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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 10 mars 2011, n° 10-00882

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lisebau (SARL), Ricci-Burtin

Défendeur :

Atol (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Poinseaux, M. Testut

Avoués :

SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod

Avocats :

Mes Sannier, Chaumard

T. com. Nanterre, 6e ch., du 12 sept. 20…

12 septembre 2007

Vu la communication de l'affaire au Ministère public en date du 26 août 2010 ;

Vu le jugement rendu le 12 septembre 2007 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a:

* débouté la société Lisebau et Mme Ricci de leurs demandes,

* a débouté la société Atol de ses demandes de nullité de l'expertise de M. Simoens et de nouvelle expertise,

* a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

* a condamné in solidum la société Lisebau et Mme Ricci aux dépens y compris les frais d'expertise;

Vu l'arrêt rendu le 19 juin 2008 par la Cour d'appel de Versailles, qui infirmant le jugement entrepris :

* a prononcé la nullité du rapport d'expertise en date du 12 avril 2007 de M. Simoens,

* a condamné la société Atol à payer à la société Lisebau la somme de 100 000 euro et à Mme Ricci la somme de 40 000 euro à titre de dommages et intérêts,

* a condamné la société Atol à payer à la société Lisebau et à Mme Ricci la somme de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* a dit n'y avoir lieu à application du même texte au bénéfice de la société Atol,

* a condamné la société Atol aux dépens des deux instances, avec distraction pour ceux d'appel;

Vu l'arrêt du 27 octobre 2009, par lequel la Cour de cassation, sur le pourvoi formé par la société Atol, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 juin 2008, par la Cour d'appel de Versailles, remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel de Versailles autrement composée;

Vu la déclaration de la société Lisebau et Mme Ricci, en date du 4 février 2010, saisissant la juridiction de renvoi ;

Vu les dernières écritures en date du 30 décembre 2010, par lesquelles la société Lisebau et Mme Ricci, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise sur le rejet de leurs demandes et leur condamnation aux dépens, demandent à la cour :

* de déclarer la société Lisebau mal fondée en son appel incident,

* de confirmer le jugement sur le rejet des demandes de la société Atol de nullité de l'expertise et de contre-expertise,

* de condamner la société Atol à verser à la société Lisebau la somme de 103 000 euro en réparation du préjudice subi à raison de ses fautes, tous postes confondus,

* de condamner la société Atol à verser à Mme Ricci la somme de 135 970 euro en réparation du préjudice subi à raison de ses manquements, tous postes confondus,

* de condamner la société Atol à payer à la société Lisebau et Mme Ricci la somme de 15 000 euro chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens exposés dans le cadre de l'expertise, devant le tribunal, dans le cadre de la première instance d'appel et après cassation, avec distraction pour ceux d'appel;

Vu les dernières écritures en date du 8 juin 2010, aux termes desquelles la société Atol, prie la cour, au visa des articles 9, 119 et 175 du Code de procédure civile, 1315 alinéa 1 du Code civil, L. 110-3 du Code de commerce, 6 de la loi du 29 juin 1971 modifié par la loi du 11 février 2004, de recevoir son appel incident, de réformer cette décision et :

* de débouter la société Lisebau et Mme Ricci de leur appel,

* de juger que M. Simoens n'est pas inscrit sur la liste des experts, n'a pas prêté serment pour la mission qui lui a été confiée et de juger nul le rapport qu'il a déposé,

* si nécessaire, d'ordonner une nouvelle expertise, aux frais avancés par la société Lisebau et Mme Ricci,

* de condamner in solidum la société Lisebau et Mme Ricci à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance,

* de confirmer le jugement pour le surplus,

* de débouter la société Lisebau et Mme Ricci de toutes leurs demandes,

* de condamner in solidum la société Lisebau et Mme Ricci à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise, avec distraction pour ceux d'appel;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :

* Le 14 juin 2003, la société Atol a présenté à Mme Ricci, qui avait répondu à une annonce de cession d'un fonds de commerce d'optique à Lyon, une étude de faisabilité incluant sa rémunération, et une étude financière pour le rachat du magasin, son agrandissement par celui du droit au bail sur les locaux voisins et son passage à l'enseigne Atol;

* au début de l'année 2004, Mme Ricci a créé la société Lisebau, laquelle a contracté un crédit de 257 330 euro et financé les investissements d'achat du magasin d'optique pour un montant de 76 000 euro, du commerce voisin d'un coût de 25 000 euro, puis des travaux d'aménagement d'environ 100 000 euro;

