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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 mars 2011, n° 08-08309

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cubicsoft (SARL)

Défendeur :

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Fèvre

Conseillers :

MM. Roche, Vert

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Minne, Dubois

TGI Paris, du 5 févr. 2008

5 février 2008

LA COUR,

Vu le jugement du 5 février 2008 du Tribunal de grande instance de Paris qui a débouté la SA Cubicsoft de ses demandes, formulées à l'encontre de l'Etablissement public Commissariat à l'énergie atomique, ci-après le CEA, de paiement de sommes d'argent au titre de prétendues commandes et d'indemnisation au titre de la rupture de relations, a condamné le CEA à payer à la société Cubicsoft la somme de 37 402 euro HT au titre de factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2004 et a ordonné l'exécution provisoire ;

Vu l'appel de la société Cubicsoft et ses conclusions du 14 janvier 2011 par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement quant à la condamnation à son profit, l'infirmer en ses autres dispositions ; condamner le CEA à lui payer les sommes de 551 840 euro HT au titre des commandes passées ; 460 000 euro HT au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies, 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 4 janvier 2011 du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives qui demande à la cour de confirmer le jugement sauf quant à la condamnation au titre des factures ; débouter la société Cubicsoft de toutes ses demandes ; la condamner à lui payer 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Cubicsoft et la société Atos aux droits de laquelle se trouve Cubicsoft ont développé, à partir de 1994 plusieurs logiciels pour le CEA, utilisés par celui-ci pour ses activités géophysiques, notamment le contrôle sismique, lesdits logiciels nécessitant eux-mêmes pour leur fonctionnement des logiciels dits " librairies génériques "; que les parties ont conclu en 2001 un " accord de licence des librairies génériques intégrées dans les logiciels des familles Cristal NJ, Cristal, Jade Onyx et Opales " pour 3 ans à compter du 1er janvier 2001 outre un contrat de maintenance des logiciels d'une durée de 15 mois à compter du 1er janvier 2003 ; que ces contrats à durée déterminée ont été menés à leurs termes respectifs mais que Cubicsoft reproche au CEA de ne plus lui avoir passé de commandes à partir de 2003, ce qu'elle interprète comme une rupture brutale de relations commerciales établies, invoquant l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, ainsi que les articles 1134 et 1382 du Code civil ; que Cubicsoft réclame en outre le paiement de travaux qu'elle avait réalisés au titre de prétendues commandes effectuées principalement en 2002, dont le CEA nie la réalité, ainsi que le paiement de factures impayées correspondant à des commandes non contestées ; que le tribunal a fait droit à la demande de Cubicsoft sur ce dernier point mais que le CEA le conteste, invoquant pour partie l'exception d'inexécution, pour partie une transaction conclue après médiation concernant un aspect du litige relatif à la propriété intellectuelle; que la cour se réfère pour le surplus à l'exposé des faits du tribunal ;

Considérant sur les demandes au titre des commandes alléguées et contestées, que le tribunal a analysé chacune d'entre elles et a justement rejeté par des motifs que la cour adopte les demandes de la société Cubicsoft de ces chefs ; que l'appelante soutient que la pratique des parties dans leurs relations était que des commandes informelles étaient effectuées, et les prestations en conséquence réalisées avant la régularisation ; mais qu'elle ne l'établit pas ; que le CEA rappelle ses conditions générales de vente et notamment la stipulation de celles-ci selon laquelle " le marché n'est définitivement conclu qu'après sa signature par le CEA et son titulaire " ; que les pièces versées aux débats par l'appelante ne sont pas probantes, notamment les compte-rendus de réunions rédigés en langage peu précis et souvent peu clair, faisant le point sur divers sujets, dont le tribunal a reproduit partiellement plusieurs, ne constatent pas des accords fermes ni des engagements ; que la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Cubicsoft au titre des prétendues commandes ;

