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Décisions

CA Rennes, 8e ch. prud'homale, 4 décembre 2008, n° 07-07606

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mémo Utile (SARL)

Défendeur :

Arnoult (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boivin

Conseillers :

Mmes L'Henoret, Legeard

Avocats :

Mes Coroller, Tessier

Cons. prud'h. Quimper, du 29 nov. 2007

29 novembre 2007

Madame Arnoult a été embauchée par la société Mémo Utile le 16 octobre 2003 en qualité de collaborateur indépendant;

Le 1er février 2004 elle a signé avec la société Mémo Utile un contrat de VRP exclusif à durée indéterminée, section Finistère.

Un différend quant au paiement du salaire minimum conventionnel va opposer les parties en février 2006.

Le 10 avril Madame Arnoult a saisi le Conseil de prud'hommes de Quimper de la demande de résiliation judiciaire du contrat de VRP aux torts de la société Mémo Utile.

Par jugement du 29 novembre 2007, le conseil de prud'hommes a constaté le licenciement au 6 juillet 2006, débouté Mme Arnoult en sa demande de résiliation du contrat de travail, condamné la société Mémo Utile à verser à Madame Arnoult:

- 16 729,35 euro au titre des rappels de salaires du 1er février 2004 au 31 décembre 2005.

- 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Mémo Utile a interjeté appel le 14 décembre 2007.

Prétentions et moyens des parties

La société Mémo Utile dans ses écritures développées à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé complet des moyens sollicite la réformation du jugement, le débouté de l'appel incident des consorts Arnoult.

Elle forme une demande de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel elle soutient que:

- la convention collective VRP exclut de son application les VRP engagés à titre exclusif, n'exerçant qu'une activité réduite à temps partiel.

- la notion d' " emploi à temps " exclut les VRP, bien qu'engagés à titre exclusif n'exerçant qu'une activité réduite à temps partiel, qui n'a pas droit à la rémunération minimale du VRP.

- le contrat de travail de Madame Arnoult prévoit une rémunération à la commission sur les sommes encaissées, fixe un chiffre d'affaires minimum à réaliser par mois avec possibilité de compensation le mois suivant faute de quoi l'employeur est fondé à considérer que le salarié travaille à temps partiel.

- Mme Arnoult ayant effectivement réalise des quotas inférieurs à ceux exigés pour un VRP à temps plein, s'est elle-même placée dans le cadre d'un contrat de VRP à temps partiel ; elle a des temps d'inactivité importants.

- il n'y a pas eu modification du contrat de travail.

- Mme Arnoult s'est engagée en connaissance de cause, sa rémunération n'a pas été diminuée sous prétexte de son activité réduite.

- elle ne peut prétendre au versement d'un salaire minimum garanti depuis 2004, réclamation qu'elle n'avait jamais formulée avant février 2006.

- fin mars 2006 les acomptes versés étaient supérieurs aux commissions de 1 403,80 euro, somme qui n'a pas été remboursée à ce jour.

- Madame Arnoult a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise, a été licenciée le 6 juillet 2006, licenciement non contesté.

- le départ de la salariée met fin à l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail.

- les commissions ont toujours été régulièrement payées selon relevés des commissions par versement d'acomptes sur salaires.

- les frais de déplacement étaient régulièrement réglés; Madame Arnoult a subi les visites médicales conformément aux prescriptions de la loi.

Les consorts Arnoult pris en leur qualité d'héritiers de Madame Arnoult, décédée, intervenant volontairement en cause d'appel, sollicitent la confirmation partielle du jugement sur le rappel de salaires et congés payés, se désistent de la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, donnent acte à la société Mémo Utile du versement de 306,40 euro, au titre des frais de visite médicale, sur appel incident sollicitent le prononcé de la résiliation judiciaire au 10 avril 2006 qui produit tous les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse; ils sollicitent condamnation de la société Mémo Utile à verser:

- 16 729,35 euro au titre du rappel de salaires

- 4 173 euro à titre d'indemnités de préavis + 417,30 euro à titre de congés payés afférents.

- 12 000 euro à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail.

- 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils répliquent que:

- l'employeur a placé Mme Arnoult dans l'impossibilité d'exercer normalement ses fonctions notamment à compter du 17 février 2006 ; en faisant droit au rappel de salaires sur la base du smic, le conseil de prud'hommes a nécessairement constaté que l'employeur était responsable d'un manquement majeur à ses obligations;

- le contrat initial de VRP était exclusif, nécessairement à plein temps, sans référence à quelque horaire;

- la société Mémo Utile n'a jamais remis en cause le plein temps du contrat en proposant d'instaurer un temps partiel;

- aucune remarque n'a été formulée quant à une insuffisance de prospection d'activité;

- les salaires étaient versés en fonction des encaissements, non de manière régulière;

- la diminution de la rémunération minimale forfaitaire sous prétexte d'une activité réduite est constitutive d'une sanction pécuniaire, prohibée par l'article L. 122-4-2° du Code du travail.

