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Décisions

Cass. crim., 23 février 2011, n° 09-87.847

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

DGCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Desgrange

Avocat général :

Mme Magliano

Avocats :

Me Ricard, SCP Monod, Colin

Cass. crim. n° 09-87.847

23 février 2011

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le Directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, contre l'ordonnance n° 825 du premier Président de la Cour d'appel de Montpellier, en date du 30 septembre 2009, qui a prononcé sur une requête en annulation des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 1351 du Code civil, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a annulé, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier le 2 avril 2008 et évoqué le fond du litige ;

"aux motifs sur la déclaration d'incompétence : que l'article 520 du Code de procédure pénale dispose que si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour évoque et statue sur le fond ; que la SAS X demande que l'affaire soit évoquée au motif que, par ordonnance du 15 janvier 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier s'est déclaré incompétent et l'a renvoyé à mieux se pourvoir sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce ; que si l'ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence a modifié les dispositions de l'article L. 450-1 du Code de procédure pénale en permettant aux personnes ayant fait l'objet d'une opération de visite et de saisies de contester leur déroulement devant le premier Président de la cour d'appel, la SAS X a introduit son recours devant le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier le 18 juin 2008 ; qu'il résulte de ces éléments que le premier juge était compétent pour statuer sur ledit recours, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alors applicables ; qu'en conséquence, il convient d'annuler le jugement entrepris et d'évoquer le fond du litige ; que sur la nullité des opérations de visite et de saisies, que la SAS X entend que la nullité des opérations de visite et de saisies soit prononcée, l'ordonnance ayant été prise en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alors contraire à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'homme ; qu'elle indique que la possibilité d'exercer un recours contre les opérations de visite et de saisies devant le juge des libertés et de la détention ne satisfait pas à l'exigence d'un tribunal impartial et indépendant ; que, par ordonnance du 3 juin 2009, la première Présidente de la Cour d'appel de Montpellier a confirmé la décision rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier ; qu'en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, pris dans sa version antérieure à l'ordonnance du 13 novembre 2008, les personnes ayant fait l'objet d'une opération de visite et de saisies pouvaient contester le déroulement de ces dernières devant le juge des libertés et de la détention, compétent pour apprécier les questions de fait et de droit ; qu'il convient, enfin, de préciser que conformément à l'article 5 de l'ordonnance du 13 novembre 2008 disposant que les parties ayant formé, à l'encontre de l'ordonnance ayant autorisé la visite prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce, un pourvoi pendant devant la Cour de cassation au jour de la publication de ladite présente ordonnance dispose du délai d'un mois pour interjeter appel de l'ordonnance objet dudit pourvoi à compter de la date de la publication de la présente ordonnance, la SAS X, ayant formé, le 25 avril 2008 un pourvoi contre l'ordonnance portant autorisation des opérations litigieuses et relevé appel de cette décision le 4 décembre 2008 devant la première Présidente de la cour d'appel de céans ; que dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de SAS X ;

"1) alors que le juge ne peut se prononcer au-delà des limites du litige ; qu'en l'espèce le conseiller désigné par ordonnance de la première Présidente de la cour d'appel n'était pas saisi d'un recours en annulation de l'ordonnance d'autorisation mais d'un recours en contestation du déroulement des opérations de visite et de saisie, formé le 26 janvier devant la première Présidente de la cour d'appel ; qu'en prononçant l'annulation de l'ordonnance d'autorisation de visite et saisie, l'ordonnance attaquée a excédé le champ de sa saisine en violation des textes susvisés ;

"2) alors que le juge ne peut méconnaître l'autorité de la chose jugée ; qu'après avoir énoncé que la SAS X a formé, le 25 avril 2008, un pourvoi contre l'ordonnance portant autorisation des opérations litigieuses et relevé appel de cette décision le 4 décembre 2008 devant la première Présidente de la cour d'appel de céans, que, par ordonnance du 3 juin 2009, la première Présidente de la Cour d'appel de Montpellier a confirmé la décision rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier, et que dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de SAS X, l'ordonnance attaquée ne pouvait, sans se contredire, et violer l'autorité de la chose jugée, annuler en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier du 2 avril 2008 ;

"3) alors que, dans la mesure où il entendait statuer en appel de l'ordonnance du 15 janvier 2009 par laquelle le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur le déroulement des opérations de visite et de saisie réalisées le 22 avril 2008 et a renvoyé la SAS X à mieux se pourvoir sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le conseiller désigné par ordonnance de la première Présidente de la cour d'appel ne pouvait, dans les motifs de sa décision, dire que le premier juge était compétent pour se prononcer sur ledit recours, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, alors applicables, (recours en contestation du déroulement des opérations de visite et de saisies), dire qu'en conséquence il convient d'annuler le jugement entrepris et d'évoquer le fond du litige, et dans le dispositif de sa décision, annuler non pas l'ordonnance du 15 janvier 2009, mais l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier le 2 avril 2008 ;

