Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 2 mars 2011, n° 10-00511

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Rioual

Défendeur :

Magellan Immobilier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP Magnan, SCP Boissonnet-Rousseau

Avocats :

Mes Nyst, Lobell

T. com. Marseille, du 10 nov. 2009

10 novembre 2009

Exposé du litige

Les faits :

Selon contrat du 1er février 2008, la société Magellan Immobilier a confié à Marie-France Costantino épouse Rioual, un mandat d'agent commercial. Aux termes d'un courrier du 29 octobre 2008, la société Magellan Immobilier y a mis fin avec préavis d'un mois expirant le 29 novembre 2008 au motif " des difficultés rencontrées récemment dans le cadre de notre collaboration ". Dans un courrier en réponse du 4 novembre 2008, la société Magellan Immobilier indiquait " douter plus que jamais de votre loyauté ". Prenant acte de la rupture, Marie-France Costantino a sollicité le 7 novembre 2008 l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce à laquelle s'est opposée la société Magellan Immobilier, considérant que son attitude et celle de son mari dans les locaux de l'agence le 28 octobre 2008 était constitutive d'une faute grave.

La procédure :

Marie-France Costantino épouse Rioual a alors saisi le Tribunal de commerce de Marseille d'une demande indemnitaire à l'encontre de la société Magellan Immobilier. Selon jugement contradictoire du 10 novembre 2009, le tribunal l'a déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société Magellan Immobilier la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Marie-France Costantino est régulièrement appelante du jugement selon déclaration du 8 janvier 2010 et soutient dans ses conclusions du 20 avril 2010 que:

- la rupture des relations contractuelles intervenue le 29 octobre 2008 n'est pas motivée et ne fait référence à aucune faute grave;

- elle est donc fondée à obtenir paiement de l'indemnité légale;

- subsidiairement, la société Magellan Immobilier a volontairement déformé et amplifié la dispute intervenue dans ses locaux;

- les attestations qu'elle produit sont de pure complaisance;

- compte tenu d'un chiffre d'affaires de 84 700 euro réalisé en dix mois, l'indemnité de rupture peut être fixée à la somme de 142 296 euro.

La société Magellan Immobilier réplique dans ses dernières écritures du 24 septembre 2010 que:

- le 28 octobre 2008, Marie-France Costantino et son époux ont pénétré avec détermination dans les locaux de l'agence, ont insulté et injurié Madame Nicole Martin, épouse du gérant et ont tenté de l'agresser physiquement en présence d'un employé contraint de s'interposer;

- ces faits d'une extrême gravité sont corroborés par le dépôt d'une main-courante par Madame Martin et justifient la rupture du mandat d'agent commercial et ce d'autant que Marie-France Costantino ne les a jamais contestés;

- la société Magellan Immobilier a offert un préavis d'un mois alors qu'elle n'y était pas tenue;

- Marie-France Costantino ne l'a d'ailleurs pas effectué compte tenu des circonstances et a immédiatement repris son activité pour le compte de l'agence immobilière Capi;

- elle n'a ainsi subi aucun préjudice.

La société Magellan Immobilier conclut à la confirmation du jugement et au paiement par l'appelante d'une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 décembre 2010.

Discussion

Seule une faute grave prive l'agent commercial de l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce. Elle s'entend de tout fait ou omission qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel.

A l'évidence, la société Magellan Immobilier, qui invoque aujourd'hui l'altercation intervenue entre Marie-France Costantino et Madame Nicole Martin épouse du gérant le 28 octobre 2008, n'a pas considéré ces faits comme constituant une faute grave puisque la lettre de rupture à été établie dès le lendemain en des termes généraux visant des "difficultés rencontrées récemment dans le cadre de notre collaboration" et surtout offrant le préavis d'un mois prévu à l'article 7 du mandat. Si la lettre de confirmation du 4 novembre 2008 fait référence à l'altercation du 28 octobre 2008, la société Magellan Immobilier reprend les " difficultés que nous avons rencontrées dans le cadre de notre collaboration " et rappelle le préavis offert d'un mois.

C'est donc à bon droit que l'appelante soutient que dès lors que la rupture a été prononcée à l'initiative du mandant pour des circonstances autres qu'une faute grave, elle a droit à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 précité.

C'est en vain que la société Magellan Immobilier prétend que l'octroi d'un préavis auquel " elle n'était nullement obligée " est sans influence sur " les circonstances de la rupture ressenties comme suffisamment graves " alors que d'une part le maintien temporaire du mandat est antinomique de la faute grave telle que définie ci-dessus et que d'autre part l'article 7 du contrat liant les parties prévoit expressément la rupture sans préavis " en cas de faute grave ".

L'indemnité compensatrice a pour finalité de réparer le préjudice financier issu de la perte des revenus tirés de l'exploitation commune de la clientèle. En l'espèce, Marie-France Costantino n'a exercé son activité au profit de la société Magellan Immobilier que durant neuf mois et l'a immédiatement poursuivie, auprès de la société Capi. Un extrait de la revue " Capi News " produit par la société Magellan Immobilier montre en effet que Marie-France Costantino était en formation auprès du groupe Capi France en novembre 2008. De même, la consultation du site Internet de Capi France en décembre 2008 établit que Marie France Costantino avait en charge la vente d'immeubles.

Au regard des commissions perçues auprès de la société Magellan Immobilier, soit 84 700 euro TTC la cour est ainsi en mesure de fixer l'indemnité due à la somme de 20 000 euro.

Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la cour à écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Magellan Immobilier qui succombe supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : Reçoit l'appel; Infirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions; Et statuant à nouveau : Constate la rupture du mandat d'agent commercial à l'initiative de la société Magellan Immobilier; La condamne à payer à Marie-France Costantino les sommes de : - 20 000 euro (vingt mille euro) à titre d'indemnité compensatrice; - 2 000 euro (deux mille euro) en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Magnan, avoués, à les recouvrer, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.