CA Montpellier, 2e ch., 8 février 2011, n° 10-04047
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Golfy Club France (SA), Golfy Club réseau (SAS)
Défendeur :
Fournel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bachasson
Conseillers :
MM. Chassery, Prouzat
Avoués :
SCP Jougla, SCP Divisia-Senmartin
Avocats :
Mes Roze, Charbit
Faits et procédure - moyens et prétentions des parties :
La SA Golfy Club France, dont l'activité est le développement et l'animation d'un réseau de clubs de golf, a conclu, le 1er septembre 1995, un contrat dit " de mandat " avec Pierre Michel Fournel ayant pour objet la recherche de fournisseurs de produits liés à l'exploitation des golfs pour adhérer à la centrale de référencement et la recherche de partenaires pour insertions publicitaires dans le guide des partenaires Golfy Club (hôtels, annonceurs).
Ce contrat, conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, a prévu un système de rémunération du mandataire, constitué essentiellement de commissions sur les ristournes sur chiffre d'affaires reversées par les fournisseurs adhérents à la centrale de référencement (33 % HT sur le montant HT des ristournes) et de commissions sur la marge des insertions publicitaires prises dans le guide Golfy Club (30 % HT sur la marge HT des insertions publicitaires).
A compter du 1er novembre 1997, la SA Golfy Club France a transmis son activité à une nouvelle société, la SAS Golfy Club Réseau, dont Monsieur Fournel est devenu le mandataire par un nouveau contrat signé le 6 février 1998 à effet du 1er novembre 1997 ; ses missions ont alors consisté à gérer la centrale de référencement Golfy Club Réseau (recherche de fournisseurs et suivi des clubs pour leur approvisionnement auprès des fournisseurs), à intervenir dans le cadre de la vente d'espaces publicitaires, de cartes Golfy Club ainsi que de tous partenaires, dans le cadre de l'organisation de compétitions ou tous autres événements, de rechercher des clubs partenaires et à recenser les besoins de formation continue pour les responsables de Pro-shop (membres du réseau et autres).
Il a été convenu du paiement de commissions sur les redevances fixes versées à titre de droit d'entrée à la centrale de référencement par les fournisseurs (50 % HT sur le montant HT de la redevance), de commissions sur les ristournes reversées par les fournisseurs (50 % HT du montant HT perçu) et de commissions sur les ventes d'espaces publicitaires et de cartes Golfy Club (30 % HT du montant HT encaissé).
Le 18 mars 1998, la société Golfy Club Réseau a mis fin au contrat de mandat de Monsieur Fournel.
Estimant cette rupture abusive, Monsieur Fournel a, par deux actes délivrés les 8 octobre 1999 et 10 novembre 1999, fait assigner les sociétés Golfy Club Réseau et Golfy Club France devant le Tribunal de commerce de Montpellier en paiement notamment d'un arriéré de commissions et de dommages et intérêts.
Par deux jugements du 21 février 2001, le tribunal a ordonné une expertise, confiée à Monsieur Valat, destinée à chiffrer les sommes restant dues à Monsieur Fournel par les deux sociétés.
L'expert commis a déposé un rapport unique de ses opérations, le 10 mai 2002.
En l'état, la juridiction consulaire, par jugement du 5 janvier 2005, après avoir ordonné la jonction des instances connexes, a notamment :
- condamné la société Golfy Club France et la société Golfy Club Réseau à payer à Monsieur Fournel la somme de 18 305,48 euro, que celles-ci reconnaissaient lui devoir,
- prescrit un complément d'expertise confiée à Monsieur Valat relativement au calcul des commissions en fonction des contrats de référencement effectivement conclus par Monsieur Fournel.
