CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 22 février 2011, n° 09-21419
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Financière Victor Hugo (SA), Distridom (SAS), Expansion Holding Mauritius Ltd (Sté), Baud (Consorts), Baudinter Sprl (Sté)
Défendeur :
Geimex (SA), Chriqui (ès qual.), Casino Guichard Perrachon (SA), Distribution Leader Price (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maestracci
Conseillers :
Mmes Moracchini, Delbes
Avoués :
SCP Hardouin, SCP Baufume Galland Vignes, SCP Petit Lesenechal, SCP Fanet Serra
Avocats :
Me Duquenne, Vecchioli de Fournas, Boutron, Nicolle
La société Générale d'Importation et d'Exportation (Geimex), société anonyme d'import-export créée en 1973, est licenciée exclusive, pour la France métropolitaine et les Dom Tom, de la marque " Leader Price ", qui lui a été concédée par la société Distribution Leader Price. Elle est, par ailleurs, licenciée exclusive de la marque " Le marché Franprix " et elle a déposé, à son nom, la marque " Franprix " à l'Ile Maurice.
Son capital était détenu, à concurrence de 50 %, par les membres de la famille Baud (42 % à travers la société de droit belge Baudinter - 8 % directement par M. Jean Baud) et, à concurrence de 50 %, par M. Albert Baussan.
Le 16 octobre 1997, Geimex a conclu avec la société Financière Victor Hugo (FVH), pour une durée de 8 ans, un contrat de sous-licence de la marque Leader Price pour le territoire de la Réunion, l'Ile Maurice, les Comores, les Seychelles et Mayotte.
Le 26 mai 2003, Geimex et FVH ont remplacé cette convention par un contrat de licence de marque pour une période de 35 années, renouvelable pour une ou plusieurs périodes de même durée. Pour l'exploitation de son activité, FVH a consenti des sous-licences de la marque Leader Price à diverses filiales de sa propre filiale, la SARL Expansion, qui exploitaient des magasins à la Réunion.
Aux termes de la convention de licence de marque, FVH, dont l'activité s'était jusqu'alors limitée à la Réunion, s'est engagée à développer dans les deux ans son activité dans l'un des autres territoires de la zone Océan indien. Elle a ainsi investi à l'Ile Maurice pour y vendre les produits Leader Price, mais sous la marque Franprix.
Le 28 novembre 2003, Geimex a conclu avec FVH et Expansion une convention donnant à Geimex le droit d'acquérir les titres ou les fonds de commerce des magasins exploitant la marque Leader Price à l'Ile de la Réunion pour le cas où le licencié ou ses filiales envisageraient de céder ces magasins.
En juillet 2005, M. Albert Baussan a cédé sa participation dans Geimex à la société Casino-Guichard Perrachon (Casino) qui s'est ainsi trouvée à la tête de 50 % du capital de l'intéressée, à parité avec la famille Baud.
Parallèlement, la société Casino a pris le contrôle complet de la société Vindemia, qui exploitait à la Réunion les marques Jumbo, Score et Score Express.
Selon convention du 9 novembre 2005, Geimex a octroyé à FVH une licence de la marque Franprix pour les territoires de la Réunion, Mayotte, les Comores, Maurice et les Seychelles. L'article 3 de cette convention précise que cette licence restera en vigueur tant que la licence Leader Price du 26 mai 2003 demeurera elle-même en vigueur.
FVH réalisait ses achats auprès de Geimex par l'intermédiaire de sa centrale d'achat, la société Distridom. Par ordonnance de référé du 28 mai 2008, le président du Tribunal de commerce de Paris a désigné Maître Henri Chriqui en qualité d'administrateur provisoire de la société Geimex, en raison de la grave mésentente régnant entre les deux groupes d'actionnaires de l'intéressée.
Par acte extrajudiciaire du 28 juillet 2008, notifié tant à Geimex qu'à Casino, FVH a informé ces dernières qu'elle mettait un terme, à effet d'un préavis expirant le 1er mars 2009, à l'ensemble de ses relations commerciales avec Geimex. Elle énonçait les griefs motivant sa décision, parmi lesquels, la caducité ou la nullité du contrat de licence, la violation par Geimex de ses obligations contractuelles, la perte de l'intuitu personae, la concurrence déloyale du groupe Casino, l'abus de position dominante et la responsabilité délictuelle du dit groupe.
Par acte extrajudiciaire du 1er août 2008, Geimex a notifié à FVH qu'elle considérait sa notification du 28 juillet 2008 comme nulle et non avenue.
Les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius ont réitéré, le 29 août 2008, leur notification de rupture des relations commerciales du 28 juillet 2008.
En septembre 2008, la presse a relaté des déclarations de M. Jean-Edouard Leclerc selon lesquelles FVH passerait sous l'enseigne Leclerc.
Pour faire face à la défection de FVH, le groupe Casino a conclu, le 21 avril 2009, des accords avec un nouveau distributeur Leader Price à la Réunion, le Groupe Caillé.
Par acte du 5 septembre 2008, FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius ont assigné les sociétés Geimex et Casino et Maître Chriqui, ès qualités, devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater la résiliation à bon droit par FVH de ses relations avec les défenderesses et pour obtenir le paiement de dommages et intérêts. Par acte du 3 novembre 2008, elles ont assigné la SNC Distribution Leader Price en intervention forcée. Messieurs Jean, Bernard et Robert Baud et la société de droit belge Baudinter Sprl, actionnaires de Geimex, sont intervenus volontairement dans cette procédure.