"4) alors que, dans la mesure où il entendait statuer en appel de l'ordonnance du 15 janvier 2009 par laquelle le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier s'était déclaré incompétent pour se prononcer sur le déroulement des opérations de visite et de saisies réalisées le 22 avril 2008 et avait renvoyé la SAS X à mieux se pourvoir sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le conseiller désigné par ordonnance de la première Présidente de la cour d'appel, seul compétent pour se prononcer sur la régularité du déroulement des opérations de visite et saisie, ne pouvait que rejeter l'appel dont il était saisi et confirmer l'ordonnance du 15 janvier 2009 ; qu'en effet, dès lors que ni l'ordonnance du 13 novembre 2008 donnant compétence au premier Président de la cour d'appel pour statuer sur la régularité des opérations de visite et de saisie ni l'article 139 de la loi 2009-526 du mai 2009, la ratifiant, n'ont prévu de dispositions transitoires sur le contentieux de la régularité des opérations, il en résultait qu'à la date à laquelle il s'était prononcé soit le 15 janvier 2009, le juge des libertés et de la détention n'avait plus compétence pour statuer et s'était à bon droit déclaré incompétent ; qu'en évoquant le fond du litige, l'ordonnance attaquée a commis un excès de pouvoir"; Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a ordonné la restitution par le Directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes concurrence BIEC, des pièces cotées 12, 20 à 23, 25, 26, 28, 29, 40, 42, 45 à 47, 64 à 67 du scellé n° 1, 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73, 74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2), 70, 81 (scellé n° 4 ), 5, 10, 12 (scellé n° 5) ;

"aux motifs que la SAS X demande la restitution des pièces qui ne concerneraient ni le secteur français et ni celui du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole ; que si le directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes concurrence BIEC s'est engagé, par conclusions du 27 mai 2009, à restituer à la SAS X les documents ne concernant pas le secteur français du négoce et de la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, soit les pièces cotées 1, 2, 18, 19 et 35 du scellé n° 1, il n' en est pas de même pour les pièces cotées 12, 20 à 23, 25 et 26, 28 et 29, 40, 42, 45 à 57, 64 à 64 (scellé n° 1), 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73, 74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2) 70, 81, (scellé n° 4) 5, 10, 12 (scellé n° 5) ; que, par ordonnance du 2 avril 2008, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Montpellier a autorisé le directeur interrégional à Marseille à procéder ou à faire procéder dans les locaux des entreprises suivantes, aux visites et aux saisies prévues ... afin de rechercher la preuve dans le secteur suivant le négoce et la commercialisation de bouteilles de verre destinées à la filière viticole, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ; qu'à l'appui de la requête, formée par le directeur interrégional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes concurrence BIEC, ont été présentés des procès-verbaux de déclaration et des prises de copies de documents provenant du cercle des vignerons de Provence, embouteillage et services des vins, Friedrich et Cie, Vignoble de Lorière et d'Herbauges et la Compagnie des vins du Grand Sud Ouest, acteurs de la filière viticole ; qu'il résulte de ces éléments que le champ d'application de l'ordonnance rendue le 2 avril 2008 ne concernait que sur le secteur de la filière viticole, à l'exclusion de tous les autres secteurs d'activité ; qu'en conséquence, les documents concernant les secteurs des emballages de verre pour la nourriture, la bière, les boissons non alcoolisées, le cidre et les spiritueux, soit les pièces cotées 12, 20 à 23, 25, 26, 28, 29, 40, 42, 45 à 47, 64 à 67 du scellé n° 1, 11 à 15, 16 à 20, 24 à 29, 36 à 46, 52 à 57, 64 à 73, 74 à 79, 80 à 85, 88, 91 à 100 (scellé n° 2), 70, 81 (scellé n° 4), 5, 10, 12 (scellé n° 5), doivent être restituées à la SAS X ;

"alors que, saisi d'un recours concernant le déroulement des opérations de visite et de saisie, le juge doit en vérifier la régularité et ordonner la restitution des seuls documents dont il est établi qu'ils ont été appréhendés irrégulièrement ; qu'en statuant ainsi, par des motifs généraux, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les documents saisis concernaient, au moins en partie, les pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'être relevées dans le secteur de la filière viticole objet de l'entête le juge a méconnu le sens et la portée du texte susvisé";

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, par ordonnance en date du 2 avril 2008, le juge des libertés et de la détention a autorisé l'Administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des opérations de visite et saisie de documents dans les locaux de la société X en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; qu'ensuite des opérations qui s'étaient déroulées le 22 avril 2008, cette société a déposé une requête auprès du juge des libertés et de la détention aux fins d'annulation partielle desdites opérations ; qu'après plusieurs incidents de procédure liés à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 13 novembre 2008, la société a saisi le premier Président de la Cour d'appel de Montpellier de cette requête ;

Attendu que l'ordonnance de ce magistrat, après avoir, dans ses motifs, estimé que le "premier juge" était compétent pour statuer sur ledit recours et énoncé qu'il ne pouvait être fait droit à la demande de la requérante, annule, dans son dispositif l'ordonnance du 2 avril 2008 ayant autorisé les visite et saisie, évoque le fond du litige et ordonne la restitution à la requérante de certains documents ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi par des motifs contradictoires et erronés, alors que, d'une part, l'ordonnance, dont il prononçait l'annulation, avait été, par une précédente décision, déclarée définitivement régulière après rejet d'un pourvoi en cassation, d'autre part, il lui appartenait uniquement de statuer sur la régularité des opérations qui s'étaient déroulées le 22 avril 2008, le premier Président n'a pas donné de base légale à sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de Montpellier, en date du 30 septembre 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant le premier Président de la Cour d'appel de Nîmes, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.