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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 février 2011, n° 06-07930

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mimouni

Défendeur :

Jeanne (ès qual.), JL Kando (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Touzery-Champion, Pomonti

Avoué :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocat :

Me Rancon-Cavenel

T. com. Bobigny, du 24 mars 2006

24 mars 2006

La société JL Kando, exerçant sous l'enseigne JLJ Distribution et spécialisée dans le négoce du cuir et de la fourrure, a conclu le 9 octobre 2001 avec Monsieur Mimouni, domicilié en Espagne, un contrat d'agent commercial dans le but de développer la vente de ses produits sur les territoires d'Espagne et Portugal; cette convention a été souscrite pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction et prévoyait une exclusivité de l'agent pour un territoire défini, un commissionnement de 5 à 8 % sur le chiffre d'affaires réalisé par l'intermédiaire de Monsieur Mimouni et l'obligation pour le mandant d'adresser à ce dernier toutes les factures et les listings afin de lui permettre de facturer ses redevances.

Le 5 juillet 2004, Monsieur Mimouni a mis en demeure la société JL Kando d'avoir à lui régler l'arriéré de ses commissions sur ses ventes afférentes aux années 2002 et 2003 représentant la somme de 5 424 euro.

Le 23 juillet 2004, la société JL Kando a mis fin au contrat, en reprochant à Monsieur Mimouni une insuffisance d'activité tant en Espagne qu'au Portugal aggravée par l'exercice d'une nouvelle activité en France pour le compte d'une société Sistem Five.

Par acte du 4 octobre 2004, Monsieur Mimouni a fait assigner la société JL Kando devant le Tribunal de commerce de Bobigny qui aux termes de son jugement du 24 mars 2006, a :

- reçu la société JL Kando en sa demande reconventionnelle,

- dit la résiliation d'agent commercial justifiée en raison de manquements graves et répétés commis par ce dernier dans l'exercice de son mandat,

- débouté en conséquence Monsieur Mimouni de sa demande d'indemnité pour rupture du contrat.

- pris acte du paiement à Monsieur Mimouni des commissions lui revenant au titre des ventes de l'année 2004 et lui a donné acte de son désistement à ce titre,

- pris acte de l'accord des parties concernant les commissions dues à Monsieur Mimouni et dit que la société JL Kando paiera la somme de 5 498,80 euro à Monsieur Mimouni contre remise par ce dernier des échantillons que celle-ci lui a confiés,

- condamné Monsieur Mimouni à payer la somme de 2 000 euro à la société JL Kando en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans garantie.

Dans ses conclusions du 8 avril 2009, M. Mimouni, appelant, poursuivant l'infirmation du jugement, demande de :

- constater que la société JL Kando n'a jamais formulé de réclamation concernant le Portugal pendant la durée du contrat, que dans la commune intention des parties, ses diligences étaient limitées à l'Espagne, que la société JL Kando devait réclamer la modification du contrat relativement au Portugal, ce qu'il aurait volontiers accepté, qu'il a cependant prospecté au Portugal auprès d'un grossiste,

- juger qu'il a apporté son carnet d'adresses à la société JL Kando, qui a tenté de se l'approprier,

- retenir que la société JL Kando a commis une faute à son égard, qu'elle ne lui a pas adressé les listings des factures le 10 de chaque mois, qu'elle ne lui a pas payé ses commissions le 25 de chaque mois, qu'elle n'a donc pas respecté ses engagements contractuels à son égard,

- constater qu'il n'avait aucune obligation contractuelle de rendre compte de ses contacts à la société JL Kando, qu'il n'avait aucun objectif contractuel de résultat ou de chiffre d'affaires minimum, ni d'exclusivité à l'égard de JL Kando autre que celle des produits cuirs de la société JL Kando,

- juger qu'une clause contractuelle relative à la non-atteinte d'un chiffre d'affaires minimum à réaliser entraînant une faute grave susceptible de provoquer la résiliation pour faute de l'agent, serait de toute façon réputée non écrite, comme contrevenant aux articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991,

- juger que la société JL Kando ne rapportant pas la preuve que la société System five travaille dans le cuir, ce reproche est infondé,

