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Décisions

Cass. com., 1 mars 2011, n° 10-11.079

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Calzados Fal (Sté)

Défendeur :

Auvergne Limousin export (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Monod, Colin, SCP Vincent, Ohl

T. com. Riom, du 25 nov. 2008

25 novembre 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 novembre 2009), que le contrat d'agence commerciale qui la liait à la société de droit espagnol Calzados Fal (la société Calzados) pour la commercialisation des chaussures de chasse fabriquées par cette dernière, auprès de certaines catégories de clientèle en France, en Belgique et en Allemagne, ayant pris fin, la société Auvergne Limousin export (la société Alex), l'a assignée en paiement d'indemnités de préavis, de cessation de contrat et pour perte de sa reconduction ainsi qu'en remboursement de frais d'envois de collections textiles ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Alex fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement alors, selon le moyen : 1°) que la société Calzados faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'elle n'aurait jamais reçu l'assignation à comparaître devant le Tribunal de commerce de Riom et, en conséquence, que le jugement du 20 février 2007 aurait été nul ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la nullité du jugement pour défaut de traduction en espagnol de l'assignation délivrée au siège social en Espagne de la société de droit espagnol Calzados, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé les articles 12 et 16 du Code de procédure civile ; 2°) que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée pour vice de forme qu'à la charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité commise ; qu'aucun texte n'impose la traduction de l'acte signifié dans la langue de l'Etat du domicile du destinataire de l'acte ; que l'absence de traduction d'une assignation constitue donc un vice de forme ; qu'en conséquence, il appartient au destinataire de l'assignation d'établir en quoi l'absence de traduction lui aurait causé un grief ; qu'en l'espèce, la société de droit espagnol Calzados n'invoquait pas l'absence de traduction en espagnol de l'assignation délivrée à son domicile ; qu'en déduisant, pour déclarer le jugement du 20 février 2007 nul, de l'absence de traduction en espagnol de l'assignation délivrée à la société Calzados une atteinte grave aux droits de la défense, la cour d'appel a violé les articles 112 et 114, ensemble les articles 649, 683 et 855 du Code de procédure civile ; 3°) que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée pour vice de forme qu'à la charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité commise ; que pour déclarer le jugement du 20 février 2007 nul, l'arrêt, après avoir relevé que l'assignation avait été délivrée à la société de droit espagnol Calzados à domicile sans traduction en espagnol, se borne à énoncer que cette absence de traduction a gravement nui aux droits de la défense ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société Calzados, qui demandait la nullité du jugement, justifiait d'un préjudice, la cour d'appel a procédé à un renversement de la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu qu'est dénué d'intérêt, le moyen de cassation pris de la nullité du jugement, dès lors que la cour d'appel se trouvait par l'effet dévolutif de l'appel, saisie du litige dans son entier et devait statuer à nouveau en fait et en droit, même si elle déclarait le jugement nul ; que le moyen est irrecevable ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil, ensemble les articles L. 134-6 alinéa 2, L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ; - Attendu que pour rejeter les demandes présentées par la société Alex au titre de la rupture du contrat, l'arrêt, après avoir estimé que celle-ci a pris l'initiative de la rupture, retient que si cette société reproche à la société Calzados d'être intervenue directement auprès d'un de ses clients qui avait annulé sa commande de chaussures de chasse en raison du retard de leur livraison pour lui proposer, en remplacement, d'autres chaussures, il n'est pas démontré que le retard de livraison de certaines chaussures par la mandante ait été un prétexte fallacieux pour écarter l'agent et proposer des chaussures de marche pour garder le client ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat stipulait une clause d'exclusivité pour les chaussures de chasse au bénéfice de l'agent, que la commande avait été annulée en raison d'un retard de la mandante dans la livraison de telles chaussures pour un client de l'agent et que cette dernière avait proposé directement au client concerné, en remplacement, des chaussures de randonnée sur lesquelles la société Alex ne percevait aucune commission, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche : - Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil, ensemble les articles L. 134-6 alinéa 2, L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ; - Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que les retards de livraison, l'augmentation des tarifs l'année de la rupture du contrat suivie de leur baisse l'année suivante et la déduction des commissions de l'agent de frais indus pour l'envoi de collections textiles peuvent s'expliquer autrement que par une manœuvre frauduleuse de la société Calzados destinée à faire démissionner la société Alex, tandis que le dernier manquement n'est pas à lui seul suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté des manquements de la mandante à ses obligations qui, même sans une manœuvre frauduleuse de sa part, étaient de nature à créer les circonstances susceptibles de lui rendre imputable la rupture du contrat à l'initiative de l'agent, la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, sauf en ce qu'il a condamné la société Calzados Fal à payer à la société Auvergne Limousin export la somme de 1 129,29 euro en remboursement des collections textiles, l'arrêt rendu le 18 novembre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.