CA Dijon, 1re ch. civ., 15 février 2011, n° 10-00355
DIJON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Namie (SARL)
Défendeur :
HPS (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vieillard
Conseillers :
Mme Vautrain, M. Lecuyer
Avoués :
SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, Me Gerbay
Avocats :
Mes Cannard, Bernard
Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties :
Par contrat du 15 février 2006, la SARL Namie est devenue franchisée du réseau animé par la SAS HPS.
Selon les termes de ce contrat, la SAS HPS s'engageait à concéder au franchisé une exclusivité sur une zone territoriale, mettre à sa disposition la marque " Point Chaud " et prodiguer savoir-faire et assistance lors de l'ouverture, du lancement et de l'exploitation d'un magasin de restauration rapide.
En contrepartie, le franchisé versait au franchiseur une redevance de 4 % HT de son chiffre d'affaire mensuel plus une redevance fixe de 30,49 euro HT mensuelle destinée à la défense de la marque.
Ce contrat de franchise était conclu pour une durée de 7 ans et ensuite renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de 2 ans qui pouvaient être dénoncées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception douze mois avant expiration de la période.
La SARL Namie a signalé, par différents courriers, sur la période du 28 février au 26 juin 2006, des manquements aux dispositions contractuelles, notamment des retards de livraison, des ruptures de stock et des non-respects des accords marketing.
Par acte du 17 novembre 2008, la SARL Namie a assigné la SAS HPS en résiliation du contrat de franchise liant les parties.
Par jugement du 14 janvier 2010, le Tribunal de commerce de Dijon a débouté la SARL Namie de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à verser à la SAS HPS 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et a débouté les parties de tous autres chefs de demande.
La SARL Namie a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 novembre 2010, la SARL Namie demande à la cour :
1- A titre principal
De prononcer la résiliation du contrat de franchise régularisé entre les parties en date du 15 février 2006, de condamner la SAS HPS à ristourner à la SARL Namie la redevance proportionnelle mensuelle de 4 % HT du chiffre d'affaire depuis le mois de janvier 2008 (§ H 2.a du contrat de franchise), de condamner la SAS HPS à ristourner la redevance fixe de 30,49 euro HT, depuis le 1er janvier 2008 (§ H 2.b du contrat de franchise), de condamner la SAS HPS à 4 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
2- A titre subsidiaire
De condamner la SAS HPS à lui verser 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour manquements de la SAS HPS à ses obligations contractuelles et de la condamner à lui verser 4 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions déposées le 18 août 2010, la SAS HPS sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner la SARL Namie à lui verser 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 16 décembre 2010.
La cour d'appel se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, à la décision déférée ainsi qu'aux écritures d'appel évoquées ci-dessus.
Motifs de l'arrêt :
Il ressort des débats et des pièces qui y ont été versées que la SARL Namie reproche à la SAS HPS franchiseur trois grandes séries de griefs : des manquements liés aux livraisons, des manquements liés à l'information de la SARL Namie ainsi qu'une absence de politique commerciale.
En ce qui concerne les manquements liés aux livraisons, la SARL Namie fait observer que chaque manquement, souvent dû à des défaillances de livraison de certains produits, a fait l'objet d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que plusieurs livraisons dues à des ruptures de stock, lesquelles, contrairement aux allégations de la SAS HPS, n'étaient pas ponctuelles, n'ont fait l'objet d'aucune information préalable. Elle précise que l'information était diffusée de façon interne auprès des opératrices de télé-marketing qui la répercutaient le jour de la commande, donc à une époque trop tardive pour que les franchisés puissent faire efficacement appel aux sous-traitants indiqués par le franchiseur.
Si elle ne conteste pas que des ruptures d'approvisionnement ont pu se produire, la SAS HPS rappelle que le contrat stipule la procédure à suivre en cas de rupture de stock et fait observer que le fait que la SARL Namie ne l'ait pas respectée est révélateur de ce qu'elle cherche en fait à s'exonérer des charges de la franchise tout en ayant profité des avantages.