- la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur étant antérieure au licenciement elle ne pouvait être écartée au motif d'un licenciement ultérieur.

Discussion

Attendu qu'il est de jurisprudence constante que lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et ce que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, dans le cas contraire il doit se prononcer sur le licenciement;

Attendu que Madame Arnoult a été engagée en qualité de VRP exclusif;

Que l'article 6 du contrat de travail stipule la réalisation d'un chiffre d'affaires mensuel au moins égal à 4 600 euro, au cas où ce chiffre minimum n'est pas réalisé au cours d'un mois, sans toutefois qu'il soit inférieur à 3 200 euro, le salarié est tenu le mois suivant de réaliser le chiffre d'affaires manquant en sus du chiffre du mois; qu'il est ajouté que si le salarié ne compense pas le chiffre manquant, l'employeur est fondé à considérer que le salarié travaille à temps partiel.

Que la société Mémo Utile en déduit que Madame Arnoult en choisissant d'effectuer des quotas inférieurs à ceux exigés par un VRP à temps complet, s'est placée dans le contrat de VRP à temps partiel.

Attendu que toutefois il est de jurisprudence constante, qu'en l'absence de contrat écrit prévoyant expressément que le VRP exécute son activité à temps partiel, celui-ci est présumé travailler à temps complet, l'employeur devant rapporter la preuve contraire.

Que la Cour de cassation dans un arrêt du 5 juin 2001 a jugé que la mention de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail devait figurer dans le contrat du VRP pour que celui-ci soit reconnu à temps partiel;

Que force est de constater que le contrat de travail de VRP exclusif de Madame Arnoult ne contenait aucune mention sur la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail ;

Qu'il convient de souligner que dans les contrats de VRP la notion d'exclusivité est synonyme d'exercice d'une activité à temps plein, alors que seul le temps partiel permet de travailler pour le compte d'un autre employeur;

Que dans ces conditions le contrat de VRP exclusif de Madame Arnoult était manifestement à temps plein, et d'ailleurs considéré tel pour la société Mémo Utile;

Qu'ainsi sur les bulletins de salaires jusqu'en octobre 2004, puis en octobre et décembre 2005, la société Mémo Utile a mentionné une durée de travail de 151,67 heures;

Qu'il est encore de jurisprudence constante que le VRP engagé à titre exclusif ne peut se voir imposer de travailler à temps partiel, ce qui rend caduque la clause de l'article 6 du contrat de travail;

Attendu que l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP, dispose que le VRP à titre exclusif, bénéficie d'une rémunération minimale conventionnelle à condition qu'il travaille à temps plein et pour un seul employeur;

Qu'en l'espèce il résulte des éléments de la cause que Madame Arnoult a exercé une activité de VRP exclusif pour le compte de la société Mémo Utile, sans que soit même sérieusement allégué qu'elle aurait pu travailler pour le compte d'un autre employeur;

Attendu que Madame Arnoult était bien fondée à sa demande de règlement de la différence entre le salaire minimum garanti et les salaires réellement perçus soit la somme de 16 729,35 euro;

Attendu que le non-paiement de la rémunération minimum garantie par la convention collective constitue un manquement de la société Mémo Utile à ses obligations et justifie la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 10 avril 2006, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs;

Que la résiliation judiciaire ainsi prononcée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

Qu'en conséquence la société Mémo Utile est tenue du paiement d'une indemnité de préavis de 3 mois, soit 4 173 euro outre les congés payés afférents;

Que compte tenu de la durée du contrat de travail de plus de 2 ans au moment de la rupture, il convient de fixer à la somme de 10 000 euro le montant des dommages-intérêts ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser aux consorts Arnoult la charge des leurs frais irrépétibles en cause d'appel qui seront indemnisés par la somme de 2 000 euro;

Par ces motifs, LA COUR, - Donne acte aux consorts Arnoult de leur intervention volontaire. - Confirme le jugement rendu le 29 novembre 2007 en ce qu'il a condamné la société Mémo Utile au paiement de la somme de 16 729,35 euro à titre de rappel de salaires. - Prononce la résiliation judiciaire du contrat de VRP à la date du 10 avril 2006, aux torts de la société Mémo Utile. - Donne acte aux consorts Arnoult de leur désistement d'indemnité conventionnelle de licenciement et remboursement des frais de visite médicale. - En conséquence condamne la SARL Mémo Utile à verser aux consorts Arnoult, ayants droit de Madame Arnoult les sommes de : - 16 729,35 euro à titre de rappel de salaires avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement. - 4 173 euro à titre d'indemnité compensatoire de préavis outre 417,30 euro à titre de congés payés afférents. - 10 000 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. - 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. - La condamne aux dépens.