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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 15 février 2011, n° 07-06349

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Panebianco

Défendeur :

Marnic Cuisines Schmidt (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouyssic

Conseillers :

Mme Salmeron, M. Delmotte

Avoués :

SCP Rives-Podesta, SCP Dessart-Sorel-Dessart

Avocats :

Mes Clerc, Vaysse-Battut

T. com. Toulouse, du 26 nov. 2007

26 novembre 2007

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Attendu que la société Marnic Schmidt (la société) sous-traitait à M. Panebianco différentes prestations relatives à la pose de cuisines.

Attendu que par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 décembre 2003, la société a mis fin à ces relations contractuelles dans les termes suivants:

" Nous avons constaté sur plusieurs de nos chantiers des anomalies d'installation. Nous vous rappelons qu'en tant qu'installateur professionnel, vous vous devez d'exécuter votre travail, avec toute la rigueur et la qualité de finition qui s'impose vis-à-vis de nos clients Schmidt. De plus, vous avez refusé de réaliser un travail chez une de nos clientes le lundi 1er décembre 2003.

Alors que celui-ci avait été vu par vous, sur le chantier même et que vous nous aviez communiqué le coût de l'intervention ainsi que votre disponibilité pour le réaliser (soit les 1er et 2 décembre 2003). Cette attitude est intolérable. Ainsi nous vous demandons par la présente, de ne plus intervenir sur les chantiers qui vous ont été programmés ; ainsi que vos interventions sur les SAV qui vous incombent ; à l'exception du chantier de Mme Legues, sur lequel vous vous êtes déplacé, malgré notre message téléphonique du lundi 1er décembre 2003 dans lequel nous vous demandions de cesser toute activité pour le compte de notre société ".

Attendu que par jugement du 26 novembre 2007, le Tribunal de commerce de Toulouse, saisi par assignation du 21 février 2007 a débouté M. Panebianco de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce et en paiement de solde de factures et l'a condamné à payer à la société la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts outre celle de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Attendu que par déclaration du 19 décembre 2007, M. Panebianco a relevé appel de ce jugement.

Attendu que par conclusions du 14 avril 2008, M. Panebianco demande à la cour:

- d'infirmer le jugement,

- de condamner la société à lui payer la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale établie, celle de 1 754,59 euro, pour solde de factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mai 2004 outre celle de 1 500 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Que soutenant que la société avait exigé de lui la signature d'un contrat constituant un véritable contrat d'adhésion, les prix des travaux lui étant imposés, sans que cette société signe elle-même cette convention, M. Panebianco expose qu'il a effectué pendant près de trois ans différentes missions de métrage ou de pose d'éléments commandés par les clients auprès de la société ; qu'à compter de l'année 2003, la société l'a contraint de rétrocéder 10 % du montant de ses factures tandis qu'il a été sollicité à plusieurs reprises pour effectuer des prestations non rémunérées ; que la société a résilié des commandes de chantiers sans le moindre préavis et sans motifs avérés avant de rompre brutalement les relations contractuelles.

Qu'il fait valoir que la société a rompu ces relations de façon abusive et a refusé de façon injustifiée de lui régler certaines factures.

Attendu que par conclusions responsives du 23 mars 2009, la société demande à la cour de rejeter les demandes adverses et de condamner M. Panebianco à lui payer la somme de 5 100 euro à titre de dommages et intérêts outre celle de 2 800 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Qu'exposant que les parties étaient l'une et l'autre engagées dans le cadre d'un contrat signé le 20 novembre 2001, dénommé " contrat de service de pose ", dont les prestations réciproques étaient équilibrées, la société soutient que la rupture du contrat est justifiée par les malfaçons et manquements de M. Panebianco aux règles de l'art, qui ont compromis la réputation de la société; que tout en soulignant que le préjudice subi par M. Panebianco n'est pas justifié, la société conteste être redevable d'un solde de factures.

Attendu qu'elle demande par ailleurs réparation de son préjudice correspondant au coût d'achèvement de travaux que devait effectuer M. Panebianco ou à la reprise de malfaçons imputables à celui-ci.

Attendu que la clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 15 mars 2010.

Motifs :

Attendu que M. Panebianco a signé le 20 novembre 2001 un contrat dénommé " contrat de service de pose " définissant le cadre des relations liant la société Schmidt à son sous-traitant, précisant les modalités des interventions du poseur et les conditions de règlement des prestations; qu'à ce contrat était annexé un cahier des charges, signé par M. Panebianco et précédé de la mention " lu et approuvé ", disposant, notamment, que le sous-traitant est tenu après son intervention de laisser le chantier dans un état de propreté convenable chaque fin de journée, de livrer, en fin de chantier, un ensemble " dans un état de propreté impeccable " et précisant que si " certains nettoyages étaient nécessaires après le départ du sous-traitant ", le service de nettoyage mis en œuvre par la société serait aux frais du poseur ; que la clause " collaboration " du cahier des charges précisait en outre qu'en contrepartie du courant d'affaire apporté par la société, le tarif de pose incluait tous les services après-vente nécessaires à la satisfaction du client, quelles qu'en soient les causes et suivant le planning fourni par le magasin.

