CA Lyon, ch. civ. A, 17 mars 2011, n° 10-00447
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Marini Silvano (Sté)
Défendeur :
AMG 2R (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gaget
Conseillers :
Mme Devalette, M. Semeriva
Avoués :
SCP Laffly-Wicky, SCP Brondel Tudela
Avocats :
SCP Fromont Briens, Selarl Hilbert-Thomasson Peigne
Vu le jugement rendu le 1er juin 2006 par le Tribunal de grande instance de Montbrison, statuant en matière commerciale, déclarant que la société AMG 2R et la société Marini Silvano avaient été liées par un contrat d'agence commerciale pour la période du 1er janvier 2000 au 28 juillet 2004, et que la rupture des relations commerciales était imputable à l'initiative de la société Marini Silvano qui n'a pas justifié de ce que la cessation du contrat était provoquée par la faute grave de l'agent commercial, de sorte qu'il a été attribué à la société AMG 2R les sommes suivantes :
1. rappel de commissions au titre de l'année 2003 : 15 879,94 euro
2. rappel de commissions au titre de l'année 2004 : 11 223,48 euro
3. rappel de commissions sur la période postérieure à la rupture : 10 514,60 euro
4. au titre du préavis de trois mois : 5 217,13 euro
5. indemnité de rupture : 42 057,06 euro
6. article 700 du Code de procédure civile : 800 euro.
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 8 décembre 2009, cassant l'arrêt rendu le 30 avril 2008 par cette cour, sur l'appel de la société Marini Silvano, arrêt qui avait retenu la faute grave de la société AMG 2R pour avoir manqué à son obligation de loyauté et l'existence, au sens de l'article L. 134-6 du Code de commerce, d'un secteur géographique alors que cette dernière n'avait été chargée d'aucun secteur géographique déterminé ;
La société Marini Silvano conclut principalement à la réformation de la décision attaquée au motif que la société AMG 2R a été à l'initiative de la rupture du contrat de sorte qu'elle n'a pas droit à un préavis et à une indemnité de rupture, et au motif, d'autre part, que la société AMG 2R a commis une faute grave en n'informant pas son mandant qu'elle était titulaire d'un mandat pour une société concurrente et en n'exécutant pas loyalement le contrat de sorte qu'elle n'a pas droit aux commissions qu'elle réclame, d'autant qu'elle ne justifie pas l'existence de commandes passées dans les conditions de l'article L. 134-7 du Code de commerce.
A titre subsidiaire, elle conclut à la réduction des sommes réclamées, les calculs étant faits sur des bases erronées, et la société AMG 2R ne justifiant d'aucune activité pour les années 2003 et 2004 autre que celle retenue par la société Marini Silvano pour régler les sommes dues.
La SARL AMG 2R conclut à la confirmation du jugement rendu le 1er juin 2005 en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat d'agent commercial est intervenue le 28 juillet 2004, à l'initiative de la société Marini Silvano et réclame, dans ses dernières conclusions, le paiement des sommes suivantes :
- rappel forfaitaire de commissions : 50 847,75 euro
- préavis : 6 101,73 euro
- indemnité de rupture : 48 813,80 euro
- article 700 du Code de procédure civile : 6 000 euro
outre intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2004 sur la somme de 4 000 euro et capitalisation des intérêts.
Elle soutient que la société Marini Silvano est à l'origine de la rupture des relations commerciales tandis qu'aucune faute ne peut être imputée, à elle, la société AMG 2R qui bénéficiait d'un secteur géographique, à savoir le territoire français, comme agent commercial.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 janvier 2011 ;
Les parties ont donné leurs explications orales à l'audience du 26 janvier 2011 après le rapport fait par Monsieur le président Michel Gaget.
Decision
La société Marini Silvano confiait, à compter de l'année 2000, à la société AMG 2R un mandat d'agent commercial pour tous les produits fabriqués par la société mandante.
Ce contrat prenait fin le 28 juillet 2004 et la société AMG 2R assignait son mandant en paiement de commissions et d'indemnités de préavis et de cessation de contrat.
Sur la rupture
Contrairement à ce que fait valoir le société Marini Silvano dans ses dernières écritures, l'initiative de la rupture des relations commerciales a bien été prise par la société Marini Silvano dont l'attitude a été dénoncée dans la lettre recommandée du 28 juillet 2004 envoyée par le mandataire qui prenait acte du comportement de son mandant qui lui avait signifié son intention de cesser toute relation en lui rappelant un fax du 29 juillet 2003.
Le courrier envoyé par la société Marini Silvano et daté du 28 juillet 2004, en réponse au fax du même jour de la société AMG 2R démontre bien, par les termes qu'il emploie et par le rappel du fax du 29 juillet 2003 que la société Marini Silvano a pris l'initiative de la rupture en reprochant à son mandataire une faiblesse des commandes et en ajoutant que " ces deux dernières années, le travail a été minime parce qu'il était aussi le mandataire d'une maison française concurrente ".
Dans ses échanges de courrier depuis le 29 juillet 2003, la société Marini Silvano ne reproche pas une faute grave à son mandataire.
Et la cour constate que les échanges de lettres et de courriels ne démontrent pas que la société AMG 2R ait manqué de loyauté dans l'exercice de sa mission et que ces échanges prouvent que le motif de la rupture donnée, dans un premier temps, n'était pas la faute grave de la société mandataire qui aurait négligé l'exécution de son mandat au profit de la concurrence.
La cour observe que les termes du fax du 29 juillet 2003 dont il n'est pas certain qu'il ait été reçu par la société AMG 2R qui a toujours soutenu qu'elle l'ignorait, ne font référence à aucune faute grave, tenant au fait de travailler avec des entreprises concurrentes. La cour retient que ce document fait reproche à la société mandataire une faiblesse des commandes.