- retenir qu'il a contacté de nombreuses enseignes, mais que la société n'a pas été en mesure de livrer les commandes du fait de sa désorganisation, qu'elle n'avait pas de stock et ne pouvait satisfaire en temps et en heure les clients de Monsieur Mimouni, de sorte qu'elle a perdu des commandes considérables auprès de clients importants, qu'elle est à l'origine de la rupture des relations contractuelles entre les parties par cette attitude fautive,

- condamner la société JL Kando à lui payer une indemnité de préavis, soit la somme de 6 108 euro avec intérêts, outre une somme de 48 871 euro à titre d'indemnité compensatrice et réparatrice du préjudice subi du fait de la rupture abusive de son contrat, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance à capitaliser dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

- constater qu'il a dû attendre la fin de la procédure de première instance pour obtenir le paiement des commissions qui étaient dues au titre de l'année 2004 puis en application du jugement assorti de l'exécution provisoire, celles au titre des années 2002 et 2003, qu'elle n'a réglé que sous la pression de la procédure et qu'elle a multiplié les difficultés pour ne pas exécuter le jugement,

- condamner la société JL Kando à lui payer les sommes de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 5 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 29 janvier 2007, la société JL Kando, intimée formant appel incident, revendique la confirmation du jugement querellé. Elle estime justifiée la résiliation du mandat d'agent commercial confié à Monsieur Mimouni en raison des manquements graves et répétés commis par ce dernier dans l'exercice de son mandat. Elle réclame le rejet de l'ensemble des prétentions de M. Mimouni et sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Puis, par acte du 17 juin 2009, M. Mimouni fait assigner en intervention forcée Maître Bertrand Jeanne, désigné en qualité de liquidateur de la société JL Kando désigné par jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 12 mai 2009, pour voir fixer au passif de cette société les créances susvisées qu'il revendique.

Celui-ci, quoique régulièrement assigné à une personne se déclarant habilitée à recevoir l'acte, n'a pas constitué avoué.

Dans ses dernières conclusions du 4 janvier 2011 déposées deux jours avant l'ordonnance de clôture, Monsieur Mimouni, appelant, poursuit la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a pris acte du paiement des commissions lui revenant pour l'année 2004 mais l'infirmation du surplus du jugement. Il soutient qu'il n'a pas commis de faute grave dans l'exécution de son mandat et que la rupture du contrat incombe unilatéralement à la société JLJ Distribution. Il estime qu'il a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité de rupture. Il sollicite en conséquence la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 6 250 euro au titre de son préavis de trois mois, ainsi que les sommes de 50 000 euro représentant l'indemnité de rupture égale aux deux dernières années de commissions majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et capitalisation s'il y a lieu et de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 25 000 euro à compter de l'assignation introductive d'instance et jusqu'à parfait paiement intervenu en février 2006.

A titre subsidiaire, il réclame l'inscription de sa créance au passif de la société Kando et la condamnation de Maître Jeanne ès qualités à lui verser la somme de 3 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR :

Sur la procédure :

Considérant que la société JL Kando, en liquidation judiciaire, est aujourd'hui représentée par Maître Jeanne, ès qualités, lequel n'a pas constitué avoué ; que les dernières conclusions de M. Mimouni en date du 4 janvier 2011, aux termes desquelles il modifie ses demandes initiales, ne peuvent être opposées à Maître Jeanne, faute de lui avoir été signifiées ;

Que seules les écritures du 8 avril 2009, signifiées à Maître Jeanne en même temps que l'assignation en intervention forcée sont opposables à ce dernier ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes du contrat d'agent commercial signé le 9 octobre 2001 la société JLJ Distribution "a décidé dans le but de développer la vente de ses produits sur les territoires Espagne et Portugal de nommer un agent commercial, afin qu'il s'occupe de gérer les ventes par soi-même, M. Mimouni, désigné ci-après comme agent exclusif"; cet agent devait la représenter "en gérant en son nom, la vente de ses articles et produits auprès de tous les clients potentiels de la Péninsule ibérique, ainsi qu'avec quelques employés, délégués ou représentants que ce soit"; que sont visées à l'article 4 de ce contrat la clientèle espagnole et portugaise ;

