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Décisions

ADLC, 25 janvier 2011, n° 11-DCC-10

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Parisot par Windhurst Industries et de la prise de contrôle conjoint de Windhurst Industries par le FSI

ADLC n° 11-DCC-10

25 janvier 2011

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 21 décembre 2010, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Parisot par Windhurst Industries, formalisée par un protocole d'investissement en date du 18 juin 2010, ainsi qu'à la prise de contrôle conjoint de Windhurst Industries par le Fonds stratégique d'investissement, formalisée par un protocole d'investissement en date du 15 novembre 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

A. LES ENTREPRISES

1. LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

1. La CDC est un établissement public à statut légal spécial, régi par les articles L. 518-2 et suivants du Code monétaire et financier, qui remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et les collectivités locales et qui exerce des activités ouvertes à la concurrence. Celles-ci sont regroupées autour de quatre pôles : (i) l'immobilier par l'intermédiaire de la société Icade (ci-après " Icade ") et de la Société Nationale Immobilière (ci-après " SNI "), (ii) l'environnement, (iii) les services, (iv) le développement de PME et le capital investissement.

2. C'est dans de la cadre de ce dernier pôle qu'intervient le Fonds stratégique d'investissement (ci-après " FSI "), société anonyme de droit français contrôlée par la CDC (1) qui détient 51 % de son capital, le reste étant détenu par l'Etat français. Le FSI a pour objet la prise de participations dans des entreprises dont les projets de croissance sont jugés porteurs de compétitivité pour la France. Il est ainsi présent au capital de différentes sociétés dont notamment la SAUR, STX France Cruise, Eutelsat Communications, TDF, Eiffage, France Telecom et Aéroports de Paris.

2. WINDHURST INDUSTRIES

3. Windhurst Industries est une société du groupe Windhurst dont la holding de tête, Windhurst Organisation et Conseil (ci-après " WOC "), a son capital entièrement détenu par monsieur François-Denis Poitrinal. La société Windhurst Industries est présente dans le secteur de la fabrication et distribution de vaisselle à usage unique et d'emballages alimentaires en carton par l'intermédiaire de sa filiale Tifany Industries. La société Windhurst Industries est également active dans le secteur de la fabrication et commercialisation de cloisons amovibles destinées exclusivement à l'immobilier de bureau via sa filiale Groupe Clestra Hauserman.

4. Par ailleurs, WOC, holding du groupe Windhurst, contrôle directement la société B2S leader du marché français des centres d'appels téléphoniques.

3. LE GROUPE PARISOT

5. Le groupe Parisot est actif dans le secteur de la fabrication et la commercialisation de meubles. La distribution des produits du groupe se fait essentiellement par l'intermédiaire de grandes surfaces spécialisées telles que Conforama, But, Fly ou Alinéa (70 % de son chiffre d'affaires). Le reste de ses produits est distribué via des grandes surfaces de bricolage (" GSB "), des grandes surfaces alimentaires ou par des entreprises de vente par correspondance.

6. Le groupe Parisot est également présent sur les marchés de la fabrication de panneaux de particules. Environ 60 % des panneaux produits par le groupe sont destinés à l'industrie du meuble (dont 65 % sont consacrés au groupe Parisot), 10 % au bâtiment et 30 % sont vendus aux GSB.

7. Antérieurement à la présente opération le capital de la société Saint Loup Finance, holding de tête du groupe Parisot, était détenu en intégralité par les associés familiaux.

B. L'OPÉRATION

8. Le protocole d'investissement en date du 15 novembre 2010, prévoit l'acquisition par le FSI de 16,41 % du capital et des droits de vote de la société Windhurst Industries. A la lecture du protocole, il apparaît que le FSI détiendra, après réalisation de l'opération, des droits qui excèdent ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers : notamment un droit de véto sur l'approbation du budget annuel ainsi que sur la modification du business plan de Windhurst Industries. Par conséquent, il convient de considérer qu'à l'issue de la concentration notifiée, le FSI sera en mesure d'exercer une influence déterminante sur Windhurst Industries, lui conférant un contrôle sur celle-ci exercé conjointement avec la société WOC, holding de tête du groupe Windhurst.