Attendu qu'en dépit de l'absence de signature de la société, cette convention, dont toutes les pages ont été paraphées par M. Panebianco, n'a jamais été dénoncée par celui-ci durant les deux années de collaboration avec la société ; que M. Panebianco a utilisé et fait remplir les certificats de fin de travaux, établis par la société, conformément aux termes du contrat. Qu'ainsi, l'acte du 20 novembre 2001 constitue le fondement contractuel régissant les liens entre les parties; que d'ailleurs, le tribunal a relevé que cette situation avait été confirmée par M. Panebianco lui-même devant le juge des référés.

Attendu que cette convention, qui a été librement acceptée par les deux parties, qui ne contraignait pas M. Panebianco à effectuer des prestations gratuites au profit de la société, hormis la pose éventuelle de matériel d'exposition à raison " de deux modèles maximum par an ", ni ne contenait de clause d'exclusivité ou d'obligation de non-concurrence, ne plaçait pas M. Panebianco dans une situation de dépendance économique; que cette allégation est d'ailleurs contredite par les attestations émanant de M. Cazerolles et de M. Garrigues, gérant de la société Alvica, établissant que M. Panebianco travaillait à la pose de cuisines et de modules de salles de bain pour le compte d'autres donneurs d'ordre.

Attendu qu'il ressort de l'attestation de M. Delcamp qu'à l'occasion du chantier de M. Stravicinu, M. Panebianco a omis de prendre des mesures de protection de sorte que l'ensemble des meubles du client ont été recouverts de poussière puis a abandonné le chantier au prétexte qu'il était trop compliqué pour lui de sorte que la société a été contrainte de recourir, d'un côté, à une entreprise de nettoyage, de l'autre à un sous-traitant différent pour réaliser la pose de la cuisine ; que M. Le Du relate de son côté que le 20 janvier 2004, il s'est plaint auprès de la société de la mauvaise qualité des prestations exécutées par M. Panebianco, lequel dénigrait la qualité du matériel de la société, et de l'agressivité de celui-ci, qui, selon lui, l'aurait frappé sans l'intervention de son épouse et de l'assistant de M. Panebianco. Que M. Sartor a constaté une fuite affectant le tuyau d'arrivée d'eau d'un lave-vaisselle, qui n'avait pas été correctement revissé, à la suite de l'installation d'une cuisine réalisée du 17 au 20 avril 2002 par M. Panebianco lequel n'est revenu au domicile du client qu'après deux rendez-vous non honorés par l'artisan. Que la société justifie par ailleurs de la mauvaise qualité des prestations exécutées par M. Panebianco sur plusieurs chantiers nécessitant la reprise des travaux (chantier Bry du 24 avril 2002, Bisiaux, Dadou, Thomas-Bertrand et Corthois).

Attendu que même si la société a accepté le 9 décembre 2003, à la suite d'une conversation téléphonique avec M. Panebianco, que celui-ci intervienne sur trois chantiers, soit les chantiers Parent, Le Du et Bornant, cela ne réduit pas la portée de la lettre de rupture du 5 décembre 2003.

Attendu en effet, qu'au regard des multiples défauts d'exécution imputables au sous-traitant, de la nécessité de reprendre les travaux de pose, de l'abandon d'un chantier et du refus d'exécuter la pose d'une cuisine et de l'atteinte ainsi portée à son image commerciale, la société était fondée à rompre sans préavis les relations commerciales l'unissant à M. Panebianco conformément à l'article L. 442-6, 5°, du Code de commerce, la poursuite des relations contractuelles étant rendue impossible par les fautes commises par le sous-traitant ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale établie.

Attendu qu'en ce qui concerne le montant des factures impayées, il ressort de l'examen des pièces produites aux débats que la somme de 662,11 euro due au titre des chantiers Valade, Le Du et Parent correspond à une retenue effectuée par la société pour les travaux de remise en état qui devaient rester à la charge du sous-traitant, en vertu des clauses contractuelles.

Attendu, pareillement que les factures établies au titre des chantiers Sartor et Beuste correspondent à des reprises de malfaçons dont le coût incombait au sous-traitant tandis que la facture Charpentier entre dans le cadre du service après-vente (réglage d'un mécanisme d'ouverture de portes).

Attendu, en revanche que si le technicien de vente de la société devait remettre au sous-traitant un dossier complet comprenant le document de contrôle des métrés, il apparaît que M. Panebianco a été conduit à effectuer les contrôles de métrés pour les chantiers Lopez, Dudziak et Carrera dont le coût global s'élève à 173,86 euro. Cette somme reste due par la société outre les intérêts au taux légal ayant couru à compter du 25 mai 2004.

Attendu qu'au regard des circonstances de la rupture des relations commerciales, la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive formée par M. Panebianco sera rejetée.

Attendu que le préjudice subi par la société contrainte de faire appel à d'autres entreprises pour effectuer des travaux de remise en état ou pour remplacer M. Panebianco a exactement été évalué par le tribunal à la somme de 2 000 euro ; la demande complémentaire formée de ce chef par la société sera rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. Panebianco en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive de la relation commerciale et a condamné celui-ci à payer à la société Cuisines Schmidt la somme de 2 000 euro à titre de dommages et intérêts outre celle de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile; L'infirmant pour le surplus, Condamne la société Cuisines Schmidt à payer à M. Panebianco la somme de 173,86 euro pour solde de factures avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2004; Ordonne la compensation des sommes dont chacune des parties est réciproquement redevable; Déboute M. Panebianco du surplus de sa demande en paiement de solde de factures et de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Panebianco et de la société Cuisines Schmidt; Condamne M. Panebianco aux entiers dépens de l'instance.