Par jugement du 11 février 2009, le Tribunal de commerce de Paris a pris acte du désistement de Messieurs Bernard et Robert Baud de leur intervention volontaire et de l'absence de contestation par les parties de la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Jean Baud et de la société Baudinter.
Par jugement du 1er octobre 2009, la même juridiction a dit l'intervention volontaire de M. Jean Baud et de la société Baudinter irrecevable, a débouté Casino et Distribution Leader Price de leur demande de communication de pièces, a constaté que la résiliation par FVH à effet du 1er mars 2009 de ses relations avec Geimex n'est pas fautive, a débouté FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius de leur demande de rétrocession par Geimex des titres des filiales de la société Expansion Holding Mauritius qu'elle détient, a débouté les mêmes de leurs demandes de dommages et intérêts, a condamné solidairement les intéressées à payer à Geimex la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts, a débouté les sociétés Casino et Distribution Leader Price de leurs demandes de dommages et intérêts, a condamné in solidum les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme globale de 30 000 euro à la société Geimex et Maître Chriqui, ès qualités, et la somme globale de 50 000 euro aux sociétés Casino et Distribution Leader Price et a rejeté toute autre demande.
Par déclarations des 20 octobre et 10 novembre 2009, les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius, d'une part, Messieurs Jean, Robert et Bernard Baud et la société Baudinter, d'autre part, ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières écritures signifiées le 29 octobre 2010, les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit caduc, par application des dispositions d'ordre public des articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce, le contrat d'approvisionnement exclusif sous licence de la marque Leader Price signé entre Geimex et FVH le 26 mai 2003, la caducité étant encourue à compter du 17 octobre 2007, dixième anniversaire du contrat signé le 16 octobre 1997, en ce qu'il a dit que la caducité du contrat du 26 mai 2003 entraînait celle de l'ensemble des contrats qui en avaient été la suite ou la conséquence et en ce qu'il a dit la résiliation des relations commerciales entre FVH et ses filiales, d'une part et Geimex, d'autre part, notifiée par deux actes extrajudiciaires de juillet et d'août 2008, non fautive, d'infirmer le jugement déféré pour le surplus, statuant à nouveau de ce chef, et sur le fondement des articles 1184, 1146, 1134, 1382 et 1383 du Code civil, et L. 441-6, L. 420-2 et L. 442-6 6 du Code de commerce, de dire que les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius ont été contraintes, en juillet 2008, avec confirmation en août 2008, de résilier les relations commerciales avec la société Geimex, dirigée de fait par Casino et Distribution Leader Price, en raison des fautes dont elles ont été victimes, liées au conflit d'intérêts du groupe Casino, au parasitisme qu'elles ont subi, à la perte de l'affectio societatis, à l'abus de dépendance économique, à l'absence de conditions générales de vente et à l'impossibilité où elles se sont trouvées de maintenir la philosophie "discount" de la marque Leader Price, en raison des prix qui leur ont été imposés pour la fourniture des produits à cette marque, de constater que pendant près de quinze années, les sociétés FVH et Distridom ont financé seules, la communication commerciale de la marque Leader Price, sans aucune participation financière de la société Geimex sur le territoire de l'Ile de la Réunion, de constater qu'en étant contraintes de résilier les relations commerciales, les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius ont ainsi perdu, en raison également de la caducité du contrat, le bénéfice de leurs investissements et doivent ainsi être remises en l'état où elles se trouvaient avant d'exposer les dépenses de développement de la marque Leader Price à la Réunion, subsidiairement, de dire que ces remboursements seront ordonnés sur le fondement de la nécessaire réparation des préjudices liés aux fautes commises, en conséquence, de condamner in solidum les sociétés Geimex, Casino et Distribution Leader Price à payer, à la société FVH, ou à défaut à sa filiale Distridom, au titre des investissements publicitaires sur la marque Leader Price, la somme principale de 14 874 291,19 euro, à la société Expansion Holding Mauritius, la contrevaleur en euro, au jour du paiement, de la somme principale de 12 183 798 roupies mauritiennes, de constater que, nonobstant le caractère fautif des comportements des sociétés Geimex, Casino et Distribution Leader Price, ces dernières n'ont pas accepté de reprendre les marchandises aux marques de Geimex, à savoir "Leader Price" et " Prix Gagnants ", malgré le fait que 30 jours après la fin de la période de préavis, un nouveau licencié Leader Price était désigné pour le territoire de la Réunion, ce qui signifie que les discussions avec ce nouveau licencié avaient nécessairement été entreprises plusieurs mois auparavant et qu'il aurait été facile pour les sociétés intimées de reprendre ou faire reprendre les marchandises à la marque et d'éviter ainsi que (les appelantes) subissent de lourdes pertes liées à la liquidation des stocks, de condamner in solidum, de ces chefs, les sociétés Geimex, Casino et Distribution Leader Price à rembourser à Distridom la perte de marges constatée pour la période de janvier et février 2009, soit 2 494 336 euro, de constater la nullité des cessions de titres des filiales d'Expansion à Geimex, sur le fondement des articles 1108, 1109 et 1110 du Code civil, de prononcer à ce titre la résolution des cessions