CA Douai, 2e ch. sect. 1, 16 mars 2011, n° 09-06467
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mary Sport (SAS)
Défendeur :
Puma France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Parenty
Conseillers :
MM. Deleneuville, Brunel
Avoués :
SCP Deleforge Franchi, SCP Levasseur-Castille-Levasseur
Avocats :
Mes Speder, Rivière
Vu le jugement contradictoire du 18 août 2009 du Tribunal de commerce de Valenciennes ayant condamné la société Mary Sport à payer à la société Puma France 8 289,44 euro avec intérêts légaux depuis le 16 juin 2006, 595 euro à titre de clause pénale, 1 200 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile, ayant débouté la société Mary Sport de sa demande reconventionnelle.
Vu l'appel interjeté le 4 septembre 2009 par la société Mary Sport ;
Vu les conclusions déposées le 10 septembre 2010 pour la société Puma France ;
Vu les conclusions déposées le 3 novembre 2010 pour la société Mary Sport ;
Vu l'ordonnance de clôture du 15 décembre 2010 ;
La société Mary Sport a interjeté appel aux fins de réformation du jugement ; elle demande à la cour de dire nulle et de nul effet la convention du 18 janvier 2009, de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée par la société Puma, de la débouter, de la condamner à lui verser 3 000 euro au titre de la remise de fin d'année 2003, 1 000 euro pour résistance abusive, 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture partielle brutale de la relation commerciale établie et 2 500 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée sollicite la confirmation sauf en ce qui concerne la clause pénale qu'elle veut voir porter à 1 188,98 euro avec intérêts légaux à compter de la demande en justice ; en outre, elle réclame 5 000 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive et en réparation du préjudice souffert du fait de la faute grave de Mary Sport dans l'exécution du contrat et 3 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.
Depuis 2001, les deux sociétés sont en relation d'affaires ;
Selon la société Puma, en 2003, elle a consenti à Mary Sport un contrat de distribution sélective les 18 janvier et 4 avril, livré un certain nombre de marchandises puis procédé à la résiliation du contrat de distribution par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 octobre 2003 ; par ce même courrier, elle a sollicité la restitution des marchandises. Le 19 décembre 2003, la société Mary Sport lui a adressé l'inventaire des marchandises et une facture de 26 505,24 euro correspondant à la reprise du stock. Le 6 février 2004, la société Puma lui a adressé un chèque de 16 472, 06 euro au titre de la situation revalorisée du stock repris, déduction faite des décotes, se réservant le droit de facturer d'éventuels écarts constatés après réception. 8 545,56 euro d'avoirs ont été établis et selon décompte du 18 août 2004, la société Puma estime que Mary Sport lui doit 7 926,50 euro qu'elle n'a pas réglés. Elle a obtenu une ordonnance d'injonction de payer à laquelle Mary Sport a fait opposition.
Mary Sport expose une relation des faits différente : pour elle, elle a été agréée pour la vente de tout article Puma en 2001 selon fiche signée par les deux parties interdisant notamment la vente à des distributeurs non agréés ; au début de 2003, la société Puma a procédé au classement de ses produits par gamme et décidé que l'agrément de ses distributeurs se ferait gamme par gamme, de sorte qu'elle envoyait un courrier le 16 janvier 2003 limitant l'agrément à une gamme et faisant pression sur son distributeur avec obligation de retourner le contrat signé dans les 8 jours faute de quoi les livraisons seraient stoppées : elle y voit une rupture partielle des relations commerciales sans préavis suffisant. Elle réclame une remise de fin d'année qui ne lui a pas été réglée. Après la lettre de rupture, elle était contrainte de faire seule l'inventaire des marchandises et elle s'oppose à l'application de décotes ; elle a donc retourné la partie de marchandises correspondant au paiement de 16 472,06 euro effectué par Puma et affirme qu'elle ne doit rien à la société Puma, comme elle l'a exprimé le 11 octobre 2004 sans obtenir de réponse.
Elle plaide qu'au contraire sa créance au titre de la RFA de 2003 est certaine puisqu'il n'a jamais été prévu qu'elle serait perdue en cas de rupture en cours d'année, que la rupture partielle abusive est patente puisque le contrat de base visait l'intégralité des produits, le préavis de 8 jours étant notoirement insuffisant.