9. Le protocole d'investissement en date du 18 juin 2010 prévoit l'acquisition par Windhurst Industries de 51 % du capital et des droits de vote de la société Saint Loup Finance, holding de tête du groupe Parisot, le reste du capital demeurant divisé à parts égales entre les associés familiaux. A la lecture du projet de pacte d'actionnaires il apparaît que la société Windhurst Industries exercera un contrôle exclusif sur Saint Loup Finance.

10. S'agissant des acquisitions en série, la Commission européenne précise dans sa communication consolidée (2) que celles-ci peuvent être assimilées à une concentration unique lorsque " l'entreprise A acquiert le contrôle de l'entreprise B à condition que B ait préalablement acquis ou acquiert simultanément l'entreprise C ". Au cas d'espèce, le protocole d'investissement entre le FSI et le groupe Windhurst du 15 novembre 2010 prévoit parmi les conditions suspensives à la réalisation de l'opération : " la souscription par Windhurst Industries à des actions représentant 51 % du capital et des droits de vote de la société Saint Loup Finance [...] ". Le protocole précise également que les prises de participations du FSI au capital de Windhurst Industries et de Windhurst Industries au capital de Saint Loup Finance devront être réalisées concomitamment. Par conséquent, il y a lieu de considérer que ces deux opérations constituent une concentration unique.

11. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif du groupe Parisot par Windhurst Industries et la prise de contrôle conjoint de Windhurst Industries par le FSI, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 5 milliards d'euro (CDC : [...] milliards d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe Windhurst : 204 millions d'euro pour la même année ; groupe Parisot : 255 millions euro pour la même année). Deux d'entre elles ont réalisé individuellement, dans la Communauté, un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euro (CDC : [...] milliards d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2009 ; groupe Parisot : 250,7 millions euro pour la même année). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, les seuils prévus par l'article 1, paragraphe 2, a) et b) du Règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sont atteints. Néanmoins, la CDC, le groupe Windhurst et le groupe Parisot réalisant plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires en France, l'opération n'est pas de dimension communautaire. En conséquence, la présente opération est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

12. Les entreprises concernées par la présente opération ne sont pas actives sur les mêmes marchés.

13. Néanmoins, le groupe Parisot est présent sur les marchés amont de la fabrication et distribution de panneaux de particules. Ces panneaux sont susceptibles d'être utilisés à l'aval pour la production de cloisons modulaires, activité exercée par le groupe Windhurst, ainsi que pour l'agencement et la fabrication de mobiliers, secteur dans lequel est présente la CDC. Par conséquent, ces différents marchés seront pris en compte au titre de l'analyse des effets verticaux.

A. LA FABRICATION ET DISTRIBUTION DE PANNEAUX DE PARTICULES

1. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS

14. S'agissant de la fabrication et distribution de panneaux de particules, la Commission européenne a constaté qu'il convenait de distinguer les panneaux de particules bruts des panneaux de particules revêtus (3).

15. Les panneaux de particules bruts sont fabriqués à partir de produits résiduels de l'industrie du bois tels que les copeaux ou la sciure, qui sont pressés et collés avec de la résine ou un autre liant. Les panneaux de particules bruts peuvent être recouvert d'un film mélaminé décoratif ou d'un papier imprimé : le produit final est alors appelé panneau de particules revêtu.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

16. En ce qui concerne les panneaux de particules bruts, la Commission européenne a relevé (4) que, compte tenu des coûts de transport, le marché géographique pertinent correspondait à une zone de 500 kilomètres autour du site de production.

17. Pour ce qui est des panneaux de particules revêtus, étant considéré le nombre significatif de produits distribués à plus de 1 000 kilomètres du site de fabrication, l'autorité communautaire a considéré que le marché géographique était supranational. La Commission précise en effet que le transport sur de longues distances est plus rentable pour les panneaux de particules revêtus, eu égard à leur prix plus élevé, que pour les panneaux de particules bruts.

18. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de la présente opération. Cependant, dans la mesure où seul le groupe Parisot est actif sur les marchés de la fabrication et distribution de panneaux de particules, avec un unique site de production implanté à Corbenay (Haute-Saône), les parts de marché calculées au niveau national constituent un majorant et peuvent suffire à écarter tout problème de concurrence.

B. LA FABRICATION ET DISTRIBUTION DE CLOISONS MODULAIRES

1. DÉLIMITATION DU MARCHÉ DE PRODUITS

19. Selon la pratique décisionnelle nationale, les cloisons modulaires sont " des cloisons qui permettent d'organiser et de décloisonner des espaces ouverts dans les entreprises pour créer des espaces privatifs (par exemple des bureaux). Le terme " cloison modulaire " est un terme générique qui regroupe les cloisons démontables et les cloisons amovibles (5)".

20. Dans de précédentes décisions, tout en laissant la question ouverte, le ministre de l'Economie a envisagé de distinguer murs non porteurs et cloisons modulaires. En effet, les cloisons modulaires, dont le prix est significativement plus élevé, ont une fonction et une technique différentes de celles des murs non porteurs. Elles sont exclusivement destinées aux bâtiments à usage professionnel et leur pose est plus rapide et facile à réaliser que celle des murs non porteurs.

21. En tout état de cause, en l'absence de problème concurrentiel, la question de la délimitation exacte du marché de la fabrication et distribution de cloisons modulaires peut être laissée ouverte.

22. En l'espèce, seul le groupe Windhurst est présent sur le marché de la fabrication et distribution de cloisons modulaires via sa filiale Groupe Clestra Hauserman.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DU MARCHÉ

23. En ce qui concerne la délimitation géographique de la fabrication et distribution de cloisons modulaires, les autorités de concurrence nationales ont retenu un marché national (6). Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

C. LA FABRICATION ET AGENCEMENT DE MOBILIERS SUR MESURE

1. DÉLIMITATION DU MARCHÉ DE PRODUITS

24. La CDC est présente dans le secteur de l'agencement et fabrication de mobiliers par l'intermédiaire de la société Sogal (7). Cette dernière conçoit, fabrique et commercialise essentiellement des façades coulissantes et des rangements sur mesure moyen/haut de gamme. Ces produits, destinés uniquement aux particuliers, sont commercialisés par le groupe Sogal sous différentes marques, telles que Sogal, Kendoors, Iliko, Keïko et Ykario, principalement auprès de revendeurs détaillants : soit des distributeurs de matériaux et d'équipement pour la maison, soit des grandes surfaces de bricolage.

25. Les autorités de concurrence nationales ont à plusieurs reprises évoqué l'activité de fabrication et d'agencement de mobiliers sur mesure sans pour autant se prononcer sur l'existence et les délimitations d'un éventuel marché correspondant (8).

26. Dans le cadre de la présente opération, les parties considèrent quant à elles qu'il convient d'opérer une distinction entre d'une part les meubles d'ameublement standards commercialisés dans des grandes surfaces spécialisées (" GSS ") telles que BUT ou Conforama et, d'autre part, les rangements fabriqués sur mesure. Une telle distinction est motivée par :

une différence significative de prix entre les deux types de produits : les meubles réalisés sur mesure étant sensiblement plus onéreux (9) ;

des réseaux de distribution différents ;

des processus de fabrication dissemblables (produits standardisés vs produits sur mesure).

27. En l'espèce toutefois, en l'absence de problème concurrentiel, la question relative aux délimitations d'un marché de la fabrication et agencement de mobiliers sur mesure peut être laissée ouverte.

2. LE MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE DU MARCHÉ

28. Pour l'analyse de la présente opération les parties ont proposé de retenir un marché national. La question de la délimitation géographique exacte du marché de la fabrication et agencement de mobiliers sur mesure peut toutefois être laissée ouverte, l'opération n'emportant pas de problèmes d'ordre concurrentiel.

