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Décisions

CA Douai, président, 10 mars 2011, n° 10-08030

DOUAI

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Dalkia (Sté)

Défendeur :

Direccte du Nord Pas de Calais, Pôle Concurrence, Consommation, Répression des Fraudes et Métrologie Légale

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charbonnier

Avocat :

Me Rameau

TGI Lille, JLD, du 21 mai 2010

21 mai 2010

Attendu que la société Dalkia France a, aux termes d'une déclaration reçue au greffe du Tribunal de grande instance de Lille le 11 juin 2010, formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie effectuées le 3 juin 2010 sur les sites de Saint André Lez Lille, Amiens et Henin Beaumont par le Pôle Concurrence, Consommation, Répression des Fraudes et Métrologie Légale de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (Direccte) du Nord-Pas de Calais, lesquelles opérations avaient été autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Lille du 21 mai 2010 ayant donné commission rogatoire aux juges des libertés et de la détention des Tribunaux de grande instance d'Amiens et de Béthune d'exercer leur contrôle sur celles des mesures qui devaient se dérouler dans le ressort de leur juridiction ;

Attendu qu'à l'appui de son recours, la société Dalkia observe que les opérations de visite et saisie qui se sont déroulées dans ses locaux de Saint André Lez Lille ont, en violation de l'article L. 450-4 du Code du commerce, été pour partie effectuées en l'absence d'un officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de son représentant ; que quant aux visites et saisies effectuées dans les locaux Dalkia à Amiens, elles se sont déroulées sans que les ordonnances des juges des libertés et de la détention de Lille et Amiens aient été valablement notifiées à l'occupant des lieux et alors que celui-ci, absent, n'était pas régulièrement représenté ; qu'en outre les inspecteurs des Direccte de Picardie et de Lorraine venus prêter leur concours aux visites et saisies menées sur Saint André Lez Lille et Amiens n'avaient pas été désignés par les autorités qui se trouvaient en fonction au moment de ces opérations ; qu'enfin, ont été illégalement saisis dans la messagerie électronique et dans les fichiers électroniques contenus par le disque dur de l'ordinateur de deux employés du site de Saint André Lez Lille, des documents couverts par le secret qui s'attache aux correspondances échangées par un avocat et son client ;

Attendu que la société Dalkia France réclame, par suite, l'annulation des actes irréguliers commis sur le site de Saint André Lez Lille et de l'ensemble des visites et saisies opérées sur le site d'Amiens ainsi que, par voie de conséquence, la restitution des pièces injustement saisies ;

Attendu que la Direccte du Nord-Pas de Calais conclut au rejet des demandes en nullité et restitution des pièces, à l'exception de la restitution des fichiers "Modifications apportées par NC.doc" du 24 mars 2009 (ordinateur de Mme E.) et du message électronique de Nadia C. à destination de Serge B. et Yvette D. du 13 novembre 2003 ayant pour objet " Ville de Beuvry " (messagerie de M. C.) " dont elle ne conteste pas qu'ils soient couverts par le secret des correspondances échangées entre avocat et client ;

Attendu, sur les opérations conduites à Saint André Lez Lille, qu'il ressort du procès-verbal qui les relate que les cinq agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, commis pour y procéder, arrivés sur place à 9 heures 30, ont, après notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Lille, et après désignation des représentants de l'occupant des lieux et apposition de scellés sur la porte des bureaux à examiner, procédé ensemble, en la présence de Jean-Pierre P., officier de police judiciaire et celle des représentants de l'occupant des lieux, Jean-Pascal B. et Jean-Albert S., à la visite du bureau du directeur régional de Dalkia Nord, Bernard L. ; que dans la suite de ces premières investigations, les agents se transportaient dans le bureau du directeur régional du Centre Lille métropole, du nom d'Hasbrouck, où trois d'entre eux, Aurélie L., Julien D. et Axel B., visitaient le local et saisissaient des documents tandis que leurs deux collègues, Vanessa R. et Christine G., procédaient à la fouille sommaire de l'ordinateur du même Hasbrouck ; qu'un second officier de police judiciaire les ayant rejoints à 12 heures 40, les agents enquêteurs se scindaient alors en deux équipes, l'une composée d'Aurélie L., Julien D. et Axel B., accompagnée de l'officier de police judiciaire P. et de Jean-Albert S., représentant de l'occupant des lieux, et, l'autre, constituée de Vanessa R. et Christine G., assistée de l'officier de police judiciaire Martinez et de Jean-Pascal B., représentant de l'occupant des lieux ; que la première équipe visitait les bureaux et la seconde examinait un par un les postes informatiques de Dalkia Nord ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient la société Dalkia, le fait que le procès-verbal ne mentionne pas à nouveau la présence de l'officier de police judiciaire P. et celle des deux représentants de l'occupant des lieux lors de la visite du bureau Hasbrouck ne saurait signifier que les opérations effectuées dans ce local, qui s'inscrivaient sans solution de continuité dans le prolongement immédiat de la visite du premier bureau L., se seraient déroulées en l'absence des officiers de police judiciaire et représentants de l'occupant des lieux présents au commencement de la mesure ; qu'au surplus Jean-Albert S. et Jean-Pascal B., si au moment de signer le procès-verbal ils ont tenu à émettre par écrit un doute sur la pertinence des saisies, n'ont en revanche, lors de la clôture des opérations, formulé aucune observation sur un empêchement temporaire qui les aurait tenus éloignés de celles-ci ou sur l'impossibilité où ils se seraient trouvés d'exercer leur contrôle sur certaines phases de la visite dont ils auraient été écartés ;