Considérant sur la fin des relations que le CEA conteste l'applicabilité de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce en l'espèce ; qu'il fait valoir qu'il n'est pas commerçant et déclare qu'il n'est pas producteur ; que toutefois il s'agit d'un établissement industriel qui peut être qualifié d'industriel au sens dudit article, mais seulement pour les prestations entrant dans le cadre de celui-ci, soit payantes et à destination des tiers ; que le tribunal a justement constaté que les prestations fournies par Cubicsoft étaient commandées par le CEA en vue d'accomplir une mission de service public, s'agissant de logiciels destinés à lui permettre de fournir des informations dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires - et, ajoute la cour, dans le cadre de la veille sismique et de contrôle des activités sismiques en général - et en a exactement déduit que les relations d'affaires ne concernaient pas, en ce qui concerne le CEA, une activité de producteur, commerçant ou industriel ;

Considérant que le CEA était certes tenu à la bonne foi contractuelle sur le fondement du droit commun indépendamment de l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; mais qu'il n'est pas établi qu'il y ait manqué ; qu'il fait valoir que les commandes étaient ponctuelles ; que l'acquisition de logiciels pour les recherches et l'acquisition de données en matière géographique, spécialement sismique, n'était pas une activité continue ; que le CEA déclare que l'augmentation significative du chiffre d'affaires réalisé par Cubicsoft avec lui en 2000 et 2001, 470 525 euro HT et 419 343 euro HT respectivement pour ces deux exercices, tenait au fait que le CEA avait commandé le développement d'une nouvelle version du logiciel Cristal/Cristal NJ et que ce projet techniquement novateur lui avait demandé d'importants investissements, le montant des commandes ayant logiquement diminué les années suivantes, le chiffre d'affaires était de 272 948 euro HT en 2002 et 196 738 euro HT en 2003 ; qu'eu égard à la nature très spécifique répondant à des besoins ponctuels ne s'inscrivant pas dans un contrat-cadre, des prestations de la société Cubicsoft, celle-ci ne pouvait légitimement s'attendre à la stabilité de ses relations avec le CEA ; que ce dernier remarque encore que la diminution des relations a été progressive ; que le 29 juillet 2003 le CEA a passé une commande pour diverses prestations de service que Cubicsoft n'a pas souhaité exécuter ; qu'en ce qui concerne les contrats à durée déterminée venus à leur terme, le CEA, qui fait état de difficultés relationnelles avec le dirigeant de Cubicsoft, n'était pas obligé de les renouveler ;

Considérant qu'en définitive, la cour ne peut constater la commission par le CEA d'aucune faute en lien de causalité avec le préjudice de la société Cubicsoft ;

Considérant sur les factures impayées qu'une transaction, comportant la renonciation à des droits, ne peut être interprétée de manière extensive ; que le CEA rappelle lui-même que la facture du 29 août 2003 d'un montant de 17 922 euro HT correspondait à une commande pour le développement du logiciel Onyx V2 - 4 et donc à une prestation de service ; que la transaction concernait les litiges relatifs à la propriété intellectuelle et non les prestations de service ; qu'il n'est aucunement précisé que l'indemnité transactionnelle inclue le montant restant dû au titre de la facture ; qu'il en résulte ainsi que des motifs non contraires du tribunal que le paiement est dû ;

Considérant sur les autres factures que le tribunal les a encore analysées de manière précise et a justement constaté que le CEA ne faisait pas la preuve du bien-fondé de ses allégations tant en ce qui concerne l'exception d'inexécution que les pénalités ; qu'il ne fait pas plus cette preuve devant la cour ;

Considérant qu'il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles d'appel qu'elle a engagés ; que la société Cubicsoft succombant pour l'essentiel et l'appel n'étant pas utile eu égard à la grande qualité du jugement, l'appelante devra les dépens d'appel;

Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris. Déboute les parties de leurs autres demandes. Met à la charge de la société Cubicsoft les dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.