III. Analyse concurrentielle

29. La présente opération conduit à l'intégration verticale de l'activité amont de fabrication de panneaux de particules réalisée par la groupe Parisot avec les activités aval d'une part du groupe Windhurst s'agissant de la fabrication de cloisons modulaires et, d'autre part, de la CDC s'agissant de la fabrication et l'agencement de mobiliers sur mesure.

30. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

31. La pratique décisionnelle des autorités de la concurrence écarte en principe ces risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %, par analogie avec l'analyse qui soutient le règlement CE n° 2790-99 relatif à l'application de l'article 81-3 du traité CE, selon laquelle les clauses restrictives de concurrence passées entre un fournisseur et ses distributeurs n'ont pas d'effets sur la situation concurrentielle du marché si la part de marché du fournisseur n'excède pas 30 %.

32. En l'espèce, selon les données fournies par les parties, la part de marché du groupe Parisot s'agissant de la fabrication et distribution de panneau de particules s'élève en France à [10-20] %. Sur ce marché, le groupe Parisot doit faire face à la concurrence exercée notamment par Isoroy ([10-20] % de part de marché), Egger ([10-20] % de part de marché) et KronoFrance ([5-10] % de part de marché).

33. Compte tenu de difficultés rencontrées par les parties pour la collecte de données fiables, celles-ci n'ont pas été en mesure de fournir une estimation précise de leur position sur les marchés plus étroits de la fabrication et distribution de panneaux de particules bruts et revêtus. Elles estiment cependant que sur chacun de ces segments, leur part de marché est inférieure à 15 %. Elles précisent par ailleurs que leurs principaux concurrents sont également actifs sur l'ensemble des marchés de panneaux de particules : bruts et revêtus.

34. Sur le marché aval de la fabrication et distribution de cloisons modulaires, le groupe Windhurst, par l'intermédiaire de sa filiale Clestra, détient en France une part de marché de [10-20] % (10). Ses principaux concurrents sont Matfor ([10-20] % de part de marché) et Sometta ([5-10] % de part de marché). Les parties indiquent en outre que Clestra commercialise essentiellement des cloisons en acier et que le bois n'est utilisé que de façon très marginale (11).

35. Enfin, sur le marché aval de la fabrication et agencement de mobiliers sur mesure les parties n'ont pas été en mesure de calculer la part de marché de la société Sogal compte tenu du peu de données disponibles. Elles indiquent cependant que les panneaux de particules représentent moins de [5-10] % des achats de Sogal en matière première. Elles précisent également que l'activité principale de Sogal, à savoir la fabrication de façade de placard sur mesure ne constitue qu'un modeste débouché de l'industrie des panneaux de particules.

36. Compte tenu de ce qui précède, la concentration n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

Décide

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 10-0227 est autorisée.

Notes :

1Voir la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5667 - ACE/FTQ/FSI/Mecachrome et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-153 du 12 novembre 2010, Mecachrome/D2T.

2 Communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) N° 139-2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, paragraphe 46.

3 Voir les décisions de la Commission européenne n° COMP/M.4165 - Sonae Industria/Hornitex du 28 juin 2006 et n° COMP/M.4525 - Kronospan/Constantia du 19 septembre 2007.

4 Voir les décisions précitées.

5 Voir la lettre du ministre n° C2004-13 du 11 février 2004 relative à une concentration dans le secteur des matériaux de construction.

6 Voir la lettre du ministre précitée.

7 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-142 du 19 octobre 2010

8 Voir la lettre du ministre de l'Economie n° C2007-164 du 14 décembre 2007 et décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-142 du 19 octobre 2010.

9 Une façade coulissante fabriquée sur mesure coûte entre 3 000 et 4 000 euro, quand une armoire standard d'entrée de gamme coûte entre 200 et 300 euro.

10 Estimations des parties.

11 Les achats de Clestra en panneaux de bois représentent en 2010 moins de 5 % de l'ensemble de ses achats de matériaux.