Attendu, sur les opérations menées à Amiens, que la société Dalkia dénie la régularité de la notification des ordonnances des juges des libertés et de la détention de Lille et Amiens faite à Marjory G., assistante de direction par intérim, aux motifs que cette employée qui n'était pas l'occupant des lieux visé par l'article L. 450-4 du Code du commerce, n'avait pas davantage la qualité de son représentant, faute d'avoir été munie d'une procuration la désignant à cet effet ; qu'elle relève en outre que, du moment que l'occupant des lieux n'avait pas reçu notification des ordonnances autorisant les mesures de visite et de saisie, ces décisions auraient dû, conformément à l'article L. 450-4, alinéa 5, du Code du commerce, lui être notifiées après les opérations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ce qui n'a pas été fait en l'espèce ;

Attendu cependant que selon les procès-verbaux de notification et de visite, les enquêteurs ont été reçus par " Madame G. Marjory, assistante de direction par intérim, en l'absence de Mme Maryvonne B., assistante de direction, et de M. Claude N., directeur du centre régional de Picardie "; qu'à aucun moment Marjory G. n'a mis en doute sa qualité d'occupant des lieux ou de représentant de celui-ci, réclamant même copie des documents saisis ; qu'elle a signé en cette qualité le procès-verbal de notification ; que Claude N., alors que les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes s'étaient présentés dans les locaux de la société Dalkia France à Amiens à 9 heures 45, heure d'établissement du premier procès-verbal, est arrivé à 12 heures 35 sur les lieux et a assisté sans interruption à la suite des opérations de visite et de saisie jusqu'à leur clôture à 18 heures 45; qu'il a lui-même apposé sa signature sur le procès-verbal de visite à côté de celle de Marjory G., désignée dans le corps de cet acte comme "représentante de l'occupant des lieux", et s'est fait également remettre la copie de l'ensemble des documents saisis ;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que la notification des ordonnances dont il s'agit a été valablement effectuée à la personne de Marjory G., présente sur les lieux de la visite domiciliaire au moment où celle-ci a débuté, sans qu'une nouvelle notification par voie postale ait été ultérieurement nécessaire à l'adresse de son directeur, Claude N. ;

Attendu que la société Dalkia France rappelle que des inspecteurs de la Direccte de Picardie et de Lorraine ont participé aux opérations de visite effectuées le 3 juin 2010 à Saint André Lez Lille et Amiens ; que tel était le cas à Saint André Lez Lille de Vanessa R. et de Christine G. agissant "sous l'autorité de Mme Nathalie Q., chef par intérim du pôle concurrence, consommation, répression et métrologie légale de la Direccte de Lorraine", et à Amiens de Philippe B. placé, lui, "sous l'autorité de M. Constant S., chef par intérim du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie au sein de la Direccte de Picardie " ; que, toutefois, antérieurement à ces mesures, Nathalie Q. avait été nommée par arrêté du ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi du 1er juin 2010, responsable du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la Direccte de Picardie ; que, par suite, tant Nathalie Q. que Constant S., lequel avait nécessairement libéré son poste à la Direccte de Picardie pour que sa collègue puisse désormais l'occuper, n'exerçaient plus, au moment des visites, les fonctions leur donnant autorité sur les agents enquêteurs qu'ils avaient désignés ;