Sur la prétendue créance de son adversaire, elle souligne que celle-ci se base sur le contrat signé en 2003 qui est doublement frappé de nullité et parce qu'il a été obtenu par la violence, puisque la perte de tout approvisionnement Puma ne pouvait que gravement la léser, et parce qu'elle a mis en place un réseau illicite de distribution sélective, contraire aux règles de la concurrence et à l'article 81 alinéa 1 et 2 du traité CE, la société Puma ne bénéficiant pas du régime d'exemption de l'alinéa 3 qui prévoit qu'elle serait autorisée à le faire parce qu'elle améliore la distribution des produits tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, n'impose pas de restrictions non indispensables aux membres du réseau, n'élimine pas la concurrence, ces preuves manquant, sa part de marché étant supérieure à 30 % et l'article 4 écartant l'exemption pour les accords verticaux. Elle ajoute également que la jurisprudence ne reconnaît la valeur des réseaux que par le principe de nécessité lié aux exigences du produit, par des critères objectifs de sélection des distributeurs sans discrimination et de proportionnalité.
Elle s'oppose à l'application de décotes sur le stock dont il a été fait retour puisqu'elle n'a pas eu connaissance des conditions générales de vente qui les prévoiraient et à la demande de dommages et intérêts, nouvelle en appel.
La société Puma lui réplique que faute d'un chiffre d'affaires annuel en 2003, elle n'a droit à aucune remise de fin d'année, que le contrat a été rompu par la faute de Mary Sport, ce qui implique l'absence de préavis puisqu'elle a enfreint les règles contractuelles en rétrocédant des produits Puma à d'autres détaillants non agréés ; elle nie l'existence de la moindre contrainte économique ayant soi-disant prévalu à la signature du contrat de 2003, précisant que des pourparlers de plusieurs mois ont eu lieu entre les parties, que Mary Sport a signé sans le délai de réflexion et n'est plus recevable à invoquer tardivement une violence en application de l'article 1115 du Code civil. Sur l'illicéité du contrat de distribution, elle fait valoir que sa valeur a été maintes fois reconnue, et sur sa créance qu'elle apporte la preuve de ce que Mary Sport avait eu connaissance des conditions générales de vente.
En raison de l'attitude de son adversaire, elle demande que la clause pénale ne soit pas réduite et qu'il lui soit octroyé des dommages et intérêts, cette demande parfaitement accessoire ne pouvant pas être considérée comme nouvelle.
Sur ce
Sur la validité de la convention du 18 janvier 2003
La société Mary Sport plaide la violence des articles 1109 et 1112 du Code civil, dont on rappellera qu'elle doit être de nature à faire impression sur une personne raisonnable et lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.
Distributeur Puma pour l'ensemble de ses articles depuis 2001, la société Mary Sport a signé ce contrat mettant en place un agrément par gamme deux jours après sa réception ; nul doute que s'il y avait eu violence ou contrainte économique, elle aurait officiellement réagi auprès de son interlocutrice ; le seul fait de ne pas vouloir perdre le partenariat ne suffit pas à caractériser la violence, la SAS Mary Sport ne pouvant être considérée comme sans expérience dans le monde des affaires. Elle n'a d'ailleurs même pas utilisé le délai de réflexion qu'elle considère aujourd'hui comme trop court. La preuve n'est pas rapportée que la société Puma qui restructurait ses gammes a abusé d'une position de dépendance de la part de Mary Sport ou lui inspirait la crainte d'un mal la menaçant. La rapidité de la signature rend plausible l'affirmation de Puma selon laquelle cette signature intervient après des formalités préalables rappelées dans le courrier d'accompagnement. De surcroît s'applique l'article 1115 qui dit qu'un contrat ne peut plus être attaqué pour violence si depuis que la violence a cessé ce contrat a été approuvé même tacitement ou en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi. La demande de nullité doit être rejetée.
Sur le fait que cette convention correspondrait à une rupture partielle des relations commerciales
La société Mary Sport a signé en toute connaissance de cause ce contrat, qu'elle n'a pas considéré à l'époque comme une diminution de ses relations commerciales avec Puma puisque c'est un argument qu'elle ne développera qu'en défense à injonction de payer ; elle avait la liberté de réfléchir, de ne pas signer, d'interpeller son interlocutrice ; elle ne l'a pas fait. Elle n'apporte pas la preuve de la diminution du flux des affaires conclues avec Puma en termes de chiffres d'affaires dégagés, de comparaison de livraison de produits avant et après la signature du contrat par gamme, de comparaison des ventes avant et après de nature à étayer son affirmation selon laquelle les relations auraient été partiellement rompues. Même si le champ du choix des produits a été, si on l'en croit, réduit, rien ne permet d'affirmer que le développement de la gamme 45 sport style, qui apparemment correspondait à son type de clientèle, n'ait pas aussi bien ou mieux servi ses intérêts commerciaux. La cour rejette l'argument.