* le 20 avril 2004, un contrat intitulé informations précontractuelles a été formalisé entre les parties;

* au mois de décembre 2004, Mme Ricci a alerté la société Atol sur l'insuffisance du chiffre d'affaires, puis, a sollicité au début de l'année 2006 une étude de la chambre de commerce de Lyon, laquelle a conclu à la surévaluation de la zone de chalandise;

* le 3 juillet 2006, le chiffre d'affaires n'ayant atteint que 45 % du montant prévu à l'étude de faisabilité, Mme Ricci a obtenu du président du Tribunal de commerce de Lyon la désignation d'un expert, M. Simoens, lequel a conclu à la surévaluation du potentiel par la société Atol et à l'indemnisation de la société Lisebau à hauteur de 132 500 euro au titre de l'investissement et de Mme Ricci pour 56 000 euro au titre de la perte de revenus au 31 mars 2007;

* par acte d'huissier de justice en date du 15 mai 2007, la société Lisebau et Mme Ricci ont assigné la société Atol devant le Tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'indemnisation de leur préjudice, et la société Atol a soulevé la nullité de l'acte introductif d'instance et de l'expertise, puis a conclu au rejet des demandes;

* le 9 décembre 2008, la société Lisebau a cédé son fonds de commerce au prix de 50 000 euro;

Sur la nullité du rapport d'expertise :

Considérant que la société Atol soulève la nullité du rapport d'expertise de M. Simoens, au visa de l'article 175 du Code de procédure civile, au motif de son défaut d'inscription sur la liste d'une cour d'appel et de l'absence de prestation de serment lors de sa désignation, constituant une irrégularité de fond au sens de l'article 119 du Code de procédure civile, s'analysant en une absence d'acte et entraînant la nullité du rapport déposé;

Considérant que la société Lisebau et Mme Ricci demandent la confirmation du rejet par le tribunal de commerce de la demande de nullité du rapport, l'absence de prestation de serment constituant un vice de forme régi par l'article 114 du Code de procédure civile, devant être soulevé avant toute défense au fond, ne pouvant entraîner la nullité qu'en application d'un texte et en cas de grief;

Considérant que la validité des actes de procédure est affectée par les vices de forme faisant grief ou par les irrégularités de fond résultant de l'énumération limitative de l'article 117 du Code de procédure civile ;

Que le défaut de prestation de serment d'un expert, ne figurant pas au nombre de ces irrégularités de fond, constitue un vice de forme dont la nullité, aux termes de l'article 114 dernier alinéa du Code de procédure civile, ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public;

Qu'en l'espèce, les opérations d'expertise ont été menées au contradictoire de la société Atol, laquelle y a été représentée et mise à même de formuler des dires et observations; que le rapport de M. Simoens a, de même, été soumis à la discussion de toutes les parties, devant le tribunal de commerce et la cour;

Que la société Atol ne démontre pas le grief, dont la preuve lui incombe, causé par l'absence de prestation de serment de l'expert et le rejet de la demande de nullité du rapport d'expertise sera confirmé;

Sur la qualification du contrat :

Considérant que la société Lisebau et Mme Ricci exposent que les relations contractuelles entre les parties ont consisté, en un premier temps et préalablement à l'acquisition du fonds de commerce, dans l'engagement de la société Atol à fournir informations et conseils relatifs à son financement, à son investissement et à son développement, moyennant l'obligation pour Mme Ricci, en cas d'acquisition, d'exploiter le fonds sous l'enseigne Atol et d'y adhérer, et, dans un deuxième temps, dans la signature d'un contrat d'adhésion Atol emportant souscription de vingt-trois parts de la société coopérative Atol, et reprenant au titre des informations pré-contractuelles les relations antérieures des parties;

Qu'elles demandent la restitution de l'exacte qualification du contrat, conformément à l'article 12 du Code de procédure civile, soit en contrat de franchise, contestant la qualification de contrat de coopération commerciale, en présence de prestations de service et non d'obligations caractérisant une qualité de fournisseur de la société Atol, et en l'absence de formalisation par un écrit;

Qu'elles soutiennent que ce contrat complexe, comprenant d'une part un contrat d'adhésion à une société coopérative, constitue, d'autre part, un contrat de franchise, comprenant le droit d'utiliser les signes distinctifs Atol, la mise à disposition d'un savoir-faire, l'assistance technique et commerciale, et moyennant une redevance et l'engagement d'utiliser une technique commerciale uniforme;