en cause et d'ordonner la restitution à FVH de l'ensemble des titres litigieux acquis par Geimex en suite de la convention du 28 novembre 2003, de dire que cette restitution interviendra moyennant paiement par FVH du prix payé à l'époque par Geimex, soit la valeur nominale de chacune des actions en cause, cette valeur constituant d'ailleurs un vil prix et même une absence de prix, et justifie le prononcé de la nullité des cessions dont s'agit, de donner acte à FVH de ses réserves relatives aux préjudices subis en raison des indemnités à verser aux sous-licenciés de la marque Leader Price avec qui elle avait contracté, ainsi qu'à ses préjudices propres d'exploitation dont les chiffrages ne seront finalisés qu'en fin d'exercice 2010 et feront l'objet d'une instance distincte, de débouter Geimex, Casino et Distribution Leader Price de toutes leurs demandes, de condamner in solidum les intéressées à payer aux sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius la somme de 20 000 euro, à chacune, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 novembre 2010, la société Geimex et Maître Chriqui, ès qualités d'administrateur provisoire de ladite société, demandent à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit caduc le contrat d'approvisionnement exclusif sous licence de marque du 26 mai 2003 et les conventions accessoires des 28 décembre 2003 et 9 novembre 2005, statuant à nouveau de ce chef, de dire que les dispositions des articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce ne s'appliquent pas au contrat litigieux et, subsidiairement, qu'elles ne le rendent pas nul ni caduc, que la résiliation unilatérale par FVH du contrat de licence de marque et d'approvisionnement exclusif du 26 mai 2003 et des conventions accessoires, est imputable à FVH, que cette résolution faite sans motif légitime d'un contrat en cours est fautive, que la négociation avec un concurrent en vue d'un changement d'enseigne, alors que les conventions entre FVH et Geimex étaient en cours et devaient se poursuivre pendant plus de 30 ans, constitue une faute grave, que le préjudice consécutif de la société Geimex s'élève à 215 130 000 euro, de dire que la demande en nullité des cessions des titres des trois filiales d'Expansion est nouvelle et donc irrecevable en cause d'appel, en conséquence, de débouter les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius de toutes leurs demandes, de condamner les intéressées, in solidum, à payer à Geimex la somme de 215 130 000 euro, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'absence de faute de Geimex de nature à justifier la résiliation anticipée unilatérale du contrat de licence de marque et d'approvisionnement exclusif du 26 mai 2003, en ce qu'il a débouté les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius de leurs demandes de dommages et intérêts et de leur demande de rétrocession par Geimex des titres des filiales de la société Expansion Holding Mauritius qu'elle détient, condamné les mêmes in solidum à payer à Geimex la somme de 300 000 euro au titre du préjudice résultant des fautes commises dans l'exercice du préavis et la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de donner acte à Maître Chriqui, ès qualités, et à la société Geimex de ce qu'ils s'en rapportent à justice sur la recevabilité et le bien-fondé des demandes de M. Jean Baud et de la société Baudinter Sprl, de condamner in solidum les appelantes à payer à Geimex et à Maître Chriqui, ès qualités, chacun, la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2010, les sociétés Casino et Distribution Leader Price demandent à la cour de constater que l'argumentation développée par les consorts Baud n'est pas conforme à l'intérêt de Geimex, alors que le fondement et le motif revendiqué de leur intervention volontaire est la défense des intérêts de cette société et non leurs intérêts personnels, et encore moins l'intérêt du groupe FVH, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé ces interventions irrecevables, en ce qu'il a dit le groupe FVH non fondé en ses demandes formées à leur encontre et l'en a débouté, de l'infirmer en ce qu'il a rejeté leur demande de communication de pièces, d'ordonner aux appelantes de communiquer les pièces suivantes :
- novembre 2007 : "Business plan P8 pour 2008" (P8 étant Leclerc),
- novembre 2007 : "Leader Price vers P8",
- email en date du 3 mars 2008 intitulé "Acte de candidature"',
- email en date du 20 mars 2008 intitulé "Modalités permettant aux candidats à l'affiliation de mettre un terme à l'exploitation des licences actuelles",
- email en date du 28 mars 2008 intitulé "Acte de candidature P8",
- email en date du 30 juin 2008 intitulé "Projet Réunion-Urgent et important",
- email en date du 6 août 2008 intitulé "Projet Réunion-ZAC Portail",
- email en date du 22 août 2008 intitulé "Projet Réunion-Communication",
- de l'infirmer encore en ce qu'il a dit non abusive la résiliation par le groupe FVH des accords passés avec Geimex, statuant à nouveau, de dire cette résiliation abusive, en conséquence, de condamner solidairement FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius à payer à Casino la somme de 1 000 000 euro à titre de dommages et intérêts et à Distribution Leader Price la somme de 10 000 000 euro au titre de la perte de marge résultant de la perte du chiffre d'affaires réalisé entre l'intéressée et Geimex dans le cadre de la livraison de produits à destination de la Réunion, et la somme de 20 000 000 euro au titre des atteintes portées à la marque sur le territoire et de la nécessité de l'y réimplanter, de condamner solidairement les appelantes à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, 100 000 euro à la société Distribution Leader Price et 50 000 euro à Casino.