Que dans sa lettre de résiliation du 23 juillet 2004, la société JLD Distribution se plaint de l'insuffisance d'activité de M. Mimouni qui n'a pas développé ses produits au Portugal et ne lui a apporté qu'un seul client espagnol ; qu'elle lui fait également grief d'avoir pris une nouvelle carte d'agent commercial pour le compte d'une société espagnole Sistem Five afin de développer les produits de celle-ci en France ;

Que M. Mimouni objecte en premier lieu qu'il pouvait accepter ce nouveau mandat dès lors que l'activité de cette dernière société n'est pas le cuir mais la maille ;

Que si en application de l'article L. 134-3 du Code de commerce, l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandats, toutefois il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle d'un de ses mandants sans l'accord de ce dernier ;

Qu'au cas particulier, si la société JLD Distribution ne démontre pas que la société Sistem Five était un concurrent, il n'en reste pas moins qu'il paraît difficile pour M. Mimouni de consacrer une activité d'agent commercial à la fois sur le territoire français et sur la péninsule ibérique ;

Considérant que ce dernier réplique, en second lieu, que dans la commune intention des parties ses diligences étaient limitées à l'Espagne, que sa mandante aurait dû réclamer la modification du contrat en ce sens, ce qu'il aurait volontiers accepté ;

Mais considérant que M. Mimouni ne rapporte aucunement la preuve d'un accord des parties pour modifier l'étendue du territoire qu'il devait prospecter ou d'une renonciation de sa mandante à son activité au Portugal; qu'au contraire il ressort des messages électroniques qu'il verse lui-même aux débats qu'en juin 2002 la société JLD Distribution lui réclamait des informations sur les prospections qu'il devait avoir accompli en Espagne et au Portugal ; qu'il ne peut sérieusement prétendre qu'il appartenait à sa partenaire de prendre l'initiative de modifier le contrat pour amoindrir ses obligations ;

Que pour l'Espagne, il estime avoir beaucoup travaillé pour le compte de sa mandante en obtenant de multiples ventes ;

Mais considérant qu'il ne justifie que de l'existence de deux clients (Carrefour et Canorient) ayant passé des ventes avec sa mandante par son intermédiaire ; qu'à juste titre les premiers juges ont relevé qu'il s'est contenté d'une prospection très limitée dans le temps et l'espace, lors du salon de Madrid ou avec des entreprises très proches de son domicile, alors que sa mission consistait à prospecter " tous les clients potentiels de la péninsule ibérique ";

Qu'il soutient que les autres commandes qu'il a pu signer avec de nouveaux clients n'ont pas été livrées par la société JLD Distribution au prétexte que ceux-ci n'avaient pas de surface financière ;

Mais considérant que M. Mimouni n'étaye cette allégation par aucune pièce; qu'en outre il ressort du contrat du 9 octobre 2001 paragraphe 3 que la mandante s'était réservée la possibilité d'accepter ou de refuser les ventes réalisées par l'agent qui ne s'ajustaient pas aux normes spécifiées par la direction pour tout ce qui se réfère à la politique commerciale, délai de paiement ou délais de livraison ;

Considérant par ailleurs qu'il ne produit aucune preuve des frais de prospection qu'il dit avoir engagés ;

Qu'il ressort de ces différents éléments la preuve d'une grave négligence de M. Mimouni dans ses obligations de prospection de clientèle, de sorte qu'il est mal fondé à demander des indemnités pour rupture du contrat en application des dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant que M. Mimouni reconnaît dans ses écritures que l'intégralité de ses commissions lui a aujourd'hui été réglée ;

Considérant qu'il ne saurait être fait droit à la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. Mimouni ;

Considérant que la demande de ce dernier sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ne saurait prospérer.

Par ces motifs, Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative à l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Constate que M. Mimouni reconnaît que l'intégralité de ses commissions pour les années 2002, 2003 et 2004 lui a aujourd'hui été réglée, Déboute M. Mimouni de toutes ses demandes, Condamne M. Mimouni aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.