Considérant que la société Atol soutient que le contrat a pour objet l'adhésion à la coopérative Atol, dont la société Lisebau est devenue associée par la souscription de vingt-trois parts, bénéficiant ainsi d'offres de services, sans obligations de sa part;

Qu'elle souligne que ces services ne s'apparentent pas à un savoir-faire, qu'il n'y a pas d'engagement à les utiliser selon une technique commerciale uniforme et que les cotisations sont affectées aux frais de gestion et à la publicité élaborée par la coopérative;

Considérant que la convention qualifiée de contrat d'adhésion Atol se décompose en plusieurs accords comprenant, outre une demande d'adhésion, des informations précontractuelles, un contrat de concession d'enseigne, avec un bon de commande Enseigne, A-Plat et Totem Atol, une déclaration de souscription de parts à Atol SA coopérative, un règlement fixant l'utilisation de la marque collective Atol n° 99/776572, et des fiches d'inscription et bons de commandes, du kit nouvel adhérent et du logiciel des points de vente Atol;

Qu'il en résulte que la société Atol a ainsi mis à disposition de la société Lisebau et Mme Ricci une enseigne et une marque, et, aux termes l'article 5 des informations précontractuelles, des services et savoir-faire ayant pour objectif d'aider l'adhérent à augmenter sa part de marché local ainsi que sa réputation de spécialiste, avec la participation à un GIE, centrale de référencement et de paiement Visatol;

Que le savoir-faire offert est caractérisé, à la lecture de l'activité de la Centrale de référencement et de paiement, outre des produits spécifiques avec distribution exclusive, par tous les services liés à l'activité des opticiens, portant notamment la communication, l'informatisation et la construction de sites Internet dédiés, des séminaires d'information et de formation, la gestion des fichiers clientèles, le routage et les mailings, l'agencement et la décoration avec notamment un concept de magasin normalisé, des études de marché, d'implantation et d'image, et des dossiers de prêts, outre la visite, le suivi et les réunions avec les prescripteurs, les conseils et aide à la réalisation d'étalages;

Que l'associé s'engage, selon l'article 6, à faire transiter tous ses achats au travers de la Centrale Visatol, auprès des fournisseurs qui y sont référencés, la violation de cet engagement pouvant se traduire par une procédure d'exclusion, et dispose d'une zone de chalandise qui peut être sujette à révision après consultation de l'intéressé;

Que l'associé est enfin tenu, outre l'achat de parts sociales, de participer financièrement à un fonds de garantie, alimenté par des appels de fonds mensuels, calculés par référence au montant des achats auprès de la centrale Visatol, de régler la facture du droit d'usage de l'enseigne et d'acheter en priorité les produits annexes tels que papier à en-tête et cartes de visite, ainsi que d'une manière générale, tous les produits susceptibles d'être en vue à l'intérieur et à l'extérieur du magasin afin de bien définir sa qualité d'adhérent Atol;

Que la poursuite de la transmission du savoir-faire de la société Atol, dans le cours du contrat, est établie par les formations Atol offertes, telles que celle suivie par Mme Ricci notamment sur la proposition Duo, ou Gestion des cas difficiles, augmenter sa qualité de service et formation vente proposées à ses collaborateurs, ainsi qu'il résulte des rapports de visite de la société Atol;

Qu'il résulte de ces accords, constituant un ensemble contractuel, que les conditions caractérisant un contrat de franchise se trouvent réunies, entraînant sa requalification en ce sens en application de l'article 12 du Code de procédure civile ;

Sur la mise en œuvre de la responsabilité de la société Atol :

Considérant que la société Lisebau et Mme Ricci soutiennent que, quelle que soit la qualification retenue, la société Atol a manqué à son obligation d'information, en application du principe de bonne foi posé par l'article 1134 du Code civil, alors qu'elle s'était engagée à lui fournir une étude de marché, d'implantation et d'image;

Qu'elles font valoir qu'il lui appartenait de mettre en œuvre les moyens nécessaires afin de fournir des informations fiables et qu'elle ne peut se retrancher derrière la nécessité pour Mme Ricci de faire contrôler ses chiffres par un expert-comptable, s'agissant de l'appréciation de la zone d'impact commercial et du pouvoir d'achat de sa population;