Dans leurs dernières écritures, M. Jean Baud, M. Bernard Baud, M. Robert Baud et la société Baudinter Sprl demandent à la cour d'infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit irrecevable l'intervention volontaire de M. Jean Baud et de la société Baudinter, statuant à nouveau, de dire les intéressés recevables en leur intervention et, y faisant droit, de tirer toutes conséquences du jugement rendu le 1er octobre 2009 par le Tribunal de commerce de Paris, de constater que l'argumentation développée par la famille Baud est conforme à l'intérêt de Geimex, notamment en ce qu'elle demande, à titre subsidiaire, la condamnation exclusive de Casino au paiement des dommages et intérêts réclamés par les appelantes et la dispense de la société Geimex du paiement de toute indemnisation, et ce, en raison de la gestion de fait de Geimex par Casino, à titre principal, de prendre acte de ce qu'ils formulent protestations et réserves sur les demandes de FVH, Distridom et Expansion Holding Mauritius, subsidiairement, de condamner exclusivement Casino au paiement de tous dommages et intérêts qui viendraient à être alloués en réparation des préjudices subis par les licenciés réunionnais, à défaut, de condamner Casino à garantir Geimex de toute condamnation, en tout état de cause, de condamner Casino aux entiers dépens.
Sur ce
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Jean Baud et de la société Baudinter
Considérant que le jugement rendu le 11 février 2009, non frappé d'appel, a constaté le désistement de Messieurs Bernard et Robert Baud ; que par suite, les intéressés ne pouvaient être parties au jugement du 1er octobre 2009 ; que leur appel interjeté à l'encontre de celui-ci est irrecevable ;
Considérant que les sociétés Casino et Distribution Leader Price contestent la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Jean Baud et de la société Baudinter ; qu'elles font plaider que les intéressés, actionnaires de Geimex, ne devraient intervenir que dans l'intérêt de celle-ci ; que leur position est cependant contraire à ces intérêts puisqu'ils s'abstiennent de combattre l'argumentation et les prétentions du groupe FVH, à l'égard desquelles ils se bornent à faire " protestations et réserves ", alors qu'elles tendent à obtenir la condamnation de Geimex pour manquements à ses obligations contractuelles ; que leur argumentation ne caractérise ni une intervention principale ni une intervention accessoire, mais une intervention complètement extérieure à la procédure, qui a pour unique but de s'opposer à la société Casino, leur coactionnaire au sein de Geimex ; qu'elle est, par suite, irrecevable ;
Considérant que M. Baud et la société Baudinter répliquent que les parties au litige se sont engagées, à l'audience devant les premiers juges du 29 janvier 2009, à ne plus contester la recevabilité de leur intervention volontaire ; qu'elles doivent tenir cet engagement, dont il leur a été donné acte dans le jugement du 11 février 2009 ; que, par conséquent, elles ne peuvent plus contester la recevabilité de leur intervention;
Considérant que le jugement du 11 février 2009, qui a pris acte de l'absence de contestation par les parties de la recevabilité de l'intervention volontaire de M. Jean Baud et de la société Baudinter, n'a pas statué sur cette recevabilité et n'a donc pas, de chef, autorité de chose jugée ; que les premiers juges ont, dès lors, dans le jugement du 1er octobre 2009, justement reconnu à Casino et Distribution Leader Price le droit de se prévaloir de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de M. Baud et de la société Baudinter ;
Considérant que ceux-ci font plaider que leur intervention est principale; qu'actionnaires de Geimex, ils exercent l'action ut singuli prévue par l'article L. 225-252 du Code de commerce ; qu'ils sont recevables à agir, aux côtés de Geimex, pour obtenir la réparation du préjudice par elle subi du fait de la rupture par FVH du contrat de licence de marque, si celle-ci est jugée fautive ; qu'ils ont intérêt à figurer dans l'instance pour être en mesure d'apprécier l'ensemble des causes ayant pu être à l'origine de la rupture des relations commerciales entre FVH et Geimex, lesquelles peuvent résider dans une entente entre FVH et Leclerc, mais aussi dans une faute de Casino ; qu'il n'est pas envisageable que Casino figure seule dans la procédure, à l'exclusion des autres actionnaires de Geimex ; qu'ils font valoir qu'ils portent une prétention nouvelle et principale par rapport à celles des autres parties, dans la mesure où ils demandent que, si la responsabilité de Geimex était retenue, la condamnation consécutive soit supportée uniquement par Casino ou, à défaut, que Casino soit condamnée à garantir Geimex de toute condamnation ;
Considérant que M. Jean Baud et la société Baudinter imputent à Casino la qualité de dirigeant de fait de Geimex et soutiennent que, s'étant appropriée cette direction et le contrôle opérationnel de l'intéressée, elle aurait seule déterminé, à l'avantage de sa propre filiale, Vindemia, la politique de Geimex et serait ainsi à l'origine de la décision des licenciés réunionnais de rompre leurs relations avec celle-ci ; que Casino est, par suite, responsable des conséquences dommageables de cette décision pour Geimex ; qu'en demandant la condamnation de Casino à assumer seule ces conséquences ou à en garantir Geimex, ils exercent bien l'action sociale en responsabilité que l'article L. 225-252 autorise les actionnaires à engager contre les dirigeants si la société s'en abstient ; Considérant que leur intervention volontaire est donc recevable ;
Sur la demande de communication de pièces des sociétés Casino et Distribution Leader Price