Sur la base du rapport d'expertise complémentaire dressé le 20 septembre 2006, le tribunal de commerce, par un jugement du 4 mai 2009, a, entre autres dispositions :
- fixé à 39 789,20 euro HT l'assiette de calcul de la commission sur redevance,
- fixé à 43 234,80 euro HT l'assiette de calcul de la commission sur ristournes,
- fixé à 50 % le taux de commissionnement dû à Monsieur Fournel,
- condamné la société Golfy Club Réseau à verser à Monsieur Fournel la somme de 19 894,06 HT au titre de sa commission sur les redevances versées à cette société par les fournisseurs adhérents,
- condamné la société Golfy Club Réseau à verser à Monsieur Fournel la somme de 21 617,40 HT au titre de sa commission sur les ristournes versées à cette société par les fournisseurs adhérents,
- dit que les contrats de mandat des 1er septembre 1995 (et 6 février 1998) constituent des contrats d'agent commercial,
- condamné la société Golfy Club Réseau à la somme de 80 000 euro en réparation du préjudice de cessation de la relation d'agent commercial,
- condamné solidairement la société Golfy Club France et la société Golfy Club Réseau à la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés Golfy Club France et Golfy Club Réseau ont régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue le 27 juillet 2009 au greffe de la cour.
L'affaire a été radiée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 avril 2010 et rétablie au rôle le 20 mai 2010, après qu'eut été assigné, par acte du 6 mai 2010, Claude Michel Fournel, partie intimée n'ayant pas constitué avoué (en réalité, Pierre Michel Fournel et Claude Michel Fournel sont une seule et même personne).
En l'état des conclusions qu'elles ont déposées, les sociétés Golfy Club France et Golfy Club Réseau demandent à la cour de réformer le jugement et, en conséquence, de débouter Monsieur Fournel de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à leur payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elles font essentiellement valoir que :
- Monsieur Fournel, qui ne supportait pas la charge des frais liés à l'exercice de son activité, n'avait pas l'indépendance nécessaire à la reconnaissance du statut d'agent commercial,
- les missions lui étant confiées, consistant à négocier et conclure des contrats de référencement ou à gérer la centrale de référencement et à intervenir dans le cadre de la vente d'espaces publicitaires étaient exclusives de la qualification de contrat d'agent commercial,
- il a d'ailleurs commis des fautes, constituant une cause légitime de révocation du mandat, tenant son manque de présence sur les sites et certains salons, son incapacité à motiver à l'achat les membres du réseau et l'absence de reddition de comptes de sa part,
- en raison de leur nature et de leur répétition, ces fautes parmi lesquelles l'absence de reddition de comptes, s'analysent également en une faute grave, privative de l'indemnité de cessation de contrat de l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- en toute hypothèse, Monsieur Fournel, qui n'a pas apporté de nouveaux clients, ne peut se prévaloir d'un préjudice résultant de la perte d'exploitation d'une clientèle commune de nature à être réparée par l'attribution de l'indemnité prévue par ce texte,
- la partie des commissions fondées sur les adhésions des fournisseurs à la centrale de référencement ne peut être calculée sur un projet de transaction non signé,
- les opérations commerciales à prendre en compte pour le calcul des commissions s'entendent de l'adhésion des fournisseurs à la centrale de référencement, à l'exclusion du chiffre d'affaires des fournisseurs réalisés directement auprès des golfs, membres du réseau.
Monsieur Fournel conclut, de son côté, à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelantes à lui payer la somme de 3 000 euro en remboursement de ses frais irrépétibles.
Il soutient que :
- ses contrats de mandat successifs s'inscrivent bien dans le cadre d'une activité d'agent commercial pour laquelle il était régulièrement inscrit au registre spécial des agents commerciaux, l'essentiel de sa mission consistant à rechercher des fournisseurs et des " clubs partenaires " pour le compte de la société Golfy Club Réseau, tandis que la vente d'espaces publicitaires n'était qu'accessoire,
- le projet de transaction établie par la société prévoit d'ailleurs le versement d'une indemnité transactionnelle en contrepartie du mandat qui lui était confié en vue de la gestion de la centrale de référencement de Golfy Club Réseau,
- aucun reproche ne lui a été adressé par écrit lors de la rupture de la relation contractuelle et les attestations de pure complaisance, produites aux débats, émanant de membres fondateurs du réseau Golfy, n'établissent pas la réalité des fautes, qui lui sont imputées aujourd'hui,
- le principe du commissionnement a été confirmé par l'expert, qui indique que si les fournisseurs existaient en tant que tels avant son intervention, il n'en a pas moins permis à ces fournisseurs d'adhérer à la centrale de référencement.
