquel, Elan, " agent ", devait recevoir une commission assise non sur les ventes conclues par Elan pour le compte de SACB, mais sur les ventes conclues directement par SACB avec Vinicom;

Attendu que selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, " l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ";

Attendu que si, jusqu'à ce que les parties résilient amiablement, au 31 décembre 2004, les contrats de distribution exclusive qui les liaient, SACB et Elan n'étaient liées, ni pour la Russie, ni pour l'Ukraine (contrairement aux prétentions d'Elan sur ce dernier point), par un contrat répondant à la définition donnée par l'article L. 134-1 susvisé, il en a été autrement après que ce contrat fût résilié; qu'après cette date, Elan, que SACB qualifiait d'ailleurs comme son " agent ", est devenue l'agent commercial de SACB pour la Russie et l'Ukraine; qu'il n'importe à cet égard que les contrats qu'Elan a alors négocié pour le compte de SACB l'aient été avec le seul Vinicom, les dispositions susvisées n'exigeant pas que l'agent commercial agisse au nom de son mandant à l'égard de plusieurs contractants;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la convention qui a lié SACB à Elan à compter du 1er janvier 2005 - et à laquelle la cour a donné sa qualification de contrat d'agence commerciale - a pris, fin, d'accord entre les parties, le 20 avril 2006;

Attendu que le fait que le contrat d'agent commercial ait pris fin d'accord entre les parties ne saurait affranchir SACB de son obligation résultant des dispositions de l'article L. 134-12 alinéa 1er, selon lequel " en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ", ce texte édictant droit à indemnité au profit de l'agent dans tous les cas de cessation des relations, y compris d'accord entre les parties;

Attendu que compte tenu de la particularité du contrat d'agent commercial dont bénéficiait Elan, du montant des commissions, ainsi que de sa durée (16 mois), il y a lieu de fixer l'indemnité de fin de contrat à 11 000 euro;

Attendu que l'équité s'oppose à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé condamnation (sauf sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile), à l'encontre d'Elan, L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne SACB à payer à Elan la somme de 11 000 euro d'indemnité de fin de contrat, Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.