Considérant que Casino et Distribution Leader Price soutiennent que FVH s'étant rapprochée du groupe Leclerc, a commis de grossières manœuvres, sur une période de temps très courte, pour se libérer, sous de faux motifs, de ses engagements envers Geimex ; qu'il est fondamental, dans ce contexte, que la cour connaisse la date et la nature du début des négociations entre FVH et Leclerc afin de déterminer si ce début est antérieur ou postérieur aux premiers reproches formulés par FVH à l'encontre de Casino et de Distribution Leader Price, qui datent du 5 juin 2008 ; que ceci permettrait d'établir le caractère artificiel des reproches de FVH ; qu'elles sollicitent la communication par celle-ci de huit pièces ;
Considérant que les sociétés Casino et Distribution Leader Price ne justifient cependant pas que la communication de pièces ainsi sollicitée soit d'une quelconque façon nécessaire à la solution du litige, alors que, dans ses écritures, FVH ne nie pas avoir engagé des discussions avec les groupes Intermarchés et Leclerc dès novembre et décembre 2007 ; qu'il convient donc de rejeter leur demande ;
Considérant que la cour observe que les ordonnances obtenues par la société Casino du président du tribunal de commerce autorisant la saisie, puis une mesure de constat, portant sur tout document se rapportant aux échanges entre FVH et Leclerc, et les saisies et constats opérés ont été mis à néant par deux arrêts de cette cour en date des 17 décembre 2008 et 1er avril 2009 ;
Sur la caducité
Considérant que les appelantes demandent à la cour de constater la caducité, au 16 octobre 2007, du contrat de licence de marque du 26 mai 2003, qui, conclu au cours de celui signé le 16 octobre 1997, aux mêmes fins, entre les mêmes parties, et qui constitue un contrat d'approvisionnement exclusif, est soumis aux dispositions d'ordre public des articles L. 330-1 et L. 330-2 du Code de commerce, selon lesquelles, toute clause d'exclusivité souscrite par un acheteur envers un vendeur est limitée à une durée maximum de 10 ans et ce, même si un contrat souscrit initialement est suivi d'autres engagements analogues entre les mêmes parties et portant sur les mêmes produits ;
Considérant que les intimés soutiennent que l'article L. 330-1 ne vise que les clauses de non-concurrence absolue, ce que n'est pas la clause d'approvisionnement insérée dans les contrats du 16 octobre 1997 et du 26 mai 2003, limitée au magasins Leader Price, FVH pouvant s'approvisionner en produits concurrents et les vendre dans des magasins autres que ceux à l'enseigne Leader Price, et qui permettait à FVH un approvisionnement local en produits spécifiques à la région et en produits à la date limite de vente trop courte pour être commandés en métropole ; qu'ils ajoutent qu'à supposer établie l'existence d'une clause d'approvisionnement exclusive, l'article L. 330-2 n'est, en toute hypothèse, pas applicable en l'espèce, dès lors que le contrat du 26 mai 2003 n'a pas prorogé celui du 16 octobre 1997, mais a remplacé celui-ci, après sa résiliation ; qu'en outre, la clause d'exclusivité n'entraîne l'expiration du contrat au terme légal de dix ans que si elle constitue la cause même du contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, où la cause des contrats est la licence d'exploitation de la marque Leader Price et le développement de sa notoriété sur le territoire concerné ; que le contrat était donc valable jusqu'en 2038 ou, à tout le moins jusqu'en 2013, et était donc en vigueur lors de sa résiliation par FVH ; qu'enfin, quand bien même la validité de la clause d'approvisionnement serait remise en cause dès 2007, seule cette clause était caduque et non la totalité du contrat ;
Considérant que l'article L. 330-1 du Code de commerce dispose que : " Est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis-à-vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur " ; que selon l'article L. 330-2 du même Code : " Lorsque le contrat comportant la clause d'exclusivité mentionnée à l'article L. 330-1 est suivi ultérieurement, entre les mêmes parties, d'autres engagements analogues portant sur le même genre de biens, les clauses d'exclusivité contenues dans ces nouvelles conventions prennent fin à la même date que celle figurant au premier contrat " ;
Considérant que l'article 7, tant du contrat du 16 octobre 1997 que de celui du 26 mai 2003, intitulé " Obligations exclusives du licencié ", stipule que le licencié s'engage, pendant la durée du contrat à " 1°) Ne s'approvisionner en produits "Leader Price" qu'auprès du concédant, sauf ce qui est dit au 4°) ci-après.(...) 3°) Ne vendre dans les magasins à l'enseigne Leader Price que des produits portant le label "Leader Price", à l'exception de certains produits spécifiques à la région et des produits dont la DVL trop courte ne permet pas de commande sur la métropole. 4°) Eventuellement, les produits fabriqués localement pourront être mis sous la marque Leader Price, mais après études des produits (échantillons, analyse) afin d'une part de mettre le label sur des produits de qualité, et d'autre part, de voir si ces articles pourraient intéresser d'autres" entités exploitant la marque ;
Considérant que FVH avait ainsi l'obligation, pour approvisionner ses magasins à l'enseigne Leader Price, de se fournir exclusivement auprès de Geimex, sauf en produits spécifiques à la région, en produits à date limite de vente trop courte, que Geimex ne peut pas fournir, et en produits fabriqués localement, sur lesquels le concédant accepte d'apposer la marque Leader Price, après un contrôle étroit ; que ces exceptions ne constituent donc pas les " objets semblables ou complémentaires " visés par l'article L. 330-1 et le fait que FVH puisse les acheter ne prive pas la clause d'approvisionnement contractuelle de son caractère exclusif ; que le fait que le contrat n'interdise pas formellement à FVH de s'approvisionner en produits concurrents auprès d'autres fournisseurs et de les vendre dans d'autres magasins que ceux portant l'enseigne Leader Price n'enlève rien au caractère exclusif de la clause d'approvisionnement litigieuse, qui doit s'apprécier et s'interpréter uniquement dans le cadre des relations entre les cocontractants, dont l'intention manifeste était de ne pas voir FVH développer, dans le cadre limité et clos de l'Ile de la Réunion, d'autres enseignes vendant des produits d'autres marques ;