Qu'elles reprochent à la société Atol quatre erreurs dans l'appréciation de la zone de chalandise, soit la surévaluation de la population concernée, la mauvaise estimation du pouvoir d'achat de la clientèle potentielle, la mauvaise appréciation de la concurrence présente dans la zone de chalandise et du nombre de prescripteurs;

Qu'elles soutiennent l'existence d'un lien de causalité entre ces erreurs et le préjudice représenté par leurs investissements financiers et l'insuffisance du chiffre d'affaires, les prévisionnels de la société Atol n'ayant jamais été atteints, observant que les chiffres d'affaires très supérieurs réalisés par ses collaborateurs et invoqués par la société Atol ne sont pas établis;

Considérant que la société Atol soutient son absence de faute, par la parfaite exécution de son obligation de moyens, caractérisée par l'aléa compris dans le contrat, soit une obligation d'information et de conseil;

Qu'elle souligne à cet égard que Mme Ricci est à l'origine de la prise de contact, qu'elle lui a répondu par une étude de faisabilité et une étude financière, lui permettant de prendre sa décision en toute connaissance de cause, puis que celle-ci a réalisé seule les démarches bancaires, l'achat des murs jouxtant le fonds de commerce et la négociation du montant des loyers commerciaux;

Qu'elle rappelle n'avoir la qualité ni d'expert immobilier, ni d'expert comptable, et soutient qu'il appartenait à Mme Ricci de faire vérifier l'étude financière par un expert-comptable, contestant le reproche d'erreurs, alors que tant la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon que l'expert, puis le tribunal, ont eu des analyses différentes sur l'importance de la concurrence, la zone de chalandise et les données de consommation des ménages, ces erreurs étant dépourvues de conséquences sur le chiffre d'affaire réalisé, compte tenu de l'aléa de ce type d'étude;

Qu'elle conteste tout lien de causalité avec le défaut de réalisation du chiffre d'affaires escompté, renvoyant à Mme Ricci la responsabilité des conséquences de sa politique commerciale et de ses compétences;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 330-3 du Code de commerce, toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.

Que, conformément à ce texte, figure au contrat la reconnaissance de Mme Ricci de la réception, vingt jours francs précédant ce jour, conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, "en vue de mon adhésion à la Société Coopérative Atol SA les documents d'information et formulaires à remplir suivants : (...) Document d'information pré-contractuel concernant l'entreprise, ses différentes étapes, son activité, son organisation et fonctionnement, ses membres, leur qualité d'associé, ainsi que le montant des investissements liés à l'adhésion, (...) Dernier rapport annuel avec les comptes annuels";

Que l'information pré-contractuelle a ainsi consisté en la fourniture d'une étude de faisabilité et d'une étude financière;

Que la clientèle potentielle a été évaluée par la société Atol dans son étude de faisabilité à 48 641 personnes, comme l'addition de la population du 1er arrondissement de Lyon et du canton 1 de Lyon, sans appliquer de coefficient de pondération, afin de prendre en compte le caractère de clientèle de proximité impliquant des déplacements à pieds ou en transports en commun, alors qu'elle est appréciée par la chambre de commerce et M. Simoens à la population de deux sous-secteurs du 1er arrondissement, représentant 22 201 personnes;

Que l'analyse objective de la clientèle, en termes d'âge et de ressources, n'a pas été menée sur la zone de chalandise, mais par référence à la consommation moyenne départementale, que la concurrence a été sous-évaluée, cinq et non quatre concurrents étant présents dans la zone et qu'un seul prescripteur, et non trois, doivent être retenus;

Que ces éléments faussés ont amené la société Atol à annoncer des chiffres d'affaires prévisionnels sur trois ans surévalués, de l'ordre de 199 920 à 209 000 euro pour 2003 dans les études de faisabilité et financière, par rapport au chiffre de 82 000 euro réalisé par le prédécesseur, aggravés par un important taux de croissance inexpliqué;

Qu'il résulte de ce qui précède que la société Atol a enfreint les prescriptions de l'article L. 330-3, en ne fournissant pas à Mme Ricci un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause, mais deux études faussées, dont la vérification lui appartenait, engageant ainsi sa responsabilité;

Que Mme Ricci s'est fondée sur cette estimation erronée pour créer la société Lisebau, entreprendre l'achat du fonds de commerce d'optique, du fonds voisin et engager des travaux d'aménagement;

Que le lien de causalité avec le préjudice allégué est établi en ce qu'il en a résulté pour la société Lisebau et Mme Ricci un préjudice caractérisé par l'insuffisance du chiffre d'affaires réalisé, au regard de celui annoncé, en relation directe avec la zone de chalandise, quantitative et qualitative, réelle et le surinvestissement réalisé au vu de fausses perspectives;