En ce qui concerne les manquements liés à l'information de la SARL Namie, celle-ci fait valoir que les franchisés n'ont pas été informés de ce que le Groupe Elancia auquel appartient la SAS HPS a été admis, par jugement du 29 janvier 2008, au bénéfice du redressement judiciaire puis aurait bénéficié d'un plan de redressement par continuation adopté en juillet 2009. Elle précise que la SAS HPS a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 2 mars 2010.
Elle indique à cet égard que, dans une espèce similaire, la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 28 mars 1997, résilié aux torts du franchiseur, le contrat de franchise suite aux manquements par ce dernier de son obligation d'information sur sa situation juridique.
En ce qui concerne l'absence de politique commerciale, la SARL Namie déplore l'absence de soutien des franchisés par le groupe, la non représentation de la SAS HPS au salon de la Franchise à Paris, la survenance inopinée de ruptures de stocks relatives à des produits faisant l'objet d'opérations promotionnelles ainsi que l'absence de publicité à caractère national qui permettrait aux clients d'avoir une bonne perception de la marque.
La SAS HPS soutient, sur ce point, que comme tous les franchisés du réseau, la SARL Namie est destinataire de toutes les informations nécessaires (journal de la franchise HPS, toutes opérations promotionnelles, opérations fournisseurs, challenges, jeux et primes).
La SARL Namie entend faire observer que les objectifs contenus dans le document d'information pré-contractuel (DIP) n'ont pas été atteints.
La SAS HPS soutient en réponse au franchisé que celui-ci méconnaît la portée du DIP instauré par l'article L. 330-3 du Code de commerce dans la mesure où ce texte ne vise que des données générales concernant le marché et que le franchiseur n'a pas l'obligation de procéder à l'établissement et à la communication d'une étude prévisionnelle sur l'activité du franchisé. Elle ajoute que l'objectif de croissance n'était mentionné qu'à titre indicatif et que le franchiseur n'est pas tenu de l'atteindre d'autant plus que l'information n'est pas visée par l'article L. 330-3 précité.
Elle fait valoir que l'attitude de la SARL Namie n'est pas exempte de tout reproche et entend à cet égard préciser que c'est à de nombreuses reprises que la société Namie a refusé de recevoir la visite du responsable marketing Point Chaud et que les rapports de visite effectuées en 2006 par son représentant permettent de réfuter la thèse fantaisiste de la SARL Namie.
Il ressort toutefois de l'ensemble de ces éléments que la SAS HPS ne s'est pas comportée en toutes circonstances de la façon qui est normalement attendue de la part d'un franchiseur. Les manquements constatés sont cependant d'autant moins susceptibles d'entraîner la résiliation du contrat de franchise que celui-ci continue à ce jour entre les parties sans persistance des dysfonctionnements allégués dans la présente instance.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Namie de sa demande de résiliation du contrat de franchise liant les parties.
En revanche, il doit être relevé que certains manquements à ses obligations contractuelles par la SAS HPS, notamment les ruptures de stock dans le cadre des opérations promotionnelles ou celles dont la SARL Namie était informée trop tardivement pour utiliser la procédure de recours aux sous-traitants du franchiseur ont causé un préjudice certain à la SARL Namie que la cour estime devoir évaluer à 10 000 euro, somme que la SAS HPS sera condamnée à verser à titre de dommages-intérêts à la SARL Namie.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL Namie la totalité des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La SAS HPS sera condamnée à verser à la SARL Namie 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SAS HPS sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement de ceux d'appel en application de l'article 699 du Code de procédure civile en faveur de la SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, avoué constitué.
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, et en dernier ressort, Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Dijon rendu le 14 janvier 2010 en ce qu'il a débouté la SARL Namie de sa demande de résiliation du contrat de franchise liant les parties. L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, Condamne la SAS HPS à verser 10 000 euro à la SARL Namie à titre de dommages-intérêts. Condamne la SAS HPS à verser à la SARL Namie 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SAS HPS aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement de ceux d'appel en application de l'article 699 du Code de procédure civile en faveur de la SCP Fontaine-Tranchand & Soulard, avoué constitué.