Considérant que la clause en litige est donc une clause d'exclusivité au sens de l'article L. 330-1 du Code de commerce ;
Considérant que la durée de validité d'une telle clause est limitée à dix ans ;
Considérant qu'il est constant que le contrat du 26 mai 2003 a été conclu entre les mêmes parties que celui du 16 octobre 1997 et comporte une clause d'exclusivité portant sur les mêmes biens et rédigée dans les mêmes termes ; qu'il contient donc des engagements analogues au sens de L. 330-2 du Code de commerce ; qu'il a été signé deux ans avant le terme de celui du 16 octobre 1997 ;
Considérant que les dispositions des articles L. 330-1 et L. 330-2 veillent à ce que l'exclusivité ne puisse être renouvelée que lorsque le promettant est redevenu libre ; qu'en l'espèce, il n'existe aucun acte de résiliation du contrat du 16 octobre 1997 ; que celui du 26 mai 2003, signé dans les mêmes termes avant son terme et " en lieu et place ", n'en est que la prolongation ; que, même à supposer établie la résiliation du contrat du 16 octobre 1997 avant la signature de celui du 26 mai 2003, les articles précités s'appliquent, la société FVH n'ayant à aucun moment retrouvé sa liberté ; que le fait que l'intéressée se soit elle-même rapprochée du concédant pour obtenir le contrat du 26 mai 2003 est indifférent, les dispositions des articles précités étant d'ordre public ;
Considérant que le contrat du 23 mai 2003 est donc devenu caduc le 16 octobre 2007, et ce, dans son ensemble ; qu'il ne peut, en effet, survivre à la nullité de la clause d'exclusivité supérieure à 10 ans qu'il comporte ; que la licence de la marque était consubstantielle à la clause d'exclusivité et ne pouvait survivre à la nullité de celle-ci, sauf à priver les rapports que les parties avaient établis entre elles de leur cohésion et de leur économie ;
Considérant que la caducité du contrat de licence encourue au motif d'ordre public de la nullité de la clause d'approvisionnement exclusif, entraîne la caducité de l'ensemble des accords qui en constituaient l'accessoire ou la conséquence;
Considérant que, dès lors, la convention du 28 novembre 2003, conclue " en contrepartie de l'accord " de licence d'une durée de 35 ans signée entre Geimex et FVH et qui précise en son article 2 qu'elle constitue un tout indissociable avec la licence de marque, et le contrat de licence de la marque Franprix du 9 novembre 2005, qui stipule en son article 3 qu'il " demeurera en vigueur tant que demeurera en vigueur la licence Leader Price du 26 mai 2003 ", sont également devenus caducs le 16 octobre 2007 ;
Considérant que la caducité du contrat libère les cocontractants des stipulations qu'il contenait ; que la caducité intervenue en l'espèce, pour des raisons d'ordre public, ne peut être imputée à l'une ou l'autre des parties au présent litige ;
Considérant que c'est, par conséquent, sans faute de sa part que, le délai de dix ans étant dépassé, la société FVH a mis un terme, le 28 juillet 2003, à ses relations commerciales avec Geimex ; que chacune des parties ayant retrouvé sa liberté à dater du 16 octobre 2007, il ne peut être fait grief aux appelantes des contacts par elles établis avec une autre enseigne à compter du mois de novembre 2007 ;
Sur les demandes pécuniaires des appelantes
Considérant que les appelantes qui poursuivent la caducité des conventions, pour se dire libérées du contrat les liant à Geimex, ne peuvent, sans contradiction, prétendre, pour imputer aux intéressées la responsabilité de cette rupture, qu'elles auraient été contraintes à celle-ci par les manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles et par la concurrence déloyale de Casino et de Distribution Leader Price ; que point n'est besoin, par suite, d'examiner les griefs des appelantes tenant à la perte de l'intuitu personae, au contrôle opérationnel de Casino sur Geimex avec pour conséquence un conflits d'intérêts et un parasitisme commercial, au manquement de Geimex à son obligation de pratiquer des prix adaptés à la philosophie discount, à l'absence de conditions générales de vente et à l'abus de dépendance économique, étant observé que les demandes pécuniaires que forment FVH, Distridom et Expansion visent à la réparation, non pas de préjudices subis durant l'exécution du contrat en relation avec ces griefs, mais des conséquences de la cessation du contrat, dont elles ont pris l'initiative en se prévalant de sa caducité et après avoir déjà pris contact avec une autre enseigne ;
Considérant que FVH, Distridom et Expansion Holding, invoquant les stipulations du contrat de licence selon lesquelles, en cas de cessation du contrat pour quelque cause que ce soit, y compris en cas de caducité, les parties se retrouveraient placées dans la situation antérieure à sa signature, sollicitent, sur ce fondement, le remboursement des investissements publicitaires et de communication, d'un montant total de 14 874 291,19 euro et de 12 183 798 roupies mauritiennes qu'elles ont supportés pour promouvoir la marque Leader Price et dont elles ont perdu le bénéfice au profit de Geimex, de Casino et de Distribution Leader Price ;
Considérant qu'il ne peut, cependant, être soutenu que le remboursement des frais de promotion que les appelantes ont exposés, sans y être obligées par l'une quelconque des stipulations du contrat, dont elles ont unilatéralement apprécié tant l'opportunité que le montant et dont elles ont bénéficié des effets durant les années de vie du contrat, pourrait correspondre à la remise des parties dans leur état antérieur prévue par l'article 11 du contrat de licence ; qu'aucun remboursement ne peut donc leur être accordé sur ce fondement ; que la cessation des relations contractuelles entre Geimex et FVH étant la conséquence, non pas d'une résiliation fautive de la part de l'une ou de l'autre d'entre elles, mais de la caducité de leurs conventions, la perte du bénéfice des dépenses engagées pendant l'exécution du contrat ne peut se rattacher à aucun manquement susceptible de justifier l'octroi de dommages et intérêts ;