Sur l'illicéité du réseau de distribution sélective
Cette question a été plusieurs fois tranchée, principalement par le tribunal du lieu du siège social de la société Puma ; à juste titre, le tribunal l'a écartée, cette société ayant démontré qu'elle pouvait bénéficier de l'exemption résultant du règlement CE n° 2790-1999 concernant l'application de l'article 81 alinéa 3 du traité dès lors que sa part de marché ne dépasse pas 30 %. La cour rejette également l'argument.
Sur la rupture du contrat
La société Puma a rompu le contrat sans préavis le 10 octobre 2003 par application de l'article 7.1 4° qui l'y autorisait en cas de violation par le distributeur de certaines clauses comme la revente à des détaillants non agréés. La société Mary Sport n'a pas contesté ni à l'époque de la réception de ce courrier ni aujourd'hui s'être rendue coupable de la violation visée. Ainsi la rupture opérée par Puma est légitime.
Sur la créance de la société Puma
Elle se prétend créancière de 7 926,50 euro ; la différence d'évaluation entre les parties résulte de l'application de décotes qui sont prévues dans les conditions générales de vente, en cas de retour, à l'article 8.2. La société Mary Sport ne peut raisonnablement pas affirmer qu'elle n'aurait pas eu connaissance des conditions générales de vente, alors qu'elle y fait clairement allusion dans un courrier versé aux débats et qu'elle affirme dans la fiche de renseignements initiale en avoir pris connaissance. Or le principe de ces décotes et leur calcul y figurent précisément. Si les articles ne se trouvent plus au tarif en vigueur, c'est une décote de 30 % qui s'applique ; si les articles font partie d'une collection N-1, cette décote est de 50 %. La société Mary Sport se plaint de ce que des décotes plus importantes apparaissent sur les avoirs ; c'est oublier l'application de l'article 11 qui prévoit cette décote supplémentaire en cas de reconditionnement nécessaire des produits retournés ; il est à noter qu'à réception des avoirs, la société Mary Sport n'a pas contesté leur calcul. La cour confirme la décision sur ce point.
Sur l'appel incident de Puma
Le tribunal a réduit le montant de la clause pénale, ce qui n'apparaît pas possible, l'article 1152 du Code civil l'y autorisant exigeant le caractère manifestement excessif de la clause : vu son montant c'est ici difficilement démontrable : la cour fera droit à la demande de Puma sur ce point.
Si sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive est rattachée par des liens suffisants aux demandes qu'elle a déjà développées et ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de procédure civile, force est de constater que la société Puma n'apporte pas la preuve de l'abus ni d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'octroi des intérêts : la demande est rejetée. Quant au préjudice subi du fait de la faute commise dans l'exécution du contrat, la cour considère qu'à cet égard la demande qui n'a pas été formulée en première instance, puisque reposant sur l'article 1382 du Code civil non encore évoqué par Puma comme support de dédommagement, est peu convaincante car tardive, la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par les sommes déjà allouées du fait du vieillissement du stock restitué n'étant pas rapportée. Le débouté s'impose.
Sur la créance de Mary Sport
La société Mary Sport réclame sa remise de fin d'année 2003, qu'elle a évaluée à 3 000 euro, sur la base d'un courrier de Puma en reconnaissant l'existence mais qui est antérieur à la rupture. Outre que les bases de calcul sont inconnues de la cour, il est paradoxal d'accorder à la société Mary Sport qui a été à l'origine de la rupture du contrat en cours d'année une remise pour la fin de la dite année qui ne s'est pas écoulée en entier du point de vue contractuel du fait même de la demanderesse à la prime. La cour confirme le débouté sur ce point qui entraîne ipso facto le débouté sur la demande de dommages et intérêts formulée par Mary Sport pour résistance abusive.
En conséquence, la société Mary Sport sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et légitimement condamnée à payer 2 500 euro à la société Puma sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la clause pénale ; Condamne la société Mary Sport à payer 1 188,98 euro de ce chef à la société Puma avec intérêts à compter du jugement ; Y ajoutant, Déboute la société Puma de sa demande de dommages et intérêts ; Déboute la société Mary Sport de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Mary Sport à payer 2 500 euro à la société Puma sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Levasseur Castille Levasseur, avoués associés, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.