Motifs de la décision :
1- La nature de la relation contractuelle et les conditions de sa rupture :
L'article L. 134-1 du Code de commerce dispose que l'agent commercial est chargé de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, à titre de mandataire ; si l'objet du mandat porte sur la négociation de contrats autres que ceux décrits par ce texte, le mandataire ne peut alors prétendre à l'application du statut d'agent commercial, d'autant que l'alinéa 2 de l'article L. 134-1 exclut du statut les agents dont la mission s'exerce dans des domaines qui font l'objet de dispositions législatives particulières.
En l'occurrence, aux termes des deux contrats conclus successivement les 1er septembre 1995 et 8 février 1998, qualifiés tous deux de " contrat de mandat ", Monsieur Fournel s'est vu confier, dans le premier, la recherche de fournisseurs de produits en vue de leur adhésion à la centrale de référencement Golfy Club France et de partenaires pour des insertions publicitaires dans le guide des partenaires Golfy Club, et, dans le second, la gestion de la centrale de référencement Golfy Club Réseau par la recherche de fournisseurs, ainsi que la vente d'espaces publicitaires.
Monsieur Fournel a ainsi été chargé de négocier pour le compte de la société Golfy Club France, puis de la société Golfy Club Réseau, non des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, mais des contrats de référencement avec les fournisseurs de matériels destinés aux clubs de golf du réseau, contrats ne relevant pas des opérations expressément visées à l'article L. 134-1 ; le contrat de référencement consiste, en effet, en une opération tripartite par laquelle une personne, généralement appelée centrale, conclut un contrat de courtage avec un fournisseur de produits, qui s'engage à faire bénéficier ses adhérents de conditions avantageuses, dans le cadre de ventes futures, ce qui ne relève pas en soi du domaine de représentation de l'agent commercial.
S'agissant de la vente d'espaces publicitaires, le mandataire, qui la réalise pour le compte d'un annonceur, dont il est l'intermédiaire, n'est pas considéré comme agent commercial au sens de l'article L. 134-1, conformément à l'article 26 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 (relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques).
Monsieur Fournel ne saurait en conséquence, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, prétendre bénéficier du statut d'agent commercial, peu important son immatriculation au registre spécial des agents commerciaux.
Pour autant, les mandats confiés à l'intéressé, dont le rôle consistait pour l'essentiel à assurer, dans le cadre d'une activité permanente, le développement d'une centrale de référencement par la recherche de fournisseurs et la ventes d'espaces publicitaires dans le guide des partenaires Golfy Club, en contrepartie de quoi il percevait des commissions proportionnelles au nombre et au montant des contrats conclus par son intermédiaire, doivent être regardés comme des mandats d'intérêt commun, dont la révocation ne pouvait intervenir que pour une cause légitime, ce que ne contestent d'ailleurs pas les sociétés appelantes.
Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que la société Golfy Club Réseau a mis fin verbalement au mandat de Monsieur Fournel le 18 mars 2008, soit un mois seulement après la signature du second contrat ; si, préalablement à la rupture, aucun reproche ne lui avait été adressé, par écrit, notamment en ce qui concerne la reddition des comptes de son activité, il n'en demeure pas moins que sont produites aux débats diverses attestations et lettres de réclamations de membres du réseau, déplorant l'absence de Monsieur Fournel sur les sites et son incapacité à conclure des contrats de référencement avec de nouveaux fournisseurs ; l'intéressé ne conteste d'ailleurs pas que les 18 fournisseurs, avec lesquels il a conclu un contrat de référencement, étaient déjà les fournisseurs des membres du réseau Golfy Club, antérieurement au 1er septembre 1995.