Considérant que la société Distridom sollicite la condamnation des intimées à lui payer la somme de 2 494 336 euro, qui correspond à la perte de marge subie en janvier et févier 2009, deux derniers mois du préavis, et liée à la liquidation des stocks de produits Leader Price qu'il aurait pourtant été facile, pour les sociétés intimées, de reprendre ou de faire reprendre puisqu'elles ont immédiatement désigné un nouveau licencié ;
Considérant que les conventions caduques ne comportent aucune clause de reprise des stocks à la charge du cocontractant de FVH, à leur terme ; que la fin du contrat étant le fait de sa caducité et non d'une faute des intimées, la perte de marge invoquée, à supposer établie sa relation avec une perte d'exploitation résultant de la liquidation des produits Leader Price et avec les perturbations liées à l'abandon de l'enseigne, ne peut donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts ;
Considérant que les demandes pécuniaires des appelantes, qui tendent à mettre à la charge des intimées les frais de changement d'enseigne qu'elles ont exposés, doivent être rejetées ;
Sur le sort des cessions de titres de filiales d'Expansion
Considérant que la convention conclue le 28 novembre 2003 entre Geimex et les sociétés FVH et Expansion donnait à Geimex le droit d'acquérir les titres des magasins exploitant la marque Leader Price à l'Ile de la Réunion pour le cas où le licencié ou ses filiales envisageraient de céder ces magasins ; qu'en exécution de cette convention, Geimex a acquis, en 2004, 4,48 % des sociétés Mahdd, Semad, Distri Possession et Distri Savannah et, en 2005, 4,48 % du capital de la société Rhdoi, toutes filiales d'Expansion ;
Considérant que les appelantes demandent à la cour de prononcer la nullité de ces cessions pour cause illicite, comme adossées à un contrat de distribution conclu pour une durée illégale, ou en raison de l'erreur ayant affecté le consentement des cédantes, faussement amenées à croire que les cessions contribueraient à la pérennité du système Leader Price pendant 35 ans, ou encore pour vil prix ou absence de prix, les titres ayant été acquis à leur valeur nominale alors qu'il s'agissait de titres concourant au capital de supermarchés régulièrement exploités ; que la société FVH sollicite donc la restitution des titres acquis par Geimex ;
Considérant que la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau en appel de la demande en nullité des cessions opposée par la société Geimex et par Maître Chriqui, ès qualités, n'est pas fondée et sera rejetée ; qu'en effet, cette demande tend aux mêmes fins que la demande en résolution des cessions à raison de la caducité des conventions conclues entre Geimex et FVH que cette dernière avait formée devant le tribunal de commerce ;
Considérant que la convention du 28 novembre 2003, précise qu'en "contrepartie de l'accord" de licence d'une durée de 35 ans, Geimex a souhaité obtenir des garanties et plus particulièrement disposer d'un droit non aléatoire lui permettant d'acquérir, soit les titres des magasins exploitant la marque Leader Price sur le territoire de la Réunion, soit leur fonds de commerce, en cas de décision de FVH ou d'Expansion de céder les titres d'une ou plusieurs de ses filiales exploitant les magasins ou de céder le fonds de commerce d'une ou plusieurs filiales d'Expansion; que son article 2 stipule qu'elle constitue un tout indissociable avec la licence de marque ;
Considérant que la contrepartie et le souci de garantie qui avaient fait se réaliser les cessions ont disparu une fois les conventions devenues caduques ; qu'aucune cause ne sous-tend donc plus les cessions intervenues dans ces deux buts ; qu'il y a lieu de les annuler ; que la société Geimex devra restituer les titres qu'elle a acquis en exécution de la convention du 28 novembre 2003 à FVH, et ce, contre restitution par celle-ci du prix payé par Geimex pour procéder à leur acquisition ;
Sur les demandes reconventionnelles de Geimex, Casino et DLP
Considérant que l'on a vu ci-dessus que la dénonciation par FVH du contrat de licence devenu caduc n'était pas fautive ;
Considérant que la demande reconventionnelle formée par Geimex et Maître Chriqui, ès qualités, fondée sur la rupture fautive du contrat par FVH et tendant à obtenir la réparation du manque à gagner de Geimex au titre des années restant à courir jusqu'à la fin du contrat, soit jusqu'en 2038, ne peut en conséquence pas prospérer ;
Considérant que si la rupture par FVH de ses relations avec Geimex n'est pas fautive, il convient de rechercher si les conditions dans lesquelles elle est intervenue ont pu l'être et porter préjudice aux intimées ;
Considérant que celles-ci ne peuvent pas invoquer le caractère brutal de la rupture notifiée le 28 juillet 2008 par sa cocontractante à Geimex, alors qu'elle s'est accompagnée d'un préavis raisonnable de sept mois ;