Enfin la société Marini Silvano ne peut pas sérieusement soutenir qu'elle ignorait l'activité de la société AMG 2R qui avait déjà, avant leur collaboration, développé un réseau de commercialisation et de clientèle, notamment auprès de groupements d'achats, dont elle avait bénéficié les deux premières années ainsi qu'en témoigne la liste des clients donnés dans le débat.
Par ailleurs, il est bien évident que le témoignage de Serge Di Folco qui avait été l'employé de la société AMG 2R avant de démissionner avec effet au 31 mai 2003, et qui, après a travaillé avec la société Marini Silvano, ne saurait être retenu comme preuve. Ce témoignage doit être écarté des débats.
En définitive la faute grave dont se plaint la société Marini Silvano, ne peut être retenue à l'encontre de la société AMG 2R dont celle-là ne pouvait ignorer le réseau commercial antérieur à la prise d'effet du contrat d'agent commercial et qui a toléré que cette société travaille pour d'autres entreprises concurrentes pendant les années précédent la rupture.
Sur le droit à commission
Vu l'article L. 134-6 du Code de commerce ;
La société AMG 2R soutient qu'elle avait un secteur géographique déterminé et qu'elle a droit à une commission sur toutes les affaires directes ou indirectes concernant ce secteur, à savoir la France entière.
La société Marini Silvano fait valoir que la SARL AMG 2R a été réglée de toutes les commissions dues sur les affaires qu'elle avait apportées et qu'elle ne doit aucune commission à quelque titre que ce soit, observation faite qu'il appartenait à la société mandataire d'émettre des factures conformément à l'article L. 441-3 du Code de commerce, alors qu'elle n'avait pas de secteur géographique déterminé.
Mais il résulte de l'ensemble des pièces produites et en l'absence d'écrit que la SARL AMG 2R ne justifie pas avoir bénéficié d'un secteur géographique déterminé par un accord conclu entre les parties et qu'elle doit établir que des commissions restent dues sur les affaires qu'elle a apportées à la société Marini Silvano au cours des années 2003 et 2004.
La cour constate que jusqu'au troisième trimestre 2003, la société AMG 2R a émis des factures de commissions et que la société Marini Silvano a émis, pour le deuxième trimestre 2003 un relevé de commissions, comme elle l'a fait pour le troisième trimestre 2003.
La cour observe que la dernière commande passée par l'agent a pour date le 19 mars 2004.
En conséquence, il n'est pas établi que des commissions soient dues pour les années 2003 et 2004 et aucune commission n'est due en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce et pour la période post contractuelle.
Il en découle que la demande en paiement de 50 847,75 euro de commissions n'est pas fondée.
D'autre part, il ne saurait être alloué une telle somme, à titre de dommages intérêts, comme la société AMG 2R le sollicite, à titre subsidiaire, dans la mesure où la société Marini Silvano respectait ses engagements concernant les informations tenant aux affaires générées par l'activité de la société mandataire qui ne peut nier qu'elle n'apportait pas de nouveaux clients au cours des années 2003 et 2004, autres que ceux pour lesquels elle a reçu les informations et les commissions.
La société AMG 2R réclame au titre du préavis la somme de 6 101,73 euro et au titre de l'indemnité de rupture, une somme de 48 813,84 euro.
Ces sommes sont calculées sur la base d'une moyenne mensuelle de 2 033,91 euro qui correspond au courant d'affaires des années 2001 et 2002, sans tenir compte du montant réel des années 2003 et 2004.
La société Marini Silvano soutient le mal-fondé de ces demandes et, à titre subsidiaire, leur réduction, à de plus juste proposition.
Mais, compte tenu du nombre de clients apportés au cours des années 2001 et 2002, du volume mensuel d'affaires au cours de ces années, des circonstances de la rupture intervenue à l'initiative de la société Marini Silvano qui n'ignorait pas que Serge Di Folco avait quitté son mandataire le 31 mai 2003, le préavis doit être fixé à la somme de 4 000 euro et l'indemnité de rupture à la somme de 40 000 euro somme réparant amplement le préjudice né de la rupture, compte tenu de la baisse d'activité intervenue au cours de l'année 2003.
L'équité commande d'allouer à la société AMG 2R la somme de 3 500 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les autres demandes de cette société sont, eu égard à ce qui précède, mal fondées en fait et en droit.
La société Marini Silvano supporte, comme partie probante, tous les dépens.
Par ces motifs, - confirme le jugement du 1er juin 2005 en ce qu'il dit que le contrat liant les deux parties est un contrat d'agent commercial du 1er janvier 2000 au 28 juillet 2004 et en ce qu'il dit que la rupture de ce contrat est intervenue à l'initiative de la SRL Marini Silvano qui en supporte les conséquences ; - réformant le jugement pour le surplus et statuant à nouveau sur les sommes dues ; - déclare mal fondée la demande en paiement de commissions de la SARL AMG 2R qui l'évaluait à 50 847,75 euro ; - condamne la SRL Marino Silvano à payer à la société AMG 2R, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2004, date de l'envoi de l'assignation, les sommes de quatre mille euro (4 000 euro) au titre du préavis et de quarante mille euro (40 000 euro) au titre de l'indemnité de rupture ; - déboute la SARL AMG 2R de toutes ses autres demandes faites dans cette instance ; - condamne la SRL Marini Silvano à verser à la SARL AMG 2R la somme de trois mille cinq cents euro (3 500 euro) en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamne la SRL Marini Silvano aux dépens de première instance, aux dépens de l'arrêt cassé en date du 30 avril 2008 et aux dépens de cet appel ; - autorise la Société civile professionnelle (SCP) Brondel-Tudela, avoués, à recouvrer ceux-ci aux formes et conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.