Attendu que dans son ordonnance du 21 mai 2010, le juge des libertés et de la détention de Lille a nommé, pour apporter leur concours au chef par intérim du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie de la Direccte du Nord-Pas de Calais, autorisé par lui à procéder aux visites et saisies en litige, " Monsieur Constant S. chef par intérim au pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie au sein de la Direccte de Picardie " et " Madame Nathalie Q., chef de la brigade interrégionale des enquêtes concurrence Lorraine, Alsace, Champagne Ardennes, chef par intérim du pôle concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie au sein de la Direccte de Lorraine " ; que Nathalie Q. et Constant S. étaient toujours en fonctions dans leurs circonscriptions respectives de Lorraine et de Picardie lorsqu'ils ont, par actes des 28 et 31 mai 2010, désigné, la première Vanessa R. et Christine G. et, le second, Philippe B., enquêteurs placés sous leur autorité, pour effectuer les visites et saisies de documents suivant les modalités prescrites par l'ordonnance du 21 mai précédent ;

Attendu que les griefs formulés par la société Dalkia France relativement à la désignation des agents des Direccte de Lorraine et de Picardie n'apparaissent, dans ces conditions, pas fondés ;

Attendu, sur la demande en restitution de pièces, que la société Dalkia France expose en premier lieu que la messagerie informatique de Guillaume C. saisie dans les locaux de Saint André Lez Lille sous la forme de fichiers électroniques enregistrés sur un CD-ROM constitutif du scellé n°8 contiennent une consultation de Me Nadia C., avocat, au sujet d'un marché susceptible d'être reconduit, et la retranscription par un salarié de Dalkia d'un conseil fourni en matière juridique par ce même avocat relativement à l'opportunité de recourir à une procédure judiciaire ; que le caractère confidentiel de ces documents, qui trouve un fondement dans le principe de la libre défense institué par l'article 66-5, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971, commande la destruction du fichier Inbox.dbx enregistré sur le scellé n°8 ; qu'en second lieu, plusieurs fichiers informatiques contenus sur le disque dur de l'ordinateur d'une dame E. ont été saisis à Saint André Lez Lille et enregistrés sur un CD-ROM placé sous scellé n°9 ; qu'ils comprennent des notes internes, retranscrivant les analyses d'un contrat faites par Me C., un projet de contrat modifié par Me C. également et plusieurs versions d'un courrier auxquelles cet avocat a travaillé avec sa cliente ;

Attendu que la Direccte ne s'oppose pas à la destruction du message électronique émané de Me C., saisi sur la messagerie de Guillaume C., qui a pour objet " Ville de Beuvry " ; que le message reçu par Guillaume C. d'un collègue de la société Dalkia le 4 novembre 2004, qui traite de l'éventualité d'un " référé précontractuel ", porte seulement la mention " après lecture des documents et en avoir parlé à l'un de nos conseils " ; que cette formule n'est pas suffisamment explicite pour caractériser une correspondance couverte par le secret ;

Attendu, quant au contenu de l'ordinateur E., que la Direccte ne discute pas qu'elle doive détruire le fichier "Modification apportées par NC.doc" du 24 mars 2009 ; que les autres fichiers consistent en des notes internes aux services de Dalkia France ou en des correspondances adressées par cette société au maire de Mons-en-Barœul ; que ces courriers, même si le nom de Me Nadia C. y apparaît et s'il y est fait allusion ou référence au point de vue de celle-ci, et quand bien même sont-ils intervenus dans le suite d'une collaboration de l'avocat avec la société Dalkia, ne sauraient s'entendre comme de consultations adressées par ce conseil à son client ou de correspondances échangées entre eux ; qu'ils n'entrent donc pas dans le champ de l'obligation au secret professionnel défini par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Attendu que les visites domiciliaires et saisies pratiquées sur le site de Henin Beaumont ne sont, quant à elles, pas critiquées ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement ; Disons que la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (Direccte) du Nord-Pas de Calais restituera à la société Dalkia France : 1) les fichiers " Modifications apportées par NC.doc " du 24 mars 2009 en provenance de l'ordinateur E. à Saint André Lez Lille et 2) le message électronique de Me Nadia C., avocat, à destination de Serge B. et Yvette D. du 13 novembre 2003 ayant pour objet " Ville de Beuvry ", en provenance de la messagerie de Guillaume C. à Saint André Lez Lille ; Ordonnons à la Direccte de procéder, en présence des personnes intéressées ayant assisté aux opérations de saisie et sous le contrôle des juges des libertés et de la détention des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels ces opérations ont eu lieu, à l'élimination des fichiers et message précités, couverts par le secret professionnel, puis à la réinscription des données restantes sur un CD-ROM non réinscriptible dont copie sera laissée à la société Dalkia France ; Déboutons la société Dalkia France, comme non fondée, du surplus de ses contestations ; Condamnons la société Dalkia France aux dépens.