Considérant que la société Geimex et Maître Chriqui, ès qualités, font grief à la société FVH de ne pas avoir respecté la durée du préavis dont elle avait elle-même fixé la fin au 1er mars 2009, précisant qu'elle a réduit ses achats dès le mois d'octobre 2008 et qu'il a été constaté, les 19 et 20 février 2009, par un huissier de justice, qui a établi un procès-verbal, que les magasins Leader Price étaient mal approvisionnés en produits de cette marque et que les rayons étaient occupés par des produits d'autres marques ; que la fermeture était annoncée pour le 25 février 2009, soit quelques jours avant la fin du préavis ; qu'ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la société Geimex, privée des marges brutes sur les ventes perdues durant le préavis, la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que la société Distribution Leader Price fait plaider, quant à elle, que le non-respect par le groupe FVH du préavis a porté, par le démontage très médiatisé des enseignes Leader Price, les campagnes massives de déstockage et l'arrêt de la vente de produits frais, une grave atteinte à l'image de la marque sur le territoire de la Réunion, qui l'a contrainte à engager de lourdes dépenses pour la réimplanter, et lui a infligé une perte de marge résultant de la perte du chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec Geimex, le tout en sa qualité de propriétaire de la marque pour le territoire de la Réunion et de concédante de ladite marque à Geimex ; qu'elle évalue son préjudice à la somme de 10 000 000 euro au titre de la perte de marge et à celle de 20 000 000 euro au titre de l'atteinte à la marque ;
Considérant que le contrat n'imposait pas à FVH, par ailleurs libérée de toute obligation contractuelle depuis le 16 octobre 2007, l'achat d'une quantité déterminée de produits Leader Price ; qu'il est, par ailleurs, normal que les achats aient diminué dès le mois d'octobre 2008, compte tenu des délais d'acheminement entre la France et l'Ile de la Réunion ; que Geimex et Maître Chriqui, ès qualités, ne versent aux débats aucune pièce permettant de mettre en évidence et de calculer la marge brute qui aurait été perdue à compter du 19 février 2009 et pendant les dix derniers jours du préavis, en relation avec la baisse de l'approvisionnement des rayons en produits Leader Price et l'arrivée de produits d'autres marques, d'une part, et/ou avec la fermeture des magasins, le 25 février 2009, d'autre part ; que l'attestation du commissaire aux comptes de Distridom, qui ne s'est livré, pour déterminer la perte de marque alléguée, qu'à une comparaison entre les comptes des années 2008 et 2009 n'est, à cet égard, pas probante ;
Considérant que les premiers juges ont justement relevé que la société Distribution Leader Price ne justifiait pas de la réalité et du montant des ventes, et donc des royalties, dont elle aurait pu être privée durant le préavis ; que la cour relève, quant à l'image de la marque, que le groupe Caillé a repris l'enseigne Leader Price à la Réunion " à peine un mois après avoir été remplacée par les magasins Leclerc ", et à la suite de négociations entamées dès octobre 2008 (pièce 31 des appelantes) ; qu'en page 14 du Journal de l'Ile daté du jeudi 2 avril 2009, M. François Caillé s'est félicité d'avoir récupéré la seule enseigne de hard-discount de l'Ile dans un contexte de crise du pouvoir d'achat ; que le même journal indique que M. Caillé a présenté à la presse un sondage révélant que l'enseigne Leader Price fait partie des 10 marques préférées des Réunionnais ; que ces éléments établissent que la marque Leader Price n'a pas disparu après la cessation de son exploitation par FVH et qu'un mois à peine après la fin du préavis donné par cette dernière, elle avait conservé une image très attractive ; Considérant que la responsabilité des appelantes ne peut donc être retenue du chef de l'exécution du préavis ; que la société Geimex et Maître Chriqui, ès qualités, d'une part, la société Distribution Leader Price, d'autre part, doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts respectives ;
Considérant que la société Casino fait plaider qu'elle a été attraite tout à fait inutilement dans la cause et que les procédés utilisés à son égard par le groupe FVH sont inadmissibles au regard tant du droit que de la morale ; qu'elle sollicite la condamnation solidaire des appelantes à lui payer la somme de 1 000 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que la société Casino ne démontre cependant pas que la procédure suivie contre elle, en raison de ses liens capitalistiques avec la société Geimex et des liens contractuels entre sa filiale, Distribution Leader Price, et Geimex, puisse être abusive et ne caractérise, de la part des appelantes, dans les moyens et l'expression de la défense de leurs positions, aucune attitude ayant pu dépasser les limites acceptables en cette matière et de nature à engager leur responsabilité à son égard ; qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée de ces chefs ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application, en l'espèce, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que compte tenu de la solution donnée au litige, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Par ces motifs, Dit Messieurs Bernard et Robert Baud irrecevables en leur appel ; Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit M. Jean Baud et la société Baudinter irrecevables en leur intervention volontaire, en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés FVH, Distridom et Expansion Holding (Mauritius) Ltd à payer à la société Geimex la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts, en ce qu'il a débouté la société FVH de sa demande en restitution des titres des filiales de la société Expansion et en ce qu'il a jugé sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ; Statuant à nouveau de ces chefs, Dit M. Jean Baud et la société Baudinter recevables en leur intervention volontaire ; Déboute la société Geimex de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de la perte de marge durant le préavis ; Annule les cessions des titres des sociétés Mahdd, Semad, Distri Possession, Distri Savannah et Rhdoi opérées en 2004 et 2005 par la société Geimex, Condamne la société Geimex à restituer à la société FVH les titres de ces sociétés et ce, contre remboursement par FVH du prix payé par Geimex pour procéder à leur acquisition ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés et dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.