La défaillance de Monsieur Fournel, après plus de deux ans d'exercice de son activité, à obtenir l'adhésion de nouveaux fournisseurs à la centrale de référencement, dont il assumait la gestion, constitue dès lors une cause légitime de rupture de la relation contractuelle ; celui-ci doit en conséquence être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts liés à la rupture de son contrat de mandat.
2- L'arriéré de commissions :
L'expert s'est livré à des investigations complètes et minutieuses, qui l'ont notamment amené, dans son rapport du 20 septembre 2006, à expliciter et compléter les conclusions de son précédent rapport.
Il a déterminé, en premier lieu, sur la base des documents comptables lui ayant été communiqués, le montant des commissions dues à Monsieur Fournel en vertu du contrat du 8 février 1998 sur les redevances fixes versées à titre de droit d'entrée à la centrale de référencement par les fournisseurs, sur la base de 50 % HT sur le montant HT des redevances perçues ; le montant obtenu de 130 500 F ou 19 894,60 euro HT n'est pas sérieusement discuté, la liste des fournisseurs, ayant conclu des contrats de référencement par l'intermédiaire de Monsieur Fournel, figurant à l'article 2 du projet de transaction établi, après la rupture, par la société Golfy Club Réseau.
En se fondant sur la liste fournie le 26 mars 2002 par la société Golfy Club Réseau, dans le cadre des premières opérations d'expertise, qu'il a comparée avec les informations du grand livre de la société, Monsieur Vallat a ensuite chiffré à 283 601,76 F ou 43 234,81 euro le montant HT des ristournes consenties par les fournisseurs, référencés par l'intermédiaire de Monsieur Fournel, au cours de l'exercice 1997/1998.
Le contrat liant les parties dispose à cet égard que les fournisseurs devront verser une ristourne à Golfy Club Réseau de 3 % HT ou plus, selon le cas, sur le chiffre d'affaires réalisé sur le réseau des partenaires Golfy Club et que sur cette ristourne, une commission égale à 50 % HT du montant HT perçu sera reversée au mandataire ; la commission est due à Monsieur Fournel au titre des ristournes sur le chiffre d'affaires réalisé par les fournisseurs ayant adhéré à la centrale de référencement grâce à son intervention, même si les achats auprès de ces fournisseurs ont été réalisés directement par les clubs de golf, membres du réseau, et nonobstant le fait que ces fournisseurs se trouvaient déjà en relations d'affaires avec les clubs, avant l'intervention de celui-ci ; le contrat ne contient aucune restriction en ce sens au droit à la commission sur les ristournes due au mandataire.
Le montant HT des commissions sur les ristournes, effectivement dû, ressort donc bien à la somme de 141 800,84 francs ou 21 617,40 euro, compte tenu du taux de 50 % contractuellement prévu.
Le jugement, qui a condamné la société Golfy Club Réseau au paiement des sommes respectives de 19 894,06 et 21 617,40 HT, doit dès lors être confirmé de ces chefs.
3- Les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en cause d'appel ; il n'y a pas lieu, dans ces conditions, à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Réforme le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 4 mai 2009, mais seulement en ce qu'il a dit que les contrats de mandat des 1er septembre 1995 et 6 février 1998 constituaient des contrats d'agent commercial et condamné la société Golfy Club Réseau au paiement de la somme de 80 000 euro en réparation du préjudice de cessation de la relation d'agent commercial, Statuant à nouveau de ces chefs, Dit que la relation contractuelle est exclusive du statut d'agent commercial et que sa rupture, le 18 mars 2008, procède d'une cause légitime, Déboute Monsieur Fournel de sa demande en paiement de dommages et intérêts liés à la rupture de son contrat de mandat, Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions, Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en cause d'appel, les dépens d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du même Code.