Sur le montant du préjudice :

Considérant que la société Lisebau et Mme Ricci font valoir les investissements réalisés par la société Lisebau, que les bénéfices n'ont pas permis d'amortir, et les résultats négatifs générés;

Qu'elles demandent l'indemnisation intégrale du préjudice de la société dans les termes du rapport de l'expert, soit 55 % de l'investissement initial arrondi à la hausse afin de tenir compte des frais générés par un découvert bancaire et les intérêts, soit la somme de 103 000 euro;

Qu'elles réclament, au titre du préjudice de Mme Ricci, tiers pouvant invoquer comme fait juridique la situation créée par le contrat, l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité de percevoir la rémunération annoncée de 2005 au 30 novembre 2009, soit la somme de 105 970 euro, un préjudice moral évalué à la somme de 20 000 euro, le préjudice financier, évalué à 10 000 euro, résultant de l'immobilisation de la somme de 91 000 euro apportée en compte courant afin d'éviter la cessation des paiements de la société Lisebau, soit une somme totale de 135 970 euro;

Considérant que la société Atol conteste, tant l'existence d'un lien de causalité avec ses erreurs, que le principe et le quantum des préjudices allégués, comme reposant sur les données d'un rapport d'expertise entaché de nullité;

Qu'elle souligne la progression durant dix-huit mois du chiffre d'affaires mensuel de la société Lisebau, avant son effondrement, imputé à l'insuffisance commerciale de Mme Ricci et de son personnel, appuyant son analyse sur les ventes inférieures en moyenne à celles réalisées par les opticiens Atol sur le territoire français et sur les chiffres d'affaires supérieurs réalisés par ses salariés dans le magasin de la société Lisebau en l'absence de Mme Ricci; qu'elle soutient par ailleurs le caractère aléatoire des bénéfices escomptés, sur l'absence desquels Mme Ricci fonde son préjudice;

Considérant qu'il résulte des compte-rendus de visites de suivi d'animation, produits pas la société Atol, que la faible moyenne des ventes est imputée au nombre important de clients ne disposant que de la CMU et, à travers les échanges de mails, à une baisse des prescriptions du principal ophtalmologiste ou à des travaux sur la façade de l'immeuble; qu'aucun élément n'établit une carence commerciale à la charge de Mme Ricci, que son épuisement ne peut suffire à caractériser, faute de relation pertinente avec l'insuffisance du chiffre d'affaires;

Que le préjudice de la société Lisebau doit être évalué en référence à la marge nette escomptée à partir des chiffres des études fournies par la société Atol, elle-même fonction du chiffre d'affaires réalisé, soit 45 % des 681 000 euro prévus par la société Atol, cumulé sur les trois premières années, et de la marge brute de 63 % également annoncée par la société Atol, à laquelle s'ajoutent les frais financiers liés à l'investissement non amorti; que doit également être pris en compte le prix de vente du fonds, cédé pour la somme de 50 000 euro; qu'il sera ainsi alloué à la société Lisebau la somme de 103 000 euro;

Que le préjudice de Mme Ricci se décompose en un préjudice financier, consécutif à l'impossibilité de percevoir la rémunération annuelle de 22 000 euro annoncée par la société Atol, seule la somme de 12 000 euro ayant été perçue en 2005, et jusqu'au 9 décembre 2008, date de cession du fonds, auquel s'ajoutent le coût financier de l'immobilisation de la somme de 91 000 euro apportée en compte courant, et en un préjudice moral caractérisé par l'atteinte psychologique provoquée par les difficultés financières et relevée par la société Atol, lesquels seront réparés par l'allocation d'une somme globale de 100 000 euro;

Que le rejet de la demande de contre-expertise, laquelle n'est pas justifiée au vu des éléments figurant au dossier, sera confirmé;

Sur les autres demandes:

Considérant que les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Lisebau et à Mme Ricci ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme de 8 000 euro chacune; que la société Atol qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré, à l'exception des dispositions rejetant les demandes de nullité du rapport d'expertise et de nouvelle expertise, et statuant à nouveau, Condamne la société Atol à payer à la société Lisebau la somme de 103 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Atol à payer à Mme Ricci la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Atol à payer à la société Lisebau et à Mme Ricci la somme de 8 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